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Titre : Nouveaux éléments de matière médicale et de thérapeutique, exposé de l'action physiologique et thérapeutique des médicaments / par H. Nothnagel,... M. J. Rossbach,... ; ouvrage traduit sur la 6e édition allemande et annoté par le Dr J. Alquier ; précédé d'une introduction par Ch. Bouchard,...
Auteur : Nothnagel, Hermann (1841-1905). Auteur du texte
Éditeur : (Paris)
Date d'édition : 1889
Contributeur : Alquier, Jules (Dr). Traducteur
Contributeur : Bouchard, Charles (1837-1915). Préfacier
Sujet : Thérapeutique
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb300141375
Type : monographie imprimée
Langue : français
Langue : Français
Format : 1 vol. (XXXII-914 p.) ; In-8°
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Description : Contient une table des matières
Description : Avec mode texte
Description : Ouvrages de référence
Droits : Consultable en ligne
Droits : Public domain
Identifiant : ark:/12148/bpt6k56027044
Source : Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, 8-TE3-17 (A)
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/09/2009
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NOUVEAUX ÉLÉMENTS
DE
MATIÈRE MÉDICALE
ET DE
LYON. — IMPRIMERIE PITRAT AINE, RUE GENTIL 4.
NOUVEAUX ELEMENTS
DE
MATIÈRE MÉDICALE
ET DE
DES MÉDICAMENTS
PAR
H NOTHNAGEL
PROFESSEUR A L' U N I VER.SIT É DE VIENNE
M.-J. ROSSBACH
PROFESSEUR A L'UNIVERSITÉ D'IÉNA
traduit sur la sixième édition allemande et annoté par le. docteur L'ALQUIER ALQUIER
PRÉCÉDÉ D'UNE INTRODUCTION
PAR
CH. BOUCHARD
Membre de l'Institut (Académie des Sciences) Professeur de pathologie et de thérapeutique générales à la Faculté,de médecine
de'Paris.
PARIS
LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE ET FILS
Rue Hàutefeuille, 19, près du boulevard Saint-Germain 1889
Tous droits réservés;
INTRODUCTION
Notre littérature médicale s'enrichit d'un nouveau traité de thérapeutique et de matière médicale. Le succès de l'édition allemande, la notoriété scientifique des auteurs, présagent à cette traduction une fortune qui n'a besoin pour s'établir d'aucune recommandation. Ce livre poursuivra son chemin et sera chez nous, comme il l'a été ailleurs, profitable aux élèves et aux médecins. A ceux qui ont été élevés à l'Ecole de Paris, il ne fera pas oublier les leçons de Gubler ; il n'affaiblira pas pour eux la trace lumineuse laissée par l'enseignement de Trousseau. Sa méthode n'a d'ailleurs rien de commun avec celle de ces maîtres; il s'écarte de leur oeuvre par les tendances comme par les procédés. Sous ce rapport, il offre à la critique des points intéressants de comparaison. Dégagé de toute préoccupation doctrinale, il résume avec concision, mais avec des détails suffisants, ce qui concerne la multitude des agents thérapeutiques ; il est avant tout l'inventaire de la matière médicale, mais ne saurait être considéré comme le compendium de la thérapeutique; car la matière médicale n'est pas plus la thérapeutique que les moyens d'exploration ne sont la pathologie. Ce n'est pas le livre des indications, c'est le recueil des remèdes. Il vise surtout l'application pratique immédiate. Nos compatriotes y apprendront avec intérêt ce qu'est la thérapeutique de nos voisins. Grâce à l'exposé détaillé des travaux étrangers, que nous connaissons moins, et à la mention plus discrète des travaux français, que nous ne pouvons pas ignorer, ils se remettront facilement en mémoire l'action physiologique des médicaments. Cette connaissance, qui date d'hier, s'impose de toute nécessité à quiconque veut pratiquer la. médecine. Ce n'est pas la base de la thérapeutique ; mais c'est la première condition requise pour choisir parmi les agents thérapeutiques. Connaître les effets physiologiques que provoquent les médicaments, c'est savoir comme on intervient. Si le médecin sait ce qu'il fait, il aura sans doute le désir de savoir aussi pourquoi il le fait; il recherchera les indications, se sentant capable de les remplir. Si le livre de MM. Nothnagel et Rossbach éveille cette curiosité chez le lecteur, il aura doublé les services qu'il peut rendre.
Je dois rendre hommage aux mérites de la traduction. Claire, concise,
elle est en même temps d'une scrupuleuse exactitude. M. le Dr Alquier s'est
acquitté avec un rare bonheur d'une tâche difficile. Grâce à lui, ce livre est
devenu vraiment français, sans rien perdre de sa physionomie propre.
En m'invitant à exposer les réflexions que me suggère la publication de
VI INTRODUCTION
cette traduction, les éditeurs n'ont pas entendu me demander de faire l'analyse d'un traité qui sera entre les mains de quiconque me lira. Je n'entreprendrai donc pas de faire connaître ce qui est contenu dans cet ouvrage ; je profiterai de l'hospitalité qui m'est gracieusement offerte pour soumettre au lecteur des idées que je ne juge pas indifférentes pour la pratique de notre art, et qu'il me semble bon d'évoquer chaque fois qu'on entreprend d'appliquer aux malades les agents de la matière médicale. Ce que je veux aborder, c'est la question de la méthode en thérapeutique, et je ne pense pas que nous soyons arrivés à ce point qu'il paraisse oiseux de s'occuper de méthode quand on veut faire passer une science des régions spéculatives sur le terrain de l'application.
Il est peut-être des médecins, il y a certainement des élèves, qui acceptent de confiance un traitement déterminé pour chaque maladie, et qui l'appliquent indifféremment à tous les cas particuliers. Ceux-là n'ont que faire de la méthode ; une mémoire bien meublée ou un recueil de recettes- disposées en regard du nom de chaque maladie suffit à guider leur conduite. Le médecin qui réfléchit a d'autres exigences; une intervention aveugle lui répugne; il ne lui convient pas d'entreprendre sur la vie de son semblable sans raisons, suffisantes. Il a besoin d'une méthode. Or, les méthodes en thérapeutique sont multiples. Elles permettent d'arriver au but, tantôt par des voies directes, tantôt par des chemins détournés; le choix n'est pas indifférent; telle route convient mieux pour telle maladie ou pour tel malade, pour tel médecin ou pour telle époque médicale. Il en est en thérapeutique comme dans toutes les sciences d'observation : la variété des méthodes n'est ni une richesse ni une indigence, elle est une nécessité ; les procédés varient suivant les moyens d'action et suivant le degré de connaissance qu'on a des maladies auxquelles on veut appliquer ces moyens. Beaucoup de praticiens ne se doutent pas qu'ils suivent une méthode et ne soupçonnent pas qu'il y a des méthodes. Ils suivent leur voie par routine et sans réflexion. Celui qui veut discerner et choisir est obligé de savoir qu'il y a des thérapeutiques.
Il y a d'abord une thérapeutique pathogénique, qui, connaissant ou croyant connaître la cause de la maladie, s'attaque à cette cause; elle distingue des causes à action passagère, mais à effets prolongés, et des causes qui s'attachent à l'organisme et exercent sur lui une action continue, permanente ; elle trouve rarement l'occasion d'intervenir dans le premier cas, mais institue dans le second un siège régulier contre l'agent morbifique et s'efforce de le déloger, de le neutraliser, de l'annihiler. Cette thérapeutique s'attaque aussi aux conditions secondaires anormales qui, engendrées par l'agent pathogénique, pourraient à leur tour déterminer des perturbations nouvelles. Les écarts hygiéniques habituels, les intoxications, les corps étrangers, le parasitisme, les maladies infectieuses ou virulentes, les vices constitutionnels de la nutrition, héréditaires ou acquis, sont les éléments étiologiques que cette thérapeutique s'efforce d'atteindre. Si la cause prochaine lui échappe, elle ne désarme pas et dirige son action contre les causes
INTRODUCTION VII
de second ordre, contre ces désordres qui vont devenir causes et qui constituent l'enchaînement pathogénique des accidents successifs.
Il y a une thérapeutique naturiste, qui ignore la cause productrice de la maladie et les conditions de genèse des accidents morbides, mais qui sait que la maladie a une évolution naturelle, aboutissant généralement à la guérison. Cette thérapeutique observe sans parti pris la lutte de l'organisme et les manifestations de l'effort spontané qui tend à ramener l'équilibre. Elle constate que, pour les principaux groupes pathologiques, des phénomènes particuliers précèdent l'amendement et annoncent la guérison ; elle s'attache à ces symptômes pronostiques favorables et cherche à imiter, ou à favoriser, ou à provoquer ces crises salutaires, soit qu'elles produisent des hémorragies, soit qu'elles suscitent des sécrétions sudorales ou urinaires, soit qu'elles déterminent des évacuations diarrhéiques. Quand elle cherche à amener un de ces mouvements naturels, elle pose l'indication d'une médication, sans se préoccuper outre mesure du médicament qui la réalisera. La thérapeutique naturiste ignore donc la pathogénie ; mais elle connaît l'évolution naturelle des maladies curables, et c'est dans cette connaissance qu'elle puise ses inspirations. Si elle ne parvient pas à discerner quel mouvement organique spontané peut être utile, ou si elle ne réussit pas à le réaliser, elle se résout à attendre que la tempête s'apaise, et se borne à empêcher l'organisme de s'affaiblir, soit en lui fournissant les éléments réparateurs, soit en entretenant ou en stimulant son énergie, afin qu'il ait le temps et la force de soutenir jusqu'au bout un combat dont elle sait que la durée est limitée, mais dont elle ne comprend pas la tactique et dont elle ignore la stratégie. Elle agit comme une armée de secours qui, se sentant incapable de débloquer une ville assiégée, restreint son rôle à faire passer dans la place des vivres et des munitions. La thérapeutique naturiste part de ce principe que ce n'est pas le médecin qui guérit le malade, mais que c'est le malade qui se guérit luimême, grâce à la révolte spontanée de son organisme contre les entreprises de la cause morbifique.
La thérapeutique symptomatique ne se préoccupe ni de la cause ni du mode de genèse des maladies. Elle néglige les enseignements que peut lui fournir l'évolution naturelle et ne consent pas à imiter la nature en favoririsant ou provoquant ces mouvements organiques spontanés qui paraissent être la manifestation de l'effort curateur naturel, qui sont au moins le signe précurseur de la guérison. Elle feint d'ignorer tout de la maladie et ne considère que l'état de souffrance de l'organisme, satisfaite si elle parvient à pallier quelques-uns des éléments de cette souffrance. Il lui suffit de réduire la douleur, de modérer la fièvre, de dissiper les mouvements fluxionnaires, sans se préoccuper de savoir si la fièvre ne joue pas parfois un rôle utile, si les fluxions n'ont pas dans certains cas un effet avantageux. En présence d'un édifice branlant et vermoulu, elle se borne à réparer les dégâts apparents, à boucher les fissures, et pense avoir rempli son rôle si la façade garde bonne apparence. Pendant ce temps, la cause morbifique poursuit son oeuvre de destruction ; pendant ce temps aussi l'organisme travaille seul à la restauration.
VIII INTRODUCTION
Dangereuse quelquefois, la thérapeutique symptomatique rend souvent des services qu'il ne convient pas de dédaigner. Bien des éléments de la souffrance d'un organisme malade n'ont pas une action salutaire, et il convient de réprimer le malaise ou la douleur qui en peuvent résulter.
La thérapeutique dite physiologique ne diffère pas, au fond, de la thérapeutique symptomatique ; elle s'engage dans la même ornière et poursuit le même but, mais avec plus de finesse et de pénétration. Elle considère les actes morbides en ce qu'ils sont, non dans ce qui les produit ; mais elle ne s'attaque plus aux seuls désordres apparents ou superficiels; elle fouille plus profondément, dissèque la complexité de l'état pathologique, isole les troubles physiologiques qui le composent, et, sans s'inquiéter de leur genèse, leur oppose les agents thérapeutiques capables de provoquer des actes physiologiques inverses ; aux paralysies vasculaires, elle oppose les vaso-constricteurs,aux convulsions les agents paralysants, à l'hyperthermie les réfrigérants. La notion de la maladie disparaît, l'idée de l'évolution naturelle est méconnue. Une intervention toujours active et tumultueuse vient souvent contrarier l'effort naturel, ou, d'aventure, le ramène aux proportions régulières. Le bien comme le mal peuvent, à l'occasion, résulter d'une telle pratique.
Il ne convient pas de pousser plus loin la critique, et. il serait injuste de méconnaître les services immenses que la thérapeutique physiologique a rendus. Si elle néglige trop la maladie, si elle méconnaît les indications vraiment médicales, elle a dirigé toute son attention sur les agents thérapeutiques, elle a mis en valeur la matière médicale, elle a montré l'action physiologique de chaque remède, fixé sa place, déterminé le rôle qui lui appartient. A ce titre, toutes les autres méthodes de traitement sont ses tributaires, c'est à sa source qu'elles viennent s'alimenter.
La thérapeutique empirique n'est pas une méthode scientifique : c'est l'oeuvre du hasard, c'est l'ensemble des préceptes, des' maximes, des formules, des recettes que les vieux âges, comme le temps présent, ont accumulés ; c'est le monceau de ces agents thérapeutiques dont les bons effets ont été révélés par l'observation fortuite ou par les caprices de l'expérimentation. Si la science ne procède pas de cette façon, elle profite des trouvailles de ces tentatives téméraires et désordonnées, entreprises sans idée directrice ou guidées par des théories imaginaires. C'est la thérapeutique empirique qui, puisant le plus souvent à des sources peu glorieuses ou peu avouables, a accumulé ces innombrables matériaux que la thérapeutique physiologique étudie, coordonne, illumine en révélant leur action sur l'organisme, de sorte que les autres méthodes thérapeutiques peuvent les employer enfin pour réaliser les indications. La thérapeutique empirique a été le premier essai de l'esprit humain dans le domaine de la médecine. Avant d'étudier les maladies, le premier sentiment, le premier besoin a été de venir au secours de l'homme qui souffrait; on pouvait tout tenter quand on ne connaissait rien. Sur le nombre, quelques moyens se montrèrent efficaces, on en garda le souvenir qui fut conservé par la tradition. Pour étudier les maladies, leurs manifestations, leurs causes, il fallait une culture intellec-
INTRODUCTION
tuelle et des loisirs que seul pouvait donner un état social plus avancé. Quand on entreprit d'instituer la pathologie, la thérapeutique était déjà ancienne: c'était la thérapeutique empirique. Elle n'a pas disparu avec le .progrès de la science; mais elle ne s'est pas bornée à ce rôle infime. Elle a appelé à son aide l'observation. Elle a reconnu que tous les remèdes qui avaient apporté du soulagement à des souffrances humaines n'étaient pas applicables à toutes les maladies; que, dans une maladie où il s'était montré utile, tel médicament ne convenait pas à tous les cas ; mais que son effet avantageux ne se manifestait que dans telle forme ou dans telle période; et qu'il était réclamé seulement par telle complication ou par tel symptôme. Ainsi a pu être établi sans idées préconçues, sans visées théoriques, sans conceptions systématiques, ce que l'on a appelé les indications empiriques des médicaments. Ce jugement porté sur la valeur comparée de divers médicaments, dans des conditions déterminées, suppose la connaissance de la marche, de l'évolution, de la terminaison naturelles des maladies; cela suppose aussi que l'on peut comparer cette marche, cette évolution, cette terminaison dans les cas où la maladie est abandonnée à elle-même et dans ceux où elle est influencée par l'agent thérapeutique ; or cette détermination est ce qu'il y a de plus délicat, sinon de plus difficile, dans les appréciations médicales. Si cette abstraction qu'on nomme une maladie constitue un type défini, l'entité concrète, le malade, varie à l'infini. On peut, presque avec certitude, pronostiquer qu'un pneumonique guérira, qu'un autre pneumonique succombera. En logique rigoureuse, il ne devrait être question de pronostic que pour les individus. Or, nous ne savons pas nous défendre de ce besoin fort légitime de nous renseigner sur le degré de gravité des maladies, admettant implicitement, par une sorte de sophisme, la variabilité d'un type. Pour faire cette estimation du degré de gravité d'une maladie, nous prenons des moyennes, nous additionnons arbitrairement des unités dissemblables. La logique a beau protester, il nous importe de savoir que, sur cent cas de pneumonie livrés à la méthode expectante, la mort survient onze fois. Nous cherchons à atténuer, autant qu'il est possible, l'erreur de cette donnée statistique, en ne faisant pas intervenir dans le calcul les pneumonies des enfants qui guérissent presque constamment, ni les pneumonies des vieillards dont la mortalité est si considérable ; nous excluons également celles qui surviennent chez des sujets débilités par d'autres affections ou celles qui se développent sous l'influence de constitutions médicales particulièrement fâcheuses ; nous cherchons enfin à corriger le vice inévitable de toute statistique médicale en réunissant le plus grand nombre possible d'observations; nous arrivons ainsi à une moyenne qui ne nous satisfait pas, mais, qui nous est indispensable. Appliquant les mêmes procédés de numération aux pneumonies soumises aux divers modes de traitement, nous arrivons à de nouvelles moyennes, toujours fautives, mais qui seules cependant peuven t nous permettre de porter un jugement sur les méthodes thérapeutiques. Je ne sais rien de plus barbare qu'un tel procédé de recherche, mais je ne sais rien qu'on puisse lui substituer. Ainsi s'est constituée une nouvelle méthode,
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la thérapeutique statistique. Elle est vicieuse dans son principe, elle est vicieuse dans ses procédés, elle n'est qu'un empirisme effréné, et cependant je défie que l'on apprécie sans elle la valeur d'une méthode de traitement : car elle n'est autre chose que l'observation, l'observation qui gagne en généralité ce qu'elle perd en précision. Cette méthode empirique ne juge pas seulement la valeur des moyens empiriques, elle apprécie toutes les autres méthodes et prononce sur l'efficacité relative de tous les modes de traitement; elle pose donc à son tour des indications générales. Cette méthode tant exaltée et tant décriée n'invente rien, mais elle juge, et sa magistrature s'étend à tout ce qui a la prétention de guérir. Quelque réserve qu'il convienne de faire sur l'infaillibilité de ses jugements, quelque dédain qu'on puisse afficher pour cette méthode numérique, il n'est aucun médecin qui ne lui rende témoignage : car il n'est aucun médecin qui n'ait ou qui ne désire avoir une opinion sur la valeur relative des procédés de traitement. Nul ne les jugera d'après l'effet heureux ou malheureux observé dans un cas isolé; tous attendent pour se prononcer que l'expérience se soit multipliée. Le médecin qui invoque, à l'appui de ses préférences, l'impression qui résulte pour lui d'une pratique étendue, fait de la thérapeutique statistique; seulement il fait sa statistique de mémoire et par à peu près. Nous avons tous de ces impressions, et il se rencontre que, si nous avons gardé les observations qui ont fait naître ces impressions, si nous les compulsons, si nous les analysons, si nous les comptons, nous sommes souvent obligés de reconnaître que notre arithmétique mentale était erronée et que nos impressions étaient inexactes. Un médecin digne de ce nom saura choisir les éléments de son calcul : il n'ira pas, par exemple, appliquer à la thérapeutique des vieillards les données numériques qui semblent vraies pour la médecine des enfants ; il se tiendra en défiance contre les statistiques en bloc basées sur des observations venues on ne sait d'où et placées hors de portée de la critique. Mais il maintiendra la prévalence des conclusions déduites de faits qu'il a observés, qu'il a pesés, qu'il acomptés. C'est à dire que les meilleures statistiques sont les statistiques individuelles. Quand de semblables statistiques, fournies par des médecins qui savent observer et qui savent critiquer, donnent des résultats concordants, il s'établit en thérapeutique une opinion moyenne qui reste sujette à revision, mais dont il serait téméraire de ne pas tenir compte.
J'ai passé en revue tous les procédés au moyen desquels l'esprit humain arrive à concevoir ou à appliquer les moyens de traitement par lesquels il se propose de venir en aide à l'homme malade. Ces thérapeutiques pathogénique, naturiste, symptomatique, physiologique, empirique, statistique, c'est toute la thérapeutique. C'est toute la thérapeutique dans le présent, comme dans le passé, comme dans l'avenir. Je ne vois pas de remède ou de médication qui ne ressortisse à l'une de ces méthodes; je n'en conçois pas qui ne puisse rentrer dans cette classification. Ce ne sont pas des thérapeutiques différentes qu'on doive opposer l'une à l'autre; ce sont des méthodes variées
INTRODUCTION X1
d'une même science et d'un même art, capables de se prêter appui, de se suppléer, de se contrôler, poursuivant un même but par dés voies différentes, mais non divergentes, inégales, sans doute, dans leur dignité comme dans leurs destinées, les unes condamnées à s'amoindrir et à s'effacer devant d'autres que le progrès de la science appellera à la suprématie. Je doute que l'effacement soit jamais complet et qu'aucune d'elles disparaisse totalement.
L'avenir appartient à la thérapeutique pathogénique, dont les indications seront réalisées par la thérapeutique physiologique avec le contrôle de la thérapeutique statistique. Mais combien nous sommes éloignés de cette réalisation idéale ! Combien de siècles encore la médecine ne devra-t- elle pas accepter l'assistance de la thérapeutique naturiste, de la thérapeutique symptomatique, même de la thérapeutique empirique !
La thérapeutique pathogénique suffirait à poser les indications du traitement, si une telle science était réalisée, c'est-à-dire si la pathologie était scientifiquement constituée. Pour que cette méthode devînt le guide exclusif ou prépondérant de la pratique médicale, il faudrait que les causes et surtout que la cause prochaine de toute maladie fût connue ; que l'on saisît clairement lé lieu et le mode d'application de cette cause, la nature de son conflit avec l'organisme, le processus réactionnel qu'elle provoque immédiatement, les conditions anormales secondaires qui en résultent et les troubles deutéropathiques qu'elles entraînent. Si j'excepte quelques maladies infectieuses qui sortent à peine du domaine expérimental, je puis dire que, de tout cela, on ignore à peu près tout pour presque toutes les maladies. Mais si l'un de ces points est connu, il serait insensé de ne pas en déduire l'indication qu'il révèle, et criminel de ne pas réaliser cette indication, sous prétexte que, d'autres points restant inconnus, les autres indications nous échappent. Si l'on sait qu'une maladie est produite par un corps étranger ou si l'on connaît sa nature parasitaire, on en déduit des indications qui, pour incomplètes qu'elles sont, ne doivent pas être négligées.
A défaut de cette connaissance positive de la cause et de la nature d'une maladie, on imagine cette cause et l'on se figure cette nature ; on se fait une théorie plus ou moins vraisemblable, et de cette vue systématique on déduit avec aisance les indications thérapeutiques. On fait ainsi encore une thérapeutique pathogénique qu'on appellera rationnelle, ou même scientifique, qui vaudra, en fait, ce que vaut l'hypothèse. C'est ce qu'on fait chaque jour ; c'est ce qu'on a toujours fait: jeu dangereux s'il en faut juger par l'inanité et l'incohérence de tant de méthodes de traitement qu'ont traînées à leur suite tous les systèmes médicaux, toutes lés doctrines des temps passés. C'est là l'écueil et le danger de la thérapeutique pathogénique, non que je redoute absolument l'introduction de l'hypothèse en médecine, même en thérapeutique; mais parce qu'on oublie trop vite que c'est sur une hypothèse que l'on édifie, et parce que cet oubli empêche de faire, comme il convient, appel au contrôle de l'observation pure. La thérapeutique pathogénique est déduite de la conception théorique des maladies, et comme cette conception a varié suivant les âges, elle a été soumise aux mêmes varia-
XII INTRODUCTION
lions. Elle deviendra la loi immuable de l'intervention médieale le jour seulement où la pathologie sera solidement assise et définitivement^ constituée. Sa réalisation est donc encore lointaine ; elle est le but idéal vers lequel s'achemine péniblement la médecine. Le travail du temps présent soulève quelques coins du voile et révèle, à de rares intervalles, quelques indications pathogéniques positives. En dehors de ces données précieuses, toute thérapeutique pathogénique rentre dans le domaine de l'hypothèse. Sur ce terrain, il convient de ne s'aventurer qu'avec circonspection; mais il ne saurait être interdit de l'explorer. La médecine n'a pas le droit de se renfermer dans la contemplation pure, dans la méditation platonique ; le malade réclame impérieusement notre intervention, l'action s'impose à nous comme une nécessité inéluctable ; il faut agir, marcher, même dans les ténèbres, sans attendre l'avénement de la pleine lumière. Mais cette marche ténébreuse ne doit pas être une agitation incoordonnée. Si le phare n'est pas en vue, si l'indication pathogénique scientifique reste voilée, il est permis de choisir arbitrairement sa direction en s'inspirant des probabilités qui, chaque jour, serrent de plus près la vérité. Maison on ne doit avancer qu'avec précaution, en interrogeant l'horizon, en sondant les profondeurs, en'faisant un appel incessant à l'observation pour rectifier la route et pour éviter les écueils. De la sorte on n'échappe pas toujours au naufrage, mais on arrive souvent au port. Une telle méthode ne saurait être proposée comme le dernier terme des aspirations scientifiques ; mais elle nous est imposée par l'état insuffisant de la science et par l'obligation professionnelle. A défaut de la notion pathogénique démontrée, nous prenons pour guide une théorie probable ; c'est l'hypothèse provisoire à la façon de Descartes ; c'est notre viatique à travers l'inconnu. Tel est le rôle des systèmes en médecine. Inutiles et encombrants pour la science, ils sont indispensables pour la pratique. Il faut savoir qu'ils sont défectueux et reconnaître qu'ils sont nécessaires. Ainsi chaque âge a eu sa doctrine, jamais parfaite, souvent mauvaise. Tâchons que notre doctrine ne soit pas pire. Si le thérapeute moderne veut faire le plus de bien possible et le moins de mal possible, il faut avant tout qu'il veille à son éducation pathologique, afin que sa doctrine ne soit pas en opposition avec les faits acquis : il faut également qu'il se rompe aux difficultés et aux délicatesses de l'observation clinique, afin de ne pas rester sourd aux indications que l'examen du malade peut lui fournir pour rectifier une direction qui n'est jamais certaine et qui ne doit pas rester invariable.
Ainsi la thérapeutique pathogénique s'impose quand elle est scientifiquement établie ; elle reste licite, utile, nécessaire, quand elle ne repose encore que sur l'hypothèse. Je dis que, même alors, elle est nécessaire, parce que nous ne pouvons pas nous soustraire à l'obligation d'intervenir, et parce que les autres méthodes thérapeutiques basées sur l'observation pure sont d'ordinaire insuffisantes ; parce que les indications naturistes sont rarement évidentes ; parce que la thérapeutique symptomatique, parfois dangereuse, est le plus souvent vaine ; parce que la thérapeutique statistique est encore dans l'enfance.
INTRODUCTION XIII
J'ai rangé la thérapeutique naturiste parmi ces méthodes de traitement qui se déduisent de l'observation pure. Je ne dois pas dissimuler que, si elle s'inspire des notions empiriques relatives à la marche naturelle des maladies et aux manifestations symptomatiques qui présagent une issue favorable, elle ne s'affranchit pas pour cela de l'hypothèse. J'ajoute qu'elle tend à s'élever à la hauteur d'une méthode vraiment scientifique, et qu'elle arrivera à se confondre avec la thérapeutique pathogénique. La thérapeutique naturiste, persuadée que la maladie aiguë tend vers la guérison, et ayant appris, par l'observation, qu'un certain ensemble symptomatique annonce le retour à la santé, suppose que ces symptômes sont l'expression d'un travail intime qui précède ou qui prépare, qui accompagne ou qui accomplit la crise. Elle cherche à saisir, chez le malade, les premiers indices de ce travail, et met tous ses soins à éloigner ce qui pourrait le troubler, à faire naître les circonstances qui pourraient le favoriser. Elle voit donc, derrière les signes critiques, l'acte curateur, l'effort de la nature médicatrice. Le jour où elle connaîtra la nature de l'acte curateur, la thérapeutique naturiste saura quelle modification fonctionnelle elle doit provoquer pour produire la guérison suivant les procédés naturels. Ce jour-là elle cessera d'être une méthode à part et rentrera dans la thérapeutique pathogénique. En attendant, elle garde son autonomie et se maintient distincte de toutes les autres méthodes. Elle ne s'ingénie pas à copier servilement un symptôme réputé critique : si la guérison de la pneumonie est marquée par la chute brusque de la température et par la réapparition des chlorures dans les urines, il ne lui vient pas à l'esprit d'administrer au septième jour le sel à l'intérieur ou de plonger le malade dans un bain froid. Elle a l'intuition qu'il se passe alors, dans les profondeurs de l'organisme, un travail qui se traduit à la surface par des symptômes accessoires. Elle respecte ces symptômes, de peur de compromettre le travail inconnu qui les produit ; mais c'est pour ce travail qu'elle réserve toute sa sollicitude, c'est lui qu'elle protège contre toute cause de perturbation. Son rôle est surtout expectant, parce que la nature de ce travail lui échappe encore. Quand une crise s'accompagne d'une diaphorèse abondante, où est l'effet utile ? est-ce la spoliation aqueuse ? est-ce l'élimination d'un principe toxique par les sueurs? est-ce la détente des vaisseaux de la peau, qui va amener un abaissement de la tension vasculaire et accélérer la circulation générale ? est-ce la réfrigération qui résulte de l'afflux sanguin plus abondant vers une surface où s'opère en même temps une rapide évaporation ? n'est-ce pas quelque acte plus profond dont cette activité circulatoire et sécrétoire du tégument n'est qu'un effet surajouté et peut-être indifférent? Tout cela est ignoré; mais quand tout cela sera connu, la thérapeutique naturiste, ne craignant plus de s'égarer dans une intervention malencontreuse, ne se confinera plus dans un rôle effacé et apportera à la nature mèdicatrice une collaboration active.
Si la thérapeutique pathogénique et la thérapeutique naturiste considèrent la maladie dans son ensemble et envisagent l'être malade dans sa totalité, la thérapeutique symptomatique, comme la thérapeutique physiologique,
XIV INTRODUCTION
fragmentent la maladie pour s'attaquer à ses éléments isolés, et ne tentent de porter leur action que sur les organes ou sur les systèmes, non sur l'organisme entier. Si, pour elles, la notion de la maladie disparaît et si l'idée de l'économie vivante et réagissante s'obscurcit, elles ne puisent pas moins leurs indications dans la pathologie et dans la clinique. Ce ne sont pas des méthodes curatives ; elles se contentent d'un rôle palliatif et puisent leurs indications, non dans la nature et l'évolution de la maladie, mais dans les symptômes dominants, dans les lésions surajoutées, dans les troubles physiologiques inquiétants. Elles modèrent la douleur, calment les spasmes, dissipent les mouvements fluxionnaires, arrêtent les hémorragies, réduisent ou activent les sécrétions, évacuent les collections liquides ; elles modifient mécaniquement l'état anatomique ou changent l'activité fonctionnelle des parties. Elles suppriment certains éléments de la souffrance ; l'organisme fait le reste et procède à la curation.Ces méthodes, plus modestes dans leur but, sont généralement plus audacieuses dans leurs moyens d'action. En tout cas, elles poursuivent systématiquement un but ; et ce but, qui peut paraître trop étroit, leur est indiqué par la connaissance de la maladie et par l'examen du malade. Si les méthodes pathogénique et naturiste s'inspirent de l'étiologie, de la pathogénie et de la marche évolutive des maladies, les méthodes symptomatique et physiologique vont chercher leurs indications dans l'anatomie et dans la physiologie pathologiques comme aussi dans la constatation des symptômes.
Pour toutes ces méthodes thérapeutiques, le point de départ c'est la science des maladies. Au contraire, la thérapeutique empirique a pour fondement la connaissance des médicaments. La thérapeutique empirique ignore ou dédaigne les systèmes ; elle ne connaît de la maladie que le nom et du malade que les symptômes ; elle ne cherche ni le pourquoi ni le comment des accidents morbides, et ne se préoccupe même pas du mode d'action des médicaments. Ce qu'elle possède, c'est l'arsenal des agents thérapeutiques dont la longue et patiente expérience du passé a enrichi la matière médicale, des remèdes que l'expérimentation hâtive du temps présent a voulu y introduire ; ce sont tous ces médicaments sur chacun desquels l'observation empirique a inscrit cette rubrique : bon pour la pneumonie, bon pour le rhumatisme, à employer dans la fièvre, à conseiller contre la douleur. La médecine peut rougir d'une telle alliance ; la science peut protester contre cette intrusion de l'empirisme. C'est de cet empirisme que la science s'est dégagée, et cet empirisme garde sa raison d'être parce que la science est encore insuffisante. Le médecin continue à puiser à cette source empirique, parce qu'il est des circonstances où nulle indication scientifique n'apparaît, et parce que, obligé d'agir, il est encore heureux de savoir par l'expérience d'autrui que tel médicament s'est montré efficace dans des cas analogues à celui qu'il doit traiter. La thérapeutique empirique n'est pas une méthode de choix, c'est une méthode de nécessité. On la méprise, mais on l'utilise, et elle se venge de tous les dédains en jugeant toutes les méthodes. Rien ne se fait en médecine pratique qui n'ait à subir
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le contrôle de l'observation. Si la théorie conduit au choix rationnel d'un traitement qui sera démontré empiriquement mauvais, c'est que la théorie est inexacte ou les déductions fautives. En dépit de tous les arguments doctrinaux, la médication est jugée sans appel par l'expérience. En thérapeutique, l'empirisme tantôt supplée à l'indigence de la science, tantôt prononce sur la valeur des applications de la science. En tout cas, rien ne vaut, qui n'a pas obtenu sa sanction. Au point de vue de l'invention, l'empirisme doit reculer incessamment devant les progrès de la science : au point de vue du contrôle et de la consécration, il garde sa suprématie et, comme je disais tout à l'heure, sa magistrature.
J'ai analysé les diverses méthodes qui peuvent servir de guide au médecin dans ses efforts pour arriver à la. curation des maladies ; j'ai déterminé le degré de compétence de chacune d'elles. De ces méthodes, les unes cherchent l'action thérapeutique qui doit être produite, elles posent les indications; les autres cherchent l'agent.qui pourra produire cette action, elles réalisent les indications. Les indications en thérapeutique se déduisent de l'étiologie, de la pathogénie, de l'évolution morbide ; elles sont fournies également par la connaissance de l'acte curateur naturel, ou au moins par la constatation des signes qui révèlent cet acte curateur ; elles résultent aussi de l'apparition de certains symptômes, des particularités anatomiques ou physiologiques de certains accidents morbides. En d'autres termes, c'est la connaissance de la maladie et l'examen du malade, c'est la pathologie et la clinique qui posent les indications. On arrive à réaliser les indications par la connaissance des actes physiologiques que déterminent les médicaments. C'est la physiologie qui guide dans le choix des agents de la matière médicale. Si l'indication reste obscure, ou si l'on ignore quel remède pourrait provoquer l'acte physiologique utile, et si, quand même, on se décide à intervenir, on est réduit à faire de la thérapeutique empirique. En dehors de l'empirisme, il n'y a donc en thérapeutique que deux choses: la pathologie qui pose les indications, la physiologie qui les réalise. Ces deux éléments de l'action médicale sont indissolubles. La science des indications serait vaine, si elle ne possédait pas le moyen de les réaliser ; l'emploi des médicaments serait téméraire, s'il n'était guidé par aucune idée directrice. La subordination de ces deux termes de l'intervention thérapeutique est évidente. L'opération préalable, c'est la détermination des indications. Le langage médical a depuis longtemps établi la distinction : la connaissance des médicaments et de leur action physiologique est du domaine de la matière médicale ; la thérapeutique proprement dite est donc avant tout la science des indications, et, à ce titre, dérive tout entière de la pathologie. Il en résulte qu'on peut être un excellent physiologiste et un détestable thérapeute, mais qu'on ne sera un bon thérapeute qu'à la condition d'être, d'abord, un excellent pathologiste.
Ainsi, quand on arrive au terme suprême, au but définitif de la médecine, au traitement du malade, on est obligé de se reporter aux notions primor-
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diales, à la pathologie. Or, cette base de la thérapeutique est incomplète, incertaine et mouvante. Ce qu'il y a de plus positif en pathologie, c'est la nosographie. On décrit assez bien les maladies, on ne les connaît pas dans leur intimité. A défaut de notions positives, on procède par hypothèses, on institue des systèmes, on se compose une doctrine. J'ai dit déjà ce que je pense de l'utilité, de la nécessité de ces conceptions arbitraires des maladies, et je ne doute pas que la multiplicité des systèmes en médecine ait eu pour cause le besoin de posséder une idée doctrinale qui servît de guide pour la pratique. Et si aucune époque ne s'est montrée autant que la nôtre indifférente aux questions de doctrine, ce n'est pas en raison d'un dédain stoïque pour tout ce qui n'est pas notion positive ; c'est parce que le grand mouvement scientifique de ce siècle a fourni dés aliments suffisants à notre curiosité dans le domaine de l'anatomie pathologique, de l'exploration clinique, de la physiologie, de la chimie biologique, de la pathologie expérimentale. Sur tous ces terrains, la culture a été intense, la moisson merveilleuse. On s'est désintéressé, du reste, on a négligé la thérapeutique. On a assisté à ce spectacle : les élèves apprenant les lésions et les signes des maladies, omettant de se renseigner sur le traitement ; des médecins passant un temps considérable à démêler les symptômes et à poser le diagnostic, puis oubliant de formuler un traitement, ou accomplissant cette obligation importune par bienséance, à la hâte et à la légère, comme un vain cérémonial. Assurer le diagnostic, constater les lésions cadavériques, c'était le but de l'activité médicale ; traiter n'était plus qu'une concession aux exigences et aux préjugés du public. Pour un pareil travail, la doctrine était superflue. Aussi le dernier essai doctrinal, malgré sa puissance, malgré la violence de son promoteur, n'a-t-il pas détourné longtemps l'attention fascinée par les merveilles de l'auscultation et par les révélations de l'anatomie pathologique. La chaire de Broussais resta déserte ; on se pressait aux leçons de Laennec et d'Andral. Il ne faut pas s'en plaindre : car la doctrine n'était pas assez large pour abriter les découvertes modernes. Mais ce qu'il faut constater, c'est que, à partir de ce moment, on se passa de doctrine. Sans doute, il surgit un nouveau théoricien de la maladie, dont l'oeuvre immense a laissé sa marque sur la médecine contemporaine ; mais Virchow n'a fait qu'accentuer, en l'épurant, la réforme des organiciens. En substituant l'unité individuelle, la cellule, à l'unité sociale, l'organisme ; en montrant que toute maladie comme toute vie dépend des activités cellulaires, il a déplacé la pathologie, il ne l'a pas transformée. Si la doctrine étroite de Broussais eut pour corollaire une révolution en thérapeutique, la doctrine de Virchow n'a exercé qu'une médiocre influence sur le traitement des maladies.
On se ferait une idée bien fausse de la nature humaine, si l'on pensait que le médecin peut se désintéresser longtemps de la thérapeutique. Mais qu'est-il résulté de cette absence de doctrine? C'est que, n'ayant plus de guide pour la conduite du traitement, on est revenu, sous le couvert de la physiologie, aux pratiques les plus grossières de la thérapeutique empirique. Les indications restant muettes, on a multiplié les agents de la
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matière médicale, et l'on a abouti à cette formule : Il n'y a pas de médications, il n'y a que des médicaments.
Il est temps, ce me semble, de sortir de cette impasse ; il importe de rendre à la thérapeutique sa dignité, de ne plus la confondre avec la matière médicale, de remettre en honneur la recherche des indications. C'est dire, et je pense ne plus avoir besoin de le démontrer, qu'il faut, de toute nécessité, se refaire une doctrine. La doctrine qui convient au temps présent ne doit pas, ne peut pas ressembler aux systèmes des autres époques. Il ne peut pas être question de formuler des dogmes immuables, embrassant la pathologie dans sa totalité et soumettant tous les faits au joug de quelques principes. Notre doctrine né saurait avoir rien d'absolu, rien d'universel. Elle n'est pas la loi qui domine les faits : elle est l'expression générale des faits que l'observation révèle ; elle reste donc sujette à revision, comme tout ce qui est basé sur l'observation ; elle se perfectionne, s'étend et s'affermit à mesure que l'observation progresse, s'élargit et se consolide. La doctrine pour nous est un aboutissant, non un point de départ; elle est l'expression synthétique des faits communs, elle n'est pas le principe absolu d'où l'on pourrait déduire les faits particuliers. Il n'en est pas de la médecine comme de la mathématique ; les faits médicaux, les notions pathologiques ne prennent rang dans la science que lorsqu'ils ont été constatés objectivement ; on ne les reconnaît pas par voie de déduction. Ce que l'on peut déduire des formules générales, c'est l'indication de la conduite à tenir, c'est la direction qu'on peut donner à l'action thérapeutique ; mais ce n'est qu'une indication, et cette direction ne sera jugée légitime que si elle obtient la consécration de l'expérience.
Si nous, n'avons pas un système médical complet, si notre doctrine est fragmentaire, il y a des principes, les uns certains, les autres probables, à la lumière desquels nous pouvons marcher.
En aucun cas la cause ne peut être identifiée avec la maladie, la maladie n'est pas la cause. La maladie est l'ensemble des actes et des lésions provoqués par l'application de la cause, et des perturbations fonctionnelles ou organiques engendrées par les premiers désordres. La maladie est donc la manière d'être et d'agir de l'organisme à l'occasion de l'application de la cause morbifique. De ces deux termes : être et agir, l'un est contingent, l'autre nécessaire. Je puis concevoir une maladie sans lésion anatomique, je n'imagine pas une maladie sans trouble fonctionnel. Je comprends qu'une frayeur cause une convulsion sans modifier la forme, la structure, l'arrangement des éléments nerveux, sans produire d'autre modification matérielle que celle qui accompagne tout fonctionnement. Je ne consentirai pas à appeler maladieune altération d'organe, une cicatrice, par exemple, qui ne s'accompagnerait d'aucun trouble dynamique. Je ne me représente même pas une altération de structure qui n'ait pour condition préalable une perturbation fonctionnelle. Ce qui est essentiel dans la maladie, c'est donc un désordre vital.
Ce désordre vital occasionné par la cause morbifique peut entraver la
NOTHNAGEL et ROSSBACH, Thérapeutique
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libre exécution des fonctions et porter atteinte au sentiment de bien-être qui accompagne la santé; il peut même s'opposer aux actes essentiels de la vie et amener la mort. Mais cette conception pessimiste de la maladie ne contient qu'une part de la vérité. Il y a dans le désordre vital d'autres actes qui s'écartent du type fonctionnel normal, mais qui tendent à ramener l'équilibre, qui sont éléments constituants de la maladie, mais qui ont pour effet de la faire disparaître. Ce n'est là encore qu'une part de la vérité. Si la conception pessimiste était incomplète, considérer la maladie comme la réaction de l'organisme contre l'agent perturbateur, n'y voir que l'effort curateur naturel, serait également une conception optimiste trop exclusive. La maladie est l'état dynamique de l'organisme, à la fois subissant les atteintes de la cause morbifique et réagissant contre elle. Il appartient au médecin, au thérapeute, de distinguer ce qui dans le désordre vital est nuisible et de le corriger, de démêler ce qui est utile et de le favoriser.
Là ne se borne pas le rôle du médecin. Son action ne se porte pas toujours exclusivement sur l'organisme malade ; il doit parfois combattre la cause. Il est un grand nombre de causes qui se dérobent aux entreprises thérapeutiques; ce sont celles dont l'application est passagère, bien que le trouble organique soit plus ou moins durable. La plupart des traumatismes sont dans ce cas. Quand la lumière solaire ou quelques-uns des rayons de cette lumière activent et vicient la nutrition des éléments superficiels du derme, excitent les nerfs, provoquent des dilatations vascùlaires, amènent la multiplication des cellules épithéliales et l'accumulation du pigment, la cause a déjà cessé d'exister au moment où les premières manifestations de ses effets deviennent apparentes. Le médecin ne pourra donc rien contre cette cause; il assistera à l'évolution du trouble vital qu'elle a mis en jeu, et pourra tout au plus parer à quelques accidents et amoindrir certains symptômes. De même pour le chaud et pour le froid, pour le sec et pour l'humide. Si ces causes et bién d'autres sont hors des atteintes de la thérapeutique, elles n'échappent pas totalement à l'action médicale; la prophylaxie les poursuit, l'hygiène les empêche de produire la maladie. Mais il est d'autres causes qui, ainsi que je le disais tout à l'heure, s'attachent à l'organisme et continuent à exercer leur action pendant une période ou pendant toute la durée de la maladie. Sans parler des maladies toxiques et des maladies parasitaires, sans parler des maladies infectieuses et des maladies virulentes que tant d'analogies puissantes, que tant de raisons chaque jour plus convaincantes rapprochent des intoxications et du parasitisme, avec lesquels elles vont bientôt se confondre, toutes les maladies, soit aiguës, soit chroniques, qui dérivent d'un trouble de la nutrition, nous offrent des exemples de cette permanence de la cause que le médecin, s'il la connaît ou s'il la soupçonne, pourra atteindre avant l'éclosion de la maladie et pendant toute la durée de la maladie. Il y a là deux principes nouveaux en pathologie, deux indications dominantes en thérapeutique. Les époques antérieures en ont eu la prescience ; c'est à notre siècle qu'appartient l'honneur d'en avoir donné la formule et d'en avoir fourni la démonstration.
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Qu'il s'agisse de parasitisme ou de fermentation, les causes animées ont conquis leur place dans la pathogénie ; elles ont forcé les retranchements que leur opposait l'ancienne médecine. Après les entozoaires, après les végétaux parasites de la peau et des muqueuses, on vit apparaître la légion de ces corpuscules si minimes que tous les naturalistes ne sont pas d'accord sur le règne organique auquel ils appartiennent. On les connaît objectivement, on a étudié leur forme, leur développement, leurs phases successives; on les connaît aussi par les effets spécifiques que chaque espèce peut déterminer dans l'organisme vivant qu'ils infestent et qu'ils pénètrent dans sa totalité. Chacun d'eux est la cause d'une maladie ; mais aucun d'eux n'est cette maladie. En dépit de controverses bien'récentes, mais qui n'existent plus qu'à l'état de souvenirs, leur rôle pathogénique n'est plus sérieusement contesté par personne. Qu'il s'agisse des vers à soie ou du boeuf, on sait de science certaine qu'à une maladie déterminée correspond, comme élément causal, une espèce déterminée de microbes. La démonstration rigoureuse, irréfutable, est faite seulement pour quelques maladies. Mais à voir comment chaque jour l'expérimentation triomphe des résistances théoriques, on sent que tout le domaine des maladies infectieuses sera bientôt conquis par les nouvelles doctrines. On concède que les microbes n'épargnent pas l'homme, on veut au moins leur disputer le champ des maladies virulentes de l'homme. On fait déjà des sacrifices, on leur abandonne le charbon qui naguère était rangé sans conteste parmi les affections à virus. On fera, s'il le faut, d'autres concessions; mais on se réfugie, comme dans une citadelle, dans cette catégorie de maladies contagieuses qui créent l'immunité. Hier encore l'argument paraissait décisif. M. Pasteur, par l'exemple du choléra des poules, vient de démontrer que si l'on possède le secret d'atténuer la maladie, de la rendre curable, les mêmes microbes ne peuvent plus envahir l'organisme qui a subi une première fois leurs atteintes. Ces victoires partielles donnent à refléchir. La discussion abandonne le ton de la raillerie ; c'est aujourd'hui l'indignation, ce sera demain l'engouement, l'acquiescement aveugle, plus dangereux que l'opposition. La démonstration, je le répète, n'est donnée que pour un nombre de faits limités qui ne peuvent pas être scientifiquement érigés en doctrine. Mais, je l'ai dit à satiété, pour nous qui, par profession, sommes obligés de bâtir des systèmes hypothétiques quand la science est incomplète, nous nous sentons entraînés à faire une généralisation prématurée, à attribuer aux microbes l'infectiosité et la virulence. Ce n'est après tout qu'une hypothèse opposée à une autre. Or quelle était la conception des virus ? La molécule virulente était capable d'engendrer, à l'aide de la matière vivante, des molécules semblables à elle, reconnaissables à une même activité physiologique, et capables de reproduire indéfiniment des molécules spécifiquement semblables. La matière virulente possédait donc un des attributs essentiels de la vie. La doctrine nouvelle en fait un être vivant en lui attribuant un caractère morphologique. L'ancienne doctrine concédait à une matière amorphe la faculté de génération ; elle admettait un fait sans précédent et sans analogue ; elle introduisait un troisième règne dans le monde orga-
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nique. La doctrine nouvelle, constatant la génération, la fait dépendre de générateurs et admet que ces générateurs, chez lesquels elle reconnaît un des attributs de la vie, rentrent dans l'un ou dans l'autre des deux règnes qui se partagent le monde vivant. L'hypothèse est assurément moins téméraire et se trouve vérifiée expérimentalement pour un certain nombre d'espèces. L'avenir dira dans quelles limites cette généralisation excède les limites du réel. Cette hypothèse, en tout cas, s'est montrée utile en hygiène ; elle a ouvert en thérapeutique des voies nouvelles sur la valeur desquelles l'observation clinique prononcera. Nous supposons qu'il y a lieu de prendre à la lettre ce que nos devanciers appelaient les fermentations morbides, et nous essayons d'agir non plus seulement sur l'organisme où s'opère la fermentation, mais sur le ferment lui-même. Nous attaquons cet ennemi supposé dans les organes par où nous supposons qu'il peut pénétrer dans l'économie, nous le poursuivons dans le sang et dans les tissus, nous tâchons ou de le détruire ou d'entraver sa pullulation, nous essayons d'enlever aux liquides de l'organisme ce qui pourrait être nécessaire à sa vie ou d'y ajouter ce qui pourrait être nuisible à son existence ; nous tentons de modifier aussi l'état physique du milieu vivant, respectant la fièvre si, par hasard, il pouvait être tué par l'hyperthermie, abaissant la température si le refroidissement lui pouvait devenir mortel. Nous cherchons des spécifiques, et quand nous constatons les effets du mercure dans la syphilis, nous ne goûtons plus que médiocrement les explications insoutenables déduites de la prétendue propriété antiplastique de ce médicament; nous nous disons que peut-être le mercure va atteindre l'ennemi jusque dans la profondeur de nos organes, ou qu'il va modifier la nutrition au point de créer un milieu défavorable à son développement. Si nous nous égarons à la poursuite d'un agent parasiticide approprié à chaque espèce, nous ne négligeons donc pas de nous adresser à l'organisme du malade, de modifier sa nutrition, afin de réaliser artificiellement cet état particulier des humeurs qui crée l'immunité.
Ce sont tout autant d'hypothèses, j'en conviens ; mais ce sont des hypothèses fécondes, ce sont des idées directrices qui font chercher et qui font agir. L'ancienne notion des virus était stérile. Qu'on ne s'effraye pas des témérités d'une intervention guidée par ces conceptions systématiques ; en médecine les écarts de l'imagination ont pour frein et pour correctif l'observation clinique.
Nul ne saurait déterminer aujourd'hui les limites de cette pathologie animée. Les microbes sont la cause d'un grand nombre de maladies, ils sont certainement la complication d'un plus grand nombre. Sans eux les traumatismes ne seraient que de pures lésions mécaniques et n'engendreraient que de simples troubles physiologiques. Par eux les plaies se compliquent; ils sont la cause des accidents locaux ou généraux des blessures. Si les solutions de continuité traumatiques suppriment une des défenses de l'organisme contre l'invasion des microbes, beaucoup d'autres maladies non traumatiques facilitent, par un procédé analogue, leur pénétration. Bien plus, un assez grand nombre de maladies générales, par le trouble nutritif qui les
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accompagne, créent un milieu favorable au développement de certains germes qui seraient incapables de pulluler dans un organisme normal.
Quelle que soit l'importance qu'il convienne d'accorder aux causes animées dans la production des maladies; quelque intérêt que présente cette notion au point de vue thérapeutique, on comprend, d'après ce qui précède, que nous accordions une semblable importance et un égal intérêt à l'état de l'organisme qui permet aux agents infectieux de l'envahir et d'y pulluler. Si ces agents peuvent être considérés comme la cause prochaine de nombreuses maladies, beaucoup parmi eux n'arrivent à prospérer dans le milieu vivant qu'à la faveur d'une détérioration de ce milieu, beaucoup cessent d'y végéter quand ce milieu a subi certaines modifications. Ainsi au-dessus de l'agent infectieux il convient de reconnaître, d'empêcher ou de provoquer ces modifications générales du milieu vivant qui créent l'aptitude morbide ou qui confèrent l'immunité. On méconnaîtra cette idée dominante qui maintient a l'organisme son autonomie et sa spontanéité jusque dans la production et dans l'évolution des maladies infectieuses, qui empêche la thérapeutique de sortir des voies vraiment médicales, qui, dans cette période de transition, établirait l'enchaînement entre le passé de la science et son avenir ; mais on y reviendra. Si la fascination qu'exercent tant de découvertes brillantes obscurcit pour un temps cette- notion de la participation active de l'organisme à la production et à la curation des maladies infectieuses, cette idée, qui est l'idée traditionnelle, reprendra son empire dès qu'on n'aura plus à lutter pour assurer aux causes animées leur place légitime.
Ce qui fait que les humeurs deviennent capables ou incapables de laisser pulluler les germes, c'est, ce ne peut être qu'un trouble nutritif, qu'un changement dans l'activité avec laquelle les cellules organiques ou certaines cellules élaborent la matière, changement d'où peut résulter un défaut dans la proportion des principes immédiats, ou la suppression de l'un de ces principes ou l'addition de quelque autre. C'est une étude qui n'est pas même ébauchée; mais la connaissance de ces modifications humorales n'est pas au-dessus des ressources de,1a chimie, et la pathologie arrivera sans doute quelque jour à dire comment elles se produisent. Ainsi la pathologie de la nutrition se dresse devant nous au commencement et à la fin des maladies infectieuses, c'est elle qui nous livrera le secret de l'aptitude morbide comme celui de l'immunité; c'est d'elle que pourront être déduites certaines données scientifiques relatives à la prophylaxie et à la thérapeutique de ces maladies. S'il est difficile de méconnaître aujourd'hui la nature infectieuse de la tuberculose, il serait insensé de répudier la tradition, de déchirer les témoignages répétés d'une observation séculaire, qui tous proclament l'importance des modifications de l'état général dans la production de cette maladie. Si la phtisie vient de germes, ces germes ne peuvent se multiplier que dans un organisme à nutrition mauvaise, que cette altération de la nutrition résulte de l'hérédité, de l'innéité, d'une éducation vicieuse, d'une hygiène défectueuse, d'une fonction physiologique débilitante, comme la lactation, dé maladies antérieures. Si la phtisie vient de germes, on pourra rechercher
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les lieux où ces germes n'existent pas, interdire la cohabitation avec les phtisiques, proscrire l'alimentation par les viandes d'animaux tuberculeux, imaginer des spécifiques capables de détruire ces germes; on devra surtout relever le taux de la nutrition, s'adresser aux grands modificateurs hygiéniques, soit pour prévenir, soit pour guérir.
La pathologie de la nutrition a un domaine bien autrement étendu. Il est peu de maladies, générales ou même locales, qui n'amènent une perturbation dans la marche régulière de la matière à travers l'organisme, et qui ne modifient les métamorphoses que subit cette matière. Mais il est des maladies qui consistent essentiellement dans le trouble nutritif; il en est d'autres qui ne sont qu'un accident paroxystique auquel aboutit une altération habituelle de la nutrition. C'est dire que les troubles de la nutrition peuvent constituer des maladies chroniques et remplir un rôle pathogénique dans la production de maladies aiguës. En dehors du parasitisme et de l'infection, en dehors des maladies qui résultent de la mise en jeu des réactions nerveuses, il n'y a place en pathogénie que pour les altérations de la nutrition. Tout en pathologie peut rentrer dans ces trois grands groupes, et je n'excepte même pas les traumatismes, qui ne seraient pas des maladies sans l'infection qui engendre tant d'accidents locaux ou généraux, sans la participation du système nerveux qui généralise le choc traumatique et qui modifie la circulation et même la nutrition de la partie lésée, sans le trouble nutritif qui se produit nécessairement dans cette partie, avec ou sans le concours des réactions nerveuses, et qui est la condition indispensable de la réparation.
Les altérations de la nutrition modifient la composition, du sang et des sucs, changent la constitution chimique des éléments anatomiques, y rendent possible l'accumulation ou le départ de tel ou tel principe immédiat, y déterminent la formation de substances anormales, altèrent l'état anatomique de ces éléments et vicient leur fonctionnement ; le trouble trophique, indépendamment des atrophies et des hypertrophies, peut enfin aboutir aux formations anormales, aux proliférations suivant le type homologue ou suivant le type hétéromorphe.
Les modifications de la nutrition ne dépendent pas seulement de la qualité, de la quantité; de la. proportion relative des divers ingesta, aliments, eau, air, elles sont influencées par le fonctionnement, des grands appareils qui élaborent, distribuent, éliminent la matière; elles sont subordonnées surtout à l'activité vitale de chaque cellule et régies par tout ce qui peut impressionner ce grand régulateur des actes organiques, le système nerveux. Toutes ces conditions peuvent engendrer des altérations acquises à la nutrition, toutes peuvent être utilisées pour ramener la nutrition à son taux normal. Mais la rapidité et la qualité des métamorphoses que subit la matière en traversant les éléments anatomiques, l'activité des mutations nutri. tives n'est pas la même à tous les âges, dans chaque sexe, chez chaque individu. Il y a des limites dans lesquelles cette activité peut osciller sans que la santé en soit troublée, au delà desquelles la santé devient précaire.
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Si l'activité nutritive reste en deçà ou va au delà d'une certaine moyenne physiologique, les influences qui restaient sans action sur un organisme normal deviendront causes de maladies ; la maladie pourra même résulter de la seule prolongation de ce viee nutritif habituel, soit que l'économie subisse des déperditions excessives, soit qu'elle demeure encombrée par des matériaux insuffisamment élaborés ou trop lentement éliminés. Ce trouble nutritif habituel, constitutionnel, peut donc n'être pas la maladie, mais il dispose à la maladie; c'est lui qu'on sous entend quand on parle de diathèse. Cette conception permet, par l'emploi des grands modificateurs hygiéniques, de faire la prophylaxie de la maladie en faisant la thérapeutique de la diathèse. On n'a pas attendu l'heure présente pour appliquer ces principes; mais il est arrivé à plusieurs de faire comme M. Jourdain, et de les appliquer sans s'en douter.
Si les diathèses sont le plus souvent congénitales, c'est que les altérations permanentes de la nutrition ont leur principale origine dans l'hérédité et dans l'innéité. Chaque élément anatomique dérivant des cellules primordiales, l'ovule et le spermatozoïde, continue ou reproduit l'activité nutritive de ces éléments ou de leurs générateurs. Si les générateurs ont une vitalité mauvaise, une nutrition viciée, accélérée ou retardante, le même type nutritif se retrouvera dans les produits. Chaque trouble nutritif permanent peut aboutir à un groupe déterminé de maladies; si le même trouble nutritif existe chez les ascendants et chez les descendants, on ne s'étonnera plus de rencontrer chez les deux un certain nombre de maladies du même groupe. Si la même maladie existe chez le père et chez le fils, on dit que la maladie est héréditaire et l'on a tort; si les maladies du père ne sont pas les maladies du fils, on ne parle plus d'hérédité et l'on a encore tort. Ce qui, dans ces cas, est héréditaire, ce n'est pas la maladie, c'est le trouble nutritif qui aboutit à l'une ou à l'autre de ces maladies, différentes comme symptôme, comme siège, comme processus, mais identiques au point de vue de leurs origines lointaines et reconnaissant la même parenté.
Ces maladies de même ondre, dérivant d'un même type nutritif vicié, ne. doivent pas seulement être connues du médecin par leur évolution, par leurs lésions et par leurs symptômes ; mais, ce qui importe pour le traitement, c'est la connaissance du trouble de la nutrition qui les engendre. C'est en s'adressant à cette condition générale prédisposante qu'on pourra les prévenir, qu'on arrivera souvent à les guérir. C'est le secret de la thérapeutique d'un très grand nombre de maladies chroniques. Chaque fois que l'organisme est dévié du fonctionnement normal par une influence morbifique, il tend à revenir à la santé, et la maladie n'est souvent que l'ensemble des oscillations résultant de l'action antagoniste de l'effort perturbateur et de l'effort curateur, oscillations qui aboutissent enfin à l'équilibré. Pour qu'une maladie qui n'est pas nécessairement mortelle ne s'achemine pas vers la guérison, pour qu'elle reste chronique, il faut que l'effort perturbateur soit permanent et maintienne la déviation. Ces causes à action permanente sont tantôt un corps étranger, tantôt un parasite ou un agent infec-
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tieux à lente évolution, tantôt, et le plus souvent, un trouble durable de la nutrition ou, si l'on veut, une diathèse.
Mais il est des maladies aiguës qui résultent des altérations nutritives persistantes, qui éclatent quand les tissus ou les humeurs regorgent ou sont appauvris. Elles exigent du médecin la perspicacité et la délicatesse : car plusieurs de ces maladies ne sont que des accidents paroxystiques, des révoltes de l'organisme, des orages pendant lesquels la matière mal élaborée ou indûment accumulée va être brûlée ou expulsée. C'est l'effort curateur violent qui va rétablir la santé compromise depuis longtemps par un travail lent, graduel, latent. Ce sont les maladies utiles, les maladies qu'il faut savoir respecter. C'est en particulier l'histoire des maladies fluxionnaires; c'est le cas des accès de rhumatisme, des accès de goutte, des poussées hémorroïdaires, des flux séreux et sanguins ; c'est souvent aussi le fait des attaques d'asthme et de migraine ; qu'on les réprime, la nature renouvellera ses efforts ou procédera vers la maladie chronique.
Ce sont là des linéaments de doctrine médicale. Nul ne m'apprendra qu'ils sont incomplets et je ne laisserai à personne le soin de déclarer qu'ils sont en partie hypothétiques. Si l'on tient compte de cette réserve, ils ne nuiront au progrès scientifique de personne et pourront être utiles pour la conduite médicale. Je souhaite seulement qu'ils éveillent des idées et serai satisfait s'ils ont donné à penser et à réfléchir. Il faut que ceux qui se destinent ou qui se consacrent au traitement des malades possèdent la connaissance des remèdes et de leur mode d'action ; il faut, plus encore, que les notions de la pathologie soient présentes à leur esprit et que les difficultés de la clinique ne les trouvent pas en défaut ; il faut surtout qu'ils sachent penser et qu'ils prennent le temps de réfléchir, qu'ils ne s'arrêtent pas à l'expression phénoménale des maladies, mais qu'ils se représentent les conditions qui engendrent et qui entretiennent ces maladies, qu'ils se constituent une doctrine, qu'ils s'élèvent aux notions générales et qu'ils les jugent et les réforment en invoquant le contrôle d'une attentive observation. C'est par le concours de toutes ces conditions qu'ils se rendront utiles et qu'ils auront conscience des services rendus.
Je termine par cette réflexion qui sera mon salut au lecteur. Par le diagnostic, vous pouvez gagner l'estime de vos confrères; par le pronostic, vous pouvez conquérir la confiance des malades et parfois l'admiration du public; par la thérapeutique, vous arriverez à la satisfaction intérieure qui est souvent l'unique rémunération d'un rude labeur, qui reste toujours la meilleure récompense d'une vie de sacrifice. Tout médecin peut contrôler votre diagnostic; tout le monde peut juger votre pronostic; seuls vous saurez parfois quelle part vous revient dans la guérison ou dans la mort ; nul ne sera dans la confidence de vos remords ou de votre légitime orgueil.
1er juillet 1880.
CH. BOUCHARD.
Professeur à la Faculté de médecine.
PRÉFACE DES AUTEURS
La traduction de nos Nouveaux éléments de matière médicale et de thérapeutique, que publie aujourd'hui M. Alquier, a été faite d'après la sixième édition allemande 1. Si on la compare à la précédente traduction française (1880), c'est une oeuvre nouvelle. La science, en effet, s'est enrichie par l'acquisition d'un grand nombre de médicaments, en même temps que plusieurs médicaments anciens ont reçu des applications nouvelles. Toutes ces innovations, celles du moins qui ont trait à la médecine interne, ont été soumises à un examen attentif et ont, autant que possible, été traitées par nous d'après des vues et des observations personnelles. Nous nous sommes conformés en cela au principe qui nous a constamment inspirés dans la rédaction de ce livre, dans sa partie chimique et physiologique aussi bien que dans sa partie thérapeutique.
La partie physiologique, la classification, les considérations générales sur les divers groupes de médicaments, sont l'oeuvre de Rossbach; la partie thérapeutique, le traitement des empoisonnements, l'étude des préparations pharmaceutiques, appartiennent à Nothnagel.
Voici, en quelques mots, quels sont les principes qui nous ont guidés dans la composition de cet ouvrage :
Lorsque la chimie nous a offert un produit parfaitement pur, extrait des anciennes substances médicamenteuses, ce produit a été placé en première ligne et a fait l'objet d'une étude spéciale; le mélange qui l'a fourni, toujours variable dans sa composition et, par conséquent, incertain dans ses effets, a été relégué dans un appendice.
Notre classification est principalement fondée sur la chimie; nous n'avons eu en vue, en l'adoptant, que de présenter sans artifice, et sans dissimuler en rien ses imperfections, l'état actuel de nos connaissances scientifiques. On reconnaîtra, nous l'espérons, que cette division des médicaments, basée sur leur constitution chimique, représente aussi la meilleure division phy1
phy1 première et la deuxième édition avaient pour auteur Nothnagel seul.
XXVI PRÉFACE DES AUTEURS
Biologique qu'un puisse en .donner jusqu'ici. Quand leur constitution chimique nous a fait défaut, les progrès accomplis dans l'étude de leurs effets physiologiques nous ont fourni des éléments suffisants pour notre classification ; nous avons d'ailleurs considéré, non l'action physiologique exercée sur un seul organe, mais celle produite sur l'ensemble de l'organisme.
Nous n'avons tenu compte que des faits physiologiques rigoureusement démontrés ; tout ce qui nous a paru obscur, douteux, a été laissé de côté. Loin de dissimuler les lacunes nombreuses qui existent encore dans la science, nous avons cherché, au contraire, à les mettre dans tout leur jour.
Dans la partie thérapeutique, nous nous sommes aussi efforcés de bien distinguer ce qui est certain de ce qui est douteux, ce que démontrent des milliers d'observations de ce qui n'est basé que sur des hypothèses ou sur une expérience superficielle.
Nous avons mis tous nos soins à bien préciser les indications thérapeutiques des médicaments, dont l'efficacité dans certains états morbides est incontestable, retranchant sans hésiter toutes les autres indications incer - taines qu'on a voulu leur faire remplir.
Si les vues et les observations personnelles donnent parfois à notre travail une teinte spéciale, qui n'est d'ailleurs, dans les points importants, que le reflet de notre expérience clinique, le praticien y trouve du moins cet avan tage, que les indications thérapeutiques ne lui sont pas présentées simplement rangées, sans critique, les unes à la suite des autres.
Nous remercions M. le Dr Alquier des soins apportés à cette traduction.
H. NOTHNAGEL, M.-J. ROSSBACH. Iéna et Vienne, Avril 1889.
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La thérapeutique jugée par les chiffres, par LASÈGUE et REGNAULD (Archives de médecine, 1877); par BOURGOIN et DE BEURMANN (Bulletin de thérapeutique, 1883).
TABLE DES MATIERES.
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION par CH. BOUCHARD, professeur à la Faculté de médecine. v à XXVI
PRÉFACE de MM. NOTHNAGEL-et ROSSBACH xxv
PRÉLIMINAIRES 1
I. Composés alcalins et alcalino-terreux 13
I. COMPOSÉS ALCALINS. Propriétés physiologiques, 16; Théorie de l'action purgative des sels alcalins, 20; Action diurétique des sels alcalins, 22; Influence des sels alcalins sur les échanges organiques, 23; Effets du potassium sur les organes et les fonctions, 27; Différences qui existent dans l'action des divers composés potassiques, 31.
1. Alcalis caustiques, 33; Soude caustique liquide, 33 ; Potasse caustique, 33.
2. Carbonates alcalins, 34; [Carbonate et bicarbonate de soude, 34; carbonate et bicarbonate de potasse, 39 ; carbonate de lithine, 40.
3. Sels végétaux alcalins, 41 ; Acétate de potasse, 41 ; Acétate de soude, 41 ; Tartrate et hitartrate de potasse, 41 ; Tartrale de potasse et de soude, 42.
4. Phosphates alcalins, 47 ; Phosphate de soude, 49.
5. Sulfates alcalins, 50; Sulfate de soude, sel de Glauber, 51.
6. Composés alcalins du chlore, 55; chlorure de sodium, 55; chlorure de potassium, 69; chlorate de potasse, 69.
7. Azotates alcalins, 72; Azotate de soude, salpêtre du Chili, 72.
.8. Sels gras alcalins, savons, 76; Supplément aux alcalins, 78.
H. COMPOSÉS ALCALINO-TERREUX, 78.
1. Chaux et carbonates de chaux, 80; Chaux, oxyde de calcium, 80; Eaux de chaux, 80; Carbonate de chaux, 82.
2. Magnésie, carbonates et sels végétaux de magnésie, 84; Emploi thérapeutique de la magnésie et des carbonates magnésiens, 85; Oxyde de magnésium, 85 ; Carbonate de magnésie, 86.
3. Sulfate de magnésie, 86.
4. Phosphates de chaux et de magnésie, 88; Phosphate de chaux, 94; Supplément aux alcalino-terreux, 95.
II. Ammoniacaux 96
Effets physiologiques communs à tous les sels ammoniacaux, 96.
1. Ammoniaque liquide, 101.
2. Chlorure à" ammonium, chlorhydrate à" ammoniaque, 105.
3. Carbonate d'ammoniaque, 107; Supplément aux ammoniacaux, 108.
III. Métaux. .109
I. FER, 111 ; Absorption et élimination du fer, 112; Rôle du fer dans le sang, 116; Variations de la richesse du sang en hémoglobine et en fer, 118; Théories de l'action du fer, 121 ; Influence du fer sur les fonctions organiques, 123 ; Préparation du fer, 125.
1. Ferrugineux purs, 130; Fer pulvérisé, 130; - Fer réduit par l'hydrogène, 130; Hydrate de peroxyde de fer, 130 ; Saccharaté de peroxyde de fer soluble, 130 ; Carbonate de fer sucré, 130; Lactate de protoxyde de fer, 130; Eaux minérales ferrugineuses, 131.
2. Teintures ferrugineuses, 132; Teinture d'extrait de pommes ferrugineux, 132; Teinture éthérée d'acétate de fer, 132; Teinture éthérée de perchlorure de fer, 133.
3. Ferrugineux hémostatiques, 133; Perchlorure de fer liquide, 133; Sulfate de protoxyde de fer pur, 135 ; Acétate de fer liquide, 136.
4. Ferrugineux contre-poisons, 136; Antidote de l'arsenic, 136; Cyanure jaune de fer et de potassium, 136.
5. Mélanges et combinaisons du fer avec d'autres médicaments, 137; Protoïodure de fer, 137; Chlorure d'ammonium et de fer, 137; Tartrate de fer et de potasse, 137.
II. ALUMINIUM, 138; Sulfate d'alumine et de potasse, 138 ; Supplément, 140.
III. PLOMB ET SES COMPOSÉS, 141 ; Effets physiologiques des sels de plomb, 141; Ce que devient le plomb dans l'organisme, 142; Théorie de l'intoxication saturnine, 147.
1. Acétate neutre de plomb, 151; Acétate basi-
TABLE DES MATIÈRES
XXIX
que de plomb, extrait de Saturne; 153; Carbonate de plomb, céruse, 154 ; Oxyde de plomb, 154; Supplément au plomb, 155 ; Hyperoxyde de plomb (minium), 155; Tannate de plomb,' 155.
IV. ARGENT, 156; Nitrate d'argent, 156.
V. CUIVRE ET ZINC, 165.
Cuivre, 165; Sulfate de cuivre, 168; Acétate de cuivre, 169; Sulfate de cuivre et d'ammoniaque, 170; Alun de cuivre, 170; Oxyde,
carbonate, nitrate, chlorure et iodure dé cuivre, 170.
Zinc, 171; Oxyde de zinc pur, 172; Sulfate de zinc, 172; Chlorure de zinc, 175.
VI. MANGANÈSE, 176 ; Permanganate de potasse, 177.
VII. MERCURE ET SES COMPOSÉS, 178.
1. Bichlorure de mercure, sublimé corrosif, 192.
2. Protochlorure de mercure calomel, 197.
3. Pommade mercurielle, 202.
4. Mercure métallique, 205; Supplément aux mercuriaux, 206.
VIII. OR, 207.
IV. Métalloïdes. . 209
Arsenic, Phosphore, Antimoime, Bismuth et Azote. 209.
I. ARSENIC, 210; 1. Acide arsénieux, 210.
II. PHOSPHORE, 224.
III. ANTIMOINE, 233; 1. Tartrate d'antimoine et de potasse, tartre slibié, 233; 2. Pentasulfure d'antimoine, soufre doré d'antimoine, 241 ; 3. Trichlorure d'antimoine liquide, 242.
IV. BISMUTH, 242; 1. Sous-nitrate et valérianate de bismuth, 242.
V. AZOTE, 244; 1. Bioxyde d'azote, 245; 2. Proto.\-yde d'azote, 245.
Brome. Iode, Chlore et leurs composés alcalins, 248.
I. BROME ET SES COMPOSÉS, 249; 1. Brome, 249; 2. Bromure de potassium, 250; 3. Bromure de sodium, 258.
II. IODE ET SES COMPOSÉS, 260; 1. Iode. 200; 2. Iodure de potassium, 265; Supplément aux composés iodés, 277.
III. CHLORE ET SES COMPOSÉS, 278; 1. Chlore, eau chlorée, 278 ; 2. Chlorure de chaux, 279.
IV. SOUFRE, SES COMPOSÉS ALCALINS ET HY-DROGÈNE SULFURÉ, 281; 1. Hydrogène sulfuré, sulfure d'hydrogène,280 ; 2. Sulfure de potasse, foie de soufre, 284 ; 3. Soufre, 285 ; Supplément au soufre, 287.
V. CHARBON, 287.
VI. HYDROGÈNE, 289; 1. Peroxyde d'hydrogène, 289. .
VII. OXYGÈNE, 290.
V. Acides 302
Acides organiques et inorganiques, 302; Action des doses petites, fortement diluées, 302 ; Action des acides concentrés, à doses élevées, 308.
I. ACIDES MINÉRAUX, 312; 1. Acide sulfurique, 312 : 2. Acide nitrique, 314; 3. Acide chlorhydrique, 315; 4. Acide phosphorique, 318; 5. Acide chromique, 320; 6. Acide borique, 321; 7. Acide fluorhydrique, 321; 8. Acide sulfureux et ses sels, 321 ; 9. Sulfites alcalins et alcalino-terreux, 322.
II. ACIDES ORGANIQUES, 322; 1. Acide formique, 323; 2. Acide acétique, 323; 3. Acide valéria.
valéria. 326; 4. Acide malique (oxysuccinique),
326 ; 5. Acide tarlrique, 326 ; 6. Acide citrique,
327 ; 7. Acide lactique, 329; 8. Acide oxalique, 331; 9. Acide succinique, 332.
III. ACIOE CARBONIQUE, 332.
VI. Des alcools 341
Alcool, éther, chloroforme, hydrate de chloral, nitrite d'amyle, 341.
I. Coup D'OEIL D'ENSEMBLE, 342; 1. Ethanes ou carbures d'hydrogène de la série gaz des marais CnH2"+1 342; 2. Produits de substitution simples des éthanes et dérivés des radicaux alcooliques de la première série (alkyles), C«H2"+t, 344; 3. Produits de substitution doubles des éthanes et dérivés des radicaux alcooliques de la deuxième série (alkines), CB H2n, 346; 4. Produits de substitution triples des éthanes et dérivés des radicaux de la troisième série, C 11 H2n+l, 347; 5. Dérivés des radicaux hydro carbonés de la cinquième série et au-dessus, 348.
II. ALCOOL ORDINAIRE, 349; Empoisonnement aigu par l'alcool, 352; Empoisonnement chro' nique par l'alcool, 359; Importance de l'alcool comme agent alimentaire et comme boisson d'agrément, 360.
III. BOISSONS ALCOOLIQUES, 362; 1. Vin, 362; 2. Bière, 368; 3. Eau-de-vie, 370; 4. Koumis, 372; 5. Kéfyr, 374.
IV. CHLOROFORME, 374 ; Action aiguë du chlorroforme, 376; Action sur les organes et lés fonctions en particulier, 379; Empoisonnement chronique par le chloroforme, 385.
V. ETHER, ÉTHER ÉTHYLIQUE, 390.
VI. HYDRATE DE CHLORAL, 394 ; Effets aigus du chloral, 395; Action sur les organes et les fonctions en particulier, 397; Empoisonnement chronique par le chloral, 399.
VII. NITRITE D'AMYLE, 405.
VIII. NITROGLYCÉRINE, 409.
IX. IODOFORME, 410.
X. IODOL, 416.
VII. Composés aromatiques. . . 418
Action désinfectante dans les maladies infectieuses, 424: Antipyrése, 428.
I. PHÉNOL, ACIDE PHÉNIQUE, 429; Action du phénol sur les ferments, les principes virulents, les processus de fermentalion et de putréfaction, 429; Action du phénol sur l'organisme des animaux supérieurs et de l'homme, 431.
Appendice au phénol, 443; 1. Benzine, 443; 2. Acide phényl-borique, 445; 3. Dihydroxybenzols ou diphénols, 445; 4. Aseptol, 447;
TABLE DES MATIÈRES
XXX
5. Arbutine (glycoside de l'hydrochinon), 448 ;
6. Amidobenzol(phénylamine ou aniline), 448;
7. Antifibrine, 448; 8. Nitrobenzol ou nitrobenzine, 449: 9. Trinitrophénol ou acide picrique, 450; 10. Picronitrate de potasse, 450; 11. Pyrogallol, 451; 12. Chrysarobine, 451; 13. Acide chrysophanique, 451; 14. Thymol, 451; 15. Naphtaline, 453; 16. Naphtols, 454; 17. Créosote, 455; 1S. Goudron, 456; 19. Goudron de houille, 457; 20. Huile de cade, 457; 21. Ichtbyol, 458 ; 22. Vinaigre de bois, vinaigre pyroligneux, 458.
II. ACIDES AROMATIQUES, 459.
1. Acide benzoïque, 460; Effets produits sur l'organisme chez les animaux supérieurs et chez l'homme, 460.
2. Benzoate de soude, 462.
3. Acide salicylique, 465; Effets antiputrides et antifermentescibles, 4£6; Ce que devient l'acide salicylique dans l'organisme et des effets qu'il y exerce, 466.
4. Salicylate de soude, 471.
Appendice à l'acide salicylique et à l'acide benzoïque : 1. Huile de Gaulthérie, 477; 2. Salicylate de bore, 477; 3. Salol, salicylate de phénol-éther, 477; 4. Salicine, 4~8; 5. Acide crésotinique, 479 ; 6. Saccharine de Fahlberg, 479.
III. ACIDES GALLIQUE ET TANNIQUE, 479.
1. Acide gallique, 479.
2. Acide tannique, 480; Végétaux et produits végétaux renfermant du tannin, 488; 1. Noix de galle, 488; 2. Ecorce de chêne, 488; 3. Glands torréfiés, 488; 4. Airelles rouges, 489; 8. Feuilles d'uva ursi, 489; 9. Racine de ratanhia, 490; 10. Cachou, 490; 11. Kino, 490.
IV. ESSENCES (TÉRÉBENTHINES ET CAMPHRES), 490.
Essence de térébenthine, 493; Hydrate de
terpine, 501; Térébenthine, 501. Camphre, 501.
VIII. Mélanges de composés aromatiques dans les substances végétales et animales 508
I. PRODUITS ODORIFÉRANTS, 509; i. Essence de rose, 510 ; 2. Essence de fleur d'oranger, 510 ; 3. Essence d'écorce d'orange, 510 ; 4. Oranges vertes, écorce d'orange, feuilles d'oranger, 510; 5. Essence de citron, 511 ; 6. Essence de bergamote,.511 ;7. Benjoin, résine de benjoin, 511; 8. Racine d'iris, 511; 9. Essence de lavande, 511; 10. Essence de romarin, 511; 11. Eucalyptol, 512; 12. Mélilol, 514.
II. PRODUITS UTILISÉS A CAUSE DE LEUR PARFUM AINSI QUE POUR LEURS PROPRIÉTÉS TOXIQUES SUR QUELQUES ANIMAUX PARASITES, 514;
1. Baume du Pérou, 515; 2. Baume de Tolu, 516; 3 Baume styrax, 516.
III. AROMATES, 517; 1. Graines de carvi, 5S;
2. Menthe poivrée, 518; 3. Menthe crépue, 519; 4. Serpolet, 519; 5. Thym, 519; 6. Racine de pyrèthre, 519; 7. Racine d'acore, 519,"
8. Absinthe, 520; 9. Racine de gingembre,
520; 10. Cannelle de Ceylan, 520; ll.Cannelle de Chine, 521; 12. Girofles, 521; 13. Macis, 522; 14. Noix muscade, 522; 15. Vanille, 522; 16. Cascarille, 522; 17. Safran, 523.
POIVRES, 523; 1. Poivre noir et poivre blanc, 523; 2 Poivre de Guinée ou d'Espagne, 524; 3. Poivre de Cayenne, 525
IV. PRODUITS AROMATIQUES FAVORISANT L'EXPULSION DES MUCOSITÉS, 525; 1. Lippia dulcis mexicana, 525; 2. Anis commun, 526; 3. Anis étoile, 526; 4. Semences de fenouil, 527;
5. Semences de fenouil aquatique, 527;
6. Racine de boucage, 527; 7. Racine d'aunée, 527; 8. Gomme ammoniaque, 528; 9 Myrrhe, 528.
V- PRODUITS AROMATIQUES DIURÉTIQUES ET DIAPHORÉTIQUES, 529.
1 .Produits diurétiques, 529; 1. Poivre cubébe, 529; 2. Feuilles de malico, 530; 3. Baume de Copahu, 530; 4. Essence de santal, 531; 5. Baies de genièvre, 531 ; 6. Semences de persil, 532; 7. Semences d'aneth, 532; 8. Racine de livêche, 532; 9. Pensée sauvage, 533; 10. Stigmates de maïs, 533; 11. Blatte orientale, 533.
2. Produits diaphorétiques, 533 ; 1. Camomille, F33: 2. Camomille romaine, 534; 3. Feuilles de mélisse. 534; 4. Fleurs de sureau; 434; 5. Fleurs de tilleul, 531 ; 6 Fleurs de primevères, 534.
3. Décoctions de bois, 535; 1. Racine de salsepareille, 535; 2. Bois de sassafras, 537; 3. Bois de gayac, 537.
VI. PRODUITS AROMATIQUES PRESCRITS DANS LES ÉTATS NERVEUX, 538; a) Du régne végétal : 1. Racine de valériane, 538; 2. Racine d'angélitrue ; 539 ; 3 Racine de serpentaire de Virginie, 540; 4. Racine d'armoise, 540; 5. Fleurs et racines d'arnica, 541; 6. Asa foetida, 541; b) Du règne animal : i. Musc, 542; 2. Casloreum, 544.
VII. PRODUITS AROMATIQUES EMPLOYÉS sous
FORME D'EMPLÂTRES OU DE POMMADES, 545;
1. Résine de pin, 545; 2. Galbanum, 545; 3. Résine d'élémi, 546; 4. Résine de mastic, 546; 5. Résine de dammara, E46.
IX. Mélanges de composés aromatiques avec acides et anhydrides acides, de constitution chimique inconnue. 547
I. SUBSTANCES AROMATIQUES EXERÇANT UNE
ACTION IRRITANTE SUR LA PEAU, 547 ; 1. Essence
Essence allylique et semences noires de moutarde; 555; 2. Essence sinapique butylique et cochléaria, 557; 3. Sulfure diallyle et ail, 557; 4. Cantharides, 558; 5. Ecorce du Daphue mezereum, 562; 6. Cardol, 563;
7. Acide agaricique, agaricine, 563.
II. SUBSTANCES AROMATIQUES PURGATIVES, 564; Considérations physiologiques générales, 564; Administration des purgatifs en lavements, 569 ; Administration des purgatifs par la voie
TABLE DES MATIÈRES
xxxi
sous-cutanée, 570; 1. Feuilles de Séné, 572;
2. Racine de rhubarbe, 574 ; 3. Racine de jalap, 576; 4. Podophylline, 578; 5. Podophyllotoiine, 580; 6. Evonymine, 580; 7. Aloès, 580; 8. Coloquinte, 582; 9. Huile de ricin et huile de croton, 583; 10. Huile de ricin, 583; U. Huile de croton, 585; Supplément aux purgatifs; 1. Tamarin, 587; 2. Manne, 587.
III. SUBSTANCES AROMATIQUES VERMIFUGES, 588; 1. Semen-contra, 5S8; 2. Santonine, 588;
3. Santonate de chaux ; 591 ; 4. Santonate de soude; 591; 5. Tanaisie, 592; 6. Ecorce de la racine de grenadier, 592; 7. Rhizome de fougère mâle, 593 ; 8. Fleur de kousso, 594 ; 9. Kamala, 594.
IV. SUBSTANCES AROMATIQUES PROVOQUANT LES CONTRACTIONS UTÉRINES, 595; 1. Ergot de seigle, 595; 2. Sommités de Sabine, 603; Rhizome d'hydrastis, 604 ; Ecorce de la racine de gossypius herbacea, 604.
X. Substances amer es à activité physiologique faible 605
1. Racine de gentiane, 608; 2. Feuilles de ményanthe ou trèfle d'eau, 609 ; 3. Petite centaurée, 609; 4. Feuilles et fleurs de millefeuille, 609; 5. Bois de quassia, 609; 6. Pissenlit ou dent de lion, 610; 7. Charbon bénit, .611; 8. Lichen d'Islande, 611; 9. Racine de Colombo, 612; Supplément aux amers, 613; 1. Ecorce de la racine de condurango, 613.
XI. Composés cyaniques 615
Acide cyanhydrique, 616; Ce que devient l'acide cyanhydrique dans l'organisme et son mode d'action fondamental, 617; Symptômes de l'empoisonnement, 619.
XII. Alcaloïdes .626
I. ALCALOÏDES DE L'ÉCORCE DE QUINQUINA, 630; Quinine, cinchonine, quinidine, cinchonidine, 630; 1. Quinine, 632; Action sur les organes et les fonctions en particulier, 634; Appendice, 655.
II. ALCALOÏDES DU CAFÉ, DU THÉ DE CHINE ET DU PARAGUAY, DU GUARANA, DES GRAINES DE CACAO, DES FEUILLES DE COCA, 660; 1.-Caféine, 661; Action de la caféine sur les organes et les fonctions en particulier, 663.
1. Produits contenant de la caféine, 667; 1. Café, 667; 2. Thé de Chine, 671 ; 3. Thé du
*" Paraguay; 672; 4. Pâte de guarana, 672; 5. Théobromine, 672.
2. Produit contenant de la théobromine, 673 ; Chocolat, cacao, 673.
III. COCAÏNE, 674; 1. Produit contenant de la cocaïne, 679 ; 2. Coca, 679.
IV. ALCALOÏDES DE L'OPIUM, 680; Morphine, codéine, narcéine, papavérine, narcotine, thébaïne, 680; i. Morphine, 680.
V. DES AUTRES ALCALOÏDES DE L'OPIUM, 702; . 1. Narcotine, 703; 2. Narcéine, 703; 3. Codéine, 704; 4.Thébaïne, 705; Opium, 705.
Appendice : substances agissant à la manière
de l'opium, 714; 1. Chanvre indien, 714;
2. Piper methysticum, 717; 3. Laitue vireuse, 717; 4. Lupulin, poussière de houblon, 718;
0. Gelsemium sempervirens et gelseminine, 719; 6. Piscidia erythrina, 731; 7. Ecorces de coto, cotoïne et paracotoïne, 721; 8. Aspidosperma, quebracho et aspidospermine, 722.
VI. APOMORPHINE, ÉMÉTINE ET COLCHICINE, 724 ;
1. Apomorphine, 724; 2. Emétine, 726; 3. Racine d'ipécacuanha, 728 ; 4. Colchicine, 731.
VII. ALCALOÏDES DE LA BELLADONE, DU DATURA STRAMONIUM ET DE LA JUSQUIAME; 1. Atropine et belladone, 734; Action de l'atropine surles organes et fonctions en particulier, 736; Appendice, 750; 1. Hyoscyamine,750; 2. Datu.
Datu. 751; 3. Duboisine, 752; 4. Homatropine; 5. Oxaléthyline, 752.
VIII. ALCALOÏDES DE LA FÈVE DU CALABAR, DES FEUILLES DE JABORANDI ET DE L'AMANITA MUSCARIA, 753; 1. Physostigmine, calabariiie et fève du Calabar, 754; 2. Calabarine, 761;
3. Pilocarpine et feuilles de jaborandi, 761 ;
4. Muscarine et amanita muscaria, 767.
IX. ALCALOÏDE DU TABAC, 771 ; 1. Nicotine, 771 ;
2. Tabac, 776.
X. ALCALOÏDES DU CURARE DE LA GRANDE CIGUË,
DE LA CYNOGLOSSE ET DÉRIVÉS ALKYLIQUES
D'UN GRAND NOMBRE D'ALCALOÏDES ; 1. Curarine et curare, 781 ; 1. Conitine, 787 ; 2. Spartéine, 788. XL ALCALOÏDES TÉTANISANTS DES SEMENCES ET
DE L'ÉCORCE DE DIVERSES ESPÈCES DE'STRYCHNOS, DES FÈVES DE SAINT-IGNACE ET DE
L'OPIUM, 789. i. Strychnine et noix vomique, 790.
XII. ALCALOÏDES DE QUELQUES ESPÈCES DE VERATRUM, 802.
1. Vératrine, 802; Supplément aux alcaloïdes, 811; 1. Aconitine, 811.
XIII. Glycosides à action physiologique puissante 814
I. GLYCOSIDES DE LA DIGITALE POURPRÉE, 814.
1. Digitale pourprée (Foliadigitalis purpureoe)
et ses glycosides actifs, 816; 1. Scille, 826;
2. Adonis vernalis, 828; 3. Racine de l'ellebore vert, 828; 4. Gonvallamarine, 820.
IL GLYCOSIDES DE LA RACINE DU POLYGALA
SENEGA, 829. 1. Saponine, 829; Supplément aux glycosides,
832; 1. Picrotoxine, 832; 2. Cicntoxine, 832;
3. solanine, 832.
XIV. Matières protéiques 833
I. ALBUMINE ET PEPTONE, 833; Considérations physiologiques, 834.
II. SUBSTANCES ALIMENTAIRES ET MÉDICAMENTEUSES CONTENANT DE L'ALBUMINE, 838;
1. Viande, 83S; 2. Solution de viande, 83J; • 3. Lavement à la viande et au pancréas, 839;
4. Bouillon de viande, 839; 5. Bouillon de viande, préparé à froid; 840; 6. Extrait de viande, 840; 7. OEufs, 841; 8. Sang, 841;
XXXII
TABLE DES MATIÈRES
9. Lait, 841; 10. Lait condensé, 843; 11, Petit lait, 843; 12, Peptone de viande, 845; 13, Solution albumineuse peptonique, 846. 1. Ferments albumineux, 846; 1. Pepsine, 846; 2. Vin de pepsine, 846; 3. Pançréatine, 847 ; 4. Papayotine, 847.
III. SUBSTANCES GÉLATINEUSES, 848; Considérations physiologiques générales, 848; 1. Gélatine blanche, 849; 2. Colle de poisson, 849; 3. Taffetas d'Angleterre, S49.
IV. SUBSTANCES CORNÉES, 850; i. Kératine, 850.
XV. Glycérine et corps gras. 850
1. GLYCÉRINE, 850. II. CORPS GRAS, 855.
1 Corps gras alimentaires et médicamenteux tirés du règne animal, 861 ; 1. Beurre, 861; 2. Lard, 861; 3. Axonge, S61 ; 4. Suif, 8625. Moelle de boeuf, 862; 6. Lanoline, 862; 7. Savon mou, 862; S. Huile de foie de morue. 862.
2. Substances cireuses tirées du règne animal, 865; 1. Cire des abeilles, cire blanche ou jaune, S65; Blanc de baleine, 866.
3. Corps gras alimentaires et médicamenteux tirés du règne végétal, 866; 1. Huile d'olive
668; 2. Huile d'amandes; 866; 3. Amandei douces, 866; 4. Huile de pavot, oeillette, 867: 5. Semence de pavot, du Papaver somniferum, 867; 6. Huile de lin. 867; 7. Semence! de lin, 867; 8. Poudre de lycopode, 867. 4. Corps gras tirés du règne minéral, 867; 1. Paraffine, 867.
XVI. Carbo-hydrates 869
I SUCRES, 869 i. Substances sucrées, 871. II AMIDON ET SUBSTANCES AMYLACÉES, 874. 1. Substmices contenant de l'amidon, 875. III. MUCILAGES, GOMMES, 876. 1. Substances mucilagineuses et gommeuses, 877,
XVII. Produits végétaux employés à
l'extérieur (en chirurgie). . . . 879
DOSES MAXIMA DES MÉDICAMENTS EMPLOYÉS A L'INTÉRIEUR, 881.
TABLE DE SOLUBILITÉ D'UN CERTAIN NOMBRE DE SUBSTANCES EMPLOYÉES EN PHARMACIE, 883.
LA THÉRAPEUTIQUE JUGÉE PAR LES CHIFFRES par les docteurs Bourgoin et de Beurmann,88o.
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES
NOUVEAUX
ÉLÉMENTS DE MATIÈRE MÉDICALE
ET
PRÉLIMINAIRES
La pharmacologie ou matière médicale nous apprend à connaître ces agents naturels (médicaments), qui, par leurs effets sur l'organisme, nous permettent de guérir ou de soulager les étals morbides. La plupart de ces agents exercent une action, chimique, quelques-uns seulement agissent plrysiquement. On pourrait aussi, à un point de vue plus large, compter parmi eux les aliments, et faire entrer dans cette étude la diététique et la balnéologie. Mais, en dehors des médicaments proprement dits, il existe encore des substances et des forces qui jouissent de propriétés curatives et qui, dans ces derniers temps surtout, ont été l'objet d'un emploi de plus en plus étendu; telles sont : l'électricité, le froid, la chaleur, Veau, le climat, l'air condensé ou raréfié; de plus quelques méthodes curatives physiologiques (gymnastique, 'massage, par exemple), dont l'action sur l'organisme est principalement physique, mais parfois aussi de nature chimique. Pour distinguer ces agents des médicaments proprement dits on leur a donné le nom d'agents curatifs physiques.
La pharmacologie se divise en plusieurs sections : la science des drogues, la pharmacognosie, étudie les propriétés extérieures des médicaments et leur histoire naturelle ; la pharmacodynamique s'occupe de leur action physiologique sur l'organisme; leur emploi dans le traitement des maladies contitue la thérapeutique et l'art de formuler.
Les médicaments sont fournis par les règnes minéral, végétal et animal ; tantôt on les administre dans leur état naturel, en .solution dans l'eau ou dans l'alcool, en poudre, en extrait ; tantôt on les donne sous forme de substances chimiquement pures, constituant les principes actifs de la matière première qui les renfermait; ces principes actifs offrent tant d'avantages pour l'usage pratique, qu'ils tendent de plus en plus à se substituer aux matières premières d'où on les extrait. Le règne minéral fournit notamment les métaux chimiquement purs, les métalloïdes, les alcalins et leurs sels, les
NOTHNAGEL et ROSSBACH, Thérapeutique. 1
2 MÉTHODES PHARMACOLOGIQUES
acides- les règnes végétal et animal fournissent les substances albumineuses, les carbo-hydrates (amidon, mucilage et sucre), les corps gras, et de plus les bases végétales (alcaloïdes), les glycosides, les amers, les acides végétaux et les substances aromatiques. Des composés chimiques prépares d une manière purement artificielle, tels que le chloroforme, l'iodoforme, etc., sont également devenus de précieux médicaments.
Méthodes pharmacologiques. — La méthode la plus simple, la plus expéditive et la plus ' sûre pour arriver à connaître l'action physiologique des médicaments est la méthode expérimentale; elle étudie cette action d'abord sur l'organisme de l'animal sain, puis sur l'organisme de l'animal malade ou rendu artificiellement malade, et, quand elle a suffisamment éclairci le mode et l'intensité d'action du médicament, elle l'applique à l'homme sain et à l'homme malade. Il est aujourd'hui positivement établi que les observations faites sur les animaux sont applicables à l'homme et que, notamment au point du vue de la qualité d'action des médicaments, les carnivores et les omnivores réagissent de la même manière que l'homme. Il faut seulement remarquer que l'homme est beaucoup plus sensible que l'animal à l'action de la plupart des agents thérapeutiques ; il n'a donc besoin, pour en être influencé, que de doses notablement moindres. Ces doses, qui conviennent à l'homme, ne peuvent donc être fixées que par des expériences cliniques.
Les expériences faites sur les animaux constituent un moyen très précieux pour l'étude de la pharmacologie ; elles sont d'une utilité indispensable pour l'homme malade et naturellement aussi pour l'animal malade. Faut-il renoncer à rompre cette chaîne de souffrances qui enlace tous les êtres vivants dans le cours de leur vie, ou se résoudre à expérimenter sur l'homme même, plutôt que sur l'animal ? Les attaques dont la vivisection scientifique est aujourd'hui l'objet sont une des erreurs les plus incompréhensibles de la pensée humaine.
La méthode à suivre dans ces recherches consiste, d'abord à établir les effets généraux produits sur plusieurs espèces animales et les doses nécessaires pour produire ces différents effets ; puis à étudier physiologiquement l'action exercée sur chaque organe du corps. Le mieux est de commencer ces expériences sur des animaux à sang froid, dont la structure plus simple et, en quelque sorte, schématique, se prête mieux à l'observation, et chez lesquels d'ailleurs on peut exciser des organes même importants, tels que le cerveau, la moelle, le coeur, sans provoquer la mort de l'ensemble de l'organisme. Ensuite on continue les expériences en se servant de lapins et mieux encore de chiens et de chats.
L'observation de l'action chimique d'un médicament sur certaines substances organiques en dehors du corps, par exemple sur les substances en putréfaction ou en fermentation, peut aussi donner des indications précieuses sur l'action physiologique de ce médicament.
Les conditions d'expérimentation chez l'homme, étant beaucoup plus compliquées que chez l'animal, peuvent donner lieu à des sources nombreuses d'erreur, si l'on n'a eu soin auparavant de se faire une idée de l'action du médicament par des expériences sur les animaux.
METHODES THERAPEUTIQUES 3
Méthodes thérapeutiques. — La matière médicale n'est qu'une partie de la thérapeutique. Celle-ci étudie la nature et les causes des maladies ainsi que les moyens à leur opposer. Celle-là offre à la thérapeutique un choix de médicaments, après en avoir examiné avec soin les propriétés chimiques et physiologiques. La matière médicale peut être arrivée à bien connaître ces propriétés, sans pour cela avoir la moindre idée des états morbides contre lesquels on peut les utiliser. Cela est vrai du moins pour une partie des médicaments. Qui -pourrait, par exemple, connaissant les effets physiologiques du mercure ou de l'iode, en déduire une action curative contre la syphilis ?
Pour trouver les remèdes à opposer aux maladies, la thérapeutique s'est servie, soit instinctivement, soit en se basant sur des données précises, d'une série de méthodes, qui ont contribué, chacune pour sa part, à en accroître la richesse; la pharmacologie n'est que l'une de ces nombreuses méthodes.
La méthode thérapeutique la plus ancienne est l'empirisme, qui, ne connaissant ni la nature de la maladie, ni l'action du médicament, essayait, pour venir en aide à l'homme souffrant, tantôt de tel remède, tantôt de tel autre, et qui a ainsi, dans le cours des siècles, accumulé une masse énorme de matériaux d'observation. Si la plus grande partie de ces matériaux n'ont aujourd'hui aucune valeur, il faut convenir pourtant qu'on trouve parfois au milieu d'eux quelques données précieuses, qui nous obligent à être reconnaissants envers cette méthode. Se trouvant en présence de maladies qu'elle ne connaissait pas, elle était réduite à agir à l'aventure; de là ses témérités, ses absurdités. Quelque étranges que fussent les idées des anciens empiriques relativement à la valeur des remèdes, chacun de ces remèdes n'en était pas moins une force nouvelle fournie à la thérapeutique. Aujourd'hui encore l'empirisme n'est pas une méthode à rejeter entièrement; il faut seulement soumettre ses découvertes à la pierre de touche d'une critique scientifique; car, ici surtout, on doit se mettre en garde contre le post hoc, ergo propter hoc. La règle à établir, c'est que un succès ou un petit nombre de succès donnés par un médicament n'autorisent- nullement à tirer des conclusions; ce n'est qu'après avoir vu le remède agir favorablement dans des centaines et des milliers de cas de la même maladie, qu'on peut se considérer comme en droit de lui attribuer les résultats obtenus. — A côté de la méthode empirique se place la méthode statistique ; on peut lui reprocher presque les mêmes défauts qu'à la méthode empirique ; mais elle a l'avantage de combattre efficacement les tendances optimistes de cette dernière, en en jugeant rigoureusement les résultats au moyen des longues séries de chiffres qu'elle place brutalement en face d'elle.
Une troisième méthode, la méthode symptomatique, traite les maladies. de manière à supprimer ou amoindrir tel ou tel symptôme particulièrement incommode, comme la douleur, la toux, la fièvre, la paralysie, la diarrhée, et cela sans se préoccuper beaucoup de la nature des maladies. Il lui arrive parfois d'atteindre la source même de la maladie, qu'elle fait disparaître en même temps que son symptôme principal ; .par exemple l'administration de l'opium peut guérir certaines coliques, de même que les purgatifs amènent parfois la suppression delà constipation. Dans bien des cas, tout en laissant persister la maladie, elle en modère les progrès ; tel est, par exemple, le
4 ' EFFETS DES MEDICAMENTS
traitement de la toux chez les tuberculeux. Il peut arriver enfin qu'elle ait une action directement nuisible ; tel est, par exemple, le traitement de certaines formes de typhlite stercorale par les purgatifs.
Une quatrième méthode, la méthodephysiologique, étudie les altérations des tissus et des fonctions d'où proviennent les symptômes morbides, elle cherche à connaître les effets physiologiques des agents naturels et les oppose aux altérations qu'ils peuvent physiologiquement combattre. Ainsi aux spasmes elle oppose les agents paralysants (morphine, chloroforme, hydrate de chloral), aux paralysies elle oppose les agents qui excitent les contractions (électricité, strychnine), etc. Elle se comporte en somme comme la méthode symptomatique, sauf qu'elle s'attaque, non aux symptômes, mais aux troubles organiques qui tiennent ces symptômes sous leur dépendance. Elle a dominé le mouvement scientifique thérapeutique de ces vingt dernières années et a répandu sur l'art de guérir de précieux bienfaits ; mais elle n'est pas en état de remplir l'idéal du médecin, parce qu'elle s'occupe trop peu des causes des maladies.
Une cinquième méthode, la méthode expectante, a pour principe de' compter sur la puissance de l'organisme à vaincre par ses propres forces les troubles morbides qui l'ont envahi. Elle cherche donc à éloigner du malade les causes de troubles nouveaux, à placer le corps dans les meilleures conditions, en attendant que la guérison se fasse naturellement. Les médicaments qu'elle administre ont simplement pour but de tranquilliser moralement le malade, de maintenir ses forces, de le mettre à l'abri de diverses petites incommodités. Cette méthode a rendu de grands services dans les affections aiguës et nerveuses.
La dernière méthode enfin, la méthode rationnelle est celle qui embrasse en même temps toutes les circonstances, la cause, le développement des maladies, les altérations matérielles et fonctionnelles des organes, l'action physiologique des agents curatifs, le nombre et la rapidité des guérisons; mais c'est la méthode de l'avenir, car actuellement les moyens nous manquent pour l'appliquer dans toute son étendue. Il nous faudrait pour cela de grands établissements annexés aux hôpitaux et pourvus de tous les agents nécessaires. Dans l'état actuel des établissements médicaux scientifiques, il n'est possible que de faire du rapiéçage. La méthode rationnelle seule peut rendre toutes les autres méthodes superflues, parce qu'elle se les assimile toutes et les utilise chacune suivant sa valeur.
Effets des médicaments. — Au milieu des variétés infinies que présentent les effets des médicaments sur l'organisme' animal nous découvrons ce fait capital, que l'action physiologique dépend de la constitution chimique et que tous les corps chimiquement analogues produisent des effets physiologiques analogues. La classification des médicaments d'après leur constitution chimique est donc la seule qui soit réellement scientifique et en même temps naturelle et pratique. .Toute autre classification, qu'elle soit basée sur les effets physiologiques ou thérapeutiques, doit être considérée comme artificielle et forcée ; on voit, en effet, un grand nombre de substances produire des effets physiologiques ou thérapeutiques tout opposés suivant les doses auxquelles on les administre. Il est vrai que la base chimique
EFFETS DES MEDICAMENTS g
nous manque pour le plus grand nombre des médicaments; nous n'avons pour beaucoup d'entre eux aucune connaissance précise du rapport existant entre la modification chimique et le trouble fonctionnel physiologique des cellules; mais peu à peu la lumière pourra se faire sur ces questions. N'avons-nous pas déjà des données tout à fait précieuses pour les métaux, les métalloïdes, les alcaloïdes, les alcools?
Les médicaments agissent : 1° directement sur les tissus, soit en les influençant localement (emploi local), soit en influençant, après leur absorp - tion, les parties du corps pour lesquelles ils ont une affinité particulière, soit enfin par une influence générale, en se mettant en rapport avec tous les organes ou le plus grand nombre des organes importai! ts;2indirectement, en remettant, par exemple, un organe dans son état normal et produisant par là une série de conséquences avantageuses. C'est ainsi que les battements du coeur se ralentissent chez les fébricitants à la suite de l'administration des agents antifèbriles : la température ayant baissé, les mouvements du coeur se sont consécutivement modérés; le remède n'a agi que sur la température, et c'est l'abaissement de la température, non le remède, qui a agi sur le coeur; le ralentissement du pouls est donc ici le résultat d'une action indirecte.
Nous donnons ci dessous, par lettre alphabétique, un résumé des principales propriétés physiologiques et thérapeutiques reconnues ou attribuées aux médicaments :
Abortifs. — Tels sont : l'ergot de seigle, divers végétaux térébenthines.
Abstergenls. —-Savons.
Adoucissants. — Ils servent à recouvrir d'une couche protectrice les téguments lésés; tels sont, par exemple, l'albumine, l'ichthyocolle, les gommes, etc.
Agents d'épargne. — Ils ralentissent la consommation de l'albumine. Tels sont : les carbo-hydrates, les corps gras, la quinine.
Analeptiques. — Alcool, vin, camphre, éther.
Anaphrodisiaques. — Tels sont : l'hydrate de chloral, la morphine, le bromure de sodium.
Anesthésiques. — Tels sont : le chloroforme, l'éther, l'hydrate de chloral, la morphine, la cocaïne.
Anodins. — Ils calment les douleurs. Tels sont : la morphine, le chloroforme.
Anthelmintiques. — Tels sont : la santonine, la punicine, la cossine et leurs préparations.
Antiacides. — Tels sont : les carbonates de soude et de magnésie, la magnésie calcinée, les préparations de chaux.
Anticatarrhaux. — Tels sont: les carbonates alcalins, le nitrate d'argent, l'alun.
Anticholagogues. — A cette classe appartiennent certains irritants du canal intestinal, qui ont pour effet de provoquer une abondante sécrétion des glandes de l'intestin ; tels sont : le sel de Sedlitz, l'huile de ricin, le calomel, le sel ammoniac. L'acétate de plomb fait diminuer l'activité du foie de même que la sécrétion des glandes intestinales (Rutherford).
Anfidiarrhéiques. — Opium, morphine, paracotoïne, aromates, thés.
6 EFFETS DES MEDICAMENTS
■Antidotes. — 1° Dynamiques ou antagonistiques ; ce sont' ceux qui suppriment les altérations fonctionnelles déterminées par un autre poison ; tels sont : l'atropine, l'hydrate de chloral, la morphine ; 2° antidotes chimiques; ce sont ceux qui transforment en un composé inoffènsif, dans l'estomac ou l'intestin, un poison qui n'a pas encore été absorbé. C'est ainsi que les acides sont un contre-poison des alcalins et réciproquement, de même que le tannin, l'iode, sont des contre-poisons dans les empoisonnements par les alcaloïdes, etc..
Antigoitreux. — Un grand nombre de préparations iodées.
Antigoutteux. — Sels de potassium et de lithium.
Antihydroliques. — Ils suppriment les sueurs :- telle est l'atropine.
Antiparasitaires. — Ils jouissent de la propriété de tuer les poux (pommade mercurielle) ou le sarcopte de la gale (baume du Pérou).
Antiphlogistiques. — Pommade mercurielle, calomel, huiles grasses.
Antipyrétiques. —Tels sont : la quinine, l'acide salicylique, l'acide benzoïque, la kaïrine, Tantipyrine, la thalline.
Antirhumatismaux. —Tels sont : les huiles éthérées, l'acide salicylique, l'acide benzoïque.
Antiseptiques (antiputrides, antizymotiques, désinfectants). — Ils peuvent prévenir ou faire disparaître les processus de décomposition provoqués par les micro-organismes. Tels sont : le bichlorure de mercure, le chlore, l'ozone, l'iodoforme, la naphthaline, les composés aromatiques, la quinine, le permanganate de potasse.
Antiscrofuleuoe. — Tels sont : l'huile de foie de morue, l'iodure de fer, les bains chloruro-sodiques.
Antisialogogues. —L'atropine, par exemple.
Antispasmodiques, antiténaniques, anticonvulsifs. — Tels sont : les huiles éthérées, le chloroforme, l'hydrate de chloral, la morphine, le bromure de sodium.
Aniisyphilitiques. —Tels sont : l'iode et le mercure.
Apéritifs, stomachiques. — Produits aromatiques, amers, alcool à petites doses, condurango.
Aphrodisiaques. — Tels sont : une alimentation abondante, les cantharides.
Astringents. —Dénomination vague, désignant les agents qui réduisent le volume des cellules, qui font contracter les vaisseaux : tannin, nitrate d'argent, sels de plomb et de zinc, alun.
Carminatifs. — Huiles éthérées, aromates, etc.
Caustiques. — Ils coagulent ou dissolvent l'albumine, détruisent les tissus organiques; tels sont : les alcalis, certains sels métalliques, les acides.
Cholagogues. —Les uns excitent seulement l'activité du foie, mais non celle de l'intestin ; tels sont : l'ipécacuanha, le benzoate et salicylate de soude, le phosphate d'ammoniaque. Les autres excitent en même temps l'activité du foie et celle de l'intestin ; tels sont : l'évonymine,la podophylline, la rhubarbe, l'aloès, la coloquinte, le jalap, le phosphate et le sulfate de soude, le tartrate de soude et le sublimé.
Coagulants et dissolvants de l'albumine. — Alcalins, sels métalliques, acides. '
EFFETS DES MEDICAMENTS 7
Cosmétiques. — Essences, baumes, acides.
Dépilatoires. — Ils ont pour but de ramollir et de faire tomber les poils.
Désodorisants. — Chlore, ozone.
Destructeurs des champignons. — Tel est l'iode.
Digestifs. ■— Ils favorisent la digestion. Tels sont : les aromates, l'acide chlorhydrique, la pepsine, le sel marin.
Dissolvants du mucus. —Les alcalins.
Diurétiques. '■— Alcalins, térébenthine, digitale.
Ecboliques. — Ils provoquent les douleurs de l'enfantement ; c'est notamment l'ergot de seigle.
Emétiques, vomitifs et émétocathartiques. — Tels sont : l'émétine, l'ipécacuanha, l'apomorphine, le tartrate antimonio-potassique.
Emménagogues. ■— Tels sont, par exemple, dans certaines circonstances,' le fer; dans d'autres, l'aloès.
Emollients. — Ils diminuent la tension de la peau et des muqueuses et mettent à l'abri de l'air les surfaces dépouillées de leur épiderme : huiles, gommes, mucilages, émulsions, etc.
Enivrants. —Alcools et leurs dérivés, cannabis.
Evacuants ou purgatifs. — Ils excitent les mouvements péristaltiques de l'intestin et provoquent les évacuations intestinales. On leur donne le nom de drastiques, de laxatifs, d'eccoprotiques, suivant que leurs doses actives se chiffrent par centigrammes, par décigrammes ou par grammes. A cette classe appartiennent : certains sels, notamment les sulfates de soude et de magnésie, le calomel et un grand nombre de produits végétaux, tels que le séné, le jalap, la rhubarbe, l'aloès, la coloquinte, l'huile de ricin et de croton.
Excitants. — Alcool, camphre, éther, ammoniaque.
Excitants musculaires. — Ammoniaque, guanidine, etc.
Excitants de la sécrétion muqueuse. — Tels sont : l'apomorphine, la pilocarpine, l'émétine.
Excitants et toniques cardiaques.—Vin, digitale, atropine, caféine, etc.
Excitants ou paralysants des vaisseaux sanguins. — Strychnine, digitale, nitrite d'amyle, ergot de seigle.
Expectorants. — Les uns calment la toux, comme la morphine; les autres font diminuer la sécrétion des muqueuses, comme l'atropine, la morphine, les alcalins ; d'autres enfin excitent la sécrétion des muqueuses, comme l'émétine, l'apomorphine, la pilocarpine, l'ammoniaque, l'essence de térébenthine, etc.
Fortifiants (toniques, plastiques).— On comprend sous cette dénomination les médicaments qui fortifient le corps, ceux qui provoquent l'appétit, favorisent la digestion, aussi bien que ceux qui augmentent la richesse du sang.
Hématiques. — Ils agissent sur le sang en général (fer, albumine), ou simplement sur les globules blancs (huiles éthérées, quinine).
Hypnotiques. — Tels sont : la morphine, l'hydrate de chloral, le bromure de sodium, la paraldéhyde, l'uréthane, l'hypnon.
Litholytiques. — Dissolvants des calculs : essence de térébenthine, alcalins.
8. ABSORPTION ET MIGRATION DES MÉDICAMENTS DANS L'ORGANISME
Nauséeux. — Ce sont les vomitifs administrés à petites doses.
Névrotiques.— Beaucoup d'huiles éthérées, d'alcaloïdes, de glycosides.
Nutritifs. — Albumine, peptone, carbo-hydrates, graisses.
Olfactifs. — Ils agissent soit sur le nerf olfactif, comme les huiles éthérées, soit sur les branches nasales sensibles du trijumeau, comme l'ammoniaque. .
Opthalmiques. — Ils agisent sur la pupille et l'accommodation (mydriatiques et nautiques) : atropine, physostigmine, etc.
Paralysants. — Tels sont : la morphine, le chloroforme, le curare.
Rafraîchissants. — Acides dilués, nitrate de soude, etc.
Résolutifs. —Us provoquent, dit-on, la résorption des produits pathologiques ; tels sont : le mercure, l'iode, les purgatifs, etc. Mais les recherches vraiment scientifiques font à peu près entièrement défaut à ce sujet.
Réducteurs des sécrétions muqueuses. — L'atropine, par exemple.
Rubéfiants. — Une partie de ces agents a été signalée à propos des vèsicants ; je citerai encore : le mézéreum, les caustiques dilués, le chlorure de sodium.
Sédatifs de l'estomac, antiémétiques. — Ils jouissent de la propriété de calmer l'excitabilité gastrique ; tel est l'opium.
Sialagogues, ptyalagogues. — Ils agissent, soit par voie réflexe, comme les aromates, soit en influençant directement les nerfs sécréteurs, comme la pilocarpine, le mercure.
Stemutatoires. — Ellébore, tabac, etc.
Stimulants du développement osseux. — Phosphore, arsenic.
Stupéfiants (narcotiques, sédatifs). — Alcools, cannabis et beaucoup d'alcaloïdes, tels que la morphine, la quinine, l'atropine.
Stypiiques. — Ils font coaguler le sang et arrêtent conséquemment les hémorragies : perchlorure de fer, tannin, alun, pierre infernale ; de plus, le penghawar Djambi et le boletus igniarius (amadou).
Substances d'agrément. — Vin, bière, eau-de-vie, café, thé, chocolat. ■ Sudorifiques. — Infusions aromatiques, pilocarpine, acide salicylique.
Vèsicants. — Moutarde, cantharides, tartrate antimonio-potassique.
Absorption et migration des médicaments dans l'organisme. —
La peau intacte est dépourvue de la propriété d'absorber les médicaments solides, pulvérisés ou dissous dans l'eau, les médicaments non volatils. Les substances volatiles seules, comme l'éther, le chloroforme, les huiles éthérées, peuvent pénétrer à travers la peau dans l'intérieur de l'organisme.
Toutes les muqueuses, au contraire, depuis la bouche jusqu'au rectum, ainsi que les muqueuses des voies respiratoires et urogénitales, possèdent un pouvoir d'absorption très actif pour les substances dissoutes ou solubles; les substances solides et insolubles, finement divisées, le charbon, par exemple, peuvent même pénétrera travers les muqueuses dans l'organisme et continuer à y cheminer.
Par voie de diffusion ces substances arrivent ensuite jusqu'aux cellules superficielles, dans les interstices cellulaires et dans les voies lymphatiques, puis dans l'intérieur des capillaires et des veines, d'où elles sont entraînées par le torrent lymphatique et sanguin dans toutes les régions du corps.
ABSORPTION ET MIGRATION DES MEDICAMENTS DANS L'ORGANISME 9
L'absorption commence immédiatement après la mise en contact avec la muqueuse ; c'est ce qui se trahit, par exemple, sur la langue, par la saveur perçue presque instantanément. Dans le canal gastro-intestinal cette absorption peut déjà être complète au bout de 5 à 15 minutes, même pour des quantités considérables de médicament, pourvu que l'estomac ne soit pas rempli par une abondance trop grande d'aliments. La rapidité de l'absorption varie d'ailleurs beaucoup suivant la diffusibilité du médicament ingéré et suivant les dispositions individuelles.
Les sucs du canal intestinal modifient un grand nombre de médicaments avant, leur pénétration dans le sang, et ils leur font subir des modifications très variées. Les substances non dissoutes se dissolvent par l'action de l'eau, de la salive et du suc gastrique avec l'intervention des acides de l'estomac, les métaux se transforment en sels, les chlorures notamment passent dans l'intestin à l'état d'albuminates, l'amidon se change en sucre sous l'influence de la salive et du suc pancréatique, albumine se transforme en peptone par l'action des sucs gastrique et intestinal ; les graisses s'émulsionnent ; beaucoup d'anhydrides, comme la convolvuline, subissent simplement l'in fluence dissolvante de la bile. Dans l'intestin l'ivydrogène sulfuré des gaz intestinaux donne naissance à des composés sulfureux. Ainsi se modifient les propriétés elles-mêmes des médicaments. Des substances qui, introduites dans le rectum, peuvent être entièrement inactives, deviennent, dans l'estomac, par suite de leur transformation en sels solubles, des poisons extrêmement violents; de même des substances qui, dans l'estomac, ont une action toxique, se transforment dans l'intestin en composés sulfureux insolubles et deviennent ainsi physiologiquement inactives. Il est même plusieurs substances qui, arrivées dans le sang, y éprouvent de nouvelles modifications, s'y décomposent par l'action de l'acide carbonique ou des ferments (des sels iodiques, par exemple, mettent en liberté de l'iode), ou bien se combinent avec les éléments du sang (le phénol, par exemple, se. combinant avec l'acide sulfurique de l'organisme, se transforme en acide phénol-sulfurique et perd de cette manière ses propriétés antiseptiques énergiques), ou bien enfin éprouvent une réduction (sels de Sedlitz) ou une oxydation (sels végétaux, acide arsénieux).
Puis les substances absorbées, sortant du torrent circulatoire, se déposent dans les cellules elles tissus de l'organisme, où elles séjournent pendant un temps plus ou moins long, avant d'être éliminées avec l'urine, la bile, la salive, le mucus ouïes larmes ; d'autres, au contraire, s'éliminent immédiatement après avoir pénétré dans le sang. Si on les a injectées dans le tissu cellulaire sous-cutané, on peut les retrouver au bout de quelque temps dans la salive, dans les sucs gastrique et intestinal, dans les matières fécales, naturellement aussi dans l'urine. Un grand nombre de substances, quelques minutes seulement après leur ingestion dans l'estomac, se retrouvent dans la salive et dans l'urine; l'iode, par exemple, s'y retrouve au bout de 5 à 9 minutes. Les substances le plus facilement diffusibles, étant aussi le plus rapidement absorbées, sont naturellement celles qui s'éliminent le plus rapidement. Il en est d'autres, au contraire, le plomb par exemple, qui peuvent séjourner pendant des années dans l'organisme sans être éliminées entièrement.
10 MODE D'ACTION ET ÉNERGIE DES MÉDICAMENTS
Mode d'action et énergie des médicaments. —L'action physiologique des médicaments ne doit pas être considérée comme absolument constante ; elle varie d'après leur richesse en principes actifs, d'après leurs doses, et, dans une certaine mesure, suivant l'espèce d'animal, suivant l'âge, le sexe, l'individualité, l'état de santé ou de maladie, ainsi que suivant l'époque où on les administre.
Des doses fortes agissent naturellement plus énergiquement que des doses faibles, de même qu'à l'état de concentration elles sont plus actives qu'à l'état de dilution; mais ici il ne s'agit pas seulement d'une différence dans l'intensité des effets, on observe souvent, suivant les doses, des effets tout différents ou même entièrement opposés. La morphine, l'alcool, à petites doses, excitent les mêmes organes, le cerveau par exemple, qu'ils paralysent à.doses plus élevées. Une petite quantité d'un caustique, de sublimé par exemple, administrée sous forme de poudre, provoquera de violentes douleurs d'estomac, etc., tandis que la même quantité, ingérée avec beaucoup d'eau ou avec de l'albumine, ne produira aucune action locale.
Il n'est nullement indiffèrent de faire prendre une dose de médicament en une fois ou de diviser cette dose en parties plus petites, qu'on administre dans le courant de la journée. Dans ce dernier cas, l'organisme, avant de recevoir la dernière dose, a eu le temps d'éliminer une grande partie de la substance précédemment ingérée. Mais pour produire certains effets il est souvent nécessaire de faire agir le médicament à une dose déterminée et dans un certain état de concentration, par exemple, pour combattre la fièvre ou pour calmer l'accélération des mouvements péristaltiques intestinaux; des doses fragmentées ne produiraient plus alors le même effet qu'une forte dose administrée en une fois.
La richesse des produits naturels en principes actifs varie malheureusement dans de telles proportions qu'il arrive souvent que la même plante, suivant le lieu d'origine, suivant le sol, contient deux fois plus de principes actifs et par conséquent jouit de propriétés deux fois plus actives. Dans l'intérêt de l'exactitude on cherche donc aujourd'hui à remplacer les produits naturels par leurs principes actifs chimiquement purs. Là où la chose, à cause des frais par exemple, ne serait pas praticable, on doit exiger au moins que la richesse des médicaments en principes actifs soit parfaitement connue et qu'on ne mélange pas, dans un but frauduleux, des substances étrangères aux médicaments.
L'individualité a une influence essentielle sur les effets des médicaments, l'action physiologique d'un remède étant, en effet, la résultante de la réaction de l'organisme et de l'activité chimique et physique du remède ; c'est là un fait bien établi, mais non expliqué. Chez les mêmes espèces animales on voit les divers individus présenter, à ce point de vue, d'importantes différences.
Les enfants et les vieillards ne supportent que des doses beaucoup plus faibles que les adultes, de sorte qu'aux. enfants au-dessous d'un an on doit administrer des doses de dix à vingt fois moindres ; aux enfants de 1 à 5 ans, des doses de cinq à huit fois moindres que celles qui conviennent aux adultes. Les femmes sont en général plus vivement sensibles que les hommes à l'action des médicaments ; les personnes mal nourries, anémiques,
MODE D'INTRODUCTION DES MEDICAMENTS {{
sont aussi plus fortement impressionnées que les personnes vigoureuses. Dans plusieurs maladies, il faut, pour produire un effet déterminé, des doses de deux à trois fois plus considérables que chez les hommes à l'état de santé, soit que l'absorption de l'agent thérapeutique se fasse alors dans l'intestin d'une manière plus lente et plus incomplète, soit encore à cause des altérations qu'a subies la réaction des tissus organiques; c'est ainsi que, dans le tétanos, 10 grammes d'hydrate de chloral peuvent être tolérés et sont nécessaires pour amener une sédation; c'est ainsi que, chez les fébricitants, on peut administrer jusqu'à 5 grammes de quinine sans danger et avec avantage, alors que ces mêmes doses, ingérées par une personne à l'état sain, donneraient lieu à des accidents toxiques. Remarquez encore que l'organisme peut, à la suite d'un usage prolongé de certains médicaments, s'habituer à des doses de plus en plus élevées, de sorte qu'il finit par supporter sans inconvénient des doses qui tueraient un organisme qui n'y serait pas accoutumé. D'après nos observations (Rosshach), l'accoutumance se produit toujours en peu de temps à la suite de l'administration d'un petit nombre de doses ; mais tous les organes ne s'habituent pas d'une manière égale au poison; plusieurs restent toujours sensibles; d'autres réagissent à la fin autrement qu'au début de l'empoisonnement; d'autres finissent par n'éprouver aucune influence de la part du poison; ces derniers sont notamment des organes d'une importance prédominante, de sorte que l'organisme entier finit par manifester la même indifférence. Cependant chaque organisme présente, relativent aux doses toxiques qu'il peut supporter sans inconvénient appréciable par suite de l'accoutumance, une limite extrême, que l'on ne peut franchir impunément. Bien qu'on ait élevé la dose lentement et avec les plus grandes précautions, il arrive un moment où la dose administrée produit des effets toxiques. Ces effets d'une haute dose toxique sur un organisme habitué à des doses plus petites ressemblent à ceux produits par une petite dose toxique sur un organisme normal. Si, au contraire, la haute dose toxique est à peine plus élevée que celle qui venait d'être tolérée, alors les phénomènes aigus de l'empoisonnement ne ressemblent plus aux phénomènes qui se produisent primitivement, mais présentent un caractère tout à fait nouveau. Si de très hautes doses toxiques ont longtemps agi sur le corps, la suppression du poison auquel le corps était habitué provoque même des accidents morbides.
Il est des organismes qui possèdent, par suite d'une disposition congénitale, une force de résistance plus considérable à l'égard de certains poisons ; tels sont les peuples septentrionaux à l'égard de l'alcool, les herbivores à l'égard des alcaloïdes. D'autres organismes, au contraire, résistent beaucoup plus faiblement ; par exemple l'homme est, en général, beaucoup plus sensible que tous les animaux à l'action des alcaloïdes toxiques.
Modes d'introduction des médicaments. — Les médicaments peuvent être indroduits dans le corps, c'est-à-dire dans le sang, par des voies très diverses.
1° La peau, avons-nous dit, ne laisse pénétrer a travers son épidémie intact que les substances volatiles. Ce n'est donc que pour ces substances qu'est applicable la méthode épidermique, qui consiste à porter les mèdi-
12 MODES D'INTBODUCTION DES MEDICAMENTS
caments sur la peau intacte au moyen de badigeonnages, de pommades ou d'emplâtres. La méthode endermique consiste à faire absorber les médicaments en les faisant agir sur des surfaces cutanées privées de leur tégument épidermique soit naturellement, par suite d'une maladie cutanée, soit artificiellement consécutivement à l'application d'un vésicatoire. Lorsque, au moyen d'une lancette, on inocule sous l'épidermeun agent médicamenteux, cette opération porte le nom d'inoculation. Ces trois méthodes sont peu employées, étant peu rationnelles; on leur préfère avec raison la méthode endohypodermique, qui consiste à injecter, au moyen d'une seringue, dans le tissu cellulaire sous-cutané, les médicaments à l'état de solution, et qui produit des effets plus rapides, plus sûrs et plus nets que les autres méthodes. La méthode de l'infusion, par laquelle on injecte directement les médicaments dans les veines, n'a plus aucune raison d'être, parce que l'injection sous cutanée présente les mêmes avantages et n'a pas les mêmes inconvénients.
2° C'est parle canal digestif qu'on cherche le plus souvent à faire pénétrer les médicaments dans l'organisme, soit en les introduisant dans la bouche et l'estomac (médication interne), soit en les injectant dans le rectum (lavements).
3° On fait absorber certains médicaments par la muqueuse des voies respiratoires ; on les fait inhaler à l'état gazeux, ou dissous, ou finement pulvérisés, ou bien encore on les introduit dans le nez, le larynx, au mojoen d'inhalations, d'injections ou de badigeonnages.
4° On introduit aussi les médicaments dans le conduit auditif externe et dans la cavité du tympan, dans le sac conjonctival, dans la vessie, dans le vagin et l'utérus ; on les dépose aussi sur les plaies cutanées.
5° Enfin on commence maintenant à injecter directement, au moyen de la seringue de Pravaz, certains agents thérapeutiques dans les tissus malades, dans les tumeurs* bénignes et malignes, dans les tumeurs scrofuleuses.
COMPOSÉS ALCALINS ET ALCALINO-TERREUX
Parmi les cinq métaux alcalins, potassium, sodium, lithium, coesium et rubidium, on n'emploie en médecine que les hydroxydes et les sels des trois premiers ; parmi les métaux alcalino-terreux, les oxj'des fortement basiques (terres alcalines) et les sels de calcium et de magnésium sont les seuls dont la médecine fasse usage.
Importance physiologique. — Quelques sels alcalins constituent un élément normal et essentiel de l'organisme des animaux. La plupart des organes et des humeurs présentent une réaction alcaline. Un rôle particulièrement important dans les phénomènes delà vie organique appartient aux chlorures de sodium et de potassium, ainsi qu'aux carbonates et aux phosphates dépotasse et de soude; c'est ce qui ressort des considérations suivantes :
1° Quelques unes au moins des substances albumineuses du sang sont probablement maintenues en dissolution grâce à l'alcali contenu dans ce liquide. Les substances albumineuses du sang présentent toujours, en effet, une réaction alcaline, et quelques-unes, la globuline par exemple, neutralisées avec précaution par l'acide acétique, et en même temps étendues d'eau, éprouvent une modification qui les rend insolubles.En outre, la température à laquelle se coagule l'albumine dissoute s'élève sous l'influence de l'addition d'un peu de carbonate de soude, tandis qu'elle s'abaisse par l'addition d'autres composés alcalins neutres ; de plus, en saturant une solution albumineuse par certains sels alcalins ou alcalino-terreux, on peut donner lieu à des précipités, notamment de globuline. Le sulfate neutre d'ammoniaque provoque même une précipitation complète de tous les éléments albumineux du sérum sanguin et des solutions de blanc d'oeuf (Heynsius).
2° Liebig a démontré que l'alcalinité du sang est une des conditions les plus importantes pour que les combustions organiques, la chaleur et les échanges nutritifs puissent se produire. C'est grâce, en effet, à l'alcali libre qu'un grand nombre de substances organiques ont la faculté de se combiner avec V oxygène, de se brûler; et, à la température du corps, elles ne le pourraient pas sans la présence de l'alcali. C'est ainsi que l'alcool s'oxyde en présence d'un alcali, à la température ordinaire. lien est de même du sucre de lait et du sucre de raisin qui, en contact avec un alcali, à une douce chaleur, enlèvent aux oxydes métalliques eux-mêmes leur oxygène.
14 COMPOSES ALCALINS ET ALCALINO-TERREUX
La glycérine, qui résiste à l'action de l'ozone, s'oxyde rapidement aussi quand on ajoute un alcali.
Cette action des composés alcalins s'exerce aussi dans le sang vivant; c'est ce que démontrent plusieurs faits: les malates, citrates, acétates et autres sels végétaux, que nous absorbons avec nos aliments, sont brûlés dans le sang, comme dans un foyer, et apparaissent par conséquent dans l'urine à l'état de carbonates; mais si, au lieu des sels alcalins, on introduit dans l'estomac les acides isolés, privés de leurs bases alcalines, on constate alors qu'ils apparaissent dans l'urine incomplètement brûlés; il en est ainsi même pour les acides gallique et tartrique, qui pourtant se brûlent si facilement. Voici l'interprétation que Liebig donne de ce fait: Les sels végé1aux neutres, dit-il, ne modifient pas l'alcalinité du sang, tandis que les acides libres diminuent cette alcalinité, en se combinant avec une partie de l'alcali du sang, et lui enlèvent ainsi le pouvoir de brûler toute la quantité d'acide qui a pénétré dans la circulation. Si le sang dans lequel a pénétré, par exemple, de l'acide gallique, était resté fortement alcalin, cet acide n'aurait pas manqué d'être détruit; il n'aurait pas pu se maintenir en présence de l'oxygène et d'un alcali libre.
3° Les alcalis du sang ont pour rôle, non seulement de fixer les acides venus de l'extérieur avec les aliments, mais encore de s'unir aux acides qui se forment dans les tissus eux-mêmes ,à la suite des échanges nutritifs, par exemple à l'acide carbonique, à l'acide phosphorique. Ainsi cette opposition Chimique qui existe, dans le corps vivant, entre les alcalis et les acides, a pour double résultat de favoriser l'introduction dans l'organisme des matériaux nutritifs (pénétration de la bouillie alimentaire acide dans le sang alcalin) et de faire sortir de l'organisme les produits Ultimes de la nutrition (acide carbonique, etc.). Sans cet antagonisme entre l'alcali du sang et l'acide des cellules vivantes, les échanges nutritifs ne seraient pas possibles.
4° Schulz a constaté que les chlorures alcalins et alcalino-terreux, soumis, sous l'influence d'une basse température, à l'action prolongée d'un courant d'acide carbonique, se décomposent en donnant naissance à de l'acide chlorhydrique et à des carbonates. Il admet que les substances alcalines du sang et des tissus subissent une semblable décomposition et il voit là une des sources de l'acide chlorlrydrique libre du suc gastrique. Quant au reste de l'acide chlorhydrique qui devient libre dans l'organisme, une partie, d'après Schulz, entre immédiatement dans de nouvelles combinaisons, une autre se décompose en chlore libre et en eau. Ce chlore libre peut entrer directement dans des-combinaisons organiques, ou bien se combiner, dans les liquides alcalins des tissus, avec l'oxygène, pour donner naissance à de l'acide hypochloreux, ou enfin, par suite de la décomposition de l'eau, reproduire de l'acide chlorhydrique, en même temps que de l'oxygène redevient libre. L'acide hypochloreux et l'hydrogène libre sont de puissants agents d'oxydation, et les chlorures alcalins seraient donc, en admettant la justesse des déductions de Schulz, des facteurs essentiels du passage continuel de l'oxygène de l'organisme à l'état actif.
5° Les corps gras ne peuvent être oxydés au moyen de l'ozone qu'en présence d'un alcali libre; aussi Gorup-Besanez a-t-il cru pouvoir attribuer
COMPOSES ALCALINS ET ALCALINO-TERREUX j§
à l'alcali qui existe dans le sang vivant une influence sur l'oxydation des graisses.
6° Les sels alcalins et alcalino-terreux jouent aussi un rôle considérable, quoique moins connu, sur la vie des +cellules organiques. La molécule organique la plus importante, l'albumine, se trouve toujours, dans l'organisme, associée avec des sels, surtout avec le phosphate de chaux. On ne trouve point de cellules sans un élément minéral, et il en est, comme les cellules osseuses, qui ne doivent qu'à la forte proportion de sels qu'elles renferment leur pouvoir de. servir de soutien solide au corps.
Plusieurs sels remplissent surtout un rôle physique (phosphates de chaux, de magnésie, carbonate de chaux), en assurant la solidité de certains tissus; d'autres, comme les chlorures de sodium, de potassium, les phosphates alcalins, ont surtout à remplir un rôle chimique.
Les considérations qui précèdent nous permettent de comprendre comment un apport continuel de ces composés est absolument nécessaire à la vie, comment les substances albumineuses elles-mêmes ne peuvent pas, sans l'aide de ces sels, entretenir la vie, comment enfin la vie ne tarde pas à s'éteindre quand ces sels viennent à faire défaut dans l'alimentation. Forster, par des études remarquables, nous a fait connaître les faits suivants sur l'importance des sels dans l'alimentation.
1° L'organisme animal, dans son état d'équilibre nutritif, a besoin, pour maintenir cet équilibre, de recevoir certains sels. S'il n'en reçoit qu'une quantité insuffisante, à plus forte raison s'il n'en reçoit pas du tout, il abandonne les sels qui entrent dans sa constitution et cesse de vivre, alors même qu'il reçoit en quantité suffisante tous les matériaux nutritifs, tels que l'albumine, la graisse, l'amidon.
2° Chez l'animal adulte, à l'alimentation duquel on soustrait, autant que possible, les principes minéraux, les échanges organiques, les processus de désassimilation, s'accomplissent jusqu'à la mort de la même manière que chez celui qui, en même temps que les autres principes alimentaires nécessaires, reçoit encore des principes salins. Mais on voit peu à peu se produire, chez le premier, des troubles fonctionnels qui ont pour résultat définitif, d'un côté, d'empêcher les matériaux alimentaires de subir les modifications qui les rendent absorbables (dégoût absolu pour les aliments, troubles digestifs, vomissements); d'un autre côté, de supprimer l'accomplissement des processus essentiels à la vie (affaiblissement des fonctions du cerveau, de la moelle épinière, hébétude intellectuelle, paralysie des membres, affaiblissement musculaire énorme), et de déterminer ainsi la mort de l'organisme.
Il est important de remarquer que ce sont les organes nerveux centraux qui souffrent le plus tôt et de la manière la plus intense de celte suppression des principes salins dans l'alimentation.
3° Quand on soustrait à l'alimentation les principes inorganiques, on constate que, pendant toute la durée de l'expérience, l'élimination des éléments salins est très notablement réduite. A l'état de jeûne absolu, l'organisme élimine du reste, par les urines, etc., plus d'éléments salins que lorsqu'il est soumis seulement à la privation des principes minéraux, et qu'il reçoit seulement des graisses, des fécules et des viandes privées par le lavage des sels qu'elles contenaient.
16 COMPOSÉS ALCALINS ET ALCALINO-TERREUX
4° Les sels qui servent à la nutrition-n'ont pas besoin d'être fournis à l'organisme en aussi grande quantité qu'on l'a cru jusqu'ici; en effet, les sels qui résultent du travail de désassimilation organique peuvent être en partie retenus dans le sang et les humeurs'par les matériaux nutritifs qui y arrivent, et être ainsi une seconde fois utilisés.
Forster explique ces résultats par les réflexions suivantes: La plus grande partie des sels qui existent dans le corps est intimement combinée avec les substances albumineuses. Quand ces dernières se décomposent, il arrive toujours que de petites quantités des sels qu'elles contenaient deviennent libres et s'éliminent aussitôt par les reins. L'urine renferme donc une quantité de sels qui est toujours en rapport avec la quantité d'azote éliminée. Si les aliments ingérés renferment trop peu de sels, il arrive que les substances albumineuses se combinent avec les sels qui existent dans le corps et qui proviennent de la désassimilation de la matière organique, et ces sels sont ainsi de nouveau utilisés. Mais toute combinaison chimique demandant un certain temps pour se faire, et le travail de désassimilation et d'élimination continuant à s'accomplir pendant ce temps, il arrive que l'organisme s'appauvrit peu à peu en sels ; cet appauvrissement se produit plus rapidement chez l'animal soumis à un jeûne absolu, parce que l'organisme de cet animal ne reçoit point de substances albumineuses qui, s'emparant des sels devenus libres, puissent s'opposer à leur élimination.
L'absorption des alcalis et des terres alcalines se fait par les muqueuses digestives. Contrairement à l'opinion -ancienne, la peau intacte ne peut pas même absorber l'eau, à plus forte raison les alcalis et les terres alcalines.
I. Composés alcalins
— P R 0 P RIÉ T É S P II Y SI 0 L O G I Q U E S —
- On citait autrefois que les sels correspondants de potasse et de soude avaient à peu près la même action physiologique et qu'il était indifférent, par exemple, d'administrer le chlorure de sodium ou le chorure de potassium, le carbonate de potasse ou le carbonate de soude.
On est aujourd'hui revenu de cette opinion et l'on sait qu'il existe des différences essentielles entre ces deux ordres de sels, au point de vue de leur action plrysiologique.
Leur distribution dans l'organisme. — Les composés de potassium et de sodium occupent .dans l'organisme des places tout à fait différentes, ce qui fait déjà pressentir qu'ils ont un rôle tout différent à remplir. Les sels de soude se trouvent presque exclusivement dans les liquides de l'organisme (sérum du sang, de la lymphe, bile), tandis que les sels de potasse existent principalement dans les globules sanguins, dans les tissus et les cellules. La petite quantité de sels de potasse qu'on peut trouver dans les liquides des tissus ne fait qu'y passer; elle provient de l'alimentation et de la destruction des cellules. Quant aux sels de soude qu'on rencontre dans les cendres des tissus, ils ne proviennent point des cellules de ces tissus, mais bien du sérum sanguin qui était contenu clans ces cellules et qui a été brûlé avec elles. Les sels de potasse qui se trouvent dans le sérum sanguin n'y séjournent pas, ai-je dit; ils sont immédiatement absorbés par les cellules ou éliminés par
COMPOSES ALCALINS 17
les urines. Et si le sérum du sang ne se débarrassait pas rapidement de ces sels, il surviendrait des troubles généraux, de véritables symptômes d'empoisonnement. La cellule animale a une grande affinité pour les sels de potasse, aucune pour les sels de soude ; les premiers se diffusent beaucoup plus facilement que les seconds à travers les tissus, ce qui doit naturellement rendre leur action déjà bien différente.
Elimination. — Le rôle bien différent que jouent dans l'organisme les sels de potassium et de sodium a été encore mis en lumière par les expériences de Salkowski sur l'élimination de ces sels chez l'homme sain et chez l'homme malade : chez l'individu en bonne santé, les sels potassiques s'éliminent à peu près exclusivement par les urines; tandis que, chez l'indi-' vidu malade, on peut trouver ces sels en quantité notable dans la salive, dans le mucus bronchique, dans les sécrétions intestinales (ty'phus). De plus, chez l'individu sain, dans les conditions ordinaires d'alimentation, il y a toujours plus de sels de soude éliminés que de sels de potasse; chez le fébricitant, au contraire, la quantité de potassium éliminée l'emporte notablement sur celle de sodium, qui devient souvent extrêmement minime; la quantité de potassium éliminée devient alors trois, quatre fois, jusqu'à sept fois plus considérable que dans l'état apyrétique. Salkowski admet que ce fait est dû à ce que, dans l'état de fièvre, les tissus riches en sels potas - siques (muscles, globules sanguins) se détruisent plus rapidement, et cette opinion paraît très juste.
Toxicité. — Le plus toxique est le lithium, qui possède le poids atomique le-plus faible, tandis que le rubidium, dont le poids atomique est le plus élevé, est presque inoffensif. D'après Husemann, les-sels métalliques ont une activité d'autant plus grande, à égalité de solubilité et de diffusion, qu'ils contiennent une plus grande quantité de métal; par conséquent leur activité est en raison inverse du poids atomique de l'acide, en admettant que cet acide ne possède pas par lui-même d'action toxique. Le chlorure de potassium et le chlorure de lithium auraient, par exemple, une activité toxique à . peu près égale chez les animaux à sang froid, aussi bien que chez les animaux à sang chaud. Mais le chlorure de lithium contient, pour 100 parties, 16,37 de lithium, tandis que, sur 100 parties de chlorure de potassium, il 3^ a 52,34 de potassium. Par conséquent, la toxicité du lithium relativement à celle du potassium serait comme- 3 1/4 est à 1.
Les composés de sodium sont entièrement inoffensifs à une dose où les sels de potasse provoquent des accidents mortels; pour que ces sels de soude puissent être dangereux, il faut les employer à des doses tout à fait excessives. D'après les recherches de Falck-Hermanns, le chlorure de potassium injecté dans les veines, chez les chiens, a une action cinquante-trois fois plus intense que le chlorure de sodium emplojré de la même manière.
Les sels de sodium injectés directement dans le sang, même à doses élevées, n'exercent aucune action sur le coeur, ni sur la température, ni sur les centres nerveux, ni sur les muscles, ni sur les nerfs périphériques; ce n'est que quand les solutions de ces sels sont très concentrées qu'on observe une diminution de l'excitabilité de ces tissus. Les sels de potassium, au contraire, exercent une action toxique sur le coeur, sur les nerfs et sur les muscles ; ils tuent l'animal en paralysant son coeur. Sous l'influence de doses.
NOTHNAGEL cl RossiiACii, T h é r à p e u t i q u e. 2
18 COMPOSES ALCALINS
énormes chlorure de sodium, l'animal peut rester longtemps dans un état de mort apparente, mais son coeur continue à battre; au contraire, chez un animal empoisonné parle chlorure de potassium, il peut exister encore quelques mouvements d'inspiration, alors que les contractions du coeur ont complètement cessé. Chez les animaux à sang chaud empoisonnés par le chlorure de sodium, on observe fréquemment un flux buccal et nasal, de Y oedème pulmonaire, par conséquent des modifications de l'appareil respiratoire; on observe aussi une évacuation abondante d'urine; ces phénomènes ne se produisent jamais avec le chlorure de-potassium. Le genre de mort est aussi bien différent suivant que l'empoisonnement a été provoqué par un sel ,de potasse ou par un sel de soude (Grandeau, Guttmann, Falck, et autres).
Si l'on touche avec un sel de sodium un point de l'intestin grêle ou du gros intestin mis à nu, il se produit une contraction qui ne reste pas limitée au point de contact, mais qui s'étend sur une largeur de plusieurs centimètres, et cette extension se fait constamment vers le haut, vers le pylore. Si, au contraire, le contact a lieu avec un sel de potassium, il se manifeste une forte contraction du tissu musculaire, laquelle reste limitée au point de contact ou s'étend comme un anneau qui étrangle l'intestin au niveau de l'endroit touché (Nothnagel).
Floel a constaté chez des animaux à sang chaud que la réaction spéciale au sodium ne se développe que dans la vie postembryonaire, quand l'intestin a acquis la faculté des mouvements péristaltiques post mortém.
Bardeleben a vu, chez un supplicié, à la suite d'une excitation de l'intestin par un sel de sodium, se produire une contraction locale lente, ainsi que de petits étranglements de 3 à 5 millimètres, qui s'étendaient à environ 5 centimètres vers le haut et vers le bas. Ces deux auteurs voient dans leurs observations une confirmation de l'opinion de Nothnagel, d'après laquelle l'action du sodium serait une action nerveuse.
Ainsi donc il y a entre la toxicité des sels de potasse et celle des sels de soude, non seulement de grandes différences quantitatives, mais encore de grandes différences qualitatives.
Les substances alimentaires contiennent des quantités très différentes de sels de soude et de potasse. Les carnivores ingèrent avec leurs aliments à peu près autant de sodium que de potassium; chez les herbivores, au contraire, la quantité de potassium ingérée est bien supérieure à la quantité de sodium; c'est ce qui ressort nettement du tableau suivant, qui indique, d'après Wolf, les quantités relatives de potassium et de sodium qui entrent dans la composition des principales substances alimentaires. En représentant par 1 la quantité de sodium, celle de potassium sera représentée :
Dans le sang de boeuf, par. 0,11
Dans le blanc d'oeuf de poule, par 0 65
Dans le jaune d'oeuf de poule, par 1' 04
Dans le lait de vache, par. 1 67
Dans le blé sarrazin., par. 2.48
Dans la viande de boeuf, par 3 3g
Dans le foin, par 3'7g
Dans l'avoine, par k§\.
Dans le froment, par 9 36
Dans le trèfle, par 10*42
IMPORTANCE ET PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES 19
Dans le seigle, par. 12,18
Dans la pomme de terre, par. 15,16
Dans les pois, par. .^ . . . . . . . . 28,64
Kemmerich a fait, sur la valeur nutritive des sels de potassium et de sodium, des expériences très intéressantes. Il a nourri deux chiens avec de la viande qui avait été soumise à une double cuisson, qui avait par conséquent été privée en très grande partie de ses sels. Chacun de ces chiens recevait des quantités égales de cette viande; mais à la nourriture de l'un on ajoutait une certaine, quantité de chlorure de sodium: à celle de l'autre, la même quantité de sel potassique. Or, au bout de vingt-six jours, ce. dernier avait gagné en poids 2085 grammes;, le premier n'eu avait gagné que 810; ce qui fait 1275 grammes (le quart du poids du corps) en faveur du chien qui avait absorbé le sel potassique. De plus, ce même chien était, à la fin de l'expérience, un animal vigoureux, vif, intelligent, non pas gras, mais fortement musclé ; au contraire, le chien à qui l'on avait donné du chlorure de sodium était dans un état pitoyable; il pouvait à peine se traîner, se tenait dans un coin, l'oeil terne et languissant, et ne mangeant qu'à contre-coeur. La contre-épreuve fut faite," c'est-à-dire que le premier, le chien vigoureux, fut soumis au chlorure de sodium; le second, le chien faible, au sel potassique. Celui-ci, à son tour, avait augmenté, au bout - de vingt-six jours, de 1850 grammes, tandis que l'autre n'avait gagné que 530 grammes.
Cette expérience semblerait démontrer que les sels de potassium servent au développement du tissu musculaire, tandis que les sels de sodium n'auraient pas cette propriété. De nouvelles expériences ont appris à Kemmerich que les sels potassiques ne peuvent arriver à ce résultat qu'à la condition qu'on donne en même temps aux animaux une petite quantité de chlorure de sodium; si le sel potassique est donné seul, à l'exclusion du chlorure de sodium, le développement musculaire reste au même point qu'avant l'expérience. Les premiers résultats obtenus par Kemmerich perdent donc par ce fait une grande partie de leur valeur.
Théorie du scorbut. — On a remarqué que très souvent le scorbut se développe chez des individus soumis à une longue privation de légumes frais (riches en potassium); de là Garrod a conclu que c'est l'insuffisance des sels de potasse dans l'alimentation qui donne lieu, en général, au scorbut; mais on peut faire à cette opinion plusieurs objections. D'abord on a observé des épidémies de scorbut dans des cas où les légumes frais, les pommes de terre, etc., ne manquaient nullement (par exemple, dans l'épidémie de scorbut qui éclata sur la frégate Novara, dans celle qui a été observée, en 1871, à Ingolstadt, etc.); en second lieu, il faut remarquer que la viande contient une quantité suffisante de sels de potasse, et que les animaux exclusivement carnivores, de même que les hommes qui ne se nourrissent pendant un certain temps qu'avec de la viande, n'ont pas pour cela le scorbut. De plus, on n'a jamais démontré expérimentalement que les globules sanguins, le tissu musculaire, etc., fussent plus pauvres en sels potassiques chez les scorbutiques que chez les individus sains, et aucune recherche positive n'a été faite non plus sur l'élimination des sels de potasse par les urines, chez les individus atteints de scorbut. On peut faire les mêmes objections à l'opinion
20 COMPOSÉS ALCALINS
de Chalvet, d'après laquelle les sels potassiques végétaux seraient plus facilement assimilables que le chlorure de potassium et le phosphate dépotasse de la viande, de sorte que la privation de ces sels végétaux donnerait lieu au scorbut et que l'usage de ces mêmes sels dans l'alimentation guérirait cette maladie. L'insuffisance des sels potassiques dans l'alimentation ne doit donc pas être considérée comme la cause nécessaire du scorbut; d'ailleurs, dans toutes les épidémies de scorbut, on peut invoquer bien d'autres causes, telles que le séjour dans un endroit malsain, dans un air impur, les fatigues excessives, l'usage d'une eau bu de viandes corrompues, etc. ; aussi le scorbut se présente-t il sous des formes extrêmement -variées. Il est vrai que, dans le scorbut, ce sont les tissus riches en sels potassiques (tissu musculaire, corpuscules sanguins) qui éprouvent le plus de pertes ;• mais ces pertes peuvent provenir de la maladie elle-même qui, de même que la fièvre, déterminerait une usure plus rapide de ces tissus.
Théorie de Vaction purgative des sels alcalins.
Cette question a été vivement discutée. Poiseuille, Liebig et autres, croyaient que les solutions salines concentrées, portées dans l'intestin, devaient, d'après les lois de l'endosmose, enlever au liquide sanguin, pauvre en sels, une plus grande quantité d'eau qu'elles ne lui en donnaient; d'où il résultait naturellement que le contenu aqueux de l'intestin était augmenté et que les selles devenaient liquides.
A cela Aubert oppose ce fait, qui a été aussi confirmé par Buchheim, à savoir, que l'action purgative se produit avec des solutions énormément diluées de sulfate de soude ou de sulfate de magnésie, par exemple, et non pas seulement avec des solutions concentrées de ces mêmes sels. Aubert rejette donc la théorie de Poiseuille et Liebig, et fait provenir l'action purgative simplement d'une augmentation des mouvements péristaltiques déterminée par une irritation des nerfs de l'intestin.
Buchheim a injecté dans la veine jugulaire, chez des chiens, 50 grammes de sulfate de soude, et il a trouvé que, non seulement les selles ne devenaient pas liquides, mais étaient encore plus sèches qu'à l'état normal. L'action purgative des sels neutres introduits dans l'estomac ne peut donc pasêtre mise sur le compte d'une irritation des nerfs intestinaux ; car, s'il en était ainsi, le sel purgatif devrait aussi, par l'intermédiaire du sang, aller provoquer une irritation sur ces nerfs et amener ainsi de la diarrhée. Or, une solution de sulfate de soude, même extrêmement diluée, n'est que très peu absorbée par l'intestin; c'est ce que Buchheim a démontré en comparant la quantité d'acide sulfurique contenue clans l'urine avec celle contenue dans les matières fécales, et il a même trouvé que de grandes quantités d'eau ingérées en même temps retardaient, plutôt qu'elles n'accéléraient, la pénétration du sel de Glauber dans le sang. Les selles liquides abondantes ne peuvent donc pas être attribuées à une élimination aqueuse se faisant dans l'intestin aux dépens du sang, puisqu'elles se produisent aussi avec des solutions très diluées de sel ; elles doivent plutôt résulter de la rétention du liquide dans l'intestin, de sa difficile absorption, qui est la conséquence du faible pouvoir de diffusion du sulfate de soude. On peut encore invoquer, en faveur de cette manière de voir, le fait du chlorure de sodium, lequel, étant beau-
THEORIE DE L'ACTION PURGATIVE DES SELS ALCALINS 21
coup plus diffusible que le sulfate de soude et le sulfate de magnésie, est. loin aussi d'avoir une action purgative aussi intense. L'accélération des mouvements péristaltiques, que Buchheim ne nie pas, résulte simplement peut-être de la présence dans la partie inférieure du canal intestinal d'une grande quantité de substances étrangères, de sorte qu'il ne serait pas nécessaire d'admettre une action particulière de ces substances sur les nerfs intestinaux.
Contre cette manière de voir de Buchheim semblent parler les expériences évidemment exactes de Voit et Bauer, Moreaa, Lauder, Brunton et Brieger, qui introduisaient dans des anses intestinales isolées du sulfate de soude ou du sulfate de magnésie, et qui voyaient se produire dans ces anses une exsudation abondante de liquide. (Si Thiry, dans ses expériences au moyen de solutions concentrées de sulfate de magnésie, ne parvenait à provoquer aucune transsudation dans l'intestin, c'est qu'il ne laissait la solution saline injectée qu'un quart d'heure en contact avec la muqueuse intestinale). Mais, comme Heubel le fait remarquer avec raison, les expériences de Brieger ne démontrent pas que les sels alcalins puissent agir de la même manière dans les conditions ordinaires, après leur introduction dans l'estomac. Ce sont deux choses bien différentes, qu'un sel soit introduit plus ou moins dilué dans l'estomac et parcoure le canal gastro-intestinal contenant le plus souvent beaucoup de liquide, ou que ce même sel soit emprisonné dans un morceau d'intestin de quelques pouces de long, entièrement vide et lié à ses deux extrémités. Dans ce dernier cas il devra, pour satisfaire son affinité pour l'eau, tirer cette eau d'une source difficilement accessible, c'est-àdire du sang, tandis que, dans ls premier cas, il utilisera beaucoup plus facilement dans le même but l'eau que lui offre le contenu du canal gastro - intestinal. La soustraction d'eau aux parois de l'intestin et au sang par les sels alcalins ne pourrait donc être admise que clans les cas où par hasard l'intestin se trouverait dans des conditions analogues à celles des expériences de Voit et de Brieger, c'est-à-dire, par exemple, dans le cas où la solution saline concentrée, se trouvant en présence d'une faible quantité de liquide, serait retenue, pendant un certain temps, à un endroit déterminé du canal intestinal, par un obstacle mécanique, par des masses fécales très dures, par exemple. .
Nous croyons donc que l'opinion de Liebig peut être admise sans que pour cela les expériences de Buchheim perdent leur valeur. Ce que démontre Buchheim, c'est que les. sels neutres exercent leur action purgative même lorsqu'ils sont assez dilués pour qu'il n'y ait aucune différence appréciable entre le contenu salin du sang et celui du liquide intestinal, c'est que par conséquent l'action purgative de ces sels ne se produit pas seulement de la manière que le veut Liebig.
D'après les récentes expériences faites par Hay sur des animaux et sur des hommes, les sels alcalins provoquent toujours une sécrétion plus vive des sucs intestinaux, sécrétion d'autant plus abondante que le sel est plus concentré, et déterminent en même temps une excitation des mouvements péristaltiques de l'intestin, d'où production de diarrhée. Lorsque, au contraire, les animaux avaient été soumis pendant plusieurs jours à une alimentation sèche, avec abstention de boisson, alors des doses même élevées ne donnaient lieu à aucune évacuation liquide. Pour que les sels alcalins exer-
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cent leur action purgative, il faut donc que l'organisme, que le sang contienne-une suffisante quantité d'eau. Cette quantité d'eau étant normale, les solutions salines au-dessous de 7 pour cent ne produisaient aucun effet purgatif; au-dessus de 7 pour cent jusqu'à 20 pour cent, l'effet purgatif allait en croissant; au delà de 20pour cent, il allait en diminuant. L'état de concentration du sel est donc à considérer en vue des effets purgatifs. Si, la richesse du sang en eau étant faible, ces sels sont introduits à l'état de concentration dans l'estomac, tout le sel est alors absorbé et éliminé parles urines, tandis que, si le sel est administré à l'état de dilution, on n'en retrouve alors que la moitié ou le tiers dans les urines.
Il a été constaté en outre que la sécrétion intestinale provoquée par ces sels fournissait un liquide doué à peu près de.la même force digestive et des mêmes propriétés que le suc intestinal naturel; qu'il ne se manifestait ici ni irritation inflammatoire, ni transsudation, ni mouvements péristaltiques violents. La muqueuse intestinale a toujours été trouvée pâle et nullement congestionnée. La sécrétion intestinale était le plus abondante avec les.solutions salines à 20 pour cent et diminuait progressivement à mesure que le degré de cencentration devenait moindre, pourvu que les solutions fussent portées directement dans l'intestin. Si elles étaient introduites dans l'estomac, il n'en serait plus de même à cause de l'état de dilution du contenu stomacal. Ha3r n'a pu confirmer l'observation de Luton, de Vulpian et de Carville, d'après laquelle 0,1 décigramme de sulfate de magnésie, introduit dans le tissu sous-cutané, produirait des. effets purgatifs. lia trouvé que l'injection sous-cutanée des sels alcalins restait sans résultat, quand la piqûre était faite aux membres; quand on les injecte dans la peau de l'abdomen, ils provoquent de la diarrhée, non seulement eux, mais encore le chlorure de sodium et le sulfate de zinc, pourvu que l'injection donne lieu à une inflammation; il doit donc exister une relation réflexe entre l'intestin et le tégument abdominal.
Ray a constaté, par la numération des corpuscules sanguins, que, à la suite de la diarrhée, le sang était constamment plus concentré. Quelques heures après l'ingestion il se produit aussi une augmentation de la diurèse et en même temps une nouvelle augmentation de la concentration du sang. Brouardel a trouvé, au moment de cette seconde concentration, le nombre des corpuscules blancs du sang constamment diminué relativement à celui des corpuscules rouges, de sorte que la présence des sels alcalins dans le sang paraît favoriser la transformation des globules blancs en globules rouges ou empêcher la formation des premiers.
Action diurétique des sels alcalins
Beaucoup de sels alcalins déterminent, après leur pénétration dans le sang, des effets diurétiques intenses, qui sont dus évidemment à une action directe sur l'épithélium rénal. Celui-ci, d'après l'opinion de Leyden et de Rôhmann, exerce sur ces sels une certaine influence attractive. Pour les éliminer, il a besoin d'une certaine quantité d'eau, qu'il emprunte à l'organisme et qu'il élimine ensuite en même temps que les sels. D'après Hay, cette augmentation de la sécrétion urinaire ne se manifeste qu'à la suite d'une diminution de cette sécrétion, diminution d'une durée de douze
INFLUENCE SUR LES ÉCHANGES ORGANIQUES 23
heures environ; les chlorures dans l'urine sont en moins grande quantité, évidemment parce qu'une partie de ces chlorures s'élimine par l'intestin. 11 est possible que les sels alcalins exercent, par l'intermédiaire des appareils nerveux, une excitation sur les éléments sécréteurs. Ustimowitsch a vu des reins excisés commencer à sécréter dès que l'on introduisait dans le système sanguin des substances diurétiques. Nussbaum, à la suite de la ligature de l'artère rénale, laquelle, chez la grenouille, fournit seulement aux glomérules, sans être en même temps le vaisseau nourricier des reins, a constaté que l'excrétion aqueuse cessait de se faire, mais recommençait, dès qu'on introduisait dans la circulation une substance diurétique, telle qu'un sel alcalin.
Influence des sels alcalins sur les échanges organiques
On a cru jusqu'ici que tous les alcalins activaient ces échanges, parce que Voit semblait l'avoir démontré pour le chlorure de sodium (voyez l'étude de ce sel). Les nouvelles recherches de Meyer ont prouvé que le sulfate, le phosphate, et l'acétate de soude faisaient diminuer les échanges nutritifs, tandis que le carbonate de soude les faisait augmenter. Très fréquemment la diurèse a augmenté en même temps que ces échanges diminuaient, de sorte qu'il est permis de conclure qu'il n'existe entre ces deux actions aucun rapport de cause à effet. Hay, au contraire, prétend avoir vu, au moment de l'augmentation de la sécrétion urinaire, une légère augmentation de l'excrétion de l'urée. Cet expérimentateur a observé en même temps l'apparition du sucre dans l'urine soit que les sels eussent été introduits dans les veines, soit qu'ils l'eussent été dans le canal gastro-intestinal.
COMPOSÉS SODIQDES. -4- Nous n'étudions ici que les composés sodiques dont l'action est due uniquement à l'élément sodium, renvoyant à d'autres parties de cet ouvrage l'étude des composés sodiques dans lesquels le rôle prédominant est joué par l'élément uni au sodium.
Empoisonnement aigu par le sodium. —Nous avons déjà dit que les sels de soude, injectés sous la peau ou dans les veines, ne produisaient à peu près aucune action sur l'organisme animal, alors que les sels de potasse, aux mêmes doses, provoquaient des accidents mortels; de faibles solutions de chlorure de sodium (0,75 pour 100) ou de phosphate de soude excerent même une action conservatrice sur l'excitabilité des nerfs et des muscles excisés, tandis que ces nerfs et ces muscles sont tués par des solutions semblables de chlorure de potassium. Les muscles striés qui ont été tués dans une solution potassique faible recouvrent leur excitabilité dans une faible solution sodique. Et même les muscles en état de raideur cadavérique, plongés dans une solution sodique à 10 pour 100, perdent leur réaction acide, leur état de coagulation, deviennent élastiques et colorés comme des muscles vivants, sans toutefois recouvrer leurs propriétés vitales (Kùhne). Pourtant il y a, bien entendu, une limite au-delà de laquelle les composés sodiques exercent sur l'organisme une action perturbatrice ou destructive.
D'après quelques auteurs, les sels de sodium, administrés à doses élevées mais non mortelles, ne donnent lieu qu'à un état de faiblesse passager; le coeur, la respiration, la température, ne sont pas influencés ou ne le sont
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que d'une manière tout à fait insignifiante. Et même, si la dose est mortelle, l'animal ne périt que lentement. A la suite de l'injection de o grammes de nitrate de soude, les animaux à sang chaud deviennent tristes, languissants et meurent au bout d'une demi-heure à une heure, sans présenter de troubles respiratoires graves ; le coeur continue à battre avec sa force et sa fréquence normales presque jusqu'au moment delà mort. Et si les contractions cardiaques deviennent un peu plus faibles, ce ne serait pas, d'après Guttmann, à la suite d'une action directe du poison sur le coeur, mais bien par suite de la diminution de la partie aqueuse du sang. La température se maintient toujours au même degré. Point de convulsions; aucune modification appréciable du système nerveux central, ni des muscles, ni des nerfs périphériques.
Quelle est, chez ces animaux empoisonnés par Guttmann, la cause déterminante de la mort? D'après Guttmann lui-même, cette question ne peut pas encore recevoir une solution satisfaisante. La mort est toujours le résultat de la paralysie fonctionnelle des organes indispensables à la vie; et l'on comprendrait qu'ici cette paralysie fonctionnelle pourrait se produire petit à petit, par suite de la perte aqueuse considérable que subissent les tissus sous l'influence des sels sodiques. Mais cette perte aqueuse ne pourrait pas être considérée comme la seule cause de la mort ; car on a vu succomber des lapins dans l'estomac desquels on injectait continuellement de l'eau, pendant qu'ils étaient sous l'influence du poison, et l'on a vu mourir aussi des grenouilles qui, pendant l'empoisonnement, étaient maintenues dans l'eau ou recevaient de l'eau par injection sous-cutanée. Dans ces derniers temps, Aubert et Dehn ont prétendu que les sels sodiques, injectés dans les veines, même en petite quantité, exerçaient sur l'activité cardiaque une influence analogue à celle exercée par les sels potassiques.
L'opacité du cristallin, observée pour la première fois par Kunde à la suite de l'administration du chlorure de sodium, a été l'objet de recherches approfondies faites par Deutschmami et Heubel; en voici les résultats: L'opacité cristalline peut être provoquée, chez les animaux à sang froid et à sang chaud, non seulement par le chlorure de sodium, mais encore par un grand nombre de sels avides d'eau et par d'autres substances (tous les sels de sodium, de potassium, d'ammonium, de magnésium, de baryum, de strontium, par le sucre, l'urée) ; cette action n'est donc nullement spéciale au sodium. La cause de cette opacité doit être attribuée, en partie, à une modification des élémentsalbumineux du cristallin (Michel), en partie, aune soustraction de l'eau du cristallin se produisant par osmose sous l'influence de ces substances; ces substances, ayant de l'affinité pour l'eau, arrivent par voie de diffusion dans l'humeur aqueuse ou dans le corps vitré, pénétrent à travers la capsule cristalline et se mettent en rapport avec l'eau contenue dans le cristallin ; de petites quantités de ces substances, ayant ainsi pénétré dans la substance cristalline, s'échangent alors contre" une plus grande quantité de liquide fournie par le cristallin.
Mais ces substances ci-dessus désignées ne peuvent provoquer l'opacité du cristallin, chez les animaux à sang froid et à sang chaud, que si on les fait agir directement du sac conjonctival sur l'oeil ; si, au contraire, on les introduit sous la peau ou dans l'estomac, la plupart d'entre elles restent alors
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sans action appréciable sur la lentille cristalline; il n'y a que les sels de sodium et le sucre qui puissent déterminer, à la suite de leur injection sous-cutanée, chez les grenouilles, une opacité du cristallin.
Les différences que présentent dans leur action les divers composés sodiques dépendent, en partie, des différences qui existent clans leur pouvoir de diffusion, et en partie aussi peut-être de ce que, chez les divers composés sodiques, l'acide exerce également une certaine action, ainsi que Barth l'admet, par exemple, pour le nitrate de sodium, et Marchand, pour le chlorate de potassium. ,
Usage prolongé du sodium. — L'ingestion quotidienne de petites doses de bicarbonate de soude donne lieu, dit-on, chez les personnes à l'état de santé ainsi que chez les anémiques, à un accroissement du nombre des globules rouges du sang, à une augmentation de la quantité d'urine et de l'exsudation de l'urée, sans diminution d'excrétion de l'acide urique (Martin-Damourelte). Quant aux effets produits par des doses plus élevées, toxiques, en dehors de la donnée vague d'après laquelle l'administration prolongée d'un sel de soude, du bicarbonate par exemple, peut produire des phénomènes scorbutiques, on ne sait que ce que nous ont appris les expériences faites sur des chiens par Lomikowsky. Ces animaux recevaient chaque jour, avec leur nourriture, de 15 à 60 grammes de bicarbonate de soude; le traitement était continué pendant plusieurs semaines, de sorte qu'ils absorbaient en tout de 150 à 600 grammes de sel sodique. Au bout de trois à cinq jours, on voyait se produire des vomissements, de la diarrhée, la diminution de l'appétit et l'excrétion d'une urine fortement alcaline. Les animaux maigrissaient tous les jours, à un tel point qu'il fallait de temps à autre interrompre le traitement, pour leur permettre de se remettre un peu. A l'autopsie, on trouvait.: gonflement et ramollissement des gencives; atrophie graisseuse du coeur ; anémie du foie, de la rate, des poumons ; hyperplasie des glandes de Peyer et des glandes solitaires; dans la rate, les corps de Malpighi étaient augmentés de volume et infiltrés d'éléments lymphoides ; dans le foie, il n'y avait pas de sucre, ou il n'y en avait que très peut.
Dubélir a analysé les cendres du sang chez des chiens auxquels il avait fait prendre pendant longtemps des doses médicinales de soude, et il a trouvé que l'alcalinité du sang avait éprouvé une augmentation notable, qui était d'autant plus grande que les doses avaient, été plus élevées ; mais la potasse, dans ces cendres, n'avait nullement été remplacée par la soude, et la soude n'était nullement accumulée dans le sang. La richesse du sang en éléments solides, en fer et en azote, n'avait subi aucune modification appréciable. De nouvelles expériences plus précises et plus détaillées sont encore nécessaires.
COMPOSÉS DE POTASSIUM. — Il y a des composés potassiques qui ont, rela - tivement à leur action sur l'organisme animal, des propriétés communes et semblables : tels sont les sels potassiques végétaux, les carbonates, les sulfates, les nitrates, les chlorates dépotasse; nous allons étudier ces propriétés qui leur sont communes, et qu'ils doivent à leur élément potassium.
Dans ces sels que nous venons de citer, l'action particulière de l'élément potassium n'est modifiée que d'une manière tout à fait insignifiante par
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l'acide qui entre dans la composition du sel; mais il en est d'autres dans lesquels cette modification est beaucoup plus grande : tels sont le chlorure, le bromure, l'iodure, le sulfure de potassium ; il en est enfin dans lesquels les effets du potassium disparaissent entièrement devant l'action beaucoup plus énergique de l'acide auquel il est combiné : tels sont le cyanure de potassium, l'arséniate de potasse, le tarlrate antimonio-potassique.
Il ne sera question ici que des premiers composés potassiques, de ceux qui ne doivent leur action qu'à l'élément potassium.
Toxicité du potassium. — Depuis qu'on sait que les sels potassiques tuent les animaux à doses beaucoup plus petites que les sels correspondants de soude, on s'est en général trop exagéré les propriétés toxiques du potassium. Il s'agit d'abord de se faire là-dessus des idées justes. Bunge fait remarquer, à ce sujet, combien nous absorbons tous les jours de potassium avec nos aliments. D'après lui, nous ingérons, avec chaque livre de pain de froment, lsr, 3 à 2S1',7 de potassium; avec chaque livre de viande de boeuf, 2gv, 7 ; avec chaque litre de bière, 1 gramme du même métal. Un homme qui mange à un repas une livre de viande et deux livres de pommes de terre introduit dans son corps il grammes de potassium, par conséquent
20 grammes environ de sels potassiques (au maximum). D'après Buckle, un travailleur de terre mange en moyenne par jour 4309 grammes de pommes de terre, et, d'après Moleschott, cette quantité de pommés de terre contient
21 à 38 grammes de potassium, correspondant à 40-70 grammes de sels potassiques. On voit donc que la toxicité du potassium n'est pas aussi grande qu'on se le figure généralement.
Bunge, en groupant les données de tous les expérimentateurs, est arrivé aux chiffres suivants :
1. Doses qui, introduites dans l'estomac, ont déterminé la mort :
Chez le lapin, 3 grammes de KG, en 30 minutes; lgr-2gr,5 KO, sous forme de K2HPO 8, correspondant à 1,6-4,0 de KCI en 40 à 70 minutes.
Chez le chien, d'un poids de 6 kilogrammes, 16-20 grammes KG,- eu 60 minutes.
2. Doses qui,, injectées sous la peau, ont déterminé la mort :
Chez le lapin, 1gr,0-1gr,5 KCI, KCO 3 et KNOc, en 15-20 minutes. Chez des lapins d'un poids de 1200-2000 grammes, 4 grammes KG, KNO 6, en 47-350 minutes.
Chez les chats, 8 grammes, en 75 minutes.
3. Doses qui, injectées directement dans le sang, ont déterminé la mort: Chez les lapins, 0gr, 23 KG.
Chez les chiens, 0=r, 3 KNOG ; 0gr, 1-1gr, 2 KCI.
Les sels de potasse ne sont donc de violents toxiques que lorsqu'ils sont injectés directement clans le sang; car ils vont alors agir rapidement sur le coeur, surtout si l'injection a été faite dans la veine jugulaire. Quand on les introduit sous la peau ou dans l'estomac, il faut, pour tuer de petits animaux, des doses de poison déjà assez fortes, et plus l'animal sera gros, plus la dose devra être considérable. Il faut, pour tuer 1 kilogramme de lapin, 3 grammes KG introduits dans l'estomac; pour tuer un homme de 75 kilogrammes, il faudrait donc 225 grammes de sel potassique absorbés par la même voie. Mais ce chiffre est évidemment trop élevé, car l'homme
EFFETS DU POTASSIUM 27
réagit autrement que le lapin, et d'ailleurs toutes les observations démontrent que la dose toxique de la plupart des poisons n'est pas absolument en raison directe du poids du corps, mais qu'elle croît selon une progression plus faible. Réduisons ce chiffre à 50 grammes, et nous verrons encore que ces 50 grammes seront impuissants à tuer un tel homme, parce que, ainsi que l'expérience le démontre, l'estomac s'en débarrasse en général par le vomissement, et que d'ailleurs la quantité qui arrive dans le sang n'y arrive que peu à peu et est au fur et à mesure éliminée par les reins. Ce n'est donc pas facilement que les sels potassiques, introduits dans l'estomac de l'homme, pourront parvenir à lui paralyser le coeur; ce n'est que lorsque ces sels seront ingérés pendant longtemps d'une manière continue, et à doses relativement assez élevées, qu'ils finiront par donner lieu à des symptômes de paralysie cardiaque. Chez un homme ou un animal qui succombe à la suite de l'introduction dans l'estomac d'un sel de potasse, la mort est le plus souvent déterminée par l'action irritante sur l'estomac et l'intestin de la solution concentrée du sel potassique (gastro-entérite); elle est rarement, peut-être jamais, l'effet d'une paralysie cardiaque.
Effets du potassium sur les organes et les fonctions
Nous n'étudions pas ici les effets locaux produits par des solutions potassiques concentrées ; il ne s'agit que des effets généraux déterminés par ces solutions, après leur pénétration dans le sang.
11 est très difficile de faire absorber par l'estomac, chez l'homme, le chien et le chat, des quantités considérables de potassium, à cause des vomissements qu'elles provoquent très rapidement ; aussi, dans la plupart des expériences, a-t-on dû avoir recours à l'injection des sels potassiques sous la peau ou dans les veines, plus rarement dans les artères.
Système nerveux central. — Les sels de potassium n'exercent une action directement paralysante que sur les centres nerveux des animaux à sang froid ; il se manifeste donc chez eux en même temps une paralysie du coeur et de la moelle épinière (suppression de la sensibilité et de la motilité, ainsi que de l'excitabilité réflexe). Les phénomènes d'excitation et de paralysie du cerveau et de la moelle, observés chez les animaux à sang chaud, dépendent, au contraire, comme nous le montrerons plus tard, uniquement de l'affaiblissement et de la paralysie du coeur.
Nerf s périphériques et muscles striés. —Au milieu des idées exagérées qu'on se fait encore aujourd'hui généralement au sujet de l'action toxique des composés dépotasse sur les muscles, il est bon d'insister sur l'exactitude des résultats suivants obtenus par Guttmann : Il est vrai que les sels de potasse, même en solutions très étendues (1 pour 100), exercent une action très délétère sur les muscles et les nerfs périphériques séparés du corps et plongés dans ces solutions ; mais quand ils circulent avec le sang dans l'organisme, ils n'agissent que très faiblement sur les muscles et n'agissent pas du tout sur les nerfs ; et même, chez les animaux à sang chaud, les effets produits sur les muscles sont tout à fait insignifiants.
Un sel de potasse injecté, même à dose énorme, dans une veine, chez un animal à sang chaud, ne peut pas paralyser les muscles, car le coeur est
28 COMPOSES ALCALINS
tué si rapidement, que le poison n'a pas le temps d'arriver aux centres nerveux et aux muscles.
La mort rapide des nerfs ou des muscles plongés dans une solution potassique ne peut provenir que d'une action chimique et nullement de la soustraction de leur partie aqueuse, car une solution sodique d'une égale concentration est tout à fait indifférente à l'égard de ces nerfs et de ces muscles.
En s'appuyant sur les données actuelles de-la science, on pourrait se représenter de la manière suivante le mode d'action des sels de potasse sur le tissu musculaire : le potassium étant un élément constant de la cellule musculaire, et ne pouvant être soustrait à cette cellule sans que celle-ci en souffre, on doit en conclure que sa présence dans une certaine proportion est indispensable pour que le muscle se trouve dans un état normal. Buchheim suppose même que la substance contractile du muscle est une combinaison moléculaire de certaines substances albumineuses avec les sels potassiques. Si elle reçoit une trop grande quantité de sels de potasse, celte substance contractile sera modifiée dans sa composition et perdra par suite ses propriétés normales. Mais l'organisme vivant est disposé de telle sorte que des quantités considérables de potassium ne peuvent pas pénétrer jusqu'à l'intimité de l'organisme par l'intermédiaire de l'estomac, et que, d'un autre côté, l'excès des sels potassiques qui peut avoir pénétré dans le sang, est rapidement éliminé par les reins, de sorte que le tissu musculaire peut être ainsi mis à l'abri de cette action directe des sels potassiques.
Muscles de l'estomac et de l'intestin. — L'ingestion d'une solution concentrée d'un sel potassique leur fait perdre en grande partie leur excitabilité. C'est évidemment ici la même action que celle qui se produit sur un muscle strié plongé dans une solution potassique. Le contact du sel de potasse se fait plus directement avec ces muscles qu'avec ceux auxquels il n'arrive que par l'intermédiaire du sang. C'est peut-être la cause des troubles digestifs qui s'observent à la suite de l'administration prolongée des sels de potassse; il suffit, en effet, de l'usage habituel d'une solution à2-3 pour 100, pour déterminer cette diminution d'excitabilité du tissu musculaire du canal digestif.
Circulation du sang. — Chez les animaux à sang froid, l'action des préparations potassiques a pour résultat immédiat l'affaiblissement et le ralentissement des contractions du coeur; le ventricule se contracte souvent deux fois plus lentement que les oreillettes. Des doses très élevées déterminent rapidement l'arrêt définitif des contractions du coeur.
De hautes doses de nitrate de potasse, d'après Karewski, déterminent, aussi bien à la pointe du coeur que sur le coeur des grenouilles pourvu de ganglions, un arrêt subit en diastole. Des closes petites ou modérées diminuent la fréquence des battements, les rendent réguliers s'ils étaient irréguliers et relèvent le pouls. Sous l'influence d'une administration persistante du sel, le pouls se ralentit et devient irrégulier, jusqu'à ce qu'enfin le coeur s'arrête en diastole; une diminution des résistances à vaincre détermine de nouveaux battements. Les effets du potassium se suppriment sous l'influence de la vératrine, sans que le pouls manifeste le caractère spécial au pouls de la vératrine.
EFFETS DU POTASSIUM 29
Kemmericli admet que, chez les lapins-, les sels de potasse ont la propriété d'accélérer les contractions du coeur, en agissant sur les nerfs accélérateurs de cet organe. Mais Bunge croit avoir démontré que cette accélération des pulsations cardiaques, chez le lapin, se produit également quand on injecte de l'eau chaude ou froide, ou une solution de sucre ou un sel de soude, et doit par suite être considérée comme un effet de la douleur, de l'état d'excitation et d'inquiétude de l'animal; d'ailleurs, dit-il, chez les autres animaux (homme, chien, chat), les sels de potasse ne donnent pas lieu à l'accélération du pouls.
Mickwitz, en injectant des sels potassiques dans la veine jugulaire, chez des chats à l'état normal ou curarisés, a observé les effets suivants sur le coeur : 1° De petites doses de nitrate de potasse (0sr,05) déterminent constamment une légère diminution de la pression sanguine et un ralentissement du pouls: peu après, la pression sanguine se relève et le pouls s'accélère; mais aussitôt après, le pouls se ralentit de nouveau, et ce ralentissement persiste encore quand la pression est revenue à son état normal. 2" Des doses élevées (0sr,2 et au-dessus) font diminuer rapidement la pression sanguine et la fréquence du pouls; cette diminution se produit même quelquefois pendant crue l'on fait l'injection. La paralysie du coeur entraîne rapidement la mort.
Les contradictions qu'on remarquait dans les résultats des observations antérieures ne sont donc qu'apparentes et sont dues à la différence des doses employées. En effet, Traube,en injectant, chez des chiens, 0gr,12de nitrate ' de potasse, observait une élévation de la pression sanguine, avec ralentissement du pouls, tandis que Bunge, ne se servant en général que de doses toxiques, voyait l'activité cardiaque se paralyser et la pression sanguine s'abaisser.
Traube compare l'action du potassium à celle de la digitale. D'après Mickwitz, cette comparaison n'est juste qu'en ce qui concerne l'élévation de .la pression sanguine, qui d'ailleurs dure bien plus longtemps avec la digitale qu'avec le potassium. Quant aux effets produits sur le coeur par ces deux agents, ils sont entièrement différents, surtout chez les grenouilles, chez lesquelles la digitale détermine l'arrêt du coeur en systole, tandis que le potassium fait arrêter cet organe en diastole.
La mort du coeur sous l'influence de hautes doses de potassium, chez les animaux à sang chaud, ne se produit pas du reste d'une manière subite; les battements du coeur deviennent de plus en plus faibles, finissent par être irréguliers, ondulatoires et si faibles que la force d'impulsion n'est plus suffisante pour remplir de sang les petites artères (Aubert, Kohler). C'est pour cela que les chats, huit minutes après leur mort par le potassium, peuvent encore être ranimés par la respiration artificielle et la compression rythmique de la région cardiaque (Bôhm).
Les nerfs pneumogastriques paraissent échapper à l'action du potassium. Voyant les muscles périphériques du corps ne subir aucune modification au moment où le coeur était déjà paralysé, Guttmann crut que les sels de potasse exerçaient leur action paralysante, non pas sur le muscle cardiaque lui-même, mais sur les nerfs excito-moteurs du coeur; cette opinion tombe devant ce fait, à savoir que, après que le coeur a cessé de battre, aucune
30
COMPOSES ALCALINS
excitation portée directement sur cet organe ne peut plus le faire entrer en contraction ; le tissu cardiaque du coeur est donc paralysé aussi bien que les nerfs cardiaques. Miclnvitz,ayant constaté que de petites doses de nitrate de potasse faisaient monter la pression sanguine, même après la section de la moelle entre l'occipital et l'atlas, attribue cette élévation de la pression sanguine à une excitation des ganglions cardiaques et du tissu musculaire dés vaisseaux; quand la dose est mortelle, cette excitation ferait place à une paralysie ayant pour résultat la dépression du pouls et de la tension sanguine.
Sang.'— Le sang artériel devient plus clair quand on le mêle avec une solution étendue de chlorure de potassium, de même qu'avec une solution semblable de chlorure de sodium ; avec la première solution, on a vu les globules sanguins devenir plus petits et comme dentelés ; le même fait ne s'observe pas avec la solution sodique. Guttmann n'a pourtant observé assez souvent aucune modification du sang, pas plus avec une de ces solutions qu'avec l'autre. Dans le corps vivant." le sang n'éprouve aucune altération de la part des sels potassiques, donnés même à doses toxiques.
Température du corps. — Elle s'abaisse sous l'influence de closes toxiques, en même temps que diminue l'activité cardiaque. Quand la dose n'est pas toxique, elle n'éprouve aucune modification (Bunge).
Respiration. — Il se produit de la dyspnée ; mais cette dyspnée n'est que secondaire, et est la conséquence des modifications qu'a subies la circulation.
Mouvement des cils vibratiles. — L'action des sels de potasse et de soude est ici la même. Des solutions étendues excitent ces mouvements, des solutions concentrées les arrêtent.
Elimination par les urines. — Nous avons déjà parlé (page 17) des résultats obtenus par Salkowski. D'après les récentes publications de Dehn, il faut admettre que tout le potassium des sels potassiques ingérés se retrouve dans l'urine à l'état de chlorure de potassium. Les sels qui existent dans l'organisme ne peuvent pas souffrir à côté d'eux le chlorure de sodium; ils attirent à eux le chlore avec une grande force; les sels de potassium, par exemple, abandonnent au sodium leur acide, soit sulfurique, soit carnique, etc. (Voyez, pour plus de détails, l'article Chlorure de sodium).
Contrairement à l'opinion d'un grand nombre d'observateurs anciens, l'élimination, par les urines, du potassium existant en excès dans le sang, se fait, d'après Dehn, sans qu'il y ait en même temps augmentation de la quantité d'urine; l'urine contient plus de potassium, mais ne contient pas plus d'eau. Mickwitz a trouvé du sucre clans les urines à la suite de l'administration du potassium.
Action sur les échanges organiques. — D'après Dehn, le chlorure de potassium active la production de l'urée.
Mort par le potassium. — Répétons encore ici qu'on a beaucoup exagéré l'action toxique des préparations de potassium sur le coeur, que l'emploi thérapeutique ordinaire de ces préparations, chez l'homme, ne peut exercer que très difficilement une action dépressive sur le coeur, sur les muscles et la température; tout au plus si cette action se manifeste après un usage prolongé de ces préparations.
Voici quelle est la marche de l'agonie chez les chiens, les chats et les
ACTION DES DIVERS COMPOSÉS POTASSIQUES 31
lapins, qui ont été empoisonnés par le potassium. Aussitôt que la respiration devient insuffisante, le coeur cesse de battre. Immédiatement après, dyspnée; puis le coeur se remet à battre, et la respiration devient plus tranquille. Les contractions du coeur deviennent de plus en plus faibles et plus rares et finissent par s'arrêter; aussitôt, nouvelle dyspnée, et ainsi de suite, jusqu'à ce que la dyspnée devienne incessante. Le coeur est mort alors définitivement, et l'agonie se termine par quelques inspirations profondes, convulsives, qui ne se produisent qu'à de longs intervalles.
Chez.les mammifères, la mort est donc déterminée par la rapide dépression de l'activité cardiaque. Les conséquences de cette paralysie cardiaque sont :1a dyspnée (à cause de la diminution des échanges gazeux dans le sang) et les convulsions cloniques (à cause encore de la diminution des échanges gazeux dans le sang et, de plus, de la diminution de l'afflux du sang au cerveau).
Chez les animaux à sang froid, lesquels peuvent continuer à vivre pendant un certain temps, quoique privés de leur coeur, la mort rapide est déterminée par la paralysie des centres nerveux, qui s'ajoute à celle du coeur.
Différences qui existent dans l'action des divers composés potassiques
Les divers sels potassiques, tout en produisant les effets que je viens de décrire et qui leur sont communs à tous, présentent encore, dans leur action, certaines différences qui tiennent à la nature de l'acide qui entre dans leur composition.
Buchheim a cherché à démontrer que ces différences tenaient en partie au pouvoir de diffusion de chacun de ces sels. Les sels potassiques se diffusent, en effet, plus ou moins rapidement, suivant que tel ou tel acide entre dans leur composition. Ceux qui se diffusent le plus lentement sont le bicarbonate, le phosphate et le sulfate de potasse; puis viennent l'iodure, le bromure et le chlorure de potassium ; et, enfin, ceux qui se diffusent le plus rapidement sont l'oxalate et l'azotate de potasse.
Les sels potassiques qui se diffusent le moins facilement ne pénètrent dans le sang qu'avec lenteur, de telle sorte qu'une grande quantité de ces sels a le temps de s'accumuler dans l'intestin grêle et produit là, comme par exemple les sels de soude, une action purgative. Les nerfs de l'intestin sont irrités par ces sels, d'où il résulte que les mouvements intestinaux s'accélèrent et que la solution saline, est rapidement entraînée vers l' extrémité de l'intestin et évacuée, avant quelle ait eu le temps d'être absorbée. Aussi ne trouve-t-on dans l'urine qu'une petite partie des sels purgatifs ingérés; la plus grande partie sort du corps avec les selles. Supposons maintenant qu'un sel potassique facilement diffusible soit mis en contact avec une membrane animale très vasculaire : l'intensité du courant de diffusion l'emportera sur la tension sanguine dans les capillaires. Pendant que la ■partie liquide du sang sera échangée contre une quantité beaucoup moindre delà solution saline, les globules sanguins s'accumuleront dans les capillaires au point d'en amener la rupture ; de là, à la suite de l'introduction de ces sels dans l'estomac, l'inflammation gastrique, les ecchymoses de la muqueuse, la douleur, les vomissements. Ces sels pénétrant rapidement dans le sang, il n'en arrivera qu'une petite quantité,
32 COMPOSÉS ALCALINS ■ •
ou même pas du tout, dans l'intestin; il n'y aura point de diarrhée. Mais si l'estomac est plein d'aliments, si la solution saline est très étendue, la diffusion sera évidemment ralentie, et des doses plus ou moins grandes pourront alors être supportées. L'inflammation de l'estomac sera le plus souvent provoquée par l'azotate ou l'oxalate de potasse, plus rarement par le bromure, l'iodure ou le chlorure de potassium. Ce qui précède nous permet encore de comprendre comment, malgré les quantités considérables de sels potassiques contenues dans nos aliments, la pénétration de ces sels dans le sang ne dépasse pas certaines limites. En effet, nos aliments ne contiennent guère que des sels de potasse difficilement diffusibles; on n'y trouve qu'une quantité très minime n'oxalate, d'azotate de potasse et de chlorure de potassium. La santé ne pourrait donc être altérée que si l'on introduisait dans l'estomac vide des doses élevées d'oxalate, d'azotate de potasse, de chlorure, de bromure et peut-être aussi d'iodure de potassium; et ces composés peuvent seuls être employés en thérapeutique,-dans le but d'agir sur l'activité cardiaque, les autres sels potassiques, même à doses très élevées, ne pouvant pas produire cette action.
COMPOSÉS DE LITHIUM. — Th. Husemann a étudié l'action physiologique du chlorure de lithium et d'autres sels.de lithine: il n'a pu qu'étudier incidemment celle du carbonate de lithine officinal, parce que ce sel, à cause de son peu de solubilité, ne se prête guère aux injections sous -cutanées.
Husemann a trouvé que les sels de lithium (semblables en cela aux sels de potassium), introduits rapidement dans la niasse sanguine, à doses élevées, chez les animaux à sang froid aussi bien que chez les animaux à sang chaud (grenouilles, lapins, pigeons), exercent une action toxique sur le coeur, produisent le ralentissement du pouls et l'arrêt définitif du coeur, à un moment où les centres nerveux et les nerfs périphériques, ainsi que les muscles striés des extrémités, ont encore conservé leur excitabilité, et où les mouvements réflexes sont encore possibles. L'excitabilité électrique du coeur ne tarde pas à s'éteindre après l'arrêt définitif de cet organe. Il arrive souvent que le coeur, avant d'être paralysé, s'arrête en diastole, d'une manière passagère, par suite d'une excitation du pneumogastrique; cet arrêt du coeur ne se produit pas quand on a administré de l'atropine ou qu'on a sectionné les pneumogastriques. Le système nerveux central et périphérique, de même que le tissu musculaire, ne resteraient pas tout à fait intacts, surtout si les muscles ont été mis eu contact direct avec le lithium. Chez les grenouilles, on pourrait supprimer, au moyen du lithium, les convulsions provoquées par la strychine. Des doses toxiques, quoique non mortelles, de lithium, détermineraient un notable abaissement de la température. Enfin Husemann aurait assez souvent observé des effets diurétiques.
Dan* les empoisonnements par les préparations caustiques de potassium et de sodium, il faut d'abord s'empresser de neutraliser la base caustique (cette règle s'applique également aux- préparations d'ammonium et de calcium). Dans ce but on prescrit des acides inoffensifs, par exemple le vinaigre ou, à son défaut, le jus de citron. Si l'on n'avait pas d'acides sous la main, on chercherait à saponifier l'alcali caustique, en faisant ingérer au malade des substances graisseuses ou huileuses.
ALCALIS CAUSTIQUES 33
Les symptômes d'inflammation et de collapsus, qui surviennent plus tard, réclament le même traitement que toute gastrite toxique aiguë.
i. ALCALIS CAUSTIQUES
Soude caustique liquide
Solution de 15 parties d'hydroxyde de sodium (NaHO) dans 100 parties d'eau. Liquide clair, incolore ou légèrement coloré en jaune.
On l'emploie rarement ; on lui préfère la solution de potasse caustique, qui a la même action locale et dont il va être question.
Potasse caustique
La potasse caustique, hydroxyde de potassium (KHO), peut être employée sous deux formes :
1. Solution de potasse caustique : 15 parties d'hydroxyde de potassium dans 100 parties d'eau.
2. Potasse caustique fondue, pierre caustique des chirurgiens : c'est la préparation précédente, qu'on a fait fondre et couler sous forme de crayons.
Ces préparations absorbent très facilement l'eau et l'acide carbonique de l'atmosphère, et se transforment ainsi en carbonate de potasse. Voilà pourquoi on doit les conserver avec soin à l'abri de l'air.
Action physiologique. —La potasse, à l'état de concentration, cautérise énergiquement les tissus animaux en leur enlevant l'eau qu'ils contiennent, en faisant subir à l'albumine des modifications profondes et en saponifiant les graisses. L'albumine coagulée Se dissout et finalement se décompose en formant de l'ammoniaque, de la leucine, du sulfure de potassium, etc.
Appliquée sur la peau, la potasse ramollit l'èpiderme et détruit enfin, en produisant une vive douleur, la structure des tissus, bien au delà du point d'application; elle donne lieu à la formation d'une eschare d'abord molle, puis dure, qui finit par se détacher. La cicatrisation se fait bien.
Indroduite à l'intérieur, elle détruit toutes les muqueuses qu'elle touche et les transforme en une boullie molle, en produisant tout autour une vive inflammation. Les symptômes qui se manifestent alors sont les suivants : vives douleurs dans la bouche, le pharynx et l'oesophage, douleurs excessives dans le ventre, vomissements intenses, diarrhée, et enfin la mort arrive, déterminée par la gastro-entérite ou par une rupture des parois gastro-intestinales et une péritonite consécutive. Si les malades ne succombent pas, on voit souvent persister un catarrhe gastrique extrêmement opiniâtre et, en outre, des rétrécissements qui siègent en différents points, principalement à l'oesophage, et qui amènent des accidents consécutifs, tels que mort par inanition, etc. •
Si la potasse a été ingérée dans un état de dilution considérable, de manière qu'elle n'ait pas pu exercer son action caustique, elle produit alors les mêmes effets que le carbonate dépotasse.
Emploi thérapeutique. — La potasse n'est pas employée à l'intérieur. Elle est très souvent employée à l'extérieur, car c'est un de nos meilleurs caustiques. On en fait usage dans les cas où il s'agit de cautériser énergiquement et profondément, sans qu'on tienne à limiter exactement l'action du caustique. On l'emploie de préférence pour cautériser les plaies résultant
NOTHNAGEL et ROSSBACII, Thérapeulique. 3
34 CARBONATES ALCALINS
de la morsure des chiens enragés, les plaies par où a pénétré un virus animal (morve, pustule maligne), les plaies résultant de la morsure des serpents. On s'en sert encore pour détruire certains tissus morbides, tels que les bords calleux des ulcères, les tissus atteints de dégénérescence lupeuse. R. Volkmann regarde la potasse et le nitrate d'argent comme les meilleurs caustiques chimiques à employer contre le lupus ; cependant lorsqu'il s'agit de l'appliquer sur la face, il faut le faire avec beaucoup de précaution, pour éviter les cicatrices difformes qui peuvent en résulter. Pour évacuer les abcès du foie, les échinocoques, les lrydronéphroses, etc., sans avoir à craindre le développement d'une péritonite diffuse, on a souvent recours à la potasse caustique; on a en vue, en agissant ainsi, de provoquer une inflammation adhésive entre les lames du péritoine.
Dans les cas les plus tenaces d'eczéma invétéré, ayant résisté à tous les autres moyens curatifs, on peut, d'après Hébra, employer avec succès une forte solution potassique (50 0/0), avec laquelle on fait des lotions qu'on renouvelle environ une fois par semaine. L'emploi de la potasse comme caustique est très douloureux.
Une solution étendue de potasse caustique peut être employée en fomen - tations, lotions, bains locaux, pour provoquer une simple irritation cutanée.
DOSES ET PRÉPARATIONS. — Potasse caustique. — On peut cautériser avec la potasse caustique fondue, tenue à l'aide d'un porte-crayon ; ou bien, après avoir appliqué sur l'endroit qu'on veut cautériser un morceau de diachylon percé d'un trou, on place, au niveau de ce trou, un fragment de potasse qu'on recouvre d'un plumasseau de charpie et qu'on maintient à l'aide d'une bande. Pour lotions, on se servira de 10-20 de potasse caustique sur 500 d'eau.
Poudre de Vienne. — Mélange de 5 ou 6 parties de potasse avec 6 parties de chaux. On la délaye avec un peu d'alcool de manière à en faire une pâte. On la laisse appliquée de 5 à 30 minutes, suivant la région ou le but que l'on veut atteindreJ.
2. CARBONATES ALCALINS Carbonate et bicarbonate de soude.
Le carbonate de soude (Na 2 CO3 + 10H2O) se présente sous forme de cristaux incolores, transparents, ayant un goût alcalin, tombant facilement en efflorescence, se dissolvant facilement dans l'eau (dans 0,3 d'eau bouillante et 1,8 d'eau froide). Il contient 37 pour 100 de carbonate de soude anhydre (Na2 CO 3 + H2O).
Le bicarbonate de soude (Na HGO 3) est une poudre blanche, cristalline, qui a un goût alcalin très faible, qui ne subit aucune altération à l'air sec et qui se dissout dans 13 parties d'eau froide.
Action physiologique. — Il est extrêmement probable que la plus grande partie de l'acide carbonique du sang et de la lymphe est combinée avec des alcalis (carbonate et bicarbonate de soude). On admettait autrefois que, dans le sérum sanguin, l'acide carbonique pouvait aussi se fixer sur le phosphate bisodique (Na2HPO4); que les phosphates pouvaient, exactement
1 La poudre de Vienne présente sur la potasse caustique l'avantage d'agir plus rapidement et de produire une eschare plus limitée.
Le caustique Filhos est formé, de même que la poudre de Vienne, par un mélange de potasse (2) et de chaux (1). On fait fondre ce mélange, on le coule dans des tubes, et l'on obtient ainsi des crayons dont on se sert quand il s'agit de cautériser des parties profondes, telles que le col utérin
CARBONATE ET BICARBONATE DE SOUDE 35
comme les carbonates, être chargés d'acide carbonique; mais cette opinion n'est plus soutenable, parce que le sérum sanguin, eu égard à la lécithine qu'il renferme, ne contient pas autant de phosphate alcalin qu'il en faudrait pour qu'on puisse admettre l'opinion ci-dessus (Sertoli).
Nous avons déjà parlé avec détail (pages 13-16) du rôle important que jouent les alcalins dans l'organisme ; nous avons signalé leur influence sur la solubilité des substances albumineuses, leur propriété d'activer les 0x3-- dations. Cette propriété a été invoquée pour expliquer le fait de la diminution, sous l'influence du cabonate de soude, de la quantité d'acide urique éliminée ; les oxydations étant activées, a-t-on dit, l'acide urique passe dans l'organisme à l'état d'urée. Il a été démontré, en effet, que l'usage du bicarbonate de soude donnait lieu à un accroissement de l'excrétion de l'urée, par conséquent à une activité plus grande des échanges nutritifs (Mayer).
Le traitement de l'obésité, du diabète, par les eaux alcalines, dans le but d'exciter les oxydations, de brûler la graisse, le sucre, est donc basé sur un fondement rationnel.
Peau. — Outre l'action détersive qu'elles exercent sur la peau, en saponifiant les substances graisseuses unies aux matières qui la salissent, les solutions concentrées des carbonates alcalins peuvent encore déterminer une forte hyperhémie cutanée, et même une légère cautérisation. On a prétendu que les urines pouvaient devenir alcalines à la suite d'un bain alcalin, et que, par suite, l'absorption des carbonates alcalins pouvait se faire par la peau ; mais certainement il n'en est rien (Piôhrig).
Muqueuses et mucus. — Les muqueuses de la bouche, du pharynx, de l'estomac, peuvent être cautérisées par des solutions très concentrées de carbonates alcalins; les conséquences pourront être : des ulcérations dans l'oesophage et dans l'estomac, de la gastrite, des rétrécissements oesophagiens, et même la mort.
S'il existe sur les muqueuses, par exemple sur celle de l'estomac, des masses libres de mucus, l'intervention des alcalis a pour résultat de les rendre plus fluides. On sait, en effet, que tous les alcalis possèdent la propriété de dissoudre cet élément du mucus (mucine) qui ne fait que se gonfler, sans se dissoudre, dans l'eau ordinaire. Le mucus ainsi fluidifié redevient visqueux quand on neutralise par l'acide acétique l'alcali qu'il contient, et la mucine finit par se précipiter en flocons épais. '
Relativement à l'usage interne, on a cru jusqu'ici que le carbonate de soude, en s'éliminant avec les mucus, provoquait une sécrétion plus abondante d'un mucus plus fluide et pouvait par conséquent agir efficacement dans plusieurs catarrhes. Des recherches sur les animaux nous ont appris, au contraire, que, sous l'influence de 2 grammes de bicarbonate de soude injectés dans le sang, la muqueuse devenait plus pâle et la sécrétion du mucus tarissait peu à peu (Rossbach).
Estomac, intestin. Le carbonate de soude, introduit en solution étendue dans l'estomac, est transformé en chlorure de sodium par l'acide chlorhydrique, en lactate de soude par l'acide lactique, et, si la quantité ingérée a été suffisante, il en reste une partie qui pénètre dans le sang sans avoir subi aucune modification chimique, Les acides libres de l'estomac sont donc neutralisés par le carbonate de soude, en même temps que se dégage une certaine
36 CARBONATES ALCALINS
quantité d'acide carbonique, quantité qui sera évidemment plus considérable si c'est le bicarbonate qui a été ingéré; de sorte qu'une partie deseffets produits doit être mise sur le compte de cet acide carbonique. (Voyez l'étude de cet acide.) Les lactates qui viennent de prendre naissance pénètrent dans le sang, où ils se transforment en carbonates; quant au chlorure de sodium,il sera question plus tard du rôle important qu'il joue dans la nutrition. Sous l'influence des carbonates alcalins il se produit toujours une sécrétion plus abondante de suc gastrique, de sorte que la neutralisation de ce suc gastrique par le carbonate alcalin n'est jamais entière; il en est toujours une partie qui échappe à cette neutralisation. Et même, la sécrétion de ce suc continuant à augmenter, son acidité finit par devenir plus considérable qu'avant l'administration du carbonate alcalin 1.
Aussi voit-on fréquemment, après l'administration de petites doses de carbonate de soude, l'appétit augmenter, la digestion se faire plus rapidement ; ce qui provient de la sécrétion plus abondante du suc gastrique et de l'action favorable du chlorure de sodium, qui prend alors naissance, sur la digestion des substances albumineuses.
Heidenhain a démontré que la fibrine coagulée est d'autant plus rapidement dissoute par la pancréatine qu'on a eu soin d'y ajouter une plus grande quantité de carbonate de soude ; mais si cette quantité dépasse une certaine limite, on voit la rapidité de la dissolution devenir moindre, au lieu d'augmenter. Cette limite varie avec la quantité de pancréatine ; elle s'élève à mesure que la quantité de pancréatine augmente. Pourquoi cette accélération de la dissolution de la fibrine par la pancréatine, sous l'influence du carbonate de soude? C'est sans doute en partie parce que d'abord, d'après Kuhne, la pancréantine commence par transformer la fibrine en une substance albumineuse soluble dans les solutions salines, avant l'achèvement complet de la peptonisation.
Dans les maladies, les carbonates de soude révèlent encore d'autres propriétés précieuses : ainsi ils peuvent servir à neutraliser les produits de décomposition acides qui se forment parfois dans l'estomac aux dépens des aliments ingérés (acide lactique et autres acides gras), ou encore à dissoudre les couches plus ou moins épaisses de mucus qui tapissent la muqueuse stomacale.
Les carbonates de soude, et notamment le bicarbonate, n'ayant qu'un faible pouvoir de diffusion, pénètrent dans le sang avec beaucoup de lenteur; ils peuvent donc, s'ils ont été administrés à doses.élevées, arriver dans le canal intestinal en assez grande abondance pour provoquer de la diarrhée.
Bile.—Quelques observations sur ce sujet méritent d'être signalées. D'après Lewaschen et Klikowilsch, le carbonate et le bicarbonate de soude, donnés à l'intérieur à des chiens à la dose de 4 grammes, déterminent, au bout de peu de temps, un accroissement considérable de la sécrétion biliaire ; en même temps que la quantité générale de la bile augmente, la richesse de ce liquide en éléments solides s'accroît aussi, mais non proportionnellement à l'augi
l'augi d'après les observations de Blondlot et Cl. Bernard, quand la solution de carbonate alcalin est très concentrée, la sécrétion du suc gastrique, au lieu d'être augmentée est au contraire, diminuée el même entièrement suspendue.] °
CARBONATE ET BICARBONATE DE SOUDE.— Emploi thérapeutique 37
mentation de l'eau, de sorte qu'il en résulte une dilution de la bile. Quelquefois cet accroissement de la quantité des éléments solides fait défaut, et ce n'est que dans des cas tout à fait isolés que la dilution de la bile n'a pas été observée. Des doses supérieures à 4 grammes ne produisent pas plus d'effet que des doses plus petites. Ce sont les solutions chaudes de 1/2-1 pour cent qui produisent les effets les plus forts et les plus persistants. Le sulfate et le phosphate de soude jouissent aussi des mêmes propriétés, qui doivent être attribuéesà une influence directe des sels sur les cellules de la glande ou sur leurs nerfs. D'après Nasse, le carbonate de soude à haute dose diminue la sécrétion de la bile (observations sur des chiens portant une fistule biliaire).
Urine. —L'urine devient alcaline à la suite de l'administration du carbonate de soude. Cette alcalinité dure d'autant plus longtemps que la quantité de sel employée a été plus considérable, et elle se manifeste surtout rapidement quand le sel a été introduit dans l'estomac vide.
La plupart des observations (celles de Mùnchsont particulièrement exactes) signalent une augmentation de la sécrétion urinaire ; cette augmentation ne se produit d'ailleurs qu'autant que la présence du sel.de soude dans l'intestin n'a pas donné lieu à une augmentation de la sécrétion intestinale. La cause de cette diurèse est jusqu'ici entièrement inconnue.
Système nerceux, appareil circulatoire, température. — Ils ne subissent aucune influence.
Emploi thérapeutique.— Les carbonates et les sels végétaux alcalins ayant à peu près la même valeur thérapeutique et étant toujours employés dans les mêmes maladies, nous jugeons à propos de ne pas séparer l'étude de leur emploi thérapeutique et de la faire à propos des sels végétaux alcalins (voy. page 42 et suiv.).
DOSES ET PRÉPARATIONS. — 1. Bicarbonate de soude. — C'est à peu près le seul employé pour l'usage interne. D'ailleurs les doses du carbonate seraient les mêmes. 0,2-2,0 pro dosi (10,0 pro die), en poudre ou en solution, avec un oléosucre comme correctif. La forme pilulaire ne conviendrait point.
2. Carbonate de soude du commerce. —N'est employé qu'à l'extérieur, pour lotions ou pour bains : 500-1000 pour un bain général 1, 100-200 pour un bain de pieds. Pour fomentations : 10-30 sur un quart de kilogramme 2. Pour pommades : 1 partie sur 8 parties d'axonge. Pour injections : 5-10 sur 1000.
3. Carbonate de soude pur. — Même emploi que le précédent.
4. Carbonate de soude sec. — Comme les précédents. Ces trois préparations pourraient être sans inconvénient exclues de l'usage pharmaceutique.
5. Tablettes de bicarbonate de soude. — Officinales : 0,1 de sel pour chaque tablette du poids de 1 gramme. On peut aussi employer d'une manière analogue les pastilles de Vichy, d'Ems, de Bilin^.
6. Poudre aérophore, poudré effervescente. — 10 parties bicarbonate de soude, 9 parties acide tartrique, 19 parties de sucre. Par cuillerées à café. On la place sèche sur la langue et l'on boit de l'eau aussitôt après.
i [Le Codex français compose le bain alcalin avec 258 grammes de carbonate de soude pour 300 litres d'eau environ; ce qui fait 0,83 de sel de soude pour 1 litre d'eau. Celte dose est évidemment trop faible, et c'est celle indiquée .ci-dessus qu'il faudra prendre.]
8 Autrement dit, 1-3 pour 25 d'eau.
3 [Chaque pastille de Vichy, du poids de 1 gramme, doit contenir 0.025 de bicarbonate de soude(Cod. franc.). La dose est donc bien moins forte que dans les tablettes allemandes; pour correspondre à une de ces dernières, il faut 4 pastilles de Vichy.]
38 CARBONATES ALCALINS
7 Poudre effervescente anglaise, soda-poroder. - 2,0 bicarbonate de soude (ordinairement dans un papier coloré), 1,6 acide tartrique (dans un papier blanc) ; on fait dissoudre le premier dans de l'eau sucrée, puis on ajoute 1 acide au moment de-faire avaler le mélange au malade.
8 Poudre effervescente laxative, poudre de Seidlitz. —- 7,5 tartrate de soude, 2,5 bicarbonate de soude, 2,0 acide tartrique. Employée comme laxative a cette dose ou à une close double; à prendre comme la poudre effervescente ordinaire. Préparation superflue.
9. Eau de soude, soda-water. — Eau artificielle contenant du bicarbonate de soude et de l'acide carbonique 1.
10. Saturations. — Forme pharmaceutique, à notre avis, entièrement superflue. On désigne sous ce nom une solution aqueuse de carbonate alcalin (le plus souvent de potasse, rarement de soude), à laquelle on ajoute un acide ordinairement organique (acétique, citrique, tartrique), ayant plus d'énergie que l'acide carbonique. Les proportions normales sont : .
1 gr. de carbon. de potasse pur sur 18,0 ac. acétique; 1,0 ac. citrique; 1,1 ac. tartrique 1 gr. de carbon. de soude — 9,0 — 0,5 — 0,5 —
PAR EXEMPLE
Carbonate de potasse pur • • 10,0
Acide tartrique 11,0
Oléosucre fenouil 30,0
Eau distillée . 150,0
11. SUPPLÉMENT. — Eaux minérales alcalines. On les divise d'ordinaire en deux groupes :
a. Sources alcalines simples. — Elles contiennent, comme principes actifs, outre le carbonate alcalin, de l'acide carbonique en plus ou moins grande quantité; on n'y trouve que des traces d'autres substances (chlorure de sodium, carbonate de magnésie, chaux, etc.).
b. Sources alcalines chlorurées. — Elles contiennent, comme substances actives, outre l'alcali et l'acide carbonique, une certaine quantité de chlorure de sodium. Les plus importantes du premier groupe sont :
1. Vichy, département de l'Allier,- en France ; série de sources ayant une température de 12-45° C; les plus chaudes sont : Grande-Grille, puits Chomel, puits Carré. Jusqu'à 5 grammes bicarbonate de soude pour 1 litre d'eau, 2. Neuenahr, dans le Ahrthal; sources chaudes, de 34 à 40° C. Environ 1 gramme de bicarbonate de soude pour 1 litre d'eau. Les sources suivantes sont toutes froides : 3. Salzbrunn, Obersalzbrunn, près Fribourg, en Silésie; environ 2 grammes bicarbonate de soude pour 1 litre d'eau. 4. Bilin, à proximité de Toeplitz. 5. Fachingen, et 6. Geilnau, dans le Lahnthal, sont presque entièrement ensablées ; il en est de même de 7. Gieshûbel, dans le voisinage de Karlsbad. Bilin et Fachingen sont assez riches en bicarbonate de soude, environ 4 grammes pour 1 litre d'eau; Geilnau et Gieshiïbel, environ 1 gramme pour 1 litre.
Les plus importantes du deuxième groupe sont :
1. Ems, dans le Lahnthal, la plus célèbre, bien qu'elle ne soit pas la plus alcaline. Ses diverses sources se distinguent plutôt par leur température différente que parleur richesse en principes actifs; elles contiennent en moyenne 2 grammes bicarbonate de soude pour 1 litre d'eau, de l'acide carbonique, et environ 1 gramme de chlorure de sodium pour 1 litre d'eau. Les sources les plus anciennes sont :
i [Le soda-water (Cod. franc.) contient : bicarbonate de soude 1, eau 650; filtrez et chargez d'acide carbonique.]
CARBONATE DE POTASSE. — Action physiologique 39
Kesselbrunnen (46° C.) ; Krâhnchen (35° C.) ; récemment Wilhelmsquelle (40° G.) ; Victoriaquelle (27° G.) ; Augustaquelle (39° G.). 2. Luhatchoioitz, en Moravie, une des sources sodiques les plus fortes (jusqu'à 10 grammes de bicarbonate de soude pour 1 litre d'eau); riche aussi en chlorure de sodium; froide. 3. Selters ou Seltz (Nassau). Elles contiennent environ 2 grammes de bicarbonate de soude et 3 grammes de chlorure de sodium pour 1 litre d'eau. 4. Gleichenberg, dans la Styrie; à peu près la même composition que les eaux d'Ems, mais froides 1.
Carbonate et bicarbonate de potasse.
Le carbonate neutre de potasse (K2G03) s'obtient en lavant avec de l'eau les cendres du bois; l'extrait aqueux est évaporé, le résidu calciné, et il reste la potasse du commerce (carbonate de potasse impur), poudre d'un blanc grisâtre, en grande partie soluble, déliquescente, d'un goût fortement caustique; elle contient au moins 90 pour 100 de carbonate de potasse.
Par des purifications successives, on obtient le carbonate de potasse purifie, poudre blanche, facilement soluble. contenant 95 pour 100 de carbonate de potasse pur.
Le bicarbonate de potasse, hydro-carbonate de potasse (KHCO3), qui prend naissance quand on fait passer de l'acide carbonique dans une solution du composé précédent, se présente sous la forme de cristaux incolores, inaltérables à l'air, se dissolvant lentement dans 4 parties d'eau, insolubles dans l'alcool et présentant une réaction alcaline.
Action physiologique. — Relativement aux effets physiologiques résultant de l'absorption des carbonates de potasse, il faudrait répéter presque mot pour mot ce qui a été dit à propos des carbonates sodiques ; car, ainsi que nous l'avons déjà vu, les effets toxiques particuliers au potassium ne se produisent pas quand les carbonates potassiques ont été absorbés, suivant la méthode ordinaire, par la voie stomacale.
Nous dirons seulement que les carbonates de potasse sont plus difficilement supportés par l'estomac que ceux de soude, qu'ils donnent plus facilement lieu à de la gastrite, surtout si l'usage en est prolongé: aussi préfèret-on en général employer les carbonates de soude. Faisons remarquer cependant qu'on attribue aux carbonates de potasse une action diurétique plus intense qu'aux carbonates de soude, et, en second lieu, qu'on les emploie de préférence contre la goutte, parce que les urates de potasse sont plus facilement solublesque les sels de soude correspondants.
Usages thérapeutiques. -<- Ils seront étudiés avec ceux des carbonates de soude (voy. page 42.)
DOSES ET PRÉPARATIONS. — A l'intérieur, les carbonates potassiques ne sont guère employés que sous forme de saturations (préparations superflues). Ils sont
i [La France possède, outre Vichy, un grand nombre de sources minérales alcalines. Je citerai les principales : Vals (Ardèche) ; 7 grammes de bicarbonate de soude pour 1 litre d'eau; un peu d'oxyde de fer (0,01 pour 1 litre). Froide. Châteauneuf (Puy-de-Dôme); 3 grammes de bicarbonate de soude par litre. Saint-Nectaire (Puy-de-Dôme) ; 3 grammes de bicarbonate de soude par litre ; température 38» C. La Bourboide (Puy-de-Dôme) ; lsr,9 dé bicarbonate de soude par litre; température, 52° C. Saint-Alban (Loire); lsr,85 de bicarbonate de soude par litre; température, 18° C.Le Boulou (Pyrénées-Orientales); 2gr,4 de bicarbonate de soude pour 1 litre. Saint-Martin de Fenouilla (Pyrénées-Orientales) ; 2gr,4 de bicarbonate de soude par litre, Vic-sur-Cère (Cantal); 2gr,l de bicarbonate de soude par litre.]
40 CARBONATES ALCALINS
plus usités à l'extérieur que ceux de soude. Mêmes doses que pour les carbonates sodiques i.
1. Carbonate de potasse de commerce.
2. Carbonate de potasse purifié.
3. Carbonate de potasse pur.
4. Liqueur de carbonate de potasse. - Elle contient 33 1/3 de carbonate de potasse pour 100 d'eau. Doses : 0,5-2,0 (5-30 gouttes).
5. Bicarbonate de potasse.
Pour les autres préparations, voyez Carbonate et Bicarbonate de soude.
Carbonate de lithine.
Le carbonate de lithine, le seul sel de lithine qui ait été employé en thérapeutique, se présente sous la forme d'une poudre blanche inodore, d'un goût fortement alcalin. Il se dissout dans 150 parties d'eau froide ou bouillante en formant un liquide alcalin; mais il est insoluble dans l'alcool.
Action physiologique. — Introduit dans l'estomac de l'homme, à doses thérapeutiques, il ne donne pas plus à craindre d'accidents du côté du coeur que les sels de potasse. Il est facilement absorbé, et, d'après Bence Jones, on peut aisément,.au moyen du spectre, en démontrer la présence dans tous les tissus. Il a, dit-on, des propriétés diurétiques plus intenses que les sels de potasse; sous son influence, l'excrétion de l'acide urique a été trouvée tantôt augmentée, tantôt diminuée.
Il paraît dissoudre l'acide urique mieux que les sels correspondants de potasse. D'après Lipowitz et Ure. 250 parties d'une solution de carbonate de lithine, à la température de 38 degrés, dissolvent presque 1000 parties d'acide urique. Si l'on place, d'après Garrod, des morceaux de cartilages et d'os, appartenant à des goutteux, et incrustés d'urate de soude, dans des solutions également concentrées de carbonate de lithine, de carbonate de potasse et de carbonate de soude, on constate qu'au bout d'un certain temps ceux plongés dans la solution lithique sont entièrement privés de leur urate, tandis que, dans la solution potassique, ils ne le sont qu'en partie, et, dans la solution de soude, ils ne le sont pas du tout.
Emploi thérapeutique.— Depuis Garrod, le lithium est souvent employé contre la goutte. Cet observateur dit avoir vu les concrétions goutteuses diminuer sous son influence et enfin disparaître entièrement. Dans plusieurs cas, les accès ont diminué de fréquence et l'état général du malade s'est amélioré. On lui donne donc en général la préférence sur les préparations de potassium et de sodium. Mais le lithium produit-il réellement des effets bien supérieurs ? les observations pratiques ne sont pas encore concluantes, bien que la théorie parle en faveur du lithium. Du reste les indications et les contre-indications dans la goutte sont les mêmes pour les préparations de lithium que pour les sels de potassium et de sodium. Nous en dirons autant de son usage dans la gravelle urique. — L'emploi du lithium contre l'arthrite déformante et le rhumatisme a sans doute son origine dans une confusion de ces maladies avec la véritable goutte. Son utilité dans ces cas ne s'est pas jusqu'ici confirmée. — On a recommandé l'emploi du carbonate
1 [On est dans l'usage, en France, de ne prescrire les carbonates de potasse à l'intérieur, qu'à closes moindres que les carbonates de soude, à peu près dans le rapport de 4 à 5.)
SELS VEGETAUX ALCALINS 41
de lithine, en inhalations, dans le croup et la diphthérie ; mais les résultats sont sans importance.
DOSES : 0,005-0,3 pro dosi (1,5 pro die)i, en poudre ou dans de l'eau chargée d'acide carbonique. — Plusieurs sources minérales naturelles contiennent un peu de lithine, notamment celles de Dùrkheim, Salzschlirf, Baden-Baden, [Vais, source Magdeleine].
3. SELS VÉGÉTAUX ALCALINS
Action physiologique. — Les tartrates, les acétates, les citrates alcalins se transforment déjà partiellement dans l'intestin en bicarbonates, et apparaissent toujours dans l'urine sous forme de carbonates. Buchheim attribue la cause de cette transformation, partie à des processus de fermentation, et partie à l'action de l'acide carbonique qui se trouve dans le canal intestinal; par suite de cette action, les acides organiques devenus libres passeraient dans le sang et les bases resteraient dans l'intestin sous formes de bicarbonates. (Voy. pages 13,14.)
L'expérience ayant montré que les sels alcalins végétaux ont exactement la même action physiologique que les carbonates alcalins, nous renvoyons à ce qui a déjà été dit au sujet de l'action physiologique de ces derniers.
Il est loin d'être certain que les acétates soient plus diurétiques que les carbonates. Nous n'avons jamais pu constater, sous ce rapport, entre ces deux seuls, la moindre différence; d'ailleurs il est constant que les acétates alcalins introduits dans l'estomac se retrouvent, dans le sang des reins, à l'état de carbonates; on ne verrait donc pas pourquoi les uns seraient meilleurs diurétiques que les autres. L'action purgative de ces sels est très incertaine, comme d'ailleurs celle des carbonates alcalins.
Nous n'hésitons pas à considérer les sels alcalins végétaux comme entièrement superflus dans la pratique, les carbonates pouvant suffisamment en tenir lieu.
Acétate de potasse.
L'acétate de potasse (C2H3K02) est une masse saline très déliquescente, à peu près neutre ou très faiblement alcaline, très soluble dans l'eau ou dans l'alcool.
Emploi thérapeutique. — Voyez plus bas.
Doses : 0,5-3,0 pro dosi (10,0 pro die); en solution, le plus souvent sous forme de saturations, parfois aussi en pilules, associé avec d'autres substances actives (par exemple, la racine de rhubarbe).
1. Solution d'acétate de potasse. — Liquide clair, incolore, contenant 33 1/3 'd'acétate de potasse sur 100 d'eau. Doses : 2,0-10,0 (50,0 pro die).
Acétate de soude.
L'acétate de soude (C2H3Na02 -+- 3H 20) n'est pas déliquescent comme l'acétate de potasse ; il peut donc être employé sous forme de poudre. Ce sont des cristaux incolores, transparents, solubles dans 23 parties d'eau froide.
Superflu, de même que l'acétate de potasse. Mêmes doses.
Tartrate et bitartràte de potasse. Le tartrate neutre' de potasse, C4H4O 6, se présente sous forme de cristaux limpides, d'un goût salé et amer, très facilement solubles.
1 [Cbarcot est allé, sans inconvénient, jusqu'à 3 grammes par jour.]
42 SELS VÉGÉTAUX ALCALINS
Le tartrate acide de potasse, C4H4O6, a un goût acidulé, et il est difficilement soluble (1 : 180 d'eau froide, 1 : 20 d'eau bouillante). Usages thérapeutiques. — Voyez plus bas. Doses : 1. Tartrate dépotasse. - 0,5-2,0 (8,0 pro die); comme laxatif, 15-30
pro dosi. ,.n r,
2. Bitartrate de potasse, crème de tartre. - 0,5-3,0 pro dosi; (10,0 pro die); comme laxatif, 2-8, en poudre (difficilement soluble).
Tartrate de potasse et de soude.
Le tartrate de potasse et de soude, ou sel de Seignette, C4H4O6 O6 + 4H2O, représente de gros prismes rhomboïdaux, transparents, très facilement solubles (dans leur moitié d'eau froide), ayant un goût salé et amer.
DOSES : Les mêmes que celles du bitartrate de potasse. Entièrement superflu.
Emploi thérapeutique des carbonates et des sels végétaux alcalins. — Les carbonates et les sels végétaux, de potasse et de soude, se ressemblent beaucoup, tant au point de vue de leur action thérapeutique qu'au point de vue de leur action physiologique. Sans doute il est des cas où il faut administrer un de ces sels de préférence à l'autre ; mais, au fond les indications sont les mêmes pour tous ces composés. Il nous paraît donc convenable, pour éviter les répétitions, d'étudier en même temps ces indications générales, tout en nous réservant de signaler, pour chaque cas particulier, le sel alcalin qui est prescrit de préférence.
Les sels en question sont principalement employés dans les catarrhes chroniques des diverses muqueues.
' On les emploie dans le catharrhe de l'estomac, ainsi que dans quelques autres affections gastriques.
Ils sont prescrits le plus souvent, dans ces cas, sous la forme d'eaux minérales alcalines, et à leur action vient alors naturellement s'ajouter celledes autres sels qui font aussi partie de la composition de l'eau employée. Comme préparation pharmaceutique, on n'emploie guère que le bicarbonate de soude. On a aussi coutume de prescrire l'acétate de potasse sous forme de saturation, et ce sel vient d'être encore spécialement recommandé (Marotte) ; mais il ne faut lui attribuer aucune action particulière. — Les alcalins pourront être prescrits avec chance de succès dans les circonstances suivantes. D'abord, dans le catarrhe gastrique chronique. On sait qu'il n'est pas toujours facile de décider avec certitude, en présence d'une dyspepsie chronique ou d'autres phénomènes indiquant un trouble des fonctions gastriques, si ces phénomènes sont dus bien réellement à cette altération anatomique qui constitue le vrai catarrhe. Si c'est bien là le cas, l'emploi des alcalins, aidé d'un régime convenable, devra être considéré comme très utile. Le mode d'administration pourra être varié. Ou bien on prescrira le sel alcalin pharmaceutique, sous forme de poudre, ou de solution, ou de pastilles (de Vichy, d'Ems, de Bilin). Ou bien on pratiquera le lavage de l'estomac, à l'aide de la pompe gastrique,en se servant d'une solution de bicarbonate de soude ; ce mode d'administration a été, dans ces derniers temps, assez souvent mis en usage, et
TARTRATE DE POTASSE ET DE SOUDE. - Emploi thérapeutique 43
nous pouvons le recommander. On bien enfin, et c'est ce qu'il y a de mieux, quand c'est possible, on prescrit une eau minérale alcaline simple ou, de préférence, chlorurée; souvent aussi on emploie une eau alcaline contenant du sulfate de soude (voy. l'étude de ce sel).— En second lieu, les alcalins exercent une influence souvent très favorable sur ce syndrome qu'on désigne sous le nom d'état gastrique (anorexie, perceptions gustatives anormales, nausées, parfois vomissements, éructations, sensation dépression et de plénitude dans la région épigastrique, enduit plus ou mois épais sur la langue) ; cet état gastrique accompagne souvent d'autres affections aiguës ou chroniques (par exemple, la phtisie), ou se présente d'une manière indépendante, particulièrement chez les personnes qui font peu d'exercice, tout .en s'adonnant à la bonne chère. Il n'est nullement démontré qu'il soit dû réellement à un état catar rhal de la muqueuse gastrique (Traube). Il est bon de remarquer que, dans ce cas, l'emploi des sels alcalins échoue assez souvent, alors que celui de l'acide chlorhydrique donne un bon résultat, et il n'est pas toujours possible de décider d'aArance à laquelle de ces deux médications il est le plus avantageux d'avoir recours. Le point de repère qu'il faut consulter de préférence, d'après les meilleurs observateurs, c'est l'état de la langue. Un enduit bien caractérisé existant sur cet organe indique l'emploi des alcalins. Leur efficacité dans le catarrhe de l'estomac et l'état gastrique se laisse facilement expliquer d'après ce que nous avons dit dans la partie physiologique. — Les alcalins trouvent encore une indication symptomatique dans cet état dyspeptique qui accompagne le pyrosis, et qui se manifeste par un goût acide dans la bouche, des éructations acides, l'acidité des matières vomies et des selles ; cet état se présente souvent chez les adultes, mais plus souvent encore chez les enfants. Les alcalins neutralisent, dans ce cas, les acides en excès ; mais ils ne peuvent pas s'opposer à leur développement, ils ne peuvent donc pas attaquer, d'une manière particulière, le processus morbide fondamental. — Noegeli fait observer que, dans le cas où il s'agit d'un développement d'acide lactique dû à des champignons, l'administration des acides (acides chlorhydrique, citrique, serait plus rationnelle que celle des alcalins, parce que les premiers rendent les champignons inactifs et suppriment ainsi la fermentation acide anormale, tandis que dans les solutions alcalines les champignons trouvent un terrain favorable à leur activité. Cet emploi des alcalins comme antiacides réclame certaines mesures de prudence,que l'expérience a appris à connaître, et qui concordent, d'ailleurs, avec ce que nous connaissons de l'action physiologique de ces composés. Ainsi, cet emploi ne devra pas être trop longtemps continué, car il finirait par produire un effet tout contraire de celui du début, c'est-à-dire qu'il augmenterait la quantité d'acides, au lieu de la diminuer. En second lieu, les alcalins ne doivent pas être administrés à doses trop élevées. Enfin, il faut éviter de les faire prendre pendant le repas, ou immédiatement avant ou après, parce qu'ils pourraient alors neutraliser une trop grande quantité de suc gastrique. Le bicarbonate de soude mérite la préférence sur les autres antiacides dans le cas où les selles sont normales, où, par conséquent, le processus morbide est limité à l'estomac (voy. Carbonate de chaux et de magnésie). — Le bicarbonate de soude est encore employé symptomatiquement contre les vomissements intenses, qu'ils soient liés ou non à une altération anatomique de l'estomac.
44 SELS VÉGÉTAUX ALCALINS
Mais ici c'est l'acide carbonique qui agit, plutôt que l'alcalin, et c'est à l'acide carbonique administré sous une autre forme qu'on pourra donner la préférence dans ce cas. — Relativement à l'emploi des alcalins dans 1 ulcère de l'estomac, nous renvoyons à l'article Sulfate de soude. — Enfin, nous ferons remarquer que, dans le catarrhe gastrique aigu et dans la gastrite proprement dite (par empoisonnement), les carbonates et les sels végétaux alcalins sont au moins superflus.
Dansles catarrhes intestinaux chroniques, on obtient quelquefois d'excellents effets des eaux minérales alcalines, car ce n'est que sous cette forme que les alcalins sont employés dans ce cas. On choisit de préférence les eaux d'Ems, de Karlsbad, Tarasp, de Kissingen, de Wiesbaden (au sujet de cette dernière, voy. Chlorure de sodium) ; tout au plus met-on en usage, comme alcalin pharmaceutique, le sel artificiel de Karlsbad. Ces eaux alcalines produisent surtout des effets favorables, à la condition, bien entendu, que le malade suive en même temps un régime convenable, dans les cas de catarrhe intestinal accompagné de constipation ou d'évacuations alvines irrégulières; mais on commet souvent, dans ces cas, la faute de les administrer à doses trop élevées. D'après nos observations, il est rationnel de débuter par de petites doses (100 grammes); on finit par en faire prendre, le matin, 250 grammes, et, le soir du même jour, 100 grammes. Nous recommandons particulièrement de ne pas se contenter d'un seul traitement, mais de le renouveler, suivant nécessité, quatre à six fois dans l'année, c'est-à-dire tous les deux mois environ. Cette règle doit s'appliquer aussi, suivant les circonstances, aux autres affections catarrhales chroniques.
Dans le catarrhe chronique des canaux biliaires et dans la cholélithiase, les carbonates alcalins (ainsi que les sulfates alcalinset le chlorure de sodium), employés surtout sous forme d'eaux minérales, sont des médicaments très utiles. On a voulu expliquer leurs bons effets en disant que la formation des calculs biliaires était favorisée et, en quelque sorte, déterminée par le défaut d'alcalins dans la bile ; on a dit encore que les alcalins, surtout les sels de soude, avaient la propriété d'activer la sécrétion de la bile. Bien que ces théories ne soient pas suffisamment démontrées, l'expérience n'en parle pas moins en faveur de l'emploi des alcalins dans la cholélithiase. F. Hoffmann les prescrivait dans le but de dissoudre les calculs biliaires. Souvent abandonné depuis, leur usage, surtout sous forme d'eaux minérales (Karlsbad, Marienbad, Vichy, etc.), a été de nouveau mis en vogue et approuvé par des observateurs très expérimentés (Frerichs). Sans doute, les alcalins ne peuvent pas attaquer les calculs qui ont une écorce de carbonate de chaux; cependant, dans ce cas encore, ils peuvent produire d'utiles effets.
Les carbonates alcalins, employés sous forme d'eaux minérales, jouissent encore d'une réputation méritée contre les catarrhes chroniques de la muqueuse respiratoire, de la muqueuse du larynx, de la trachée, des bronches, du pharynx. Nous avons dit, page 34, comment on pouvait se rendre compte de leur mode d'action dans ces circonstances. L'expérience apprend qu'ils sont le plus utiles dans les formes qui s'accompagnent d'une sécrétion faible ou modérée, moins utiles dans les bronchoblennorrhées. D'ailleurs, il faut tenir compte, dans leur action, quand ils sont pris à la
TARTRATE DE POTASSE ET DE SOUDE. - Emploi thérapeutique 45
source, de l'influence du changement d'air, etc. Nous ne les avons jamais vus guérir radicalement le catarrhe granuleux du phaiynx; mais nous les avons vus seconder très favorablement l'action d'autres médications. Nous ferons remarquer expressément que, pour indiquer l'emploi des alcalins, les catarrhes respiratoires doivent être simples, idiopathiques ; quand ils sont secondaires, la nature de l'affection fondamentale ne permet que rarement l'usage des eaux minérales en question, notamment de celles d'Ems et de Salzbrunn. De nombreuses expériences ont appris que l'usage de ces sources doit être évité dans les cas de phtisie, car il n'est pas rare de les voir produire alors des effets nuisibles, surtout quand il existe une tendance aux hémoptysies. L'inhalation des solutions de carbonates alcalins agit sur les catarrhes autrement que leur usage interne, et cette action est en somme moins prononcée.
Les eaux alcalines, particulièrement celles d'Ems, ont encore été beaucoup vantées, en applications locales, dans le traitement de la métrite chronique et du catarrhe chronique du vagin; mais on ne sait pas encore d'une manière bien certaine si, dans les faits favorables observés, la part principale, ou seulement une part essentielle, revient à ces eaux alcalines. Dans le catarrhe chronique de la vessie, quelle qu'en soit la cause, l'emploi de ces eaux minérales produit certainement les effets les plus favorables. Celles qu'on emploie de préférence dans ce cas sont celles d'Ems, de- Vichy, de Wildungen, de Karlsbad: il est rare qu'on ait recours alors au bicarbonate de soude pharmaceutique.
Se fondant sur des théories physiologiques et sur des observations cliniques, on a employé les alcalins dans bien d'autres états morbides. On en a obtenu des avantages marqués dans la gravelle, ainsi que dans la goutte. Il va. sans dire qu'ils ne doivent pas être employés quand les sédiments urinaires sont formés de phosphates terreux; quand ils sont constitués par des oxalates, il est difficile de fixer la conduite à tenir, car certains observateurs, partant surtout de déductions théoriques, déclarent que les carbonates alcalins sont alors nuisibles, tandis que d'autres affirment qu'ils peuvent agir efficacement. Dans la gravelle urique, l'emploi des carbonates et sels végétaux alcalins, associé avec un régime diététique convenable, a certainement de l'utilité On voit, par un usage prolongé de ces sels, le degré d'acidité de l'urine diminuer, la disposition aux concrétions décroître. On a souvent constaté que les concrétions existantes devenaient plus petites et finissaient par être éliminées. Les alcalins n'exercent-ils simplement qu'une action symptomatique sur la gravelle urique, ou bien sont-ils capables de supprimer définitivement cette affection? C'est ce qu'on n'a pas encore pu décider. Ici encore on donnera la préférence aux eaux minérales ; celles qui sont le plus souvent employées sont : Vichy, Karlsbad et Bilin. Si l'on veut employer une préparation pharmaceutique, on devra, comme dans tous les cas de ce genre, donner la préférence aux sels de soude, parce que l'usage prolongé de ces sels fatigue beaucoup moins la digestion que celui des sels potassiques. Il est vrai que plusieurs médecins, notamment les Anglais, préfèrent les sels de potasse, dans la diathèse urique, se fondant sur ce fait que l'urate acide de potasse est un peu plus soluble que le sel sodique correspondant; mais ce faible avantage est largement compensé par l'inconvénient
46 SELS VEGETAUX ALCALINS
qu'ont les sels de potasse de troubler la digestion plus que les sels de soude. L'utilité des sels en question contre la goutte ne peut pas être contestée, de l'avis des meilleurs observateurs. En général, on donne la préférence, dans ce cas, aux préparations de potasse, à cause de la solubilité un peu plus grande de l'urate de potasse, et, de plus, parce que les sels potassiques ont une action diurétique plus marquée que ceux de soude. L'expérience a démontré leur utilité dans le traitement des accès .de goutte aiguë ainsi que pour calmer l'exacerbation des douleurs articulaires ; mais leur usage prolongé est encore plus utile dans la goutte chronique, alors qu'il n'existe aucune inflammation articulaire. On voit quelquefois, à la suite de ce traitement, des malades qui, depuis des années, avaient de violents et nombreux accès de goutte, être débarrassés pour longtemps de ces accès, en même temps que leur état général s'améliore (Garrod). Ce traitement est contreindiqué chez les individus très âgés, ou bien quand il existe une complication considérable du côté- des reins, ou bien enfin dans les cas de troubles digestifs intenses. Dans la goutte chronique, on emploiera de préférence les eaux minérales (Vichy, Karlsbad, Neuenahr, Marienbad, Wiesbaden, Homburg, Baden-Baden). Si l'on se sert des préparations pharmaceutiques, on doit les prescrire à petites doses, plusieurs fois répétées, en solution étendue, et pendant que l'estomac est vide, peu de temps avant les repas. Quand il existe des troubles digestifs marqués, on a recours de préférence au bicarbonate de soude'.
On administre souvent les carbonates et sels végétaux, alcalins comme diurétiques; on aime surtout à se servir,rdans ce but, de l'acétate de potasse, qui mérite en effet la préférence, ainsi que nous avons pu souvent nous en convaincre. P. Frank, Bright et d'autres médecins, ont particulièrement préconisé le bitartrate de potasse; mais les propriétés diurétiques de ce sel ne sont certainement pas plus marquées que celles des autres sels alcalins.
Dans le diabète sucré, les alcalins ont été fréquemment prescrits, surtout depuis Mialhe, qui, admettant que la glycosurie était due à une alcalinité insuffisante du sang, était naturellement porté à fournir aux diabétiques l'alcali qui leur faisait défaut. La théorie de Mialhe est abandonnée, sans que son traitement le soit aussi complètement. Certes, les préparations alcalines pharmaceutiques n'ont eu aucun succès entre les mains de la plupart des observateurs. L'usage de certaines eaux minérales alcalines (Karlsbad, Vichy) a cependant produit des effets favorables ;-de nombreuses observations ont démontré que ces eaux pouvaient agir avantageusement sur le diabète; mais il est très contestable qu'elles aient jamais donné lieu à des guérisons définitives. Doit-on attribuer ces bons résultats aux carbonates alcalins eux-mêmes? C'est ce dont il est permis de douter, si l'on considère l'inefficacité des préparations alcalines pharmaceutiques ainsi que d'autres eaux minérales, riches pourtant en principes alcalins (Senator). Bien que les renseignements théoriques fassent défaut, on ne peut cependant pas nier l'efficacité des eaux de Karlsbad et de Neuenahr, efficacité qui a été encore récemment confirmée par les nombreuses observations de Frerichs. Actuellement, on convient assez généralement que les eaux minérales en question ne peuvent pas guérir le diabète sucré; mais, dans beaucoup de cas, elles
PHOSPHATES ALCALINS 47
améliorent les symptômes les plus pénibles, peuvent même faire disparaître pendant quelque temps l'élimination du sucre, disparition qui peut même persister malgré un usage modéré des carbo-hydrates, et ont ainsi pour résultat de prolonger la vie. La cause du diabète, si tant est qu'on puisse la découvrir, ne fournit aucune indication particulière pour l'emploi des sources minérales. Existe-t-il des contre-indications à l'usage de l'eau de Karlsbad? Les uns le prétendent, d'autres le contestent. J. Mayer trouve une contre-indication dans l'existence de complications générales graves (gangrène cutanée, phtisie, affections cérébrales, albuminurie avec anémie très marquée, affaiblissement considérable du coeur). Seegen a vu les Symptômesdu diabète s'améliorer même dans des cas de tuberculose avancée.
Dans les empoisonnements aigus par les acides,les carbonatesalcalins représentent des antidotes rationnels, sans cependant offrir aucun avantage sur la craie et la magnésie.
Tels sont les états morbides qui peuvent être traités avec plus ou moins de succès par les carbonates et sels végétaux alcalins. Ce n'est que pour être complet que nous terminerons par les observations suivantes.
Dans l'obésité, les carbonates alcalins sont entièrement inutiles; personne ne les prescrit sous forme de préparations pharmaceutiques et les effets avantageux obtenus avec les eaux de Karlsbad, de Marienbad, etc., doivent bien plutôt être attribués aux sulfates alcalins et à leur action pur-; gative. — Comme purgatifs, il est encore des médecins qui emploient avec prédilection les tartrates de potasse; mais il n'ont aucun avantage sur les autres purgatifs salins, et ces derniers sont d'ailleurs en quantité déjà bien suffisante; aussi, croyons-nous que, pour alléger le bagage pharmaceutique, on devrait rejeter entièrement l'emploi des tartrates potassiques,- comme purgatifs, malgré l'auréole vénérable qui les entoure. L'action de la crème de tartre, comme agent « rafraîchissant », dans les maladies aiguësfébriles, ne peut pas être prise au sérieux. — Quant aux autres états morbides, dans lesquels on a conseillé les carbonates et sels végétaux alcalins,; nous ne les mentionnerons même pas; leur efficacité si vantée dans le rhumatisme articulaire aigu nous parait entièrement illusoire.
Pour Yusagé externe, on n'utilise guère que le carbonate de potasse, et il va sans dire qu'on l'a recommandé dans une foule d'affections différentes. Il ne peut réellement avoir de l'utilité que dans le pityriasis simple, le pityriasis versicolor, l'ichtyose, et pour préparer des bains locaux irritants.
4.. PHOSPHATES ALCALINSLeur
ALCALINSLeur physiologique. — Les phosphates alcalins jouent un' rôle considérable dans le sang et dans les tissus; ce rôle n'est pas encore; exactement connu. Les opinions qu'on avait sur ce rôle, de même que sur. la forme dans laquelle les phosphates alcalins se trouvent dans l'organisme,- ont été notablement modifiées par diverses expériences, particulièrement parcelles de Maly.
On croyait autrefois que les tissus seuls contenaient des phosphates alca-, lins acides, tandis que le sérum sanguin, au contraire, ne contenait que des.
48 PHOSPHATES ALCALIN *
phosphates basiques ou neutres, qui, avec les carbonates alcalins à réaction basique, étaient cause de l'alcalinité du sang. Voici ce que Maly admet contrairement à cette manière de'voir : l°Le sérum sanguin, malgré sa réaction alcaline, contient des sels dont la réaction est acide; celui dont la présence dans le sérum se comprend le mieux est le phosphate acide de soude (phosphate monosodique, NaH2PO4). Ainsi que Berzelius et, après lui, Setschcnow, notamment, l'ont démontré pour le sang, l'acide carbonique (CO2), en présence du phosphate neutre de soude (phosphate bisodique, Na2HP04), se transforme en phosphate acide de soude, phosphate monosodique (NaH2PO 4) et en carbonate de soude NaHCO3). Or, le sang contient de l'acide carbonique libre, d'où il résulte qu'il doit s'y trouver aussi une certaine quantité de phosphate de soude acide (à réaction acide). Ce phosphate acide peut exister à côté de substances à réaction alcaline (phosphate bisodique et bicarbonate de soude), qui masquent sa réaction sur les matières colorantes. Ces deux phosphates offrent l'exemple, rare en chimie, de deux corps dont les réactions opposées ne se neutralisent pas mutuellement, un de ces corps ayant une réaction acide, l'autre une réaction alcaline.
2° Les substances à réaction alcaline existant dans le sang (phosphate bisodique et bicarbonate de soude) sont théoriquement des corps acides. On les compte, il est vrai, parmi les corps alcalins, parce qu'ils bleuissent la teinture de tournesol; mais, d'après leur constitution chimique, ce ne sont pas des sels basiques, mais bien des sels acides; ils contiennent, en effet, tous deux un atome d'hydrogène pouvant être remplacé par un métal :
(OH (°H ' '
CO ; PO < ONa; et au moyen de cet hydroxyle (HO) ils exercent une
I 0Na (ONa '
action acide, c'est-à- dire qu'ils peuvent encore fixer des bases.
3° La distribution et la combinaison réciproque de ces acides (acides phosphorique et carbonique) et des bases dans le sang est extrêmement compliquée et ne peut actuellement être nettement établie. Les analyses des cendres ne peuvent pas nous servir à reconnaître ces relations. Tout ce qu'on peut savoir, c'est que, dans le sérum sanguin, acides et bases sont distribués en des combinaisons très nombreuses, qu'il doit s'y trouver simultanément et l'une à côté de l'autre les substances neutres et acides les plus diverses; enfin, que les substances alcalines n'y existent que dans un sens empirique (plusieurs d'entre elles bleuissant la teinture de tournesol).
4° Ainsi que Graham l'a montré, les acides et les substances acides se diffusent hors d'un mélange de liquides basiques, neutres et acides plus rapidement que les substances basiques et neutres. La différence en faveur de la partie (acide) dialysée eu égard au liquide mère est d'autant plus grande que le travail de diffusion a été plus complet. On s'explique ainsi aisément comment des liquides acides (suc gastrique, urine acide) peuvent sortir d'un sang en apparence alcalin. La production d'acide chlorhydrique libre dans les glandes gastriques, sa diffusion du sang dans l'estomac, s'explique par la présence des phosphates, acide et neutre, de soude dans le sang, ces deux sels étant en état de donner naissance, par leur action sur les chlorures du sang (chlorure de sodium, chlorure de calcium, par exemple), à de l'acide chlo-
PHOSPHATE DE SOUDE /tg
rhydrique libre, lequel, à cause de son grand pouvoir de diffusion, se diffuse facilement.
L'acidité de l'urine chez les carnivores et chez l'homme a au fond la même origine que l'acidité du suc gastrique; la présence du phosphate alcalin acide dans l'urine se comprend surtout facilement; l'acide carbonique, en effet, de même que les autres acides qui prennent naissance pendant les échanges nutritifs (acides urique, hippurique, etc.), transforment le phosphate neutre bisodique du sérum sanguin en phosphaté acide, lequel peut naturellement se dégager d'une manière complète dans les fins canalicules du rein.
5" D'après ce qui précède, on s'explique facilement le pouvoir remarquable dont jouit le sang de conserver sa réaction et sa richesse en alcalis, en se débarrassant, surtout avec les urines, de ses acides et de ses sels acides; on s'explique aussi pourquoi l'urine de l'homme et des chiens devient alcaline pendant la digestion; c'est que, à ce moment, il se produit un autre travail de dialyse plus complet : l'appareil glandulaire de l'estomac prend alors au sang une grande quantité d'acide.
6" Le sang des herbivores est plus pauvre en acide phosphorique et plus riche en alcali que celui des carnivores ; de là, l'état constamment alcalin de l'urine chez les herbivores.
Les phosphates jouent un rôle important non seulement dans le sang et pour la formation des excrétions acides, mais encore pour la formation des tissus; on les rencontre, en effet, en grande quantité dans tous les tissus, non seulement chez les carnivores, mais encore chez les herbivores, bien que les aliments et le sang de ces derniers n'en contiennent que de faibles quantités;'les phosphates prédominent aussi au début dans les cellules de nouvelle formation, qui plus tard seront fortement chargées de carbonates alcalins.
Par des expériences comparatives, Garngee a trouvé que l'orthophosphate, le métaphosphate et le pyrophosphate de soude avaient des propriétés différentes, que le premier était inoffensif, tandis que les deux derniers étaient toxiques; le pyrophosphate, injecté sous la peau ou dans le sang, produit les effets toxiques les plus intenses, et ces effets ressemblent à ceux du phosphore et du vanadium ; comme ces derniers corps, il provoque, à la suite d'un usage prolongé, la dégénérescence graisseuse du foie, du coeur et des reins, et, à doses élevées, il amène la mort en paralysant le coeur. Introduit dans l'estomac, au contraire, il provoque tout au plus des vomissements, sans donner lieu à aucun autre accident toxique, et cela peut-être parce qu'il se transforme dans l'estomac en orthophosphate ou parce qu'il s'élimine rapidement.
Phosphate de soude
Le phosphate de soude (phosphate bi-sodique) (Na2HP04 +H 12H 20) se présente, quand il est récemment préparé, sous la forme de gros cristaux rhomboïdaux, incolores, transparents, qui, à l'air sec, deviennent rapidement efflorescents, sans toutefois se désagréger. Par la calcination, il se transforme en pyrophosphate de soude. Réaction neutre; saveur salée, fraîche et point désagréable ; facile solubilité (dans 2 parties d'eau chaude et 6 parties d'eau froide).
NoTHNAGiiL et ROSSBACH, Thérapeutique. 4
50 SULFATES ALCALINS]
Action physiologique. — D'après Ludwig, les solutions étendues de ce sel possèdent la propriété, de même que les solutions étendues de chlorure de sodium, de maintenir longtemps vivants les morceaux de nerfs qu'on y tient plongés.
Administré à l'intérieur, à hautes doses, il ralentirait toutes les pertes organiques, et, entre autres, l'élimination du chlorure de sodium (Bôcker), Le seul fait qui soit nettement établi, c'est celui de son action purgative, dont la cause est la même que celle de l'action purgative du sulfate de soude. Mais, comme il renferme une grande quantité d'eau, on doit le prescrire, pour remplir cette indication, à plus haute dose que ce dernier sel.
D'après Rutherford, il excite avec une grande énergie la sécrétion de la bile (pour chaque heure et pour chaque kilogramme de chien cette sécrétion s'accroît de 2gr,1 à 3gr,7); la bile devient plus aqueuse, la muqueuse de l'intestin grêle s'injecte, 'mais sans sécréter davantage.
Une dose élevée (10 grammes), • injectée dans le sang, donnerait lieu d'abord à des spasmes tétaniques, puis à des phénomènes de paralysie générale, au milieu desquels l'animal succomberait (Falck).
Emploi thérapeutique. —, Ses usages thérapeutiques ne sont nullement en rapport avec son importance physiologique. Se fondant sur des considérations purement théoriques, on l'a essayé dans un grand nombre d'états morbides (ostéomalacie, rachitisme, scrofulose, etc.), mais sans en retirer aucun avantage marqué. Il a en outre été recommandé dans la diathèse urique; mais on ne lui a trouvé aucune supériorité sur les carbonates alcalins, emploj'és surtout sous la forme d'eaux minérales. Dans ces derniers temps, Stephenson l'a prescrit, à petites doses, contre la diarrhée des enfants, particulièrement chez les enfants nourris au biberon ou sevrés ; des observations plus nombreuses sont nécessaires pour qu'on puisse se prononcer sur sa valeur, dans ce cas. Sa seule utilité qui soit bien établie, c'est celle qu'il doit à ses propriétés purgatives; mais il ne se distingue des autres purgatifs salins que par son goût plus agréable (et son prix plus élevé).
PRÉPARATIONS ET DOSES. — Phosphate de soude : 0,5-2,0, en poudre, en solution; comme purgatif, 15,0-30,0 '. Chez les enfants atteints de diarrhée, 0,1-0,5, au moment des repas.
5. SULFATES ALCALINS
Importance physiologique. — Les sulfates de potasse et de soude font partie normalement de l'organisme. Ils y pénètrent avec les aliments, mais ils y prennent aussi naissance par suite de l'oxydation du soufre contenu dans les substances albuminoïdes; cette oxydation produit de l'acide sulfurique, qui se combine avec les alcalis en présence desquels il se trouve. Les sulfates s'éliminent principalement par les reins; on les trouve en grande quantité dans l'urine, à la suite d'une alimentation animale abondante; en moindre quantité, après une alimentation végétale; ils représentent sans
La dose hab iluellement prescrite en France est de cO à 60 grammes, dans 1 litre de bouilon d 'herbes. '
SULFATE DE SOUDE. — Action physiologique 5^
doute un produit de métamorphose régressive, un produit excrémentitief (Gorup, Lehmann) ; leur excrétion est donc en rapport avec celle de l'urée.
Dans l'intestin, une partie de ces sels se réduit en sulfures.
C'est sur l'intestin que les sulfates alcalins exercent leurs effets médicamenteux les plus importants.
Sulfate de soude, sel de Glauber
Le sulfate neutre de soude (Na2SO -+- 10H2O) représente de gros cristaux transparents qui, exposés à l'air, perdent peu à peu leur eau de cristallisation et se désagrègent en une poudre blanche. Saveur salée et amère, solubilité facile (dans un tiers de son poids d'eau à 30°), dans 3 parties d'eau froide, dans 0,3 parties d'eau à 33°).
Le sulfate de soude anhydre se prépare en desséchant le précédent à la température de 40 à 50°, jusqu'à ce qu'il ait perdu la moitié de son poids.
Action physiologique. — Canal digestif. — Une petite dose (jusqu'à 0gr, 5) ne produit absolument aucun effet. Il en est de même si cette petite dose est répétée, mais à intervalles un peu longs, de cinq heures par exemple. Si, au contraire, les intervalles ne sont que d'une heure; des effets purgatifs finissent par se manifester, comme à la suite de l'ingestion d'une dose élevée.
A haute dose (15-30 grammes), le sulfate de soude provoque, au bout de quelques heures, des selles fortement aqueuses, qui s'accompagnent d'un développement abondant de gaz, de borborygmes et de flatuosités à odeur fétide; ces selles se répètent plusieurs fois. Vingt-quatre heures après, les matières fécales sont encore plus molles qu'à l'état normal. Le plus ou moins de concentration de la solution saline n'a qu'une faible influence sur la production de ces effets ; la dose ci-dessus indiquée purge également, qu'elle ait été dissoute dans 100 ou 1000 grammes d'eau.
L'appétit et la digestion n'éprouvent le plus souvent aucun trouble ; ce n'est qu'exceptionnellement qu'on voit se produire des nausées et des vomissements, et ces phénomènes sont dus sans doute à un acte réflexe ajrant son point de départ dans l'organe du goût. Les coliques sont rares, et, quand elles se présentent, elles sont très légères. A la suite d'un usage prolongé, au contraire, oii voit l'appétit diminuer peu à peu, la diarrhée persister, et le malade perdre de sa graisse et de son poids.
L'influence des alcalins sur les fonctions de l'estomac a été nettement établie par Jaworski à l'aide de l'eau thermale de Garlsbad. Le liquide extrait par aspiration de l'estomac à la suite de l'usage de cette eau a présenté assez souvent la coloration de la bile, ce qui serait dû, d'après Jaworski, à un accroissement de la sécrétion biliaire et des mouvements péristaltiques de l'estomac et du duodénum. Parmi les sels de Peau, c'est d'abord le carbonate de soude qui est absorbé, puis le sulfate de soude et enfin les chlorures, Ce n'est qu'au bout d'un quart d'heure que l'acide libre reparaît, et, à- la deuxième heure, la sécrétion acide atteint son maximum; la formation de la pepsine s'accroît un peu plus lentement, de sorte que le maximum d'acidité et le summum de l'activité digestive ne coïncident pas. L'eau thermale excite la sécrétion du suc gastrique -plus énergiquement que l'eau glacée. Si l'on introduit en même temps de l'albumine et cette eau thermale dans l'es-
52 SULFATES ALCALINS
tomac, les sels disparaissent plus lentement, l'absorption se fait avec plus de lenteur, le degré d'acidité est plus faible que si l'on avait fait ingérer l'albumine seule, et la peptonisation est ralentie, mais cette peptonisation ainsi que le passage du mélange dans l'estomac ont lieu plus rapidement quand on fait prendre l'albumine une heure seulement après l'eau thermale.
Un usage prolongé de celte eau fait diminuer non seulement la quantité absolue du suc gastrique produit, mais encore la force digestive de ce suc, et cet effet s'est manifesté aussi bien dansl'intérieur de l'estomac que dans les expériences de peptonisation artificielle. Mais ceci n'est vrai que dans le cas où l'estomac fonctionne normalement; s'il y a un défaut d'acides, un usage prolongé pourra alors provoquer la sécrétion acide. Il a aussi pour effet de relever la fonction mécanique de l'organe; sous son influence les micro-organismes disparaissent, cette eau détruisant leur aliment, c'est-à-dire le mucus accumulé en excès. Les alcalins peuvent donc être employés ; 1° pour détruire les acides en excès ; 2° pour empêcher l'accumulation des peptones ; 3° pour accélérer le passage du contenu stomacal dans l'intestin ; 4° pour provoquer la sécrétion acide quand elle fait défaut.
La sécrétion biliaire s'accroît dans des proportions extraordinaires ; les expériences confirment donc l'observation clinique, qui a été faite particulièrement à Carlsbad. Chose remarquable, le sulfate de magnésie est dépourvu de cette propriété cholagogue (Rutherford).
D'après Hay, à la suite de l'ingestion d'une grande quantité de sulfate de soude, il se manifeste un abaissement de la température, allant jusqu'à 0,5° C. Au bout d'une à deux heures, la température se relève jusqu'à la normale ou même un peu au-dessus. Il n'est pas rare d'observer, à la suite de l'administration de hautes doses de sels alcalins, des frissons, un refroidissement des mains et des pieds. Ces phénomènes sont dus, d'après Hay, à une contraction des artères périphériques.
Hay n'a constaté aucune modification notable dans la fréquence du pouls, tout au plus un ralentissement insignifiant; mais la tension des artères moyennes s'est accrue considérablement, sans doute par suite d'une excitation directe de leurs parois par le sel absorbé. Hay pense que la pression capillaire baisse en même temps, ce qui expliquerait l'utilité des sels alcalins dans les inflammations.
Excrétion urinaire et échanges organiques. — Des doses petites,point ou peu purgatives, n'exercent aucune modification appréciable sur la quantité d'urine excrétée. Les urines contiennent une plus forte proportion d'acide sulfurique, surtout si le sulfate de soude a été pris à doses petites, fréquemment répétées. Mais elles seraient moins acides, et elles deviendraient même alcalines, après un usage prolongé du sel en question (Wôhler, Mialhe).
Seegen prétend avoir observé, à la suite de l'ingestion de petites doses de sel de Glauber (2 grammes), une diminution très considérable dans l'élimination de l'urée (jusqu'à 24 pour 100). Des recherches plus exactes, faites sur des chiens, n'ont donné pour résultat, à Voit, qu'une augmentation delà quantité d'eau absorbée et une augmentation proportionnelle de l'excrétion urinaire; mais le rapport entre la quantité d'azote absorbée et la quantité
SULFATE DE SOUDE. — Emploi thérapeutique 53
d'azoté éliminée est toujours resté le même. Le sulfate de soude n'exerce donc aucune influence sur les combustions des albuminoïdes. Les résultats obtenus par Seegen ont. reçu une confirmation nouvelle des expériences de Meyer (v. p. 23); il est vrai que, dans ces expériences, la diminution des combustions a été beaucoup plus faible. • La théorie de l'action purgative a déjà été traitée ailleurs (v. p. 20).
Emploi thérapeutique. — Ce qui suit se rapporte d'une manière générale aux divers purgatifs salins, et non pas seulement aux sulfates alcalins. Nous avons déjà fait remarquer qu'on pourrait sans inconvénient se passer d'un grand nombre d'entre eux. Les sulfates de magnésie et de soude, avec les nombreuses eaux minérales dont ces sels constituent l'élément actif le plus important, seraient certainement bien suffisants pour les besoins de la pratique.
Nous n'avons pas l'intention d'analyser ici tous les divers cas dans lesquels les purgatifs sont indiqués; nous nous bornerons à noter les circon - stances particulières dans lesquelles les purgatifs salins méritent d'être préférés aux autres purgatifs, ou dans lesquelles au moins ils ne sont pas contre-indiquès.
Dans la constipation chronique, les purgatifs salins sont quelquefois utiles. On les emploie de préférence sous forme d'eaux minérales, qu'on fait prendre, quand c'est possible, à la source même, parce que de cette manière les malades observent mieux en général les prescriptions hygiéniques. Tous les cas de constipation chronique ne se prêtent pas à l'usage des purgatifs salins ; ceux qui s'y prêtent le mieux sont ceux' qui se présentent chez les personnes sédentaires, usant d'une nourriture abondante et recherchée. Si l'on est en présence d'une paresse primitive des mouvements péristaltiques de l'intestin, qu'elle soit due à une atrophie des muscles, à un défaut d'innervation ou à d'autres circonstances, alors on ne peut attendre des sels alcalins que des effets symptomatiques passagers.
Dans l'obésité, on se trouve souvent très bien de l'emploi combiné d'une eau purgative choisie et d'un régime convenable. L'expérience apprend qu'il faut, dans le choix de cette eau, tenir compte de l'état de l'individu. A-t-on affaire à une personne vigoureuse, fortement musclée, aj'ant le teint de la santé, on fera bien de lui conseiller les eaux de Marienbad et de Carlsbad ; si, au contraire, les muscles sont relâchés et peu développés, le teint pâle, on choisira de préférence les eaux-de Franzensbad, de Elster. Les diverses sources de Tarasp répondent à ces deux indications (voj'. l'Elude des sources chloruro-sodiques).
Le sel de Glauber et, en général, les purgatifs salins, sont encore prescrits dans les cas où l'on veut soustraire du liquide à l'organisme par la voie intestinale. C'est ce qui arrive notamment dans les hydropisies, alors que l'élimination de l'eau par les reins est insuffisante et a besoin d'être suppléée; tel est le cas des hydropisies qui succèdent aux affections cardiaques, à l'emphysème pulmonaire, à la néphrite chronique. Il est encore d'usage de les prescrire dans les affections inflammatoires fébriles, surtout dans celles des membranes séreuses, toutes les fois qu'on veut provoquer des évacuations alvines. On ne voit pas trop pourquoi on les préférerait, dans ces cas, à d'autres purgatifs, et l'observation clinique ne donne aucune
54 SULFATES ALCALINS
raison de cette préférence. Il est douteux aussi que, dans les périodes ultérieures de ces inflammations exsudatives des séreuses, les évacuations alvines puissent exercer une influence essentielle sur la résorption de 1 exsudat. Dans les inflammations des méninges, dans l'hyperhémie cérébrale, les purgatifs salins peuvent certainement exercer une action favorable, en soustrayant de l'eau à l'organisme ; mais offrent-ils un avantage réel sur le séné, par exemple? C'est ce que nous n'avons jamais pu constater. En un mot, ces agents peuvent être prescrits dans les affections inflammatoires, mais sans présenter aucun avantage réel sur les autres purgatifs, et sans mériter d'être employés d'une manière exclusive.
L'emploi des sels purgatifs suppose l'absence de tout état inflammatoire ou ulcéreux de l'estomac et de l'intestin. Si cet état existe, et qu'il y ait indication d'un purgatif, par exemple dans l'iléo-typhus, la dysenterie, etc., on aura recours de préférence aux lavements ou à d'autres purgatifs, tels que l'huile de ricin, le calomel. On a toujours cité, comme contre-indication à l'emploi des purgatifs salins, l'existence d'une affection inflammatoire de l'appareil urinaire ; mais cette contre-indication n'a pas grande importance. Les recherches physiologiques nous montrent, en effet, que les purgatifs salins, quand ils sont pris à dose élevée et qu'ils provoquent rapidement des évacuations alvines, ne s'absorbent et ne passent dans les reins qu'en très petite quantité; d'ailleurs l'expérience prouve que les sulfates de soucie ou de magnésie peuvent être administrés sans inconvénient aucun, même dans la néphrite aiguë. — Un fait général, que démontre l'expérience dans l'emploi des sels purgatifs, c'est que les personnes faibles, débilitées, les supportent moins bien que les individus vigoureux et bien musclés.
Ziemssen a recommandé spécialement le sulfate de soude dans le traitement de l'ulcère de l'estomac. Plusieurs faits sont venus à l'appui de son opinion, et nous ne pouvons qu'y souscrire. Le point important pour guérir l'ulcère de l'estomac est d'éloigner de cet organe le chyme (acide), qu'il n'est pas possible de maintenir neutralisé. Or, le sulfate de soude, en vertu de son action stimulante sur les mouvements péristaltiques, permet d'arriver le plus rationnellement à ce but. On emploie de préférence le sel artificiel de Carlsbad; on en fait prendre, le matin, à jeun, de 1 à 2 cuillerées à thé, dans un demi litre d'eau, qu'on fait bouillir et qu'on laisse refroidir jusqu'à 40" C. environDOSES
environDOSES PRÉPARATIONS. — 1. Sulfate de soude purifié, soi mirabile Glauberi.— Gomme purgatif, à la dose de 15-50 grammes, en une fois ou en deux fois, à court intervalle (1 heure); en solution ou sous forme d'électuaire.
2. Sulfate de soude sec, sans eau de cristallisation. Comme purgatif, à la dose de 5-25 grammes.
3. Sel de Carlsbad artificiel. — 44 parties de sulfate de soude, 2 parties de sulfate de potasse, 14 de chlorure de sodium, 36 de bicarbonate de soude. Le sel naturel de Carlsbad varie dans sa composition ; il contient environ 37 pour 100 de sulfate de soude, 0,4 pour 100 de chlorure de sodium, et 6 pour 100 de carbonate de soude. E. Ludwig a récemment proposé un moyen d'obtenir un produit qui contienne, dans leurs proportions correspondantes tous ou presque tous les éléments de l'eau minérale,
COMPOSÉS ALCALINS DU CHLORE 55
Faux minérales salines alcalines. — Elles contiennent, comme élément actif principal, du sulfate de soude ; mais en même temps il s'y trouve des proportions notables de carbonate de soude, de chlorure de sodium et d'acide carbonique. On admet que la présence de ces composés permet un usage prolongé de ces eaux, sans qu'il en résulte aucun inconvénient marqué pour la digestion. Il est plusieurs de ces sources dans lesquelles le sel de Glauber existe à côté du sulfate de magnésie ; nous ne parlerons de ces sources qu'à propos de ce dernier sel.
1. Carlsbad, en Bohême. Ses nombreuses sources se distinguent par leur différence de température plus que par leur différence décomposition. Elles contiennent environ, par litre, 2 grammes de sulfate de soude, de l'acide carbonique et des quantités insignifiantes d'autres substances. Température : Sprudel, 74° G.; Schlossbrunnen, Muhlenbrunnen, Theresienbrunnen, Marktbrunnen, entre 51 et 56°G.* Bernhardsbrunnen,69° G. 2.Marienbad, enBohême. Sources froides(9°), contenant deux fois plus de sulfate de soude que celles de Carlsbad (environ 5 grammes par litre), un peu plus de chlorure de sodium, mais moins de carbonate de soude. Ses deux sources les plus importantes sont celles de Kreuz et de Ferdinand. 3. Tarasp, dans la Basse.-Engadine, se fait remarquer par ses sources de Lucius et Emerita, toutes deux froides (environ 7° G.); elles contiennent une quantité de sulfate de soude à peu près égale à celle des eaux de Carlsbad, mais elles ont trois fois plus de carbonate de soude, de chlorure de sodium et d'acide carbonique. 4. Franzensbad, en Bohême. Ces eaux ont à peu près la même composition que celles de Carlsbad, mais elles sont froides (10°). Le carbonate de protoxyde de fer qui y est contenu est en quantité si minime qu'on ne doit pas en tenir compte. 5. Elster, dans le Voigtland en Saxe. Ces eaux ressemblent beaucoup à celles de Franzensbad ; elles sont froides comme elles, mais contiennent une plus grande quantité de carbonate de protoxyde de fer. 6. Rohitsch, dans la Styrie; un peu de sulfate et de bicarbonate de soude, presque pas de chlorure de sodium. Parmi les sources qui contiennent du sel de Glauber, nous citerons encore, quoiqu'elles n'en contiennent que très peu : 7. Fuered, dans la Hongrie, et 8. Bertrich, dans le Eifel.
G. COMPOSÉS ALCALINS DU CHLORE Chlorure de sodium
Le chlorure de sodium, NaCl, est très répandu dans la nature; on le trouve en dépôts considérables (sel gemme) dans certains terrains, en solution dans l'eau de la mer (2,5 pour 100) et dans certaines eaux minérales (jusqu'à 25 pour 100).
Il cristallise en cubes incolores, transparents. Il fond et se volatilise à la chaleur rouge. Il se dissout dans moins de trois fois son poids d'eau, et il n'est guère plus soluble dans l'eau chaude que dans l'eau froide; une solution complètement saturée contient 27 de sel pour 100. Sa réaction est neutre. Il est tout à fait insoluble dans l'alcool absolu.
Importance et effets physiologiques. — Le chlorure de sodium est un élément constant et essentiel du corps animal ; il se trouve dans tous les liquides et tous les tissus de l'organisme. Le sang des herbivores et des carnivores contient une quantité de ce sel plus grande que celle de tous les autres sels pris ensemble : sur 100 parties des sels du sang, le chlorure de sodium en représente, à lui seul, 57. Mais, tandis qu'il est l'élément salin capital de tous les liquides animaux, tandis qu'on le trouve en quantité considérable dans le sérum sanguin, dans la lymphe, le pus et les exsudais inflammatoires, il n'existe pas, ou du moins n'existe qu'en quantités tout à
56 • COM.r OSÉS ALCALINS DU CHLORE
fait insignifiantes, dans la cellule organisée (corpuscules sanguins, cellule musculaire); dans le globule du sang, dans la cellule musculaire, le-chlore, bien que provenant du chlorure de sodium, est combiné avec le potassium. Cette opposition remarquable entre les sels de sodium et de potassium, au point de vue de leur distribution dans l'organisme, a déjà été signalée (voy. page 10).
Effets du chlorure de sodium sur le mouvement des liquides (hydrodiffusion) dans l'organisme animal. Invariabilité de la quantité de chlorure de sodium contenue dans le sang. — Une des fonctions principales du chlorure de sodium contenu dans le sang est d'exercer, à la manière d'une pompe, une action aspiratrice sur les liquides existant en dehors du torrent circulatoire ; cette propriété, qui a été mise dans tout son jour, surtout par Liebig, est une propriété d'ordre purement physique. Dans un vase contenant de l'eau pure introduisez un tube fermé par une membrane animale et contenant une solution saline; vous verrez, bientôt après, le niveau du liquide s'élever dans le tube, contrairement aux lois de la pesanteur, et vous constaterez en même temps que l'eau du vase extérieur, d'abord entièrement pure, renferme maintenant du sel en dissolution ; pendant que l'eau du vase pénétrait dans le tube, une partie du sel du tube allait donc vers le vase extérieur. Le chlorure de sodium partage cette propriété avec tous les autres sels. Cette action aspiratrice des solutions salines s'exerce encore avec plus d'énergie quand ces solutions sont alcalines, le liquide extérieur étant un peu acide; or, telles sont les conditions qui existent dans l'organisme animal. « Tout.est donc ici réuni pour qu'on puisse assimiler le système vasculaire à une sorte de pompe aspiratrice qui fonctionnerait sans robinets, sans soupapes, sans pression mécanique. » (Liebig.) C'est de cette action purement physique que dépend la facile pénétration du liquide digestif un peu acide dans le torrent sanguin ; et cette pénétration est encore facilitée par la rapidité du mouvement circulatoire. C'est encore cette même action qui favorise le dégagement des produits de désassimilation des cellules vivantes ; dans ces cellules, en effet, (cellules nerveuses, musculaires), il se forme, pendant leur fonctionnement vital, certains produits acides ; de sorte qu'il doit se développer, à travers la membrane cellulaire,- un courant liquide vers la masse sanguine ambiante. Ce courant doit être d'autant plus fort que la richesse du sang en sels est plus considérable. A mesure que les produits de combustion formés dans la cellule sont ainsi éloignés, la cellule récupère son activité fonctionnelle. Par exemple, tandis qu'un muscle exsangue perd complètement son excitabilité après une série peu prolongée de contractions, un muscle parcouru parle courant sanguin,' au contraire, peut exécuter jusqu'à 40.000 contractions de suite, sans avoir perdu pour cela son activité fonctionnelle.
C'est encore, en partie, de cette même action que dépend l'invariabilité, à peu près constante, de la quantité de chlorure de sodium contenue dans le sang; cette quantité ne varie, en effet, que dans des limites tout à fait restreintes, quelle que soit la quantité de chlorure de sodium introduite dans l'estomac. Supposons que les liquides de l'estomac et de l'intestin soient très riches en sels ; d'après ce que nous avons dit, la pénétration de la solution saline dans le sang se restreindra beaucoup, puis cessera tout à fait, et
CHLORURE DE SODIUM. — Effets physiologiques 57.
il' se produira une diarrhée aqueuse. Mais le sang, recevant peu d'eau, deviendra plus concentré, la pression sanguine diminuera, l'excrétion urinaire diminuera consécutivement ; de sorte qu'il y aura une limite qui s'opposera à ce que le sang perde une quantité d'eau trop exagérée. Supposons, au contraire, qu'on introduise clans le tube digestif une grande quantité d'eau pure, privée de sels, cette eau pénétrera bien dans le sang ; mais cette augmentation de la proportion d'eau contenue dans le sang aura pour résultat de faire élever la tension des parois vasculaires, la pression sanguine, ce qui donnera lieu à une expulsion plus active de l'eau du sang par la voie des reins et des glandes sudoripares. Dans les deux cas, la proportion de chlorure de sodium dans le sang restera à peu près la même. • • "
Rôle chimique du chlorure de sodium dans l'organisme. — Chez un animal à l'alimentation duquel on soustrait absolument les sels pendant plusieurs semaines, le sang n'en conserve pas moins, avec.une ténacité remarquable, sa richesse primitive en chlorure de sodium, ce qui semble indiquer que, dans le sang, le chlorure de sodium existe à l'état de . combinaison moléculaire avec les matières albuminoïdes. Cette invariabilité de la quantité de chlorure de sodium contenue dans le sang permet de penser que ce sel ne joue pas un rôle bien important dans les phénomènes chimiques des échanges nutritifs. Il paraîtrait pourtant qu'il est soumis à certaines transformations chimiques, si l'on admet que de lui proviennent l'acide chlorlrydrique du suc gastrique et le sodium des sels biliaires. Quant à la possibilité d'autres réactions chimiques, notamment avec les phosphates de potasse, il en sera question plus loin.
Influence du chlorure de sodium sur la nutrition. — Il a déjà été question (p. 15) de l'importance qu'ont certains sels, et en particulier le chlorure de sodium, pour le fonctionnement normal de l'organisme; nous avons parlé des recherches de Forster, qui démontrent que la présence de ces sels dans le sang est indispensable au maintien de la nutrition et à l'entretien de la vie.
Bunge se demande si la quantité de chlorure de sodium que nous ingérons avec les aliments organiques suffit pour satisfaire le besoin que nous avons de ce sel, et s'il n'est pas nécessaire d'y ajouter du chlorure de sodium tiré du règne inorganique. Il fait remarquer, à ce sujet, que les herbivores éprouvent un besoin impérieux de sel marin; on sait, en effet, que les chasseurs s'en servent depuis longtemps, comme d'un appât, pour attirer les animaux sauvages herbivores; on montre même, dans l'Altaï, des grottes entières dont la surface intérieure, formée d'argile schisteuse salée, a été enlevée presque complètement par les animaux qui venaient la lécher. Les carnivores, au contraire, ne semblent pas éprouver ce besoin impérieux de chlorure de sodium; ils. ont plutôt de la répugnance pour les aliments salés. D'où vient cette différence? L'analyse chimique démontre pourtant que la quantité de chlore et de sodium, contenue dans les aliments dont se nourrissent les herbivores, est à peu près la même que celle qui existe dans les aliments des carnivores; les dernières recherches de Bunge indiquent toutefois moins de sodium dans les aliments végétaux. Pourquoi les herbivores semblent-ils avoir plus besoin de chlorure de sodium que les carnivores ?
58 COMPOSÉS ALCALINS DU CHLORE
C'est que, dit Bunge, la quantité de potassium entrant dans l'alimentation des herbivores est deux à quatre fois plus grande que celle qui entre dans l'alimentation des carnivores. Ses recherches et celles d'autres auteurs donnent, à ce sujet, les résultats suivants :
1 kilogramme d'herbivore,
KO NaO Cl
alimenté avec du trèfle, absorbe 0,357 0,022 0,043
- dès raves et de la paille d'avoine. . 0,292 0,067 0,060
- des laîches 0,335 0,093. 0,073
- des vesces. 0,552 0,110 0,059
1 kilogramme de Carnivore (chats),
nourri avec viande de boeuf, absorbe 0,182 0,035 0,031
- - de rat. 0,143 0,074 0,065
Or, les sels de potassium, introduits dans l'organisme, lui enlèveraient une quantité considérable de chlore et de sodium. Bunge a fait, à ce sujet, une série de recherches sur l'homme, et il a trouvé que, sur 18gr,2 dépotasse ingérés, 10gr,7 circulaient dans l'organisme et lui soustrayaient 5gr,l de NaO et 3gr,4 de chlore; il a constaté, au cinquième jour de l'expérience, que la quantité de sodium soustraite à l'organisme était bien plus grande que celle équivalente du chlore ; ainsi l'organisme perdrait du sodium en sus de la quantité qui s'élimine avec le chlorure (5gr,6 NaCl et 2gr,l NaO). Il s'agit là sans doute d'une double décomposition chimique des composés de potasse et de soude. Quand on mêle, en effet, un sel de potassium, ayant un autre élément électro-négatif que le chlore, par exemple du phosphate de potasse, avec du chlorure de sodium, en solution, les deux sels échangent en partie leurs acides ; il se forme du chlorure de potassium et du pihosphate de sodium. Lors donc que du phosphate dépotasse est introduit dans la circulation, il doit réagir sur le chlorure de sodium du plasma sanguin ; il se forme ainsi du chlorure de potassium et du phosphate de soude, qui, étant en excès, s'éliminent par les reins, pour que le sang puisse conserver sa composition normale. L'introduction dans le sang du phosphate de potasse doit donc avoir pour résultat une élimination plus grande de chlore et de sodium, perte qui doit être neutralisée par l'ingestion d'une quantité supplémentaire de chlorure de sodium. Réciproquement, une absorption plus grande de sodium aurait pour résultat une plus grande élimination de potassium, ainsi qu'il résulterait des expériences de Reinson sur des chiens et de celles de Boecker sur des hommes et sur lui-même.
On comprend ainsi que le chlorure de sodium soit surtout un élément indispensable de l'alimentation de la classe ouvrière, qui se nourrit principalement de végétaux, de pommes de terre par exemple, qui contiennent une quantité prédominante de potassium'.
Forster -n'admet pas cette interprétation de Bunge. Il fait remarquer, en se basant sur ses recherches et celles de Kemmerich, combien l'organisme est puissant pour retenir en lui le chlorure de sodium. Quand on soustrait
1 Voyez page 18.
CHLORURE DE SODIUM. — Éfftts physiologiques 59
le sodium et le chlore, pendant des semaines, à l'alimentation des animaux, et qu'on leur fait prendre en même temps beaucoup de potassium, le sang ne contient guère moins de Na et de Cl qu'à l'état normal, et l'élimination du chlore finit par être presque entièrement supprimée. Kemmerich, ayant, pendant dix-sept jours, privé, autant que possible, un chien de sels de sodium, constata, au bout de ce temps, que le sérum sanguin de cet animal ne contenait guère que des sels de sodium (96,39 pour 100 de NaCl et seulement 3,6l pour 100 de sels de potassium) ; l'urine renfermait, au contraire, beaucoup de sel potassique (94,94 pour 100) et seulement 5,06 pour 100 de sel de sodium. D'ailleurs, il faut remarquer que tous les herbivores n'éprouvent pas le même appétit pour NaCl; la plupart n'en ingèrent pas de toute leur vie,: en dehors de celui qui existe dans leurs aliments. Et à de compte, si l'opinion de Bunge était juste, les organes et les humeurs de ces herbivores ne devraient presque plus contenir de sodium, ce qui n'est pourtant pas le cas. ,
Forster s'élève aussi contre l'opinion de Wundt et d'autres, qui font jouer au chlorure de sodium un rôle indispensable à l'entretien de la vie. Si, dit-il, l'addition de sel marin aux aliments est si indispensable qu'on le dit, comment se fait-il que les carnivores puissent vivre, eux qui n'absorbent, avec leurs aliments, que des quantités tout à fait petites de chlorure de sodium (0,11 pour 100)? Comment pourrait-on se rendre compte de l'entretien et de l'accroissement de l'organisme des enfants, qui, d'après Wunder - lich, n'ingèrent, avec le lait de leur mère, que 26 centigrammes de chlorure de sodium par litre?
Dans le fait, Boussingault a trouvé, dans une expérience, qui dura treize mois, sur six vaches, dont trois recevaient du chlorure de sodium avec leurs aliments, et trois n'en recevaient point, que l'addition du chlorure de sodium n'exerçait aucune influence ni sur la quantité de viande, ni sur la quantité de graisse, ni sur la quantité de lait ; mais celles à qui l'on donnait NaCl présentaient un meilleur aspect : les poils étaient plus fournis, la peau plus nette, la vivacité plus grande, l'instinct sexuel plus actif; les trois autres, au contraire, avaient un aspect beaucoup moins florissant. D'après Liebig, le sel aurait produit, ce résultat favorable en excitant les échanges nutritifs et les sécrétions; il aurait agi en neutralisant les conditions fâcheuses qui résultent de l'engraissement artificiel.
On a dit que l'usage du chlorure de sodium en quantités exagérées (aliments très salés) pouvait être une cause de scorbut. Mais cela est loin d'être démontré. .
Appareil digestif et digestion. — Le chlorure de sodium détermine sur les muqueuses, notamment sur celle de la bouche, une sensation de sécheresse qui constitue la soif. Cette sensation ne résulte sans doute qu'en partie de l'irritation locale provoquée par les aliments et les boissons salés sur les nerfs sensibles de la muqueuse bucco-pharyngienne, irritation consécutive à une soustraction aqueuse. Cette action locale du sel marin n'est, en effet, en général, que de très courte durée; d'ailleurs, la soif devrait se manifester immédiatement ou du moins beaucoup plus rapidement à la suite de l'ingestion du sel; enfin, on a constaté que l'injection sous-cutanée du chlorure de sodium donnait aussi lieu à de la soif. D'après Heubel, la cause
60 COMPOSÉS ALCALINS DU CHLORE
principale de la soif à la suite, de l'ingestion du chlorure de sodium, est produite par ce sel circulant avec le sang et non encore combiné avec des substances albumineuses; il soustrait l'eau aux tissus en général, mais particulièrement aux muqueuses de la bouche, du pharynx, jusqu'à l'estomac, et détermine ainsi une sécheresse relative de ces muqueuses et une sensation de soif. L'eau soustraite aux tissus par le sel marin sort avec ce sel de l'organisme en grande partie par les reins. L'ingestion d'une quantité plus abondante d'eau, par suite de l'augmentation de la soif, a pour conséquence de rendre les matières alimentaires plus diluées, de favoriser leur absorption, d'activer la circulation à travers les organes et d'accélérer les échanges nutritifs.
L'irritation des terminaisons nerveuses de la bouche et de l'estomac a encore pour résultat de faire augmenter, par action réflexe, la sécrétion de la salive et du suc gastrique, et de hâter ainsi la digestion des aliments amylacés et albumineux. Même dans le liquide gastrique artificiel, par conséquent sans qu'il y ait augmentation de la quantité de suc gastrique, l'albimine coagulée et la fibrine coagulée se dissolvent plus facilement, si, au préalable, ou a ajouté 1,5 pour 100 de chlorure de sodium (Lehmann); mais une quantité plus grande met obstacle à la peptonisation. Pfeifer et Klikowicz ont vu, au contraire, l'addition de sel maria mettre constamment obstacle à la digestion. D'autres sels (carbonate de soude, sulfates de ■magnésie et de soude) produiraient le même effet.
Dans l'intestin, la dissolution de la fibrine par la pancréatine est aussi accélérée par l'addition de chlorure de sodium (Heidenhain).
Une solution d'albumine, injectée dans le gros intesLin, ne fait augmenter la quantité durée éliminée, qu'à la condition qu'on y a adjoint du chlorure de sodium (Voit et Bauer).
L'ingestion d'une quantité très considérable de NaCl donne lieu à une inflammation intense de l'estomac et de l'intestin (voy. l'explication p. 31 ) : il survient des douleurs violentes, des vomissements, de la diarrhée; dans certains cas même, la mort peut en être la conséquence (à la suite de l'ingestion de 500 à 1000 grammes de NaCl).
Des solutions concentrées de sel marin (10 pour 100), injectées dans le rectum, sont d'abord entraînées vers le haut par des contractions antipéristaltiques,puis elles cheminent vers le bas.Pendant que le mouvement d'ascen-. sion du lavement dure encore, le mouvement péristaltique régulier a déjà commencé dans les parties de l'intestin voisines du rectum (Nothnagel).
Action du chlorure de sodium sur les échanges nutritifs. —• Le chlorure de sodium active ces échanges et donne lieu, par suite, à une augmentation de la quantité d'urée excrétée. Cette action est produite par le sel lui-même, en même temps que par l'eau, qui, par suite de la sensation de soif plus vive provoquée par le sel, est ingérée en plus grande quantité ; c'est ce qui résulte du tableau suivant, résumé des recherches de Voit :
a. Sans ingestion d'eau :
Sr. gr. gr. gr.
Chlorure de sodium ingéré 0 5 10 90
Quantité d'urine éliminée 935 948 1042 1284
Urée- • • 108,2 109,1 109,6 112,6
CHLORURE DE SODIUM — Effets physiologiques 61,
b. Avec ingestion d'eau :
gr- gr- gr. gr.
Chlorure de sodium ingéré.. 0 5 10 20
Urine éliminée 828 898 987 1124
Urée 106,6 110,0 112,2 113,0
On a prétendu, dans ces derniers temps, que l'ingestion d'une plus grande quantité d'eau et une irrigation plus abondante des organes n'avaient nullement pour effet de faire augmenter l'élimination de l'azote (Mayer).
Elimination. — On trouve des quantités considérables de chlorure de sodium dans tous les sécréta et excréta : dans l'urine, la sueur, le mucus, les larmes, les matières fécales, surtout (dans l'urine. Chez l'homme, la quantité moyenne de chlorure de sodium, qui se trouve dans l'urine rendue en vingt-quatre heures, est de 10 à 13 grammes, ce qui fait 0,41 à 0,54 par heure. Chez les femmes et les enfants, cette quantité est bien moindre (femme de 43 ans : 5g'',5 ; fille de 18 ans : 4gr,5; garçon de 16 ans : 5gr,3; garçon de 3 ans : 0gr,8), d'après Bischoff. C'est après le repas de midi que le chlorure de sodiun s'élimine en plus grande quantité; cette élimination est moindre pendant la nuit. Naturellement elle augmente avec la quantité de NaCl ingérée. Elle diminue pendant le repos, pendant le sommeil, et elle augmente dans les grands efforts, sous l'influence du travail intellectuel, à la suite d'une ingestion d'eau plus considérable. L'excrétion de l'urine et celle de l'urée diminuent et augmentent parallèlement.
Pendant les maladies, l'élimination du chlorure de sodium subit des changements remarquables. Dans toutes les maladies fébriles (méningite, pneumonie, inflammation des diverses séreuses), la quantité de chlorure de sodium éliminée devient jusqu'à cent fois plus petite qu'à l'état normal. Cette diminution provient de ce que les malades ingèrent moins de nourriture et moins de sel que normalement ; de ce que les selles aqueuses, les exsudats séreux enlèvent au sang beaucoup de chlorure de sodium; et enfin, de ce que, pendant la fièvre, les urines sont beaucoup plus rares. Les fièvres intermittentes, font pourtant exception, parce que, dans les intervalles apyrètiques, les malades ont de l'appétit et ingèrent une certaine quantité d'aliments. Quand, dans une maladie aiguë, l'élimination de NaCl s'accroît,c'est un signe que la maladie s'amende.
Dans les affections chroniques, l'élimination de NaCl subit aussi, en général, une diminution, qui résulte de ce que le malade se nourrit moins, et de ce que les échanges nutritifs sont ralentis. Dans le diabète insipide, au contraire, ainsi que dans la période de résorption et de guérison des lrydropisies, la quantité de chlorure de sodium contenue dans l'urine augmente;, dans des cas de ce genre on en a trouvé jusqu'à 30 grammes par jour (Vogel).
Nous allons examiner maintenant les effets produits par le chlorure de sodium sur les divers organes et les diverses fonctions.
Peau.—Dans un bain chloruro-sodique, la peau intacte n'absorbe aucune trace de .NaCl; ce fait est parfaitement établi. Tout le chlorure de sodium qui reste adhérent à l'épiderme peut être plus tard entièrement enlevé par des lotions (Beneke, Valentiner, Rôhrig). On a cependant observé que, à la suite des bains de NaCl, il y avait accroissement de l'élimination de l'urée
62 COMPOSES ALCALINS DU CHLORE
(Clemens, Benekej. Rôhrig a constaté aussi que, à la suite de bains sales, des bains de mer, les processus d'oxydation de l'organisme éprouvaient une stimulation tout à fait surprenante. Voici quelle interprétation, entièrement hypothétique, cet observateur donne de ce fait : Le chlorure de sodium, ditil, qui se fixe dans l'épiderme soustrait l'eau aux couches superficielles de la peau ; il résulte de là que les terminaisons sensibles des nerfs subissent une sorte de ratatinement, qui a pour conséquence de donner lieu, par action réflexe, à une irritation des appareils vaso-moteurs, à un rétrécissement des vaisseaux sanguins et à une élévation de la pression sanguine ; c'est à ces effets que seraient dues l'augmentation des échanges nutritifs, l'élimination plus considérable de l'urée et de l'acide carbonique, et l'élévation de la température.
Les effets légèrement caustiques des bains de chlorure de sodium sont dus à une destruction de l'épiderme, qui a quelquefois pour conséquence la production d'inflammations pustuleuses de la peau.
Reins. Excrétion de l'urine. — D'après Falcket Voit, qui ont expérimenté sur des chiens, le chlorure de sodium, quand il existe dans le sang en quantité plus grande que normalement, fait augmenter l'élimination de l'urine; mais cette assertion est contredite.par un grand nombre d'observations faites sur l'homme. L'urine ne serait éliminée en plus grande proportion que dans le cas où la quantité d'eau ingérée serait en même temps plus considérable ; dans le cas contraire, il y aurait plutôt diminution de l'excrétion urinaire (Falck, Klein et Verson).
D'après Wundt,la suppression du chlorure de sodium dans l'alimentation aurait pour résultat de rendre les urines albumineuses ; mais jusqu'ici personne n'est venu confirmer le fait. Plouviez, d'un, autre côté, a prétendu guérir l'albuminurie parle chlorure de sodium, ce qui a encore besoin d'être démontré.
Les organes circulatoires, la respiration, la température, les nerfs et les muscles, ne subissent, de la part de doses médicamenteuses de NaCl, aucune modification appréciable, pas plus chez les animaux que chez l'homme. Mais des expériences faites sur les animaux, avec des doses toxiques de NaCl, nous ont fait connaître une série de faits très remarquables.
Effets toxiques de NaCl sur les animaux. — Il a déjà été question, à propos des alcalins et de l'action générale du sodium, de quelques effets produits par le sel marin. Nous allons traiter ici cette question d'une manière plus détaillée, parce que, entre l'action du chlorure de sodium et celle des autres sels neutres de sodium, il existe toujours des différences.
Animaux à sang froid. — D'après Kunde, quand on injecte du chlorure de sodium, en quantité considérable, sous la peau d'une grenouille ou qu'on le lui introduit dans l'estomac, l'animal ne tarde pas à être pris de . convulsions, qui rappellent le tétanos ; un nerf, placé dans une solution concentrée de NaCl, développe aussi, dans le muscle qu'il anime, un état tétanique. Puis on voit la peau de l'animal se couvrir d'une sueur abondante telle que l'eau tombe quelquefois à gouttes. L'animal perd ensuite peu à peu ses forces; la sensibilité et la-motilité disparaissent, et enfin le coeur cesse de battre. Lés nerfs et les muscles sont entièrement privés de leur excitabilité.
CHLORURE DE SODIUM. — Effets physiologiques 63
Le poids du corps a subi une diminution notable, par suite de la déperdition considérable de liquide.
Si le sel a été introduit par injection sous-cutanée, on ne trouve dans le canal intestinal aucune altération ; il s'amasse alors sous la peau une grande quantité de liquide. Si le sel a été porté dans l'estomac, il .détermine une hyperhémie considérable de la muqueuse gastro-intestinale, avec sécrétion d'un mucus sanguinolent et vomissements. La respiration ne tarde pas à se suspendre. Introduit dans le rectum, il provoque, dans le canal intestinal, une exsudation aqueuse abondante.
D'après Falck et Hermaun, si l'on fait tomber goutte à goutte sur un coeur de grenouille, que l'on vient d'exciser, une solution de NaCl (1 à 2 pour 100), on voit d'abord les battements s'accélérer, puis s'arrêter, plus tôt qu'ils n'auraient fait normalement. Si la solution saline est, au contraire, concentrée, les battements s'arrêtent presque immédiatement, sans accélération préalable.
Dans des expériences sur des coeurs de grenouille, Ringer a trouvé que les chlorures alcalins exerçaient une aetion paralysante sur la substance musculaire des ventricules. L'affaiblissement de la contraction ventriculaire se manifeste dans la diminution de hauteur des courbes du pouls et dans l'augmentation de leur largeur. Dès que cet affaiblissement s'est produit, la faradisation du coeur, qui auparavant déterminait une contraction normale, provoque maintenant un tétanos de l'organe; sur des coeurs fortement affaiblis une irritation répétée peut donner lieu à une obturation complète des ventricules. Sous l'influence de petites doses, le sommet des courbes présente encore nettement des enfoncements; il est entièrement droit.sous l'influence de doses élevées. La contraction du ventricule commence dès le début de l'irritation, mais persiste encore en moyenne un quart de seconde après qu'elle a cessé. . .
Si on laisse séjourner une grenouille pendant quelque temps-dans une solution concentrée de NaCl, on observe des contractions fibrillaires des muscles, mais point de convulsions générales (Guttmann).
Stricker et Prussak ont vu chez des grenouilles, à la suite d'une injection de chlorure de sodium, les globules rouges de sang sortira travers les capillaires intacts; nous avons fait la même observation. Souvent cette émigration globulaire est si forte, que la peau tout entière présente un pointillé rouge. D'après Colmheim, une telle diapédèse des globules rouges se produirait chez toutes les grenouilles, à certaines époques de l'année, sans intervention du chlorure de sodium.
Kunde a encore observé que si l'on introduit sous la peau ou dans.le rectum, chez une grenouille, 0gr,2 à 0gr,4 de chlorure de sodium, on voit, peu de temps après, la cornée faire une saillie plus prononcée, la quantité d'humeur aqueuse augmenter et le cristallin se troubler; ce trouble du cristallin commence, tantôt par la face antérieure,, tantôt par la face postérieure. La lentille tout entière finit par présenter un aspect gris cendré clair. Tous ces phénomènes régressent quand on place l'animal dans .l'eau.
La plus grande partie des phénomènes observés chez la grenouille peut très bien s'expliquer par la soustraction aqueuse résultant de l'action du sel.
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COMPOSES ALCALINS DU CHLORE
Animaux à sang chaud.--Chez des lapins, auxquels il avait injecte dans le sang 5 grammes de NaCl, Guttmann a vu se produire des spasmes ++cloniques et toniques; ces spasmes ne se produisaient pas lorsqu'on faisait en même temps boire de l'eau à l'animal. La mort arriva, dit-il, sans que la respiration et l'activité cardiaque eussent subi aucune atteinte. D'après Falck, l'injection du chlorure de sodium dans une veine donne lieu à des altérations caractéristiques des organes respiratoires : écoulement de liquide par la bouche et le nez, oedème pulmonaire constant.
Kundea observé, chez des chats, sous l'influence de NaCl, un trouble du cristallin. Guttmann nie que le chlorure de sodium puisse donner lieu à cette opacité cristalline chez les animaux à sang chaud.
•' Emploi thérapeutique. — Des considérations physiologiques qui précèdent il ressort nettement que le chlorure de sodium est un des sels les plus importants pour la nutrition, et que l'organisme ne peut pas s'en passer.
Voici les cas dans lesquels il a été prescrit : Dans l'hémoptysie, son usage est tout à fait populaire, et il faut avouer qu'il n'est pas rare de le voir réussir. On a vu assez souvent des hémoptysies profuses disparaître rapidement sous l'influence d'une à trois cuillerées à café de sel marin sec ou mêlé avec une petite quantité d'eau, pourvu, bien entendu, qu'en même temps.les règles diététiques convenables aient été observées. Fréquemment, mais pas toujours, cette ingestion de sel marin provoque des nausées. L'efficacité de ce remède provient sans doute de ce qu'il exerce sur les nerfs sensibles de l'estomac une excitation vive, qui a pour conséquence, par action réflexe, de faire rétrécir les artères des poumons.
. Chez des èpileptiques, chez lesquels l'attaque s'annonçait par une aura paraissant siéger dans la sphère du pneumogastrique, par une sensation qui semblait monter de l'estomac, nous avons vu plusieurs fois une ou quelques cuillerées à café de sel marin supprimer l'accès, quand l'aura se prolongeait assez pour donner le temps d'absorber le sel.
Le chlorure de sodiumpeut encore être employé utilement pour rendre inoffensif un morceau de nitrate d'argent, qu'on aurait laissé tomber dans l'estomac, en cautérisant la muqueuse pharyngienne. Il est vrai que le chlorure .d'argent, qui se forme alors, n'est pas absolument insoluble; mais, comme on a toujours sous la main du sel marin, on fera bien d'en user dans une circonstance de ce genre.
Une sangsue, qui aurait été avalée, pourrait être tuée au moyen de l'ingestion d'une solution de sel marin en quantité un peu abondante. — Le chlorure de sodium a encore été employé comme anthelminthique. S'il s'agit d'expulser un ténia ou des lombrics, il ne faut pas compter sur lui comme sur un agent certain; mais l'expérience apprend qu'il est bon de s'en servir, surtout sous forme d'un hareng fortement salé, avant d'administrer le vermifuge spécial auquel on donne la préférence.
S'agit-il de faire un emploi prolongé du chlorure de sodium, on a recours anneaux minérales naturelles chloruro-sodiques. Le chlorure de sodium se trouve, en effet, dans un grand nombre d'eaux minérales. Dans les unes, il constitue l'élément essentiel; dans les autres, il ne représente qu'un élément secondaire, bien que très important. C'est ainsi qu'on le trouve associé aux alcalins, au sulfate de magnésie, au sulfate de soude, etc., et ses incli-
CHLORURE DE SODIUM. — Emploi thérapeutique 65
cations thérapeutiques se confondent alors avec celles de ces derniers sels. Ces indications sont les suivantes : ,
Dyspepsie chronique et catarrhe chronique de l'estomac — Voyez ce que nous avons dit à propos des carbonates alcalins. Nous ferons remarquer seulement que les eaux sulfato-sodiques, renfermant, du chlorure de sodium, sont habituellement préférées dans les cas où il existe, en même temps, une constipation opiniâtre. Parmi ces eaux, les plus en usage sont, dans nos pays : Kissingen, Homburg, Soden, Cronthal, Canstatt. — Dans les catarrhes intestinaux chroniques, ces eaux sont moins bien indiquées; on devra en faire un choix judicieux; on donnera surtout la préférence à celles de Carlsbad, Tarasp, etc.
Certaines formes d'obésité et de pléthore abdominale.— L'expérience a appris que, chez les personnes ayant le pannicule adipeux très développé, la musculature faible et le teint pâle, les eaux chlorurées sodiques sont à préférer aux eaux s ulfato sodiques; on aura, surtout recours à celles de Kissingen, de Homburg.
Les catarrhes bronchiques chroniques sont souvent traités avec avantage par les eaux chlorurées sodiques. Évidemment ces eaux ne peuvent exercer aucune action spéciale sur la phtisie; l'amélioration qui résulte de leur emploi dépend uniquement des conditions climatériques favorables dans lesquelles se trouve le malade, de l'influence avantageuse de ces eaux sur le catarrhe bronchique concomitant et sur l'état dyspeptique. Parmi les nombreuses sources chlorurées sodiques, celle de Soden, dans le Taunus, est le plus fréquemment employée.
Dans les tuméfactions, du foie et de la rate, consécutives à l'inloxication par la malaria, les eaux chlorurées sodiques (Kissingen, Homburg) méritent-elles- la préférence sur celles de Carlsbad? Il serait difficile de le décider.
Les eaux chlorurées sodiques sont aussi mises en usage contre la goutte; on donne, en général, la préférence aux eaux de Carlsbad et à celles de Vichy. L'opinion de Garrod est que ces eaux, par exemple celles de Wiesbaden, conviennent plutôt aux formes chroniques du rhumatisme qu'à la goutte vraie.
Affections scrofuleuses. — Ce sont surtout les bains salés qu'on emploie, dans ce cas, avec avantage. Quant à l'ingestion des eaux chlorurées sodiques, leur utilité n'est pas parfaitement démontrée; d'ailleurs, il est difficile de les faire prendre aux enfants. Si l'on veut en essayer l'emploi, on donnera la préférence aux eaux faiblement chargées de NaCL, et contenant en même temps de l'acide carbonique, telles que celles de Homburg, de Kissingen, de Cansladt. — Les eaux chlorurées sodiques, prises en boisson, sont-elles utiles pour faire résoudre les exsudats imflammatoires chroniques, par exemple ceux de la pleurésie? La chose est fort douteuse. Si, dans ces circonstances, il se produit de l'amélioration, il faut la mettre surtout sur le compte des conditions hygiéniques meilleures, qui résultent du séjour du malade dans une station balnéaire bien choisie.
Nous passons à l'emploi du chlorure de sodium à l'extérieur. On le donne sous forme de lavements, et ce sont les lavements purgatifs les plus en usage; ils agissent en excitant les mouvements pérista! tiques de l'intestin,
NOTHNAGEL et ROSSBACH, Thérapeutique. 5
66 COMPOSLS ALCALINS DU CHLORE
par suite de l'irritation produite sur la muqueuse rectale. — On se sert aussi de solutions de NaCl pour laver les plaies venimeuses; mais on préférera toujours les cautérisations avec l'acide acétique ou d'autres caustiques plus énergiques; mais si l'on n'a sous la main que du chlorure de sodium, on devra aussitôt s'en servir. — On emploie fréquemment une solution saline faible pour laver la conjonctive qui vient d'être touchée par le crayon de' nitrate d'argent, dans le but de neutraliser l'excès du nitrate. - L'eau salée est encore mise fréquemment en usage, dans le but de provoquer sur la peau une irritation légère (bains de pieds salés, lotions sur les parties congelées, frictions avec de l'eau salée et alcoolisée, dans les cas de rhumatisme musculaire). Mais c'est surtout sous forme de bains que les eaux chlorurées sodiques sont employées à l'extérieur.
Autrefois l'usage de ces bains était extrêmement répandu ; aujourd'hui il est plus restreint. Voici les cas dans lesquels on pourra y avoir recours avec chance de succès :
Dans le rhumatisme chronique, soit musculaire, soit articulaire. Il est certain qu'on peut retirer de ces bains quelques avantages; mais est-ce à dire qu'ils agissent mieux, en général, que les eaux thermales ? Nous ne le . croyons pas.
Pour combattre l'impressionnabilité anormale de la peau aux influences de la température, ces bains peuvent avoir quelque utilité ; il faudra surtout choisir les stations où il existe de la verdure, telles que Nauheim, R.ehme.
Les bains chloruro-sodiques sont très fréquemment conseillés contre les affections scrofuleuses ; ils produisent souvent de bons effets; mais il faut remarquer que d'autres circonstances que la présence du chlorure de sodium concourent aussi à ces résultats avantageux. Ce sont les eaux de Kreuznach qui représentent; en vue de celte indication, le type de ces bains salés. ' Des recherches exactes démontrent que le brome et l'iode, qui existent dans ces eaux, ne jouent absolument aucun rôle appréciable.
Quelques affections nerveuses demandent aussi l'emploi des eaux chlorurées sodiques : telles sont plusieurs formes de névralgie chronique (« rhumàtoïde »). 11 faut reconnaître pourtant que les eaux thermales indifférentes peuvent agir aussi bien. On aura soin de ne prescrire ces bains qu'avec beaucoup de circonspection dans les affections spinales. Règle générale; ils ne sont indiqués que dans les cas franchement chroniques, ou lorsque les symptômes aigus ont totalement disparu. La plupart des succès (et ils sont rares) ont été observés dans les états paralytiques qui succèdent à la méningite ou aux formes légères- dé la myélite, ainsi que dans les paralvsies post-fébriles (typhus, diphthérie).
On prétend avoir vu ces bains réussir contre le tabes, au début Mais, outre que cette affection est bien difficile à diagnostiquer sûrement la première période, ces succès nous paraissent encore douteux. Ce sont les eaux de Rehme et de Nauheim qui ont été choisies dans ces cas. Nous donnerions plutôt la préférence à un traitement rationnel par l'eau froide avec toutes les mesures circonspectes qu'il comporte. '
Quant aux éruptions cutanées, elles ne peuvent bien se trouver des bainssalés que si elles sont de nature scrofuleuse.
EAUX CHLORURÉES SODIQUES g7 '
Enfin mentionnons encore l'emploi du chlorure de sodium sous forme d'inhalations. Ces inhalations ont donné quelques succès dans les catarrhes chroniques du pharynx, du larynx et des bronches (Waldenburg).
DOSES. — 1° Chlorure de sodium. — Dans les cas d'hémoptysie, pour tueries sangsues avalées, etc., on donne en général une cuillerée à café de NaCl. Aux lavements, pour adultes, on ajoute une cuillerée à café ou une cuillerée à bouche de sel. Pour préparer lotions irritantes, on se sert de solutions concentrées. Pour bains de pied, 1/4 à 1/2 kilogramme. — Pour bain général, 1-2 kilogrammes. — Pour inhalations, solution à 1/5-2 pour 100.
2° EAUX CHLORURÉES SODIQUES. — Le chlorure de sodium, avons-nous dit, se trouve dans beaucoup d'eaux minérales. Dans les unes, il est associé à d'autres substances qui jouent le rôle principal; dans les autres, c'est à NaCl qu'est due l'action essentielle; ce sont ces dernières seules qui méritent le nom d'eaux chlorurées sodiques. Parmi ces eaux, les unes sont employées de préférence sous forme de bains ; les autres en boisson. Ces dernières sont celles qui contiennent une certaine quantité d'acide carbonique.
Principales eaux chlorurées sodiques administrées en boisson. — 1. Kis ■ singen, en Franconie ; trois sources principales froides, riches en acide carbonique : Ragoczi (0,6 NaGl), Pandur (idem), Maxbrunnen (0,2 pour 100 NaGl) ; autres éléments salins insignifiants. 2. Soden (mont Taurins) : sources nombreuses ; température variant entre 15-25° C.; NaGl 0,2-1,3 pour 100 ; assez grande quantité d'acide carbonique. Quantité insignifiante de fer. 3. Homburg (Taunus); eaux froides, assez riches en GO 2; légère quantité de fer. Source Elisabeth, 0,9 pour 100 NaGl; Kaiserbrunnen, 1,4 pour 100 NaCl. 4. Nauheim (Taunus); employées surtout sous forme de bains ; quelques-unes servent aussi à l'a boisson ; elles sont froides, contiennent peu d'acide carbonique, beaucoup de chlorure de sodium. 5. Cronthal (Taunus), environ 0,3 pour 100 NaGl, beaucoup de CO 2. 6. Neuhaus, en Franconie; eaux froides, riches en acide carbonique; environ 0,6-0,7 pour 100 de NaGl. 7. Mergentheim, dans le Wurtemberg; eaux froides ; peu de CO 2 ; environ 0,6 NaCl pour 100, et 0,2-0,25 pour 100 de sulfate de soude et de magnésie. 8. Canstatt, près de Stuttgart; peu d'acide carbonique; peu de NaGl, environ 0,2 pour 100. 9. Adelheidsquelle, à Heilbronn, dans la Bavière; 0,4 pour 100 NaGl; peu de CO 2 ; un peu de bicarbonate de soude. 10. Wiesbaden, province de Hessen-Nassau ; ces eaux sont aussi beaucoup employées en bains. La source qui sert à la boisson est chaude (69° G.), contient très peu d'acide carbonique et 0,6 NaCl pour 100. Toutes les autres sources de Wiesbaden ont aussi une température élevée.
Telles sont les principales sources chlorurées sodiques servant à la boisson, qui existent en Allemagne. On peut d'ailleurs rendre propres à la boisson des eaux chlorurées sodiques employées en bains, en les étendant d'eau et les chargeant d'acide carbonique.
Sources chlorurées sodiques employées principalement sous forme de bains. — Ce sont, faisant suite aux précédentes : 11. Baden-Baden (Grand duché de Bade), 46-68° G. 12. Soden, prèsd'Aschaffenburg. 13. Schmalhalden (Thüringe), 14. Sulzbrunn, en Bavière. Toutes ces sources contiennent très peu de chlorure de sodium. Les suivantes en contiennent bien davantage : 15. Kreuznach, dans le Nahethal; c'est une des eaux les plus renommées pour la scrofulose. 16. 'A.rnstadt, dans la Thiiringe. 17. Salzungen, dans la Saxe-Meiningen. 18. Franlienhausen, dans la Plaine d'or. 19. Sulza, dans la Saxe-Weimar. 20. Kôsen, près de Naumburg. 21. Kostritz, états de Reuss (Allemagne). 22. Wittekind, près de Halle (Saxe). 23. Colberg, en Poméranie. 24. Pyrmont, dans la principauté de Waldeck (voyez Sources ferrugineuses).25 et 26. Harzburg et Suderode(Ha.rz),
68 COMPOSÉS ALCALINS DU CHLORE
27 et 28. Jaxtfeld et Rothueil (Neckkar). 29. Hall dans le Würtemberg. 30 et 31. Gozcalkoiwitz et Kônigsdorf-Jasrtzemb, en Silésie. 32. Hall, près Linz en Autriche. 33. Aussee, en Styrie. 34. Hall près Innsbiuck, dans le Tyrol. 35. Ischl, dans le Salzkammergut. 36. Reichenhall, en Bavière. Telles sont les principales sources chlorurées sodiques qui existent en Allemagne (Voyez, pour les détails, les ouvrages spéciaux). ,
On assigne en général une place particulière, parmi les sources salines, a Rehme (Oeynhausen) en Westphalie, et à Nauheim; on les désigne sous le nom de thermo ¬ salines, riches en acide carbonique 1.
Relativement au contenu iodé des sources chloruro-sodiques, voyez l'étude de l'iode.
L'eau de mer doit encore être mentionnée ici. Remarquez que ce n'est pas seulement au chlorure de sodium qu'est due l'action des bains de mer ; d'autres circonstances doivent entrer en ligne de compte; les plus importantes sont : l'air maritime et la température basse du bain ; le choc des vagues n'est pas non plus une circonstance insignifiante.
Il est une contre-indication à l'emploi de ces bains, qui doit être placée en première ligne : il n'y a que les personnes exemptes de toute affection organique qui doivent en user. Les états morbides dans lesquels les bains de mer peuvent être employés avec succès sont les suivants :
Tous les états de faiblesse générale, impossibles à définir physiologiquement, tels que ceux qui résultent d'un travail intellectuel trop tendu avec vie sédentaire, d'un défaut d'assimilation, sans altération appréciable d'aucun organe.
Beaucoup de personnes présentant la disposition dite névropathique, faiblesse nerveuse, pourront aussi se trouver bien des bains de mer.
Ces bains sont encore indiqués contre la faiblesse cutanée avec tendance aux refroidissements et impressionnabilité anormale de la peau. On les prescrira encore, comme traitement complémentaire, dans le rhumatisme chronique musculaire et même articulaire.
Enfin, ils sont indiqués dans plusieurs formes de serofulose, notamment lorsqu'il n'existe aucune localisation grave (tumeurs des ganglions lymphatiques, etc ).
Règle générale : les individus très pâles, anémiques, déprimés, chez lesquels il existe un mauvais état de la nutrition, doivent s'abstenir des bains de mer ou n'en user qu'avec beaucoup de prudence.
L'océan Atlantique, la mer du Nord, la Méditerranée, renferment à peu près la même quantité de NaCl (2-3 pour 100) ; la mer Baltique en contient beaucoup moins (moins de 1 pour 100). Nos bains de mer du sud sont plus chauds que ceux du nord environ de 5° C. Il faut encore tenir grand compte de la force des vagues, qui varie suivant l'endroit où l'on prend le bain et suivant la direction des vents. Enfin, on doit encore considérer si le bain est pris dans une île ou non. Les bains pris dans une île présentent, en général, à un degré plus élevé, toutes les conditions particulières qui caractérisent les bains de mer.
Les stations les plus fréquentées pour bains de mer sont :
Océan Atlantique : Dunkerque, le Tréport, Boulogne, Dieppe, Saint-Valéry, Fécamp,Etretat, Le Havre, Trouville, Villers, Houlgate, Royan, Biarritz, en France; Douvre, Wight, Brighton, etc., en Angleterre.
[Principales sources chlorurées sodiques qui existent en France : Balaruc (Hérault) temp. 50° C; 1 litre contient 6.80 NaCl, 1,07 MgCI. Bourbonne-les-Bains (Haute-Marne), temp. 55-65° G.; NaCl 5gr,S, NuBr 0,05. Saint-Gervais (Haute-Savoie), temp. 20-42° C; elle contient par litre : 1,60 chlorure sodium, 2 grammes sulfrate de soude, 0,84 sulfate de chaux 0 40 de bicarbonate de chaux. Salins (Jura) ; cette localité possède des salines dont les eaux mères sont utilisées ; elles les contiennent, par litre, 257 grammes de résidu salin, dans lequel se trouvent 158 grammes NaCL, 2gr,7 KBr. Salins-Moutiers (Haute-Savoie), temp. 30° C.; 10 grammes NaCl par litre]
CHLORATE DE POTASSE. - Action physiologique 69
Mer Mèditerranèe: Marseille, Palavas, Nice, etc., en France; la Spezzia, Livourne, Gastellamare, Naples, Venise, etc., en Italie..
Mer du Nord : Ostende, Blankenberghe, Scheveningue, Helgoland, Guxhaven, Westerland auf Sylt, Wyk auf Fôhr, Borkum, Norderney.
Chlorure de potassium
L'étude de son action physiologique a été faite suffisamment à propos dit potassium et du chlorure de sodium 1. Nous ferons seulement remarquer ici que l'action de ce sel est essentiellement due à l'élément potassium. Il s'est trouvé un observateur (Sandcr) qui a prétendu assimiler les effets du chlorure de potassium à ceux du bromure de potassium, dans l'épilepsie et autres affections de ce genre; mais cette opinion n'a trouvé que des contradicteurs.
Le chlorure de potassium n'est pas employé en thérapeutique.
Chlorate do potasse (KCIO 3)
Il se présente sous la forme de cristaux lamelliformes, d'un blanc brillant, qui se dissolvent dans 16 parties d'eau froide, 3 parties d'eau bouillante et dans 130 parties d'alcool. Leur saveur est fraîche comme celle du salpêtre. Il forme, avec la plupart des substances combustibles (soufre, charbon,etc.), des mélanges qui peuvent faire explosion par la pression, la percussion, etc.
Action physiologique. — Administré à doses thérapeutiques (5 grammes par jour), il est très rapidement +absorbé; il traverse le torrent circulatoire sans éprouver de modifications, et apparaît bientôt dans toutes les ' sécrétions (urine, salive, larmes, lait, sueur et bile). Tout ce qui a été ingéré est ainsi éliminé, probablement au bout de trente-six heures. Isambert et Hirne ont pu en retrouver 95 à 99 pour 100 dans ces divers produits de sécrétion
L'administration prolongée de doses moyennes (10 grammes, chez les adultes) donne lieu à une augmentation de la sécrétion salivaire, à une augmentation de l'appétit, à l'excrétion plus abondante d'une urine fortement acide, avec douleurs de reins, à une coloration verte des matières fécales. Une seproduit pas de diarrhée, même après l'ingestion de doses très élevées.
On a admis jusqu'ici que, à doses très élevées, le chlorate de potasse tue en paralysant le coeur, de même que les autres sels de potassium ; on a cependant, dit-on. administré à des adultes jusqu'à 30 grammes de ce sel sans qu'il en résultât aucun accident, aucune action sur le coeur.
Mais, tout récemment, Marchand, de Halle, et Jacobi, de New-York, ont vu ce médicament populaire occasionner des empoisonnements suivis de mort. Il faut distinguer deux formes d'intoxication : 1° une forme immédiatement mortelle, dans laquelle, sans altérations organiques appréciables, le sang prenant une coloration brune de sépia, les globules sanguins perdent leurs propriétés respiratoires ; 2° une forme, non immédiatement, mais rapi - dément mortelle, dans laquelle tous les canalicules urinaires se remplissant de globules sanguins devenus inaptes à la vie, il se manifeste une rétention d'urine. — Dans des expériences sur des chiens (des chiens de moyenne grandeur ont été tués par 10 grammes de sel), Marchand a observé la même
4 Voy. pages 16 et 27.
70 COMPOSÉS ALCALINS DU CHLORE
obstruction des canaux du rein et les mêmes altérations du sang (ce sang, devenant de plus en plus sombre dans le cours de l'empoisonnement, perdait la propriété de devenir rouge par l'agitation avec l'air, et la mort survenait à cette période sans autres phénomènes particuliers). Il a été constate^ que la cause de la coloration brune du sang était due à une formation de methemoglobine, qui est, comme l'on sait, un produit de la transformation de l'oxvhémoglobine sous l'influence de toutes les substances oxydantes.
Si l'on ajoute à du sang de boeuf défibrinè une quantité égale d'une solution à 5 pour 100 de chlorate de potasse, on voit le sang devenir rouge clair, puis, au bout de deux heures environ, brun rougeâtre, et quatre heures après, on peut y constater au spectroscope la présence de la méthémoglobine. Cette méthémoglobine peut être transformée en oxyhémoglobine au moyen du sulfure d'ammonium. Au bout de 24 heures, il se forme des masses solides, noires, très résistantes à la putréfaction et contenant de l'hèmatine. Cette altération du sang se fait plus rapidement sous l'influence de la chaleur; à la température du corps, 0gr,l.de chlorate de potasse dans 100 centimètres cubes de sang suffisent pour provoquer la formation de la méthémoglobine; mais ces altérations régressent rapidement par la putréfaction. Parmi les chlorates alcalins, ce sont les chlorates de potasse et de soude qui agissent le plus faiblement. L'acide chlorique, employé en quantités considérables, décompose immédiatement le sang ; en quantité moindre, il agit comme le chlorate de soude, sauf quelques légères différences.
Quand le sang contient beaucoup d'acide carbonique, le chlorate de potasse le décompose beaucoup plus énergiquement; le même effet se produit par l'addition de phosphate acide de soude et, en général, à la suite d'une diminution de l'alcalinité du sang. Le passage à travers le sang d'un courant d'oxygène ainsi qu'une addition de carbonate de soude empêchent cette décomposition. Bien qu'il ait retrouvé dans l'urine et la salive la presque totalité (91 pour 100) du sel ingéré et qu'il ait constaté la présence de l'acide chlorique dans les sécrétions et les excrétions à la suite d'une administration de 0,05, V. Mering admet cependant une décomposition partielle du sel dans l'intérieur de l'organisme, parce que le sang vivant, réduit les chlorates. Dans deux cas d'empoisonnement sur quatre, Bischoff a pu constater dans les organes des cadavres la présence de l'acide chlorique. Le chlorate de potasse se réduit dans le sang en chlorure de potassium, et cette réduction dépend de la quantité absolue du sel existant. Elle se produit par l'influence de l'oxyhèmoglobine et a aussi constamment lieu pendant la vie; la présence d'une petite quantité de méthémoglobine dans le sang est pourtant bien tolérée, D'après Kimmyser, la quantité des chlorures dans l'urine augmente le jour où les chlorates ont été ingérés. Mais cela ne prouve nullement qu'une réduction des chlorates ait lieu dans l'organisme, car l'élimination des chlorures s'accroît aussi à la suite de l'ingestion d'autres sels facilement diffusibles, du nitrate de soude, par exemple.
Le stroma d'un quart à un cinquième des globules rouges du sang est entièrement décoloré dans ces empoisonnements, ou bien on trouve dans l'intérieur de ces globules l'hémoglobine conglomérée en petites masses arrondies.
Marchand met donc en garde contre l'emploi du chlorate de potasse chez
CHLORATE DE POTASSE. — Emploi thérapeutique 71
les tout jeunes enfants ; le chlorate de soude pourrait produire les mêmes effets fâcheux et devrait donc aussi être évité.
Le pus, la levure, la fibrine privent de son oxygène le chlorate de potasse dissous dans l'eau, mais le réduisent surtout rapidement dans l'état de putréfaction (Binz).
Ses effets antiputrides sont très faibles ; même à l'état de concentration (1 sur 30), il ne peut pas empêcher le développement des bactéries de l'eau de viande (Jalan).
Emploi thérapeutique. — Il est surtout employé dans quelques affections de la cavité buccale. Ce médicament est réellement très utile dans la stomatite mercurielle, avec ou sans ulcérations : on voit, sous son influence, la gingivite rétrograder, les ulcérations guérir rapidement, sans que la salivation mercurielle en soit notablement influencée. Il peut encore, dans la plupart des cas jouer le rôle d'un prophylactique précieux, capable de prévenir la production des accidents buccaux, dans le traitement par le " mercure; pour obtenir ce résultat, il faut, en commençant ce traitement, donner du chlorate de potasse, et recommander en même temps au malade de se tenir la bouche toujours bien nettoyée. Il est douteux que le chlorate de potasse soit utile dans la stomatite aphtheuse; on peut toutefois l'essayer, pourvu qu'il ne donne pas lieu à de trop vives douleurs. Mais il est complètement inâctif dans le muguet, contre lequel plusieurs médecins le prescrivent encore.
Ce médicament, aux doses ordinaires, est entièrement inactif contre la diphthérie; c'est là un fait qui n'est plus guère contesté. Quelques médecins (Seeligmueller, Sachse, entre autres) recommandent pourtant comme très efficace l'emploi d'une solution saturée (5 pour 100) : on doit la donner d'abord chaque heure, puis, toutes les deux ou trois heures, et, au début, sans interruption, nuit et jour; aucun correctif ne doit être ajouté à cettesolution aqueuse; aux enfants au-dessus de trois ans, on le fait prendre par cuillerées abouche ; aux enfants au-dessous de trois ans, par petites cuillerées. Il ne faut s'attendre cependant à aucune efficacité positive de la part de ces hautes doses, et, d'après de nombreuses observations faites dans ces dernières années, elles peuvent même être considérées comme directement dangereuses. L'abus que l'on fait du chlorate de potasse dans les affections de la cavité buccale est quelquefois poussé si loin, qu'on l'emploie même dans l'angine catarrhale ; à petites doses il est inoffensif, mais sans utilité.
De la longue série des cas dans lesquels le chlorate de potasse a été recommandé, nous ne citerons que les suivants : Edlefsen a eu à s'en louer dans les catarrhes vèsicaux; nos observations ne nous permettent pas de confirmer cette recommandation. Neumann l'a employé comme antiodontalgique, dans les cas où la pulpe, largement mise à nu par la carie, est le siège d'une inflammation. Des médecins anciens affirment que le chlorate de potasse leur a donné des succès quelquefois surprenants dans le traitement de la névralgie de la cinquième paire. Burow a recommandé de répandre du chlorate de potasse en poudre ou en cristaux sur les ulcères cancéreux (une fois par jour) 1. Hapkin l'a préconisé récemment contre plusieurs états
1 [Cette question a été reprise dans ces derniers temps, et il résulte des observations publiées (Vidal, Bergeron et autres) que le chlorate de potasse, employé intûs et extra, dans le traite-
72 AZOTATES ALCALINS '
morbides; employé à l'intérieur, il agirait comme styptique dans la diathèse hémorragique, dans les hémorragies en général.
Nous basant sur les cas multiples de mort publiés dans ces dernières années, nous mettrons encore une fois en garde contre l'usage du chlorate de potasse à doses élevées.
DOSES. — A l'intérieur 0,1-0,3 pro dosi, seulement en solution. On évitera de le prescrire en poudre ou en pilules, à cause de ses propriétés explosibles. Extérieurement, comme collutoire (5,0-10,0 : 150-200), ou encore (5,0 : 30,0 de miel et 30,0 d'eau).
7. AZOTATES ALCALINS Azotate de soude, salpêtre du Chili
L'azotate de soude NaNO 3, qu'on trouve en dépôts considérables au Pérou,' se présente sous forme de cristaux rhomboïdaux, incolores, transparents, inaltérables à l'air sec. Il a une saveur fraîche, salée; il est soluble dans 1,5 d'eau et dans 50 d'alcool. Il colore la flamme en jaune; éclairée à travers un verre bleu, cette flamme apparaît rouge seulement d'une manière passagère.
action physiologique. — De nombreux cas de mort observés chez des boeufs, des chevaux, des brebis et des porcs, qui par hasard avaient bu de l'eau contenant de l'azotate de soude, ont fourni récemment à Barth l'occasion d'étudier cette action chez les animaux.
S'appuyant sur les expériences de Gscheidlen, de Schônlein, il admet que le nitrate de soude (NaNO 3) se réduit en nitrite de soude (NaNO 2) dans le canal intestinal, et, d'après ses propres expériences, dans les tissus, par suite de l'activité musculaire ; que le suc pancréatique semble accélérer cette réduction, et la bile l'empêcher ; qu'on peut constater souvent, mais non toujours, la présence du -nitrite dans l'urine. Or, le nitrite de soude serait beaucoup plus toxique que le nitrate, et, à doses relativement faibles (0.1 chez des lapins du poids de 500 grammes; 0,5 chez des chiens pesant 3000 grammes), il donnerait lieu à des vomissements, à une dépression générale, à des spasmes musculaires, à de la salivation, à une augmentation de l'excrétion urinaire, à des selles fluides, à une altération de la couleur du sang, à la mort. L'action du nitrate dépendrait donc en partie de la décomposition de l'acide azoteux dans les tissus, et les effets physiologiques du nitrate de soude ne sauraient être considérés comme appartenant en propre au sodium. Voyant l'azotate de soude, mêlé à l'alimentation, donner la mort même à des boeufs, Binz a eu l'idée de faire digérer, pendant 5 à 6 heures, à la température du corps, de l'azotate de soude chimiquement pur avec des céréales, et il a trouvé qu'il se formait alors constamment de l'hypoazotite de soude. Le nitrite de soude laisse dégager rapidement dans l'organisme l'acide, lequel se décompose au moment de sa formation, 3 molécules donnant naissance, en même temps qu'à de l'eau, à 1 molécule d'acide azotique et à 2 molécules de bioxyde d'azote. Ce dernier se transforme en acide hypoazotique, celui-ci à son tour en bioxyde d'azote, et ainsi de l'oxygène à l'état actif doit être mis en liberté. Ces réactions, d'après Binz, se produisent aussi dans l'organisme vivant, puisque, après
ment des cancroïdes superficiels, peut produire des effets très avantageux et même faire disparaître entièrement et définitivement les tumeurs. Celles.qui éprouvent le mieux celte influence favorable sont es cancroïdes cutanés. La dose quotidienne doit être au moins lie 4 grammes; on applique le sel localement sous forme de poudre ou en solution saturée. L'amélioration et la guérison ne peuvent se produire qu'à la longue. Ce traitement exige donc beaucoup de constance J
AZOTATE DE SOUDE. — Emploi thérapeutique 73
l'injection sous-cutanée du nitrite de soude, l'estomac acide présente des altérations profondes et que le sang offre l'aspect d'une masse couleur chocolat.
En supposant que, dans l'organisme, le nitrate donne réellement toujours naissance à du nitrite, ce ne serait jamais, suivant nous, qu'en petites quantités; Barth démontre, en effet, contrairement à sa thèse, que le nitrite de soude est beaucoup plus toxique que le nitrate!
Du reste, ses données, relativement aux effets généraux, concordent assez bien avec celles de Guttmann, d'après lesquelles de petites doses ne donnent lieu à aucune action particulière, tandis que des doses élevées entraînent la mort au milieu de phénomènes d'affaiblissement, sans accidents essentiels du côté de la respiration, de la circulation et de la température, les battements du coeur ne cessant que quelques minutes après le dernier mouvement respiratoire. Quant aux effets narcotiques sur le système nerveux central (stupeur, diminution de l'activité réflexe), sur lesquels il insiste particulièrement, ils n'ont été observés jusqu'ici que par Loeffer. Cet observateur a donné à des hommes de vingt ans à l'état sain de 90 à 150 grammes de nitrate de soude dans l'espace de 8 à 14 jours (3 à 15 grammes par jour), et,, à la suite de l'absorption d'environ 90 grammes en 8 jours, il n'a constaté l'apparition d'aucun accident morbide appréciable ; mais à partir de ce moment, l'administration du sel ayant été continuée, il a vu se manifester un sentiment de lassitude générale qui augmentait par le mouvement et qui persistait quelques jours encore après l'interruption de l'expérience : inaptitude à l'activité physique et intellec - tuelle, altération du caractère, lassitude sous l'influence du moindre effort, douleurs contusives dans les muscles et les articulations, tendance continuelle au sommeil. Les forces s'affaiblissaient, le pouls se ralentissait. Vers la fin de l'expérience, le visage devenait plus pâle, plus maigre, les blessures guérissaient très lentement. ,
Mais la digestion n'a subi en général aucun trouble ; l'appétit est resté bon. Deux fois seulement, à la suite d'un usage prolongé du sel, se sont manifestées des douleurs intestinales, ainsi que des borborygmes ; les selles sont restées normales, peut-être un peu retardées.
L'excrétion de l'urine, aclivée au début, revient peu de jours après à l'état normal, puis tombe parfois au-dessous de la normale (Schirks).
Le sang, extrait par Loeffer des veines des hommes en expérience, présentait une coloration jus de cerise, les globules blancs étaient plus nombreux et agrandis, les globules rouges plus vivement colorés; la coagulation du sang se produisait plus rapidement, sa richesse en eau et en sels était plus considérable, les éléments solides et les corps gras y étaient en moindre quantité.
Les observations anciennes et les nouvelles, chez des animaux et chez des hommes, concordent donc et nous permettent d'admettre que des doses même relativement élevées (chez l'homme jusqu'à 10 grammes) peuvent être tolérées durant huit jours sans phénomènes morbides particuliers, et que plus tard seulement, consécutivement à une élévation des doses, se manifestent des effets, toxiques, qui présentent le caractère particulier à l'action du sodium, caractère que nous avons décrit dans les généralités.
Emploi thérapeutique. — Nous considérons ce sel comme entièrement superflu. On l'a prescrit pendant longtemps dans le but de remplir les mêmes indications qu'avec le sel potassique correspondant. Si les effets de ce dernier sel sont incertains, ceux du sel de soude le sont encore davantage ; c'est ce dont le public médical semble se convaincre de plus en plus. Nous avons nous-mêmes prescrit ce médicament un très grand nombre de fois, sans lui voir produire d'effets appréciables.
DOSES : 0,5-2,0 pro dosi (15,0 pro die), en solution.
74 AZOTATES ALCALINS
Azotate de potasse, nitre
Le nitrate de potasse (KNO 3) se présente sous la forme de gros cristaux prismatiques, transparents, incolores, d'une saveur salée et fraîche; ils se dissolvent facilement dans l'eau (dans 4 parties d'eau froide et dans 1 partie d'eau bouillante). Ils sont presque insolubles dans l'alcool..
Action physiologique. — Il a déjà été question, dans les généralités sur les sels de potasse', des effets toxiques produits par ces sels, quand on les injecte, à doses élevées, dans le torrent circulatoire. Nous n'étudierons donc ici que les effets produits, chez l'homme, quand le nitrate de potasse est administré par l'estomac à doses thérapeutiques.
Une dose petite (0,5) ne produit aucune action appréciable. Si cette dose est renouvelée pendant un certain temps, elle parait donner lieu à une diminution de l'appétit, à de la constipation, à de la diurèse; plusieurs auteurs prétendent même avoir observé un état scorbutique. Le nitrate de potasse passe entièrement dans lé torrent circulatoire et s'élimine très rapidement par les urines.
Une dose élevée (jusqu'à 5 grammes), ingérée en substance ou en solution très concentrée, produit de la sécheresse sur les muqueuses de la bouche et du pharynx, une soif vive, un sentiment de brûlure à l'épigastre et des éructations; mais si la solution est très étendue, on ne remarque aucun effet local, on n'observe qu'une augmentation de l'excrétion urinaire et une élévation du poids spécifique de l'urine; chez plusieurs individus il se produit de la diarrhée; chez d'autres, au contraire, de la constipation.
Ces doses ne donnent lieu à aucune modification du pouls et de la température. Pour que le pouls et la température s'abaissent, il faut des doses tout à fait élevées, et encore n'y arrive-t-on pas chez l'homme, parce que, à la suite du courant rapide de diffusion qui s'établit (voyez les Généralités) il survient une gastrite toxique, avec douleurs intenses, vomissements et diarrhée. Les symptômes généraux qu'on observe alors (faiblesse excessive, défaillances, affaiblissement extrême de la circulation, mort) sont mis depuis quelque temps sur le compte de l'action spéciale de l'élément potassium,' parce- que le nitre fait partie des sels potassiques les. plus diffusibles; mais il est vraisemblable, comme nous l'avons déjà dit, que ces phénomènes sont dus à. la gastrite aussi bien qu'à l'action particulière du potassium.
Ainsi tombe l'opinion d'après laquelle le nitre serait un agent antifébrile, pouvant être utilisé dans les maladies. Tout récemment, il est vrai, on l'a de nouveau préconisé, particulièrement dans le rhumatisme articulaire (Leube, Gerhardt). Des doses très élevées (50 grammes par jour) auraient été bien supportées, à la condition d'être fortement étendues; il y aurait eu rarement des vomissements. Mais si l'on examine de près les effets observés à la clinique de Gerhardt, on voit qu'il y a toujours eu un intervalle de temps considérable entre le commencement du traitement par le nitre et la chute de la fièvre (pendant trois fois, trois jours; quatre fois, six à neuf jours; une fois, onze jours; une fois, dix-sept; une fois, dix-huit; une fois, vingt-deux; une fois, trente jours), de sorte qu'on a de la peine à être convaincu que la chute de la fièvre soit due bien réellement, dans ces observations, à l'intervention du nitrate de potasse. Et l'on ne nous convaincra pas davantage en nous disant que la fibrine du sang peut être dissoute par une solution à 10 pour 100 de nitrate de potasse, et que, dans les empoisonnements par ce sel, le sang se coagule plus difficilement; il est en effet une quantité d'autres sels potassiques et sodiques qui produisent la même action, et d'ailleurs on n'a nullement démontré que le nitre puisse empêcher la formation de la substance fibrinoeène
1 Voy. pages 26 et suivantes.
AZOTATE DE POTASSE.■— Emploi thérapeutique 75
dans le sang vivant en circulation. Du reste, l'ancienne opinion émise par Swieten, d'après laquelle la mort, dans les cas d'hyperthermie, serait le résultat d'une coagulation de la fibrine dans le sang, cette opinion ne peut plus aujourd'hui se soutenir; car dans le plus grand nombre des cas de mort observés à la suite d'une élévation excessive de la température, on ne trouve dans le sang que très peu de fibrine et que des caillots mous.
D'.après les recherches de Samuel, les phénomènes inflammatoires provoqués sur l'oreille du lapin par l'huile de croton, par exemple, seraient le mieux et le plus sûrement éloignés au moyen du nitrate de potasse; mais le fait demande confirmation.
Dans les essais faits pour expliquer l'action diurétique de l'azotate de potasse, on n'est pas encore sorti du domaine des hypothèses. On a dit que ce sel rendait les membranes plus perméables à l'eau, qu'il entraînait une plus grande quantité d'eau par son passage à travers les reins.
Quant à sa pénétration dans le sang et à son élimination, les expériences faites sur des lapins par Hermann-Forel ont démontré les faits suivants : toute la quantité de nitrate de potasse introduite dans l'estomac pénètre dans le sang, mais pas aussi rapidement qu'on le pensait ; on n'en trouve plus aucune trace dans l'intestin et dans le fèces; les doses ingérées sont entièrement éliminées avec les urines au bout de deux jours.
Emploi thérapeutique. — L'azotate de potasse était autrefois très souvent prescrit; son emploi diminua lorsque Rademacher eut proposé à sa place le nitrate de soude; et enfin, dans ces dernières années, à la suite des recherches physiologiques dont il a été l'objet, son usage est devenu fréquent dans les affections inflammatoires aiguës.
Nous dirons d'abord que nos observations personnelles, qui concordent avec celles d'un grand nombre d'autres observateurs, nous présentent le nitrate de potasse comme entièrement inutile à ce point de vue. Administré par la bouche aux doses petites ou moyennes qu'on prescrit habituellement, ce sel n'est ni antipyrétique ni antiphlogistique; à doses très élevées, il peut donner lieu à des accidents fâcheux du côté de l'estomac, et dans tous les cas il peut être remplacé très avantageusement par d'autres antipyrétiques.
Les données théoriques sur lesquelles on a fondé l'emploi du nitre comme antiphlogistique et antipyrétique ont été jugées, dans la partie physiologique, insuffisantes et insoutenables. Aussi le nitre a-t- il été de plus en plus abandonné dans le traitement des affections inflammatoires et fébriles, de sorte qu'il nous semble superflu d'entrer à ce sujet dans de plus longs détails. Dans le cas où par hasard on voudrait le prescrire à très hautes doses, que ce soit toujours dans des solutions aqueuses très étendues, jamais en substance ou dans des solutions concentrées.
L'azotate de potasse est en général contre-indiqué dans les affections inflammatoires aiguës de l'estomac et de l'intestin. Ii faut aussi éviter de le prescrire dans les maladies inflammatoires dont il a été question plus haut, lorsque ces maladies sont accompagnées d'une complication gastrique considérable ; on agira de même lorsqu'il existe une prostration notable des forces. C'est peut-être à ce dernier point qu'il faut rapporter l'opinion de Tissot, Stoll et autres, qui conseillaient de s'en abstenir dans les affections fébriles «putrides et bilieuses ».
L'azotate de potasse est encore employé comme diurétique ; on voyait autrefois dans la néphrite, notamment dans les formes aiguës de la néphrite, une contre-indication très nette à l'emploi du nitre ainsi que des autres sels diurétiques de potasse. Dans ces derniers temps les craintes qu'on avait à ce sujet se sont bien calmées, et plusieurs observateurs, entre autres Leyden, considèrent ces sels comme indiqués même dans la néphrite aiguë, dans certaines circonstances, quand la cause de la diminution de la diurèse peut -être attribuée à une obstruction des canalicules
76 SELS GRAS ALCALINS
urinaires, que cette obstruction soit due à des cylindres ou à des masses sanguines
épanchées
Sa valeur est tout à fait secondaire dans les cas d'hydropisie dépendant d'une lésion val vulaire ou d'un catarrhe pulmonaire chronique avec emphysème ; dans ces cas en effet, c'est en augmentant la tension sanguine dans le système aortique qu on parviendra le mieux à produire des effets diurétiques; on aura donc recours de préférence à d'autres agents, particulièrement à la digitale. On l'emploie encore -fréquemment pour activer l'excrétion urinaire, dans le but de faire résorber des exsudats inflammatoires (pleurite, péricardite). On voit quelquefois, sous son influence, à la fin de la période fébrile, la quantité d'urine augmenter; mais nous ne voudrions pas décider avec certitude si cette augmentation est bien réellement le fait du médicament,ou n'est qu'une simple coïncidence. Si l'on considère que, dans cette période, l'exsudat pleurétique disparait souvent sans aucune médication, en même temps que la diurèse augmente spontanément, la valeur du nitrate de potasse paraîtra alors bien incertaine.
Usage externe. — On employait autrefois fréquemment le nitre pour préparer des mélanges réfrigérants; on ne s'en sert guère plus aujourd'hui. Quand on veut obtenir une température inférieure à celle de la glace, on a dans les pulvérisations d'éther un moyen bien plus commode.
DOSES ET PRÉPARATIONS. — 1. Nitrate de potasse : A l'intérieur, 0,3 jusqu'à . 1 gramme pro dosi, en solution ou en poudre ; on en a donné des doses bien plus élevées, jusqu'à 50 grammes pro die. Les fomentations de Schmucker, très employées autrefois, étaient composées de 3 parties de nitre, 1 partie de chlorure d'ammonium ou de chlorure de sodium, 6 parties de vinaigre, 12 à 24 parties d'eau; les sels étaient d'abord mélangés, enveloppés dans un mouchoir, puis placés sur l'endroit où il s'agissait de faire la fomentation ; on versait alors dessus le mélange liquide.
2. Papier nitrè : papier imprégné de nitre. On en allume des morceaux et on en respire les vapeurs. Recommandé contre l'asthme.
S. S1CLS GRAS ALCALINS, SAVONS
Quand on fait chauffer un corps gras avec une solution de potasse ou de soude, la glycérine du corps gras cède sa place à la base alcaline, et il se produit un sel gras alcalin, un savon; on aura un savon de potasse mou, ou un savon de soude dur, suivant qu'on aura employé l'une ou l'autre de ces bases.
Effets des savons. — Peau. Traités par une grande quantité d'eau. les savons se décomposent en sels acides insolubles et sels basiques solubles. L'alcali en excès de ces derniers est en état de produire de nouvelles quantités de savon par l'addition d'une quantité nouvelle de graisse. D'où il suit que la graisse de la peau peut être saponifiée et entraînée par l'eau, en même temps que la crasse qui y adhère. L'alcali qui devient libre peut même amollir l''épiderme et déterminer un peu d'inflammation de la peau. Les savons de potasse agissent à ce point de vue d'une manière plus intense que les savons de soude. Récemment Unna a obtenu une préparation de savon, qui se distingne par une composition très constante. 11 ajoute à un savon de soude et de potasse 4 pour 100 d'huile d'olive, et obtient ainsi un savon qui jouit de la propriété d'absorber un grand nombre de médicaments (sublimé, acide salicylique, etc.) et de les conserver à l'abri de toute décomposition, ce qui, comme on sait, n'est nullement le cas pour les savons médicamenteux qui existent dans le commerce.
Donnés à l'intérieur, les savons peuvent se oomporter de deux manières. Ou bien ils sont décomposés, de même que les carbonates alcalins : l'acide gras est mis
78 SAVONS. — Emploi thérapeutique
en liberté et la base se combine avec les acides de l'estomac. Ou bien une partie de ces savons pénètre dans le torrent circulatoire, où elle-est brûlée et tranformée en carbonate alcalin. On croyait autrefois que le sang contenait des sels gras alcalins. Gela ne peut pas être; car le sérum sanguin, contenant des sels de chaux, donne, avec une solution de sel gras alcalin, un précipité de savon calcaire. D'ailleurs les ' recherches directes ont donné des résultats négatifs (Rôhrig). En tous cas les effets des savons administrés à l'intérieur sont, en partie, ceux des alcalins, tels que nous les avons analysés à propos des carbonates, en partie, ceux des acides gras, qui, oxydés dans l'organisme ou transformés en glycérides, se déposent à l'état de graisse.
Les phénomènes qui se produisent après l'ingestion de doses élevées do sels "ras alcalins sont les suivants : saveur alcaline désagréable, nausées, vomissements diarrhée, diminution de la nutrition.
Emploi thérapeutique. — L'usage qu'on faisait autrefois des savons, clans divers états morbides, est aujourd'hui entièrement abandonné ; on ne s'en sert guère plus que dans les empoisonnemets parles acides, parce qu'on les a toujours sous la main. — Les savons de soude sont encore employés comme excipients pilulairesmêlés avec un peu d'alcool, ils servent très bien dans ce but.
Pour l'usage externe, tout le monde connaît leur emploi comme moyen de nettoyage. En médecine on s'en sert pour produire une douce irritation sur la peau, dans plusieurs maladies cutanées chroniques, par exemple dans le chloasma, dans l'eczéma chronique; mais leur usage exclusif, dans ces cas, ne guérit presque jamais. Us servent très utilement pour appliquer sur la peau, sous une forme convenable, certaines substances, telles que l'iode, la glycérine, etc. (savon iodé, glycérine). D'après plusieurs observations récentes (Kappesser et autres), des frictions avec du savon mou exerceraient une action extrêmement favorable sur les tumeurs glandulaires scrofuleuses ; sous leur influence, les tumeurs des glandes du mésentère et du cou diminueraient peu à peu de volume et finiraient par disparaître, alors que d'autres traitements seraient restés sans résultat; d'autres phénomènes scrofuleux disparaîtraient aussi en même temps. Sénator confirme ces données et prétend que, dans des cas d'épanchement de longue durée dans les articulations, dans des exsudais pleurétiques et péricardiques anciens, et même dans deux cas de péritonite aiguë diffuse, il a vu manifestement ces frictions accélérer la résorption. Une ou deux fois par jour on frictionne la région malade avec un morceau de savon de la grosseur d'une amande à celle d'une noix. — Les savons de potasse sont encore employés dans le traitement de la gale. Ils ne peuvent pas tuerie sarcopte, ainsi qu'on le croyait, il n'y a pas longtemps; mais ils secondent très bien l'emploi des meilleures méthodes aujourd'hui en usage (baumes). Les bains et les frictions avec le savon vert ramollissent l'épiderme et rendent ainsi plus accessibles à l'action du baume les trajets des sarcoptes et les sarcoptes eux-mêmes. — Les lotions savonneuses ne peuvent pas suffire pour débarrasser la peau, les plaies, des' matières infectieuses qui les souillent. Enfin les savons sont fréquemment employés oomme laxatifs, soit sous forme de lavements (eau de savon), soit (chez les enfants) sous forme de suppositoires. Us agissent alors probablement en excitant par action réflexe les mouvements péristaltiques de l'intestin.
Dans le but d'éloigner les oxyures qui habitent le gros intestin .et qui remontent jusqu'à l'intestin grêle, le moyen le plus efficace, d'après Vix, consiste en des lavements avec une solution de savon médicinal à 0,2-0,5 pour 100; il faut avoir soin de nettoyer au moyen de ces lavements, par la méthode de Hégar, toute l'étendue du gros intestin.
PRÉPARATIONS. — 1. Savon médicinal. — Savon de soude blanc, sec, pulvérisable; n'ayant point d'odeur de ranec. Excipient pilulaire. Gomme médicament, 0,3 - 1,0 pro dosi.
78 COMPOSÉS ALCALINO-TBRREUX
2. Savon oléagineux, savon d'Espagne ou de Venise. — Savon de soude, contenant aussi un peu de potasse. . ,
3 Savon à la poix. — 35 parties savon de Venise, 5 parties poix liquide.
4 Savon vert ou savon noir. — Savon de potasse préparé avec les graisses les plus communes; il est très onctueux.- C'est celui qui irrite le plus fortement
la peau.
5. Alcoolè de savon. — Solution de savon d'Espagne dans 1 alcool avec un peu d'essence de lavande, suivant la pharmacopée d'Autriche ; la pharmacopée allemande le prépare avec de l'huile d'olive, de la lessive de potasse, de l'alcool et de l'eau. Employé, comme léger irritant cutané, dans les congélations, les douleurs rhumatismales, etc.
Unna a récemment recommandé un savon qui contient 16 parties d'excellent suif de boeuf, 2 parties d'huile d'olive, 6 parties de lessive de soude, 3 parties de lessive de potasse.
SUPPLÉMENT AUX ALCALINS
Je ne fais que mentionner ici les alcalins suivants, qui sont superflus ou qui peuvent être avantageusement remplacés par les préparations dont il a été question jusqu'ici, ou dont les effets physiologiques et thérapeutiques sont encore trop peu connus : Benzoate de soude (employé autrefois contre la diathèse urique : voyez Acide benzoïque). — Biborate de soude, borax (recommandé autrefois dans le but de favoriser-la menstruation et le travail de l'accouchement; employé encore aujourd'hui dans le muguet et les aphthes de la.bouche; mais entièrement superflu). — Sulfovinate de soude (exerçant une action purgative comme les sels neutres).— Chlorate de soude (on peut l'employer comme le chlorate de potasse). — Tartrate boro-potassique (employé comme purgartif). — Sulfate de potasse, sel polychreste de Glaser (purgatif, comme le sel correspondant de soude).
Récemment Preyer a recommandé le lactate de soude comme hypnotique (doses allant jusqu'à 18 grammes). Injecté sous la peau, ou introduit dans l'estomac vide, il agit, dit-il, d'une manière assez sûre. Théoriquement le fait est déjà très difficile à comprendre. Les observations variées faites dans notre clinique (Nothnagel) par von Bôtticher démontrent que le lactate de soude ne peut être considéré que comme un hypnotique très faible et tout à fait incertain.
Les combinaisons alcalines du chlore, de l'iode, du brome, du soufre, du manganèse, de l'arsenic, de l'antimoine, de l'acide cyanhydrique, des acides benzoïque et salicylique, seront étudiées à propos de ces dernières substances.
. BOUSSINGAULT, Annales de chimie et de physique, t, XIX, XX, XXII. — Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratique, art. ALCALINS par HIRTZ. Paris, 1864 — BERNARD (Claude) et GRANDEAU, Journal de l'anatomie et de la physiologie, t. I. — HOFMEIER, Vers mit chlors. Kali (Deutsche medicinische "Wochenschrift, 1880 nos 38-40 — LEWUSCHEW und KLIKOWITSCH Einfluss alkalischer Mittel auf die. Zusammenseizung der Galle (Archiv fur experimentellè Pathologie und Pharmakologie, Band XVII, S. 53. Leipzig, iSS3). - MAVER (J.), Kinfluss der N. salze auf den Ënveissumsatz (Frerichs und Leyden's Zeitschrifl fur klinische Médecin, Band III). — RABUÏEAU, Recherches sur l'élimination de divers chlorates et de l'acide chlorique introduits dans l'organisme (Mémoires de la Société de Biologie, 1868, p. 31-44; Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 186S p 13G ; discussion et object. de Gubler ; Gaz. liebdom 1868, p. 709-712.- Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, art. CHLORATES par GOBLEY et ISAMBERT, t. XVI.
II. Composés alcalino-terreux
Les oxydes alcalino-terreux représentent des hases plus faibles et des caustiques bien moins puissants que les oxydes alcalins. Ils s'en distinguent encore principalement par la difficile solubilité ou l'insolubilité d'une partie
COMPOSÉS ALCALINO-TERREUX 7g
de leurs sels. Les carbonates, les phosphates et les sulfates alcalino-terreux, à l'exception toutefois du sulfate de magnésie, se dissolvent difficilement ou pas du tout, tandis que les sels alcalins correspondants sont très solubles. Même différence pour les sels gras : les sels gras alcalins sont facilement solubles, ceux des terres alcalines sont insolubles.
Des quatre métaux alcalino-terreux .(calcium, magnésium, strontium et baryum), les deux premiers seuls sont employés en thérapeutique; ce seront donc les seuls dont nous étudierons spécialement les combinaisons.
Les. carbonates et les phosphates de chaux et de magnésie font normalement partie de l'organisme animal. Ils jouent leur principal rôle dans la formation des os et des dents; mais on les trouve aussi dissous dans les liquides organiques.
Introduits dans l'estomac, ils produisent, notamment les sels de magnésie, des effets semblables à ceux des sels alcalins; les effets des sels de chaux en diffèrent bien davantage.
Les sels alcalino-terreux, injectés directement dans le sang, donnent lieu, chez les animaux à sang froid et à sang chaud, à des phénomènes toxiques divers. Les plus toxiques sont les sels de baryum; puis viennent, dans l'ordre de leur toxicité décroissante, les sels de magnésium, de calcium et de strontium.
Voici quels sont, d'après Mickwitz, les efforts toxiques les plus importants que produisent ces sels, après leur injection dans le sang, chez les chats et les grenouilles.
Baryum (chlorure de baryum). 1° Elévation considérable de la pression sanguine, ne dépendant nullement d'une irritation du centre vaso-moteur dans la moelle allongée. Peu de temps avant la mort de l'animal, la pression sanguine descend à zéro, en même temps que le pouls s'accélère; le coeur s'arrête à i'état de systole; 2° effets excitants sur les fibres.musculaires lisses de l'intestin et de la vessie, très probablement aussi sur celles des vaisseaux ; 3°altération des fonctions des centres nerveux; chez les animaux à sang froid, extinction du mouvement et de la sensibilité ; chez les mammifères, mouvements spasmodiques ; les nerfs périphériques ne subissent une légère altération qu'après une longue durée de l'empoisonnement.
Calcium (chlorure de calcium). Accroissement de l'énergie du coeur, et, chez les mammifères, accélération du pouls; des doses élevées paralysent le coeur. Affaiblissement ou suppression complète des fonctions des centres nerveux..Les chats tombent dans une sorte d'état narcotique (sommeil), pendant lequel la conscience est entièrement éteinte et les irritations les plus douloureuses ne provoquent aucun mouvement réflexe.
Magnésium (chlorure de magnésium). Accroissement momentané de l'énergie du coeur, plus marqué chez les grenouilles ; puis diminution de cette énergie, et enfin paralysie de l'organe. Chez les grenouilles, paralysie des centres nerveux, et, chez les animaux à sang chaud, diminution passagère de l'excitabilité réflexe. -
Strontium. Absence d'effets toxiques.
Ces expériences mériteraient d'être reprises d'une manière plus étendue et sur un plus grand nombre des composés en question. Nous ferons ici la même remarque qu'à propos du potassium : c'est que tous ces effets observés
80 CHAUX ET CARBONATE DE CHAUX
après l'injection intraveineuse, tout en ayant un grand intérêt théorique, ne doivent pas être considérés comme devant se produire après l'introduction des mêmes composés dans l'estomac; pour le calcium et le magnésium, l'expérience démontre que les composés de ces métaux, administres par la voie stomacale, ne peuvent pas produire d'effets toxiques généraux.
1. CHAUX ET CARBONATE DE CHAUX Chaux, oxyde do calcium
L'oxyde de calcium (GaO) prend naissance quand on calcine le carbonate de chaux pur ; c'est une masse blanche, amorphe, infusible, même au chalumeau à gaz oxygène et hydrogène. Traitée par l'eau, elle donne lieu à un dégagement de chaleur, en se transformant en hydroxyde de calcium.
Action physiologique. — L'oxyde de calcium cautérise la peau, à la manière de la potasse ou de la soude; mais cette cautérisation n'est pas aussi profonde ni aussi étendue en surface, et cela parce qu'il ne se liquéfie pas avec l'eau des tissus, mais se transforme en un composé sec, l'hydroxyde de calcium.
Administré à l'intérieur, il développe une saveur acre, brûlante ; il cautérise les muqueuses qu'il touche; de sorte que ses effets locaux sont ceux des alcalis caustiques, moins l'intensité.
Les effets de la chaux, en solution étendue, seront étudiés dans le chapitre suivant, à propos de l'eau de chaux.
Emploi thérapeutique. — La chaux n'est employée qu'à l'extérieur, comme caustique, dans les mêmes cas que la potasse. Et encore ne l'emploiet-on que mélangée avec la potasse caustique (poudre de Vienne) : ce mélange a l'avantage de faire une cautérisation plus limitée, car la potasse seule a l'inconvénient de fuser et de détruire une surface plus étendue qu'on ne voudrait. La chaux est encore employée pour préparer des mélanges épilatoires (avec le sulfure d'arsenic, le carbonate de potasse, le sulfure de sodium).
Eau de chaux
J'ai dit que, traitée par l'eau, la chaux se transformait en hydroxyda de calcium, Ca(OH) 2. C'est une masse blanche, friable, soluble dans 600 parties d'eau froide et dans 1200 parties d'eau chaude. Sa solution représente un liquide incolore, inodore, alcalin : c'est l'eau de chaux. Mise en contact avec l'air, elle en attiro l'acido carbonique, d'où formation de carbonate de chaux, lequel .trouble la liqueur et se précipite au fond du vase.
■Action physiologique. — L'eau de chaux, administrée à l'intérieur, absorbe les acides de l'estomac; il se produit ainsi des sels de chaux. Une petite partie de ces sels est absorbée, la plus grande partie s'élimine avec les matières fécales. L'eau de chaux diminue les sécrétions de l'estomac et de l'intestin, sans qu'on sache exactement comment elle produit cette action; si son usage a été prolongé, on observe de l'anorexie et delà constipation, phénomènes qui sont dus à cette diminution des sucs gastro-intestinaux.
La chaux forme, avec les acides gras, des savons insolubles dans l'eau ; de sorte que si l'eau de chaux est mise en contact, par exemple, avec, une sur-
EAU DE CHAUX SI
face ulcéreuse de la peau ou de la muqueuse intestinale, le savon insoluble, qui prend alors naissance, forme à la surface de l'ulcère une couche adhérente qui met l'ulcération à l'abri de l'air ou des liquides de l'intestin; sous cette couche de savon la cicatrisation marche comme sous un emplâtre.
Emploi thérapeutique. — L'eau de chaux est surtout employée comme aniiacide, par exemple dans le pyrosis, dans les diarrhées qui résultent de fermentations acides excessives, et qui se.présentent surtout chez les enfants. On la fait souvent prendre, dans ce cas, mêlée avec le lait. Elle est encore usitée comme antidote dans les empoisonnements par les acides ; mais il faut alors l'administrer en très grande quantité. On l'a encore employée comme astringent dans les diarrhées chroniques, entretenues par la présence dans l'intestin d'une ulcération quelconque : son efficacité, dans ce cas, est incontestable et s'explique facilement. En effet, l'eau de chaux forme, avec le produit de sécrétion de l'ulcère, des combinaisons insolubles qui se déposent à la surface de l'ulcération et la mettent ainsi à l'abri des liquides intestinaux; mais il est d'autres médicaments qui sont plus efficaces, dans ces cas, que l'eau de chaux, et qui n'ont pas, comme elle, l'inconvénient de déterminer, à la suite d'un usage prolongé, des troubles digestifs. Quant à son emploi dans le rachitisme, voyez ce qui en est dit à propos du carbonate de chaux.
Les membranes croupales, ainsi que Küchenmeister l'a démontré le premier, se dissolvent facilement dans l'eau de chaux ; d'après Bensen, elles se dissolvent encore plus facilement dans un mélange d'eau de chaux et de glycérine ; l'acide lactique et le carbonate de lithine peuvent seuls sous ce rapport être comparés à l'eau de chaux. On a donc, dans la diphthèrie pharyngienne et dans le croup du larynx, employé ce médicament en inhalations ou en applications directes au moyen d'un pinceau. Aujourd'hui cependant, d'assez nombreuses observations démontrent que ce traitement n'a nullement répondu aux espérances que beaucoup de médecins avaient fondées sur lui", et il n'est actuellement personne qui considère l'eau de chaux comme un remède sûrement efficace dans la diphthèrie. — L'eau de chaux a encore été employée dans plusieurs autres affections (catarrhes bronchique, vaginal, diabète, lithiase urique), dans lesquelles son efficacité n'est nullement avérée.
A l'extérieur, l'eau de chaux est assez souvent mise en usage, et tout d'abord dans les brûlures du premier et du deuxième degré; on se sert alors du Uniment de Stahl (mélange d'huile de lin et d'eau de chaux) 1. On l'applique encore, comme médicament siccatif, sur les ulcères qui sécrètent abondamment et sur les éruptions cutanées exsudatives (eczéma, impétigo).
DOSES. — A l'intérieur, à doses élevées; on commence par 25,0-100,0, plusieurs fois par jour, et l'on peut s'élever, peu à peu, jusqu'à 1-2 litres pro die 2. On la fait prendre soit pure, soit mêlée avec du lait, du petit-lait ou du bouillon; extérieurement, en gargarismes, etc., soit pure, soit étendue d'eau.
1 [Le Uniment oléo-calcaire du Codex français se prépare avec 9 parties d'eau de chaux pour 1 partie d'huile d'amandes.]
8 [Ces doses extrêmes sont, en général, inutiles. Les médecins français ne dépassent guère 100 grammes par jour. ]
NOTHNAOBL et ROSSBACH, Thérapeutique. 6
82 CARBONATE DE CHAUX
Carbonate de chaux
Le carbonate de chaux (C03Ca) est un des minéraux les plus répandus dans la nature (marbre, craie). Il n'est pas soluble dans l'eau ordinaire, mais il se dissout dans l'eau chargée d'acide carbonique, et, à mesure que cet acide se dégage de la solution, le carbonate de chaux se précipite. On n'emploie plus aujourd'hui que le carbonate de chaux chimiquement pur (carbonate de chaux préparé) ; autrefois on mettait en usage une foule de composés impurs, tels que la craie (craie préparée), le marbre, le corail, les coquillages, les os de sèche, les yeux d'écrevisse.
Importance et effets physiologiques. —Le carbonate de chaux domine dans toutes les parties dures des animaux invertébrés, (coquillages, coquilles des limaçons) ; il n'existe, au contraire, qu'en faible proportion dans, les os et les dents des vertébrés, chez lesquels il est remplacé par le phosphate de chaux; ce n'est que dans la coquille de l'oeuf des oiseaux et de quelques amphibies qu'on trouve le carbonate en quantité prépondérante. Il existe dans un grand nombre de concrétions pathologiques, par exemple dans les calculs salivaires, .urinaires, dans le tubercule crétacé.
Use trouve.en dissolution dans la salive parotidienne du cheval et du chien, dans l'urine des herbivores; mais il n'existe pas dans l'urine de l'homme.
Administré à l'intérieur, il se décompose sous l'influence des acides de l'estomac, qui mettent son acide carbonique en liberté. Une partie pénètre dans la circulation, où elle passe, chez l'homme, à l'état de phosphate; la plus grande partie échappe à l'absorption et arrive, probablement à l'état de carbonate, dans le segment inférieur du canal intestinal. Il doit en être autrement chez les herbivores, car on trouve dans leur urine des quantités assez considérables de carbonate de chaux.
Le carbonate de chaux ne joue qu'un rôle peu important dans l'organisme humain, où il peut être entièrement remplacé par le phosphate de chaux; aussi n'étudierons-nous particulièrement le rôle du calcium qu'à propos de ce dernier sel.
Son passage à travers le canal intestinal donne lieu, comme celui de l'eau de chaux, à une diminution des sécrétions.
Emploi thérapeutique. — Le carbonate de chaux est surtout employé comme antiacide. On s'en sert, comme agent symptomatique, dans le pyrosis, affection qui prend naissance, en général, par suite de processus anormaux de fermentation dans l'estomac.
L'observation nous apprend que le carbonate de chaux détermine,même chez l'individu sain, un certain degré de constipation, et qu'il exerce une action modératrice sur la diarrhée. On lui donnera donc la préférence sur les autres antiacides (préparations de potasse, de soude, de magnésie), toutes les fois qu'il existera en même temps de la diarrhée, et l'on s'en abstiendra au contraire, quand il y aura constipation. Il faudra avoir soin, ainsi que nous l'avons fait remarquer à propos du bicarbonate de soude, de ne pas prescrire le carbonate de chaux trop longtemps ou à doses excessives, parce qu'il pourrait neutraliser en trop grande proportion les acides de l'estomac et donner lieu ainsi à des troubles digestifs. C'est encore un médicament qu'on prescrit souvent contre les vomissements et diarrhées qui se
: CARBONATE DE CHAUX. — Eaux minérales calcaires. g"
présentent chez les enfants, surtout les enfants à la mamelle, vomissements et diarrhées provenant d'un développement exagéré d'acides dans le tube digestif (matières vomies fortement acides, évacuations alvines colorées en vert, etc.). L'eau de chaux est cependant, dans ces cas, ordinairement préférée. — Le carbonate de chaux, et notamment la craie, qu'il est si facile de se procurer, constituent encore un bon contre-poison dans les empoisonnements par les acides.
La chaux (à l'état de carbonate, de phosphate, de lacto-phosphate, d'eau de chaux) est encore fréquemment prescrite dans les maladies du système osseux, qui s'accompagnent d'une insuffisance réelle ou imaginaire de ch^ux, soit dans les os, soit dans d'autres tissus, et notamment contre le rachitisme et l'ostéomalacie. La curabilité de cette dernière maladie est, comme on sait, généralement considérée comme douteuse. Quant au rachitisme, il est certain qu'il guérit souvent, lors même qu'on n'a point administré de chaux sous forme médicamenteuse, et, d'un autre côté, on n'a peut-être jamais vu de cas où la guérison ait été obtenue par la seule prescription de la chaux. Probablement l'organisme reçoit avec les aliments toute la quantité de chaux qui lui est nécessaire, pourvu que l'affection intestinale qui trouble l'absorption ou d'autres anomalies des échanges nutritifs aient été éloignés. Il s'agirait donc de savoir si, dans le rachitisme, l'administration de la chaux est capable d'accélérer la guérison qui tend à se produire sous l'influence des mesures diététiques rationnelles, et cette question reçoit de la part des observateurs des réponses entièrement différentes.
On a encore employé ce médicament dans le traitement d'autres affections (tuberculose, goutte, lithiase urique), dans lesquelles son utilité est nulle ou très sujette à contestation.
Hufeland, Goelis, et d'autres médecins, prétendaient retirer des avantages marqués de l'emploi des yeux d'écrevisse, des écailles d'huitre, dans les convulsions, l'épilepsie, surtout chez les enfants. Aussi ces substances entraient-elles autrefois dans la composition de la plupart des poudres « antiépileptiques et antispasmodiques. » L'examen de leurs observations nous porte à penser que les avantages qu'ils obtenaient, dans ces cas, tenaient à ce que les convulsions étaient sous la dépendance de catarrhes gastro-intestinaux que le remède en question faisait disparaître.
A l'extérieur, le carbonate de chaux est assez souvent employé. Il entre dans la composition d'un grand nombre de poudres dentifrices, dans lesquelles il agit plutôt mécaniquement que chimiquement. On s'en sert dans le traitement des ulcères, del'intertrigo, des eczémas humides. En le mêlant avec l'huile, on en fait encore un Uniment pour les brûlures.
DOSES ET PRÉPARATIONS. — 1. Carbonate de chaux précipité. — 0,5-2,0 pro dosi (10,0 pro die), en poudre, ou délayé dans l'eau. Dans les empoisonnements par les acides, on fait ingérer la craie ordinaire, que l'on a sous la main, en aussi grande quantité qu'on le juge nécessaire.
. Eaux minérales calcaires. — 11 y a un grand nombre de sources qui contiennent de la chaux, soit à l'état de sulfate, soit à l'état de carbonate. Dans le plus grand nombre de ces sources se trouvent, à côté des sels de chaux, d'autres substances qui jouent un rôle prépondérant, par exemple le carbonate de soude, le
84 MAGNÉSIE, CARBONATES ET SELS VEGETAUX DE MAGNÉSIE
sulfate de soude ou de magnésie, le. chlorure de sodium, le fer, le soufre II n'y a qu'un très petit nombre de sources dans lesquelles dominent les sels de chaux ; ce sont les seules qui portent le nom d'eaux calcaires.
Il est très douteux que les sels de chaux soient pour quelque chose dans l'efficacité de ces eaux. On est bien revenu, aujourd'hui, des illusions qu'on se faisait autrefois sur ce sujet. C'est plutôt dans l'influence du climat, dans les conditions hygiéniques, que l'on doit chercher la cause des avantages que l'on retire de ces
eaux. Ce sont :
1. Lippspringe et Inselbad, près Paderborn. Quantités très faibles de carbonate de chaux, sulfate de soude, et quelques autres sels, un peu de gaz azote. Ces sources sont surtout en usage dans la phtisie.
2. Weissenburg, dans le canton de Berne. Altitude élevée. Même usage,, Le sulfate de chaux y domine.
3. Wildungen, dans la principauté de Waldeck. La source Georges-Victor contient, avec de l'acide carbonique libre, une quantité appréciable de bicarbonate de chaux et de magnésie; la source Hélène renferme en outre du chlorure de sodium et du bicarbonate de soude. Cette source est presque exclusivement mise en usage dans les affections des voies urinaires, telles que celles dont il a été question à propos du bicarbonate de soude (lithurie, catarrhe du bassinet et de la vessie).
4. Louèche, dans le canton de Wallis. Le sulfate de chaux en forme l'élément dominant. Cette eau (50° C.) est surtout employée, sous forme de bains, dans diverses maladies cutanées chroniques ; intérieurement, elle n'agit pas autrement que de l'eau chaude.
S. MAGNÉSIE, CARBONATES ET SELS VÉGÉTAUX DE MAGNESIE
Action ^physiologique. — Buchheim et Magawly admettent que la plupart des composés magnésiens (oxyde de magnésie; carbonate, citrate, lactate, tartrate, oxalate, benzoate de magnésie, chlorure de magnésium), introduits dans l'estomac ou dans une anse intestinale, se transforment en bicarbonate de magnésie; mais de quelle manière s'effectue cette transformation? C'est ce qu'ils ne peuvent pas préciser.
Cette formation de bicarbonate de magnésie dans le canal intestinal rend compte, d'après Buchheim, de l'action purgative des sels en question. Les sels de chaux, dit-il, ne se transforment, dans le canal intestinal, qu'en carbonates simples et restent, par suite, à peu près indifférents à l'égard de la muqueuse intestinale ; les sels de magnésie, au contraire, passent à l'état de bicarbonate de magnésie, lequel se comporte comme le sulfate de soude, sauf que, son absorption étant .tout à fait insignifiante, ses effets sont beaucoup plus soutenus que ceux de ce dernier sel; aussi les sels de magnésie pourraient-ils être recommandés, comme purgatifs, de préférence à.tous les sels alcalins.
Les composés magnésiens, administrés à petites doses, pénètrent dans la circulation sous forme de chlorure de magnésium et de lactate de magnésie; ils ne lardent pas, dit-on, à apparaître dans les urines, dont ils augmentent la quantité. Lorsque, au contraire, la dose administrée a été assez élevée pour provoquer des effets purgatifs, l'action diurétique est nulle.
Husemann pense que la transformation en bicarbonate n'est complète que dans les parties inférieures de l'intestin, et il explique ainsi pourquoi les effets purgatifs n'apparaissent que tardivement.
MAGNÉSIE ET CARBONATES MAGNÉSIENS 85
Emploi thérapeutique de la magnésie et des carbonates magnésiens
La magnésie et son carbonate sont employés, d'une manière générale, comme antiacides, au même titre que le bicarbonate de soude et l'eau de chaux, dont il a déjà été question. Ils présentent l'avantage de produire en même temps, pourvu qu'ils soient administrés à dose suffisante, des effets purgatifs bien marqués; aussi sont-ils particulièrement indiqués dans les cas où il existe de la constipation. Mais on peut aussi les prescrire, alors même qu'il existe de la diarrhée, surtout chez les enfants, lorsque cette diarrhée provient ou s'accompagne d'un développement exagéré d'acides dans le tube digestif. Les composés magnésiens ont encore sur les composés calciques l'avantage de ne pas tant troubler le digestion, à la suite d'un usage prolongé. Il paraît d'ailleurs indifférent de se servir de l'oxyde ou de son carbonate.
La magnésie est encore un bon antidote dans divers empoisonnements, surtout dans les empoisonnements parles acides (sulfurique, azotique, chlorhydrique, acétique, oxalique). Elle a encore été proposée dans les empoisonnements par le sublimé et les sels de cuivre. Son utilité est douteuse dans l'empoisonnement par le phosphore ; elle est même nettement déconseillée dans ce cas. C'est, au contraire, un des meilleurs antidotes à opposer à l'empoisonnement par l'arsenic, bien que l'arséniate de magnésie ne soit pas tout à fait insoluble. Il est de règle, dans tous ces empoisonnements, d'administrer la magnésie à très hautes doses.
Elle a encore été recommandée dans d'autres affections (convulsions, lithiase urique, etc.), dans lesquelles elle est entièrement inutile.
Oxyde de magnésium
Magnésie calcinée. — L'oxyde de magnésium, MgO, est une poudre légère, blanche, amorphe, infusible, insoluble dans l'eau, mais se combinant avec ce liquide, avec développement d'une légère chaleur, pour donner naissance à de l'hydroxyde de magnésium Mg(OH) 2 (hydrate de magnésie).
Action physiologique. — Dans l'estomac, la magnésie, se trouvant en présence de l'acide chlorhydrique du suc gastrique, se transforme partiellement en chlorure de magnésium ; elle subit ensuite les modifications dont il a déjà été question dans les généralités. Elle neutralise donc les acides de l'estomac; elle exerce une action diurétique, à petites doses, et une action purgative, à doses élevées,
La magnésie calcinée, donnée en quantité suffisante, rendant alcalin le contenu de l'estomac, constitue, par cela même, un agent très propre à empêcher l'absorption d'une foule de poisons énergiques, tels que certains oxydes métalliques, les alcaloïdes, etc., de toutes les substances, en un mot, qui ne se dissolvent pas dans les liquides alcalins; avec l'acide arsénieux, elle forme aussi un sel insoluble dans les liquides alcalins.
La magnésie ayant un pouvoir d'absorption considérable pour l'acide carbonique (1 gramme de magnésie absorbe presque 1100 centimètres cubes d'acide carbonique), il s'ensuit que son emploi est très rationnel dans le but d'obtenir, dans le météorisme, une absorption, au moins partielle, des gaz intestinaux ; malheureusement, à cause de l'immobilité des parois intesti-
86 SULFATE DE MAGNÉSIE
nales énormément distendues dans ce cas, le transport de la magnésie à travers le tube intestinal se fait très difficilement et son action est, par suite, fort incertaine (Buchheim).
L'usage prolongé de la magnésie pourrait donner lieu à la formation de concrétions dans le gros intestin (ces concrétions sont peut-être formées par du phosphate ammoniaco-magnésien, comme chez les herbivores) ; une dame, traitée par Brande, pour de telles concrétions, avait ingéré, chaque jour, pendant deux ans et demi, une à deux cuillers à thé de magnésie.
Uemploi thérapeutique a été étudié dans le chapitre précédent.
DOSES ET PRÉPARATIONS. — 1. Magnésie calcinée. — Comme antiaeide, 0,2-1,0 (10;0 pro die). Comme purgatif, 2 à 12 grammes. On l'administrera en tablettes ou délayée dans une potion. S'il s'agit de l'employer comme antidote, dans les empoisonnements, on élèvera de beaucoup ces doses, suivant les cas.
2. Tablettes de magnésie. — Chacune contient 0,1 de magnésie.
Carbonate de magnésie
Quand on traite par le carbonate de potasse ou de soude une solution de sulfate de magnésie, il se forme un précipité qui, desséché à une basse température, représente une poudre blanche, très volumineuse, dont la composition correspond à la formule 3(C03Mg) + Mg(OH 2) -f- 4PFO; c'est le carbonate de magnésie de la pharmacopée allemande. Il est moins difficilement soluble que la magnésie calcinée (1 : 3000 d'eau froide, 1 : 10.000 d'eau chaude). Il se dissout complètement dans une eau fortement chargée d'acide carbonique, et, quelque temps après, il laisse déposer, sous forme de fines aiguilles, le sel neutre, G03Mg-|-3H 20. Par la calcination, il passe à l'état d'oxyde de magnésium, en laissant dégager son acide carbonique et son eau.
Importance et effets physiologiques. — Le carbonate de magnésie se trouve, en quantité très faible, dans les os des vertébrés, ainsi que dans l'urine des herbivores. D'après Lehmann, il se formerait dans l'organisme par transformation du phosphate de magnésie; car, dit-il, ce n'est pas du carbonate ni des sels organiques magnésiens que l'on rencontre, en général, dans les céréales et les graminées, mais bien du phosphate de magnésie.
Indroduit dans l'estomac, il produit les mêmes effets que la magnésie calcinée; il ne s'en distingue que par le dégagement d'acide carbonique auquel il donne lieu. Dans les parties inférieures de l'intestin, il passe, comme la magnésie calcinée, à l'état de bicarbonate.
Ses usages thérapeutiques ont été étudiés plus haut (voy. p. 85).
Les doses sont les mêmes que celles de l'oxyde de magnésium.
Les mêmes effets sont produits par le lactate, le citrate effervescent, le tartrate et l'acétate de magnésie. Ces préparations sont tout à fait superflues. On les prescrit comme purgatives, à doses élevées; leur goût n'est pas désagréable, mais elles ont l'inconvénient d'être chères.
3. SULFATE DE +MAGNÉSIE
Le sulfate de magnésie, SO4Mg + 7H2O, cristallise en beaux prismes hexagonaux, incolores et transparents. 100 parties d'eau à 14° en dissolvent 32 parties ' 76 centièmes; à 100°, 72,G. •
SULFATE DE MAGNÉSIE, — Eaux minérales amères 87
Action physiologique. — Le sulfate de magnésie a un goût amer particulier, semblable à celui du sulfate de soude, mais plus agréable.
Il produit des effets purgatifs comme le sulfate de soude, et par des causes exactement semblables; nous renvoyons donc à ce qui a déjà été dit plus haut. Mais il ne jouit pas, comme le sulfate de soude, de la propriété d'augmenter la sécrétion de la bile (Rutherford). On le retrouve en nature dans les selles. Introduit directement dans la circulation, le sulfate de magnésie esttrès toxique,puisque 1 gramme suffit pour tuer des chats de 2 kilogrammes. Immédiatement après l'injection le pouls devient plus accéléré, puis sa fréquence diminue de plus en plus, jusqu'à ce qu'enfin le coeur cesse de battre à la suite d'une interruption des mouvements respiratoires. Dès le début la respiration se ralentit ; si, la paralysie étant complète, on entretient artificiellement la respiration jusqu'à ce qu'une partie du sel soit éliminée, les mouvements respiratoires spontanés reparaissent. L'excitabilité réflexe disparaît complètement vingt minutes après le commencement de l'injection et peut encore faire défaut une heure et demie après la disparition de la paralysie respiratoire. Les mouvements volontaires, reviennent beaucoup plus tôt que les réflexes.
Le sulfate de magnésie, introduit dans l'intestin, n'occasionne pas la mort, parce qu'une partie du sel absorbé est immédiatement fixée par le foie et éliminée avec la bile.
L'eau de Friedrichshall, d'après v. Mering, augmente l'appétit, active les transformations de l'albumine et de l'acide phosphorique, produit de bons effets diurétiques et purgatifs, et doit, à cause de sa richesse en chlorures, être préférée aux autres eaux minérales amères.
Emploi thérapeutique. — On le prescrit dans les mêmes cas que le sulfate de soude. Il a, dit-on, sur ce dernier, l'avantage de moins troubler la digestion; aussi lui donne-t-on habituellement la préférence.
DOSES. — 1. Sulfate de magnésie purifié. — Aux mêmes doses que le sulfate de soude (15-50 grammes).
2. Sulfate de magnésie sec. — A doses moitié moindres.
3. Eaux minérales amères. — Leur principe le plus important est le sulfate de magnésie; mais, à côté de ce dernier sel, se trouvent encore, eu général, du sulfate de soude (parfois en quantité aussi grande) et du chlorure de sodium. Elles ont au fond les mêmes indications que les sources salines alcalines, avec cette différence toutefois qu'elles sont plutôt expédiées que prises à la source même, et que, d'une manière générale, on leur préfère, pour un usage prolongé, les eaux salines alcalines, spécialement celle de Carlsbad, qui ont alors l'avantage de moins
•troubler la digestion; il est pourtant quelques eaux minérales amères que l'on peut faire boire pendant longtemps sans inconvénient.
1. Friedrichshall (Saxè-Meiningen). Eaux froides. Elles contiennent, par litre, 5gr,5 de sulfate de magnésie, 6 grammes de sulfate de soude, environ 9 grammes de chlorure de sodium. Très employées. —2. Pùllna, en Bohême. Elles contiennent, pour 1000 grammes d'eau, 12 grammes de sulfate de magnésie, 16 grammes de sulfate de soude, une petite quantité de chlorure de sodium. Cette eau n'est pas propre à un usage prolongé. —.'3. Saidschûtz, en Bohême. Par litre, 11 grammes de sulfate de magnésie, 6 grammes de sulfate de soude. — 4. Sedlitz, en Bohême. Ces eaux ne contiennent presque exclusivement que du sulfate de magnésie, près de 14 grammes pour 1000 grammes d'eau. — Il est une autre source qui a été
88 PHOSPHATES DE CHAUX ET DE MAGNÉSIE
mise en vogue dans ces derniers temps et qui est encore plus riche en sels que celle de Pùllna; c'est celle de 5. Hunyady-Janos, près de Ofen en Hongrie; elle contient, pour 1000 grammes d'eau, 16 grammes de sulfate de magnésie et presque autant de sulfate de soude. t .
Il v a encore beaucoup d'autres sources d'eaux minérales amères (rUssmgen, Rehme, Mergentheim); il y en a beaucoup d'autres dans la Hongrie, la Transylvanie, en Angleterre (Epsom), d'où le nom de sel d'Epsom, pour designer le sulfate de magnésie.
4 PHOSPHATES DE CHAUX ET DE MAGNÉSIE
Importance physiologique. — Le phosphate de chaux et le phosphate de magnésie se ressemblent beaucoup au point de vue de leurs rapports avec la nutrition, sauf que le premier se trouve, dans les tissus de l'organisme, en quantité beaucoup plus considérable que le second ; aussi le phosphate de chaux doit-il attirer plus particulièrement notre attention. Ces deux sels existent dans tous les liquides et tissus du corps animal ; une partie s'y trouve en dissolution, très probablement combinée avec l'albumine (car par eux-mêmes ces sels ne sont pas solubles dans l'eau, et les cendres de toutes les substances albumineuses, même les plus pures, contiennent du phosphate neutre, de chaux) ; mais la plus grande partie est déposée dans les os et les dents, à l'état de -sel neutre (P04)2Ca 3. 1000 grammes d'os humains renferment 570 grammes de phosphate de chaux et seulement 80 grammes de carbonate de chaux; dans l'émail des dents, on trouve 88 pour 100 de phosphate et seulement 8 pour 100 de carbonate. Le phosphate de chaux représente donc l'élément le plus important de la solidité des os. Il paraît aussi jouer un rôle essentiel dans le développement des jeunes cellules, dans tous les organes en voie d'accroissement. C. Schmidt a trouvé, chez un certain nombre d'animaux invertébrés, chez lesquels pourtant le carbonate constitue la substance minérale prédominante, que la quantité de phosphate de chaux, dans les parties qui s'accroissaient rapidement, augmentait avec l'intensité du processus d'accroissement ; il pense qu'il existe une combinaison déterminée d'albumine et de phosphate de chaux, combinaison possédant par excellence la propriété de se condenser en une membrane relativement solide autour des substances hétérogènes avec lesquelles elle est en contact, et de former ainsi la paroi des cellules. « Dans le passage du sang à l'état de fibre- musculaire, dit Liebig, la plus grande partie des phosphates alcalins rentre dans la circulation, tandis qu'une certaine quantité de phosphate de chaux reste en combinaison chimique dans la cellule.
Le phosphate de chaux et le phosphate de magnésie qui existent dans l'organisme proviennent principalement des aliments. Les substances alimentaires végétales et animales contiennent, en effet, des quantités à peu près égales de chaux, en moyenne 1 sur 1000 : c'est le fromage et les figues.qui en renferment le plus. D'une manière générale, on trouve,.dans les aliments, moins de magnésium que de calcium,. surtout dans les matières alimentaires d'origine animale.
Voici les quantités relatives de chaux, de magnésie et d'acide phosphorique, contenues dans les principaux aliments (Moleschott) :
a. Aliments végétaux.
Sur 1000 parties.
Ca Mg PO4H 3 Pommes de terre 0 26 0 53 1 79
Riz O',35 0,21 3,12
Froment 0,57 2 21 9 98
Orge 0,65 1,79 .11,32
Seigle 0,77 1,61 6,56
PHOSPHATES DE CHAUX ET DE MAGNÉSIE .89
Sur 1000 parties.
Ca Mg P04H 3
Pois 1,04 1,82 8,50
'Lentilles 1,04 0,41 5,97
Asperges 1 ,27 0,14 1,13 .
Carottes. 2,33 0,64 2,17
Amandes 4,2 8,42 20,79
Figues. 6,48 3.16 0,44
b. Aliments animaux.
Albumine de l'oeuf. 0,10 0,10 0,22
Viande de veau 0,13 .0,15 3,73
Viande de boeuf. 0,51 0,23 4,35
Viande de porc . . . . 0,83 0,54 4,94
Jaune d'oeuf.. ........... 1,63 0,26 6,57
Fromage 5,23 0,20 9,06
On voit donc que l'alimentation ordinaire introduit dans l'organisme une quantité de phosphate terreux suffisante pour remplacer celle qui est éliminée journellement (1 gramme environ chez l'adulte). Il est d'ailleurs bien démontré que, dans l'organisme même, aussi bien dans l'intestin que dans le sang, il se forme des phosphates terreux, provenant d'une réaction réciproque des carbonates terreux et des phosphates alcalins; et, d'un autre côté, il serait bien possible (Diaconow) que le phosphate de chaux qui existe dans le foetus dût en partie sa formation à la lécithine, laquelle, à l'air humide, met en liberté de l'acide phosphorique, ou tout au moins de l'acide phospho-glycérique, et se trouve toujours, dans le jaune d'oeuf accompagnée d'un composé calcique soluble dans' l'alcool et dans l'éther. Les oeufs non couvés contiennent toujours moins de phosphate de chaux que ceux qui ont été longtemps couvés ou que les embryons qui viennent d'éclore ; les jeunes os sont aussi plus riches en carbonate de chaux qu'en phosphate de chaux, lequel ne domine que plus tard.
Les troubles digestifs qui ont été observés à la suite d'une alimentation exclusive par les pommes de terre, par exemple, ont pu être attribués, au moins en partie, à ce que cet aliment renferme une trop faible quantité de phosphate terreux (Beneke); cependant des expériences directes faites sur des porcs tendent à faire admettre que les éléments terreux contenus dans l'eau de la boisson peuvent suppléer complètement à cette insuffisance de phosphates terreux dans l'alimentation (Boussingault).
Les phosphates terreux introduits dans l'estomac sont décomposés, de même que les phosphates alcalins, par les acides du suc gastrique ; il se forme sans doute, en même temps que du chlorure de calcium, etc., de l'acide phosphorique libre et des phosphates acides, dont une partie pénètre dans le sang, tandis que l'autre partie repasse dans l'intestin, à l'état de sels basiques.
Il est certain, en tout cas, qu'il pénètre journellement dans la circulation de petites quantités de phosphates terreux. C'est la muqueuse intestinale des herbivores et des oiseaux qui est le mieux disposée pour l'absorption des sels de chaux et de magnésie : une poule peut, en un jour, absorber plus de calcium qu'un homme adulte. L'opinion contraire de Gorup, relativement aux herbivores, paraît reposer sur une erreur. Chez les carnivores et chez l'homme, la quantité de phosphate terreux absorbée est bien moindre : Kôrber a trouvé que, à égalité d'alimentation (lait et pain), 1 kilogramme de lapin éliminait avec les urines onze fois plus de phosphates (12 fois plus de Ca et 10 fois plus de Mg) que 1 kilogramme de chien, bien que la quantité d'urine, pour 1 kilogramme de ces deux animaux, fût à peu près exactement la même. Chez les carnivores, la plus grande partie des phosphates
90 PHOSPHATES DE CHAUX ET DE MAGNESIE
terreux ingérés reste intacte, ou se transforme en carbonate, puis s'élimine avec les selles ; mais les sels terreux, une fois reçus dans la circulation, ne reviennent plus dansl'intestin ; ils apparaissent tous dans l'urine, ainsi que Korber l'a démontré directement, au moins pour le sulfate de magnésie qu'il injectait dans le sang.
E. Wagner a constaté que, entre deux solutions salines dont l'une contient un selde calcium dissous ou à l'état de suspension, et dont l'autre contient 1 à 2 pour 100 des sels du sérum sanguin (chlorure de sodium, phosphate de sodium, bicarbonate de sodium), il se produit de vifs processus de diffusion. Les deux solutions échangent leurs acides ; en même temps l'alcalinité de la solution des sels du sérum augmente, tandis que , dans la solution calcique, des molécules acides s'accumulent et de l'acide chlorhydrique ou de l'acide carbonique libres peuvent même prendre naissance. 11 se produit en outre deux autres courants de diffusion, l'un transportant du sel alcalin dans la solution calcique, et l'autre faisant passer du calcium dans la solution alcaline. Ce calcium, par suite des échanges des acides qui viennent d'avoir lieu, est transporté à l'état de chlorure de calcium, de phosphate ou de carbonate de chaux. En présence des acides libres les sels de chaux même difficilement solubles passent en plus grande quantité.
D'après Wagner, l'absorption des sels de chaux dans l'estomac se fait de la même manière, à la suite de cet échange d'acides avec les sels du sang; ici, de même que dans les expériences du laboratoire, il se forme aussi de l'acide chlorhydrique libre.
Se fondant sur ces observations, Wagner établit une théorie nouvelle du rachitisme : cette affection prendrait naissance par suite d'un excès persistant de potassium dans l'alimentation. Or le phosphate de potassium soustrait à l'organisme du sodium et du chlore, et, le sang s'appauvrissant constamment en ces substances, l'absorption des sels de chaux diminue de plus en plus:
D'après Tereg et Arnold, l'urine des carnivores, soumis à une alimentation plus végétale, contiendrait moins de chaux et moins d'acide phosphorique, provenant des phosphates calciques ingérés. En leur faisant prendre en outre du carbonate de chaux, la quantité d'acide phosphorique baisserait encore davantage, tandis que l'élimination de la chaux s'élèverait. La cause de ce fait devrait être attribuée à ce que, des phosphates calciques ingérés, il n'y a d'absorbée que cette partie qui eit transformée en phosphate acide de chaux par les acides existant dans le canal intestinal.
Cette transformation serait empêchée par la présence du carbonate de chaux, parce qu'une plus grande quantité de phosphate est alors consommée pour la formation d'un phosphate secondaire de chaux, et qu'ainsi l'élimination de l'acide phosphorique devrait décroître. L'augmentation de l'élimination de la chaux dépendrait de ce que un chlorure de calcium absorbable est formé par l'acide libre du suc gastrique. Or, chez l'herbivore, il existerait assez d'acide pour que le chlorure de calcium puisse se former, mais pas assez pour la formation d'un phosphate acide de chaux. Voilà pourquoi l'urine serait pauvre en acide phosphorique.
Ce qui démontrerait que cette augmentation de l'acide phosphorique dans l'urine, à la suite d'une alimentation riche en phosphates alcalins, dépend de l'absorption d'un phosphate de chaux acide, c'est qu'on voit, après l'injection sous-cutanée de ce sel, une sembable augmentation se manifester.
Presque tous les observateurs s'accordent à dire qu'un homme adulte, à l'état de santé, élimine, tous les jours, avec les urines, en moyenne, 1 gramme de phosphate terreux; la quantité moyenne de phosphate de chaux éliminée journellement est de 0gr,31 jusqu'à 0gr,37 ; celle de phosphate de magnésie, 0gr,64. Sur 100 parties, il y a donc 33 parties de phosphate de chaux et 67 parties de phosphate de magnésie (Neubauer et Vogel). C'est toujours à la présence des phosphates acides qu' est due l'acidité normale de l'urine humaine.
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Hirschberg a trouvé que, chez les personnes âgées, la quantité de chaux éliminée dans les 24 heures était moindre que chez les jeunes gens ; chez les enfants rachitiques, cette quantité était relativement considérable.
Quand les phosphates terreux sont ingérés en grande quantité, ce n'est, a-t-on dit, que chez les herbivores qu'il se produit une augmentation correspondante de la quantité de ces sels absorbée et de la quantité éliminée parles urines ; il n'en serait plus de même pour les carnivores et pour l'homme, et nous relevons expressément cette donnée, à cause de l'importance qu'elle aurait, si elle était juste, au point de vue du traitement du rachitisme. Il nous semble cependant que la balance penche plutôt en faveur de ceux qui admettent que chez les carnivores et chez l'homme, aussi bien que chez les herbivores, la quantité de phosphates terreux absorbée augmente avec la quantité ingérée.
Buchheim et Korber fournissaient à des chiens et à des lapins une alimentation parfaitement égale, consistant en pain et en lait, et à laquelle ils ajoutaient un excès de phosphates terreux, des os aux chiens et les sels purs aux lapins. Ils constataient que,dans ces conditions, ces lapins absorbaient, et éliminaient parles urines, beaucoup plus de phosphates que lors de leur alimentation habituelle ; mais le contraire se produisait chez les chiens : chez eux, les phosphates ingérés en excès étaient évacués avec les selles, et l'absorption physiologique des phosphates terreux des aliments était même entravée. On pourrait objecter que les phosphates donnés aux chiens, sous forme d'os, étaient peut-être dans un état moins favorable à l'ab - sorption que les sels purs administrés aux lapins.
Neubaùer, après avoir exactement déterminé, chez quatre hommes jeunes, la quantité de chaux contenue normalement dans leur urine, leur fit prendre, au moment où ils allaient au lit, 1 gramme de divers sels de chaux, et voici les résultats qu'il obtint :
1. Quantité normale de Ga dans les urines . 0,303
Après 1 gramme GaCl. . 0,397
2. Quantité normale de Ca dans les urines 0,267
Après 1 gramme CaO,C02 0,310
3. Quantité normale Ca dans les urines 0,282
Après 1 gramme CaO,A .• 0,324
4. Quantité normale Ca dans les urines. . ...... 0,387
Apres 1 gramme 3CaO,PO5 ■. 0,489
L'administration des sels alcalins a donc donné lieu, dans les quatre cas, à une augmentation de la quantité du calcium dans l'urine.
Riesell a fait, sous la direction de Hoppe-Seyler, des expériences intéressantes sur.la transformation, dans l'organisme, des carbonates en-phosphates. 11 pensait pouvoir faire disparaître entièrement l'acide phosphorique de l'urine en ingérant du carbonate de chaux ; mais il est arrivé à un résultat tout contraire. Quand il ingérait une quantité considérable de carbonate de chaux (10 grammes à chaque repas), il voyait bien, au début, la quantité d'acide phosphorique diminuer dans l'urine ; mais cette quantité s'élevait ensuite au dessus de la normale, après quoi elle s'en rapprochait peu à peu. Il observa aussi que, dans ces conditions, la proportion des phosphates alcalins et terreux, dans l'urine, devenait inverse de celle à l'état normal. Normalement, en effet, avant l'ingestion du carbonate de chaux, l'acide phosphorique de l'urine était principalement uni aux alcalis ; à la suite de l'usage du carbonate de chaux, au contraire, la quantité d'alcali dans l'urine était devenue beaucoup moindre et tout l'acide phosphorique était combiné avec les oxydes terreux, principalement avec la chaux. Riesell conclut de ces expériences, corroborées par d'autres, que l'absorption du phosphate de chaux, par suite - de sa difficile-solubilité dans l'organisme, ne se fait que difficilement ; que, quand il s'en
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forme en abondance, une petite partie seulement s'absorbe, la plus grande partie s'éliminant avec les selles; mais que la présence persistante de quantités considérables de ce sel, telles que celles qui proviennent, dans ses expériences, de la transformation du carbonate, finit par vaincre petit à petit les résistances qui s opposent à l'absorption, et que le phosphate de chaux s'absorbe alors et passe dans les urines en quantités de plus en plus considérables.
Soborow a aussi trouvé, dans ses expériences sur des hommes jeunes et sur des chiens, qu'une augmentation de la quantité de carbonate de chaux absorbée était suivie d'une augmentation de la quantité de ce sel éliminée par les urines. Lehmann avait déjà auparavant observé que, avec l'alimentation ordinaire il y avait lgr,09 de phosphates terreux éliminés avec les urines, tandis que, avec une alimentation exclusivement animale, la quantité de phosphates terreux s'élevait, à 3gr,56.
Zalesky a fait, sous la direction de Hoppe-Seyler, les expériences, suivantes, sur de jeunes pigeons. Il donnait aux uns un supplément de chaux, aux autres, de l'acide phosphorique sans chaux (phosphate de soude) ; il leur fournissait d'ailleurs une alimentation parfaitement égale, et il les tenait en observation pendant 103 jours. Pendant tout ce temps, ces animaux conservèrent leur santé et leur vivacité; leur poids et leur embonpoint augmentèrent. Enfin il les mit à mort, fit de la manière la plus exacte l'analyse de leurs os, et ne constata, dans leur composition, aucune différence. D'où il conclut que l'augmentation de la quantité de chaux ou d'acide phosphorique dans l'alimentation n'exerce aucune influence, ni sur les rapports des substances organiques avec les substances inorganiques des os, ni sur les propor-, tions relatives de la chaux et de l'acide phosphorique.
Mais nous manquons encore de recherches comparatives exactes qui établissent, d'une manière parfaitement précise, quelle est la quantité de phosphate terreux éliminée avec les excréments et les urines, relativement à la quantité absorbée. Il faudrait aussi des recherches positives pour démontrer s'il est vrai, comme le prétendent plusieurs médecins, que les fractures guérissent plus rapidement, et avec un cal plus solide, chez les hommes ou les cochons d'Inde, auxquels on fait prendre un supplément de phosphate de chaux.
Il y a, dans les excréments des herbivores, plus de phosphate de magnésie que de phosphate de chaux, et la quantité de phosphate de magnésie est aussi plus grande dans les excréments des animaux exclusivement carnivores. D'où l'on avait cru pouvoir tirer cette conclusion, que la muqueuse intestinale avait un pouvoir d'absorption plus considérable pour le phosphate de chaux que pour le phosphate de magnésie. Mais, dans l'urine aussi, on trouve de grandes quantités de phosphate de magnésie. L'excès de ce phosphate dans les excréments peut donc être attribué beaucoup mieux à ce que le phosphate de magnésie est très propre à former, avec l'ammoniaque de l'intestin, un sel cristallisé difficilement, soluble, le phosphate ammoniaco-magnésien (P04MgNH 4 + 6H20),.et c'est ce phosphate qui constitue la masse principale des concrétions intestinales qu'on trouve fréquemment chez les herbivores (Lehmann).
Toutes les expériences s'accordent à démontrer l'importance des phosphates terreux dans la nutrition générale, et surtout dans le développement des os; mais la même concordance est loin d'exister dans les résultats obtenus au sujet des effets produits, chez l'homme et les animaux, par la soustraction des phosphates terreux de l'alimentation. Théoriquement, la chose parait bien simple : dans quelques maladies osseuses, le rachitisme et l'ostéomalacie, on constate une diminution notable du phosphate de chaux dans les os ; ainsi, d'après Valentin, tandis qu'un os sain, chez un homme, renfermait 84 pour 100 de phosphate de chaux, un os carié n'en contenait que 77 pour 100; d'après Davis, il existait, dans un os sain, 66 pour 100 d'éléments inorganiques, tandis que, dans un os pathologique, on ne trouvait que 16 pour 100 de phosphate de chaux, 4 pour 100 de phosphate de
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magnésie et de carbonate de chaux. Or, on a expliqué cette modification de la composition du tissu osseux dans ces cas, en disant que la quantité de phosphate de chaux ingérée était insuffisante (rachitisme), ou bien que la consommation de ce sel était exagérée (ostéomalacie), et l'on a fait remarquer, à l'appui de cette manière de voir, que le rachitisme s'observe le plus fréquemment chez les enfants," à l'époque de la dentition, alors qu'ils ont besoin, par conséquent, de plus grandes quantités de phosphate de chaux, 'et que l'ostéomalacie se développe chez les femmes enceintes, à l'organisation desquelles le phosphate de chaux est soustrait pour le développement des os du foetus.
Mais on observait assez fréquemment que ces processus morbides persistaient malgré l'administration de quantités considérables de phosphate de chaux ; force fut donc de recourir à d'autres hypothèses, et l'on admit alors que, dans ces cas, ou bien le phosphate de chaux n'était absorbé que difficilement par l'intestin, ou bien que des acides organiques (acides lactique, Oxalique), se développant en excès dans l'organisme, enlevaient aux os la chaux qui entre dans leur composition. Mais la démonstration directe fait ici entièrement défaut. On peut laisser de côté, comme non démontrée ou même directement réfutée, l'opinion d'après laquelle l'acide lactique ou d'autres acides donneraient lieu au rachitisme et à l'ostéomalacie, en dissolvant le phosphate calcaire. L'analyse anatomique des os malades nous apprend, en effet, qu'il ne s'agit nullement ici d'une simple soustraction des phosphates, mais bien d'une altération de la trame organisée de l'os. De plus, il n'a jamais été parfaitement prouvé que, dans ces affections osseuses, il y ait, dans l'urine et les matières fécales, plus de phosphates terreux qu'il n'en a été ingéré ou qu'il ne s'en trouve chez un individu sain, à alimentation égale. On peut aussi être certain que les acides, que les anciens observateurs trouvaient dans l'urine et prenaient pour de l'acide lactique, n'étaient pas autre chose que de l'acide phosphorique ; d'ailleurs, la matière gélatineuse qui s'écoule des os atteints d'ostéomalacie, loin d'être acide, est au contraire fortement alcaline. Enfin, la prétention de Heitzmann, de pouvoir faire naître le rachitisme chez les animaux, en leur injectant de l'acide lactique, a été victorieusement réfutée par Heiss. - Quant aux expériences qui consistent à soustraire les phosphates terreux de l'alimentation des animaux, elles sont tout à fait contradictoires. Dans l'impossibilité où nous sommes d'arriver à une conclusion certaine, nous nous contenterons de noter, en quelques mots, les divers résultats obtenus, en nous abstenant toutefois de parler de ceux qui ont été nettement réfutés, par exemple de ceux de Mouriès, qui prétend avoir vu une femme bien portante rendre, en vingt-quatre heures, la quantité étonnante de 5 grammes de phosphate de chaux par les urines, de 1 gramme par la desquamation épithéliale, et qui prétend aussi démontrer une certaine connexion entre la température du corps et la quantité de chaux contenue dans l'organisme.
Ghossat, après avoir longtemps soustrait les sels de chaux à l'alimentation, chez des pigeons, a vu ces animaux être pris de diarrhée, dépérir, en même temps que leurs os devenaient fragiles ; mais il n'indique pas si la résorption portait seulement sur les sels de chaux ou sur la totalité du tissu osseux. — Dusart a observé, chez un pigeon auquel il ne fournissait qu'une quantité insuffisante de chaux, que la proportion de chaux, dans l'organisme, subissait une diminution : en lui en faisant prendre par jour seulement 0gr,039, il s'en éliminait journellement Ôgr-,098. — Roloff (de Halle) a.publié des observations faites sur des vaches qu'il nourrissait avec du foin pauvre en chaux et en acide phosphorique, et chez lesquelles -il vit se produire, consécutivement, des troubles nutritifs marqués, en même temps que les os devinrent fragiles. Après les avoir maintenues ainsi malades pendant toute une année, il leur fournit une nourriture qui contenait en abondance de la chaux et de l'acide phosphorique, et, au bout de quatre semaines, ces ani-
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maux étaient entièrement guéris; ils parcouraient vivement le pâturage, où ils ne pouvaient auparavant qu'avec peine mettre un pied devant l'autre. Du reste, dans la contrée en question, les vaches devenaient rachitiques, alors même qu'elles recevaient une nourriture riche en acide phosphorique, ce qui fait croire à Roloff que ce n'est pas le défaut d'acide phosphorique, mais bien l'insuffisance de chaux, qui donne lieu à la production du rachitisme. « Et cette manière de voir, dit-il, ne serait point renversée par le fait que les vaches paissant sur un sol calcaire peuvent aussi devenir rachitiques. » En effet, ayant analysé un foin qui avait pourtant poussé sur un sol calcaire, il aurait trouvé dans ce foin très peu de chaux (0,56 pour 100) et d'acide phosphorique (0,18 pour 100). — Milne Edwards donna une nourriture très pauvre en chaux à de jeunes pigeons n'ayant pas encore atteint tout leur accroissement. Ces pigeons, au bout de trois mois, furent pris de diarrhée et devinrent tout à fait chétifs. Les ayant sacrifiés, il trouva que leurs os avaient un volume beaucoup moindre que le volume ordinaire, et qu'ils étaient près d'un tiers plus petits que ceux d'autres pigeons sains servant de terme de comparaison. La composition des os eux-mêmes n'avait subi aucune altération. — Weiske et Wildt, dans une série de recherches très exactes, sont arrivés aux résultats suivants : 1. La soustraction de la chaux ou de l'acide phosphorique à l'alimentation des animaux adultes (chèvres) fait maigrir ces animaux et finit par les faire mourir, mais elle est sans influence sur la composition des os et ne les rend nullement fragiles. L'acide phosphorique ayant été éliminé en plus grande quantité qu'il n'avait été absorbé, cet excès d'acide phosphorique éliminé devait donc provenir simplement des tissus mous, celui qui était combiné avec les substances minérales, dans les os, y étant resté pour en assurer la solidité. — 2. L'insuffisance de la chaux et de l'acide phosphorique dans l'alimentation des animaux jeunes, en voie d'accroissement, ne donne lieu à aucune altération appréciable de la composition des os; cette composition est en général indépendante de la nourriture. Le développement des masses osseuses est, il est vrai, plus faible qu'avec une alimentation normale, mais il ne se produit aucune altération physique ou chimique du tissu osseux. — 3. Divers phosphates terreux, mêlés à l'alimentation d'animaux de différents âges, n'ont influé en rien sur la composition de leurs os. Nous ferons remarquer que, parmi les recherches qui précèdent, celles qui sont le plus exemptes de reproches, c'est-à-dire celles de Milne Edwards et de Weiske, mentionnent, comme résultat du défaut de phosphates terreux dans l'alimentation, seulement des troubles de la nutrition générale, et conséquemment la mort, mais nullement des altérations morbides des os eux-mêmes.
Phosphate de chaux
Il existe trois composés résultant de la combinaison de l'acide phosphorique avec le calcium :
1° Phosphate neutre (P04)2Ca 3; 2° phosphate acide simple, P04HCa -+- 2H203° phosphate acide double (P04H2)2Ca + H'O 1. Quel est celui de ces trois composés qui est admis par la pharmacopée allemande? On ne le sait pas trop ; mais il est probable que c'est le sel neutre. On l'obtient en traitant une solution de 20 parties de carbonate de chaux sur 50 parties d'eau et 50 parties d'acide chlorhydrique par une solution de phosphate de soude (50 : 300). Le précipité qui se forme constitue une poudre blanche, légère, insoluble dans l'eau, un peu soluble dans une eau chargée d'acide carbonique.
1 [Le premier est notre phosphate tribasique de chaux, celui qui est employé en médecine; en équivalent. : PhO5;CaO Le second est notre phosphate neutre ou dîcalcique,
Pho 5 | HO . Le troisiéme esl notre phosphate acide ou monocalcique, PhO5 Ca 0
/ 2HOJ
PHOSPHATE DE CHAUX 95
Action physiologique. — Le phosphate de chaux introduit dans l'estomac n'est absorbé qu'en petite partie ; la plus grande partie est évacuée avec les selles. Le. seul phénomène qui soit observé, après l'ingestion de doses élevées, est la sécheresse des matières fécales (excréments blancs des chiens nourris avec des os).
Emploi thérapeutique. — Dans ces derniers temps encore on a recommandé vivement l'administration du phosphate de chaux clans le rachitisme et l'ostéomalacie; voyez page 92, ce que nous avons dit à ce sujet.
D'après Gaspari, le phosphate de chaux se serait montré utile, comme agent hémostatique, contre l'hématurie, la métrorragie, l'hémoptysie; mêlé avec le fer, il aurait produit des effets favorables contre la chlorose; administré seul, il aurait été utile contre l'expectoration purulente profuse des tuberculeux. — On a dit encore que la formation du cal, dans les fractures, chez les personnes d'ailleurs saines, pouvait être hâtée par l'usage du phosphate de chaux; mais cette assertion aurait besoin d'être vérifiée. — On a encore recommandé ce médicament dans les affections scrofulèuses, dans la carie, dans les ulcères à sécrétion abondante; mais, dans tous ces cas encore, il faudrait des expériences confirmatives. Clarus préconise l'usage, dans l'anémie, d'une combinaison de fer avec le phosphate de chaux.
Ce médicament a l'avantage de pouvoir être donné pendant longtemps, et à doses assez considérables, sans qu'il détermine des effets fâcheux, surtout si l'on a soin de l'associer à d'autres substances appropriées, telles que les amers, les aromates '.
DOSES. — 0,5-2,0 pro dosi, plusieurs fois par jour, sous forme de poudre. Chez les enfants, on en fait prendre une pincée dans une cuillerée de soupe.
SUPPLÉMENT AUX ALCALINO-TERREUX
Les composés de baryum ne sont plus employés en thérapeutique; il a déjà été question, dans les généralités, de leurs propriétés toxiques.
La pharmacopée allemande continue encore à considérer comme officinal le sulfate de chaux, qui n'est plus employé que pour la confection des bandages plâtrés.
BOUSSINGAULT, Sur le développement de la substance minérale dans le système osseux du porc (Annales de chimie et de physique, t. XVI, 1846). — CHOSSAT, Gazette médicale de Paris, 1842. — Nouveau Dictionnaire de médecine et.de chirurgie pratiques, art. AMMONIAQUE par ROUSSIN et HIRTZ. Paris, 1865. — HOPPE-SEYI.ER, Médecin.-chemische Untersuchungen. A. Hirschwald. Berlin, 1866-1868. — BËALE (Lionel), De l'urine, des dépôts urinaires, trad. A. Ollivier et G. Bergeron. Paris. — NEUBAUER et VOGEL, De l'urine et des sédiments urinaires, traduit par le Dr L. GAUTIER. — YYON, Manuel clinique de l'analyse des urines. — DUSART, Recherches expérimentales sur les propriétés physiologiques et thérapeutiques du phosphate de chaux (Archives générales de médecine, 1869, 6e série, 1869 t. XIV et 1870 t. XV).
1 [Pour que son usage prolongé et à haules doses soit sans inconvénient, il faut, bien entendu que ce sel soit parfaitement pur; il ne faudrait pas qu'il contint, comme le phosphate de chaux officinal analysé par Duquesnel, 0,66 pour 100 de plomb, c'est-à-dire à peu prés 0,03 centigrammes de ce métal pour 10 grammes de phosphate.]
II AMMONIACAUX
On admet ordinairement qu'il existe dans les sels ammoniacaux un groupe atomique (NH 4) non isolable, qui joue le rôle d'un radical composé et qui se comporte exactement comme un métal; ce groupe atomique a reçu le nom à'ammonium. On connaît une combinaison de cet ammonium avec le mercure, un amalgame d'ammonium ; on n'est pas parvenu jusqu'ici à l'isoler, parce qu'il se décompose toujours immédiatement en ammoniaque (AzH 3) et en hydrogène.
Cette ammoniaque, qui prend aussi naissance dans la putréfaction des matières organiques azotées, se combine directement avec tous les acides, pour former des sels ammoniacaux. Ces sels présentent, au point de vue de leurs réactions, la plus grande ressemblance avec les sels potassiques ; ils ne s'en distinguent que par leur volatilité et par leurs propriétés basiques un peu plus faibles.
Effets physiologiques communs à tous tes sels ammoniacaux
L'ammoniaque se trouve dans l'organisme normal : dans l'intestin, par exemple, à l'état de phosphate ammoniaco-magnésien ; on la trouve aussi dans le sang et le tissus ; une partie y a pénétré par absorption, l'autre partie y est devenue libre par la décomposition de l'albumine (Walter). On peut, chez les carnivores au moins, lui attribuer deux rôles différents : un rôle neutralisant: elle sert à fixer les acides venus du dehors, par exemple avec l'alimentation animale (laquelle, d'après Hallervorden, doit être considérée comme acide) et par suite à conserver les alcalis fixes indispensables à l'organisme; en second lieu, un rôle formateur d'urée; il en sera question plus tard (voyez page 100)
L'ammoniaque et les composés ammoniacaux produisent des effets généraux qui se ressemblent beaucoup, ne différant entre eux que par leur degré d'intensité : c'est le sulfate qui a l'action la plus faible ; puis viennent le carbonate, le chlorure d'ammonium et l'ammoniaque (Lange).
Les effets locaux sonts différents suivant le plus ou moins de volatilité du composé que l'on emploie. Les composés volatils ont tous l'odeur piquante de l'ammoniaque; ils pénètrent dans,-le sang à travers la peau aussi bien qu'à travers les muqueuses; ils exercent sur les muqueuses et la peau une action
AMMONIACAUX. — Effets physiologiques 97
fortement irritante, qui dépend en partie de la soustraction de l'eau des tissus. Les composés ammoniacaux non volatils ne peuvent être absorbés que par les muqueuses.
Nous allons parler des effets physiologiques communs à toutes les préparations ammoniacales.
Centres nerveux. — Chez les grenouilles, on observe, quelle que soit la méthode d'application (introduction de l'ammoniaque ou de ses sels, soit dans l'estomac, soit sous la peau, soit immédiatement dans le sang, inhalation des Vapeurs), une augmentation énorme de l'excitabilité réflexe, des spasmes tétaniques, qui se produisent même après la décapitation de l'animal (contrairement aux données de Rosenstein); enfin, une paralysie générale par épuisement. •
Chez les lapins, on n'observe, après l'injection sous-cutanée, qu'une augmentation de l'excitabilité réflexe; après l'injection dans le sang, il survient du tétanos, de l'opisthotonos; il en est de même chez les chiens et chez les chats. Ainsi que le démontre Funke, ces phénomènes sont dus à l'exaltation énorme de l'excitabilité des ganglions médullaires, d'où partent les cordons moteurs des muscles volontaires. Si l'on a sectionné un des nerfs sciatiques, on constate, pendant l'empoisonnement général par l'ammoniaque, qu'il ne se produit, dans la jambe correspondante au sciatique coupé, aucun spasme tétanique, mais seulement quelques faibles mouvements fibrillaires. Ainsi, l'action produite par les composés ammoniacaux sur la moelle épinière ressemble beaucoup à celle produite par la strychnine, avec cette différence toutefois que, dans l'empoisonnement par les composés ammoniacaux, toute excitation nouvelle ne provoque pas un nouvel accès de tétanos, comme dans l'empoisonnement par la strychnine, mais seulement un spasme réflexe de courte durée; cette différence tient probablement à ce que l'excitabilité des nerfs périphériques est affaiblie par l'ammoniaque beaucoup plus rapidement que par la strychnine.
Chez l'homme, on a, dit-on, à la suite de l'administration de l'ammoniaque à doses thérapeutiques, observé de l'hyperesthésie (Rabuteau), des tremblements, de la faiblesse des membres; Wibmer a observé sur lui-même que «l'ammoniaque affectait la tête». Pereira a remarqué que, sous l'influence de cet agent les efforts musculaires devenaient plus faciles; mais nous ne trouvons, nulle part des preuves qui viennent à l'appui de ces assertions.
Les observations qui relatent des faits d'empoisonnement à terminaison mortelle ne nous signalent non plus aucun phénomène spasmodique qu'on puisse" considérer comme une expression bien nette d'une excitation des centres nerveux. Au début, le tableau de l'empoisonnement est rendu très confus par les douleurs violentes que produit le caustique pendant son ingestion ou par les troubles intenses qui se manifestent du côté de la respiration; vers la fin, l'individu empoisonné est dans un état de collapsus profond : il est très pâle et sans connaissance. Ce n'est que dans le cas d'un enfant auquel de l'ammoniaque avait été injectée sous la peau, que je trouve signalés des spasmes intenses qui précédèrent la mort, laquelle survint d'ailleurs rapidement.
De ce qui précède, nous croyons pouvoir tirer les conclusions suivantes : les composés ammoniacaux, introduits dans l'estomac de l'homme, à petites
NOTHNAGEL et ROSSBACH, Thérapeutique
98 AMMONIACAUX. — Effets physiologiques
doses, ne donnent lieu à aucune excitation des centres nerveux ; s'il se produit une excitation de ces centres après l'inhalation des vapeurs ammoniacales ou l'ingestion d'une dose élevée et dangereuse d'ammoniaque, cette excitation n'est point due à l'ammoniaque elle-même, elle est plutôt le fait de la sensation douleureuse ou de l'accès de dyspnée qui se produisent alors.
Ce n'est que dans le cas où le composé ammoniacal est introduit rapidement dans le sang ou ingéré à doses tout à fait mortelles, qu'il peut exercer sur la moelle épinière une action d'abord fortement excitante, puis paralysante, telle que celle qui est observée chez les animaux. En tous cas, même dans les empoisonnements graves, l'individu continue pendant longtemps à avoir conscience des douleurs violentes qu'il éprouve, et il ne perd la conscience de ces douleurs que peu de temps avant la mort, par le fait de modifications secondaires, telles, par exemple, que l'intoxication par l'acide carbonique, succédant à l'asphyxie par les vapeurs ammoniacales.
Nerfs périphériques et muscles striés. — L'ammoniaque est un de ces irritants musculaires qui produisent dans le contenu du muscle une altération chimique rapide et déterminent sur le point d'application, en même temps qu'une secousse convulsive, un état de rigidité du tissu musculaire. Il suffit d'une très petite quantité d'ammoniaque, mêlée à l'air dans lequel se trouve un muscle excisé, pour que ce muscle devienne le siège de mouvements spasmodiques.
Mais il faut que l'ammoniaque soit dans un état de concentration beaucoup plus considérable, pour qu'elle puisse produire ces mouvements convulsifs par l'intermédiaire d'un nerf moteur (Kühne, Funke).
Chez l'animal à sang froid vivant, les muscles dont la connexion avec la moelle épinière a été supprimée et qui, par conséquent, ne peuvent pas présenter de spasmes tétaniques, deviennent le siège, consécutivement à une injection ammoniacale, de petites convulsions fibrillaires (Funke). Chez un chien qui était mort dans des convulsions, dix minutes après l'injection dans les veines jugulaires de 3,6 d'ammoniaque liquide, Orfila a observé que les muscles, immédiatement après la mort, avaient perdu leurs propriétés contractiles.
Il n'est pas probable que les doses thérapeutiques qu'on administre à l'homme puissent donner lieu à une modification appréciable des muscles et des nerfs périphériques.
Respiration. — Nous parlerons, à propos du gaz ammoniac, de l'action locale que les composés ammoniacaux volatils exercent sur la respiration; il ne sera question ici que des phénomènes toxiques généraux déterminés par les sels ammoniacaux introduits dans le sang.
Une solution étendue d'ammoniaque ou d'un sel ammoniacal est-elle injectée directement dans le sang, on voit aussitôt la respiration s'interrompre; cette interruption dure peu ; elle est suivie d'une accélération extraordinaire des mouvements respiratoires, accélération qui est la conséquence d'une irritation du centre respiratoire dans la moelle allongée. Si l'on sectionne ' les deux nerfs pneumogastriques à un animal auquel on a déjà fait cette injection ammoniacale, on constate que cette section ne produit plus son effet ordinaire sur là respiration, c'est-à-dire qu'elle ne ralentit plus les
AMMONIACAUX. — Effets physiologiques 99
mouvements respiratoires (Lange) ; ces mouvements restent accélérés presque jusqu'au moment de la mort. Quand la-section des pneumogastriques est faite avant l'empoisonnement, on n'observe plus alors cet arrêt primitif de la respiration, que j'ai signalé ci-dessus. Toutefois ces deux derniers faits n'ont pas pu être constatés par Funke, à la suite de l'injection directe de solutions ammoniacales.
Naturellement la respiration s'interrompt pendant le tétanos ammoniacal.
Circulation sanguine. — L'ammoniaque, injectée sous la peau ou dans une veine, chez les grenouilles et les lapins, excite vivement le centre modérateur du coeur dans le cerveau, et détermine conséquemment un arrêt du coeur en diastole et un ralentissement des contractions cardiaques ; en second lieu, elle excite fortement les centres vaso-moteurs de la moelle épinière et provoque par suite un rétrécissement, de toutes les artères périphériques (à l'exclusion toutefois des vaisseaux pulmonaires, chez la grenouille). Cet état spasmodique des artères, qui a pour effet d'élever la pression sanguine, ne tarde pas à compenser, et au delà, l'effet opposé résultant de l'excitation des pneumogastriques, de telle sorte que, après une diminution passagère de la tension sanguine, il se produit une forte augmentation de cette tension. L'énergie du coeur n'est pas accrue ; elle est plutôt affaiblie (Funke).
Si l'on injecte des solutions de sels ammoniacaux dans les veines, chez des chiens et des chats, on observe aussi cette augmentation de la pression sanguine; mais on note en même temps une accélération des pulsations. Lange voudrait donc qu'on attribuât l'élévation de la pression sanguine surtout à une augmentation de l'activité cardiaque, sans pouvoir toutefois exclure l'influence des autres causes.
Des doses très élevées, mortelles, déterminent, au contraire, un abaissement rapide et profond de la tension sanguine.
On n'a pas étudié de près les modifications que subit la circulation sanguine de l'homme, à la suite de l'introduction dans l'estomac des composés ammoniacaux, à doses thérapeutiques ou toxiques.
Organes de sécrétion et d'excrétion. — L'ammoniaque et les sels ammoniacaux augmentent la sécrétion d'un grand nombre de glandes, notamment des glandes bronchiques et des glandes sudoripares ; sous leur influence, le mucus bronchique devient plus fluide.
L'excrétion de l'urine est également augmentée. A la suite de l'ingestion de carbonates et de sels végétaux alcalins, l'urine des carnivores devient, ainsi que nous l'avons déjà expliqué, très rapidement alcaline; à la suite de l'ingestion des mêmes sels ammoniacaux, elle reste au contraire acide et elle ne présente jamais une réaction alcaline même à la suite d'une ingestion abondante de ces sels.
Le chlorure d'ammonium (10 grammes) ferait diminuer notablement, d'après Adamkiewictz, l'élimination du sucre chez les diabétiques.
L'intestin grêle, mais non pas le gros intestin, présenterait des altérations spéciales à la suite de l'administration, même endermique, des préparations d'ammoniaque : les sécrétions seraient augmentées, l'épithélium se détacherait et se dissoudrait au milieu d'un mucus abondant (Mitscherlich).
Hertwig a observé chez des chevaux et des vaches que, sous l'influence du
100 AMMONIACAUX. - Effets physiologiques
pyro-oléocarbonate d'ammoniaque administré à l'intérieur, les matières fécales étaient mieux digérées et formaient des masses plus petites et plus -dures.
Ce que deviennent les composés ammoniacaux dans le sang. Leur élimination. —On a cru longtemps qu'on pouvait constater la présence de l'ammoniaque dans l'air expiré, chez l'homme et les animaux entièrement sains ; mais on se trompait, ainsi que le démontrent les recherches irréprochables de Voit et de Bachl. Même à la suite de l'injection directe dans le sang de sels ammoniacaux, par exemple de carbonate d'ammoniaque, on n'a jamais pu déceler la présence de l'ammoniaque dans l'air de l'expiration. Il n'est pas probable non plus que l'ammoniaque s'élimine avec la sueur; les traces qu'on a pu en trouver (creux axillaire, pieds) ne venaient certainement pas de la sueur, mais bien de la décomposition putride de l'épithélium et de la crasse.
Il est donc probable que l'alcali volatil qui a été introduit dans le sang vivant s'y transforme en un composé non volatil, car il ne peut plus être expulsé par un courant d'hydrogène à la température du corps ; le même fait ne peut pas se produire dans le sang mort. C'est une chose remarquable, que le sang extrait de la veine des animaux sains et exposé à une basse température, dégage plutôt des vapeurs ammoniacales que le sang des animaux tués par des quantités considérables d'un sel ammoniacal. La réaction ammoniacale du sang vivant ne se montre jamais qu'après un temps très long et à une température à laquelle la décomposition des éléments du sang pourrait bien avoir donné lieu à une formation d'ammoniaque. Le sang lui-même n'éprouve des modifications appréciables que sous l'influence de grandes quantités d'ammoniaque : il devient plus difficilement coagulable, le spectre de l'oxygène disparaît, les corpuscules rouges se dissolvent, l'hémoglobine se détruit. Si l'on fait respirer à un animal de grandes quantités d'ammoniaque, le sang de cet animal prend une couleur sombre; mais, sous l'influence de l'oxygène, il redevient rouge artériel et montre exactement les mêmes bandes d'absorption que le sang normal.
Neubauer,Buchheim et Lohrer croient pouvoir retrouver, dans l'urine de l'homme et des animaux, au moins une partie de l'ammoniaque ingérée; mais Schiffer (après Salkowski), ayant injecté du carbonate d'ammoniaque chez des chiens et des lapins, a vainement cherché à en retrouver dans l'urine. Il est aujourd'hui établi d'une manière indubitable que l'ammoniaque et la plus grande partie de ses sels, par exemple le carbonate d'ammoniaque, se transforment par synthèse en urée dans l'organisme des herbivores, des carnivores et de l'homme, et réapparaissent dans l'urine à l'état d'urée; c'est pour cela que les anciens observateurs ne pouvaient retrouver en nature l'ammoniaque ingérée ni dans l'air de l'expiration ni dans l'urine.
Il est probable qu'en général tous les composés azotés, dans lesquels l'azote se trouve sous le. groupement NH2-CH 2, se décomposent dans l'organisme en donnant naissance à de l'ammoniaque, et que le carbonate d'ammoniaque passe aussitôt par synthèse à l'état d'urée. Si cette proposition se vérifiait, sa conséquence immédiate serait que l'acide urique prend aussi naissance par synthèse dans l'organisme aux dépens de l'ammoniaque et de
AMMONIAQUE LIQUIDE. — Action physiologique 101
l'acide carbonique. L'ammoniaque semble aussi jouir de la propriété d'activer la fonction glycogénique du foie. Röhmann, ayant administré à deux lapins des aliments de même qualité et en quantités correspondantes au poids de ces animaux, a trouvé constamment' deux à trois fois plus de glycogène dans le foie du lapin qui avait ingéré, en même temps que ses aliments, 2 à 4 grammes de carbonate d'ammoniaque. Ce qui prouve que l'ammoniaque a agi ici non pas comme alcali, mais en tant qu'ammoniaque, c'est que le carbonate de soude ne manifeste aucune action semblable.
1. AMMONIAQUE LIQUIDE
L'ammoniaque (NH 3) est un gaz incolore, d'une odeur piquante particulière, d'une réaction fortement alcaline; sous l'influence d'une forte pression et d'un froid considérable, ce gaz se condense en un liquide incolore.
Quand on fait passer du gaz ammoniaque dans de l'eau froide, l'eau absorbe vivement ce gaz, et cette absorption s'accompagne d'un dégagement considérable de chaleur; le poids spécifique de l'eau diminue alors d'autant plus qu'elle s'empare d'une plus grande quantité d'ammoniaque. Un litre d'eau peut absorber 600 litres d'ammoniaque. Si l'on se représente l'ammoniaque combinée, dans cette solution, avec un équivalent H 20, de manière à former un hydroxyde d'ammonium, NH4OH (lequel n'est pas connu), la ressemblance avec la solution de potasse et de soude devient alors très considérable; la solution ammoniacale est, après ces deux derniers composés, la base la plus énergique que l'on connaisse. L'ammoniaque liquide officinale a un poids spécifique de 0,960 ; elle est incolore, limpide, d'une réaction fortement alcaline et d'une odeur ammoniacale très prononcée ; elle se combine directement avec les acides pour donner naissance à des sels ammoniacaux.
Action physiologique. — Les effets locaux que produit l'ammoniaque sur la peau et les muqueuses sont moins intenses que ceux de la potasse et de la soude, mais ils dépendent probablement des mêmes altérations de tissu: soustraction aqueuse, décomposition des substances albuminoïdes, gonflement et dissolution de la matière cornée et des tissus environnants (comp. p. 33).
L'ammoniaque étant volatile et pouvant être inspirée, ses effets s'étendent plus au loin dans l'organisme et peuvent notamment atteindre les organes respiratoires. Relativement à ces derniers, il faut remarquer que l'ammoniaque, de même que les alcalins, favorise la solubilité de la mucine dans le mucus, et rend par conséquent le mucus plus fluide.
Peau. — Sensation de chaleur brûlure, douleur. Si la solution est concentrée, inflammation de la peau, exsudation et vésication, et même cautérisation des couches profondes, qui se transforment en une bouillie onctueuse.
Muqueuse des voies digestives. — Une solution très diluée et à petite dose ne provoque aucun trouble appréciable, même après un usage prolongé; il se produit une simple neutralisation du suc gastrique, comme celle que déterminent les alcalins.
Une solution très concentrée, au contraire, donne lieu à une inflammation violente de l'estomac et de l'intestin, avec dissolution de l'épithélium, formation de masses considérables de mucus, hémorragies, douleurs intenses, vomissements, diarrhée.
102 AMMONIAQUE LIQUIDE. — Action physiologique
Muqueuse des organes respiratoires. — Les vapeurs qui se dégagent d'une solution ammoniacale étendue agissent sur le nerf olfactif, en faisant naître une odeur désagréable, et sur le trijumeau, en provoquant une assez vive douleur. Par suite d'une action réflexe ayant son point de départ dans ces parties, il se produit du larmoiement (qui peut d'ailleurs avoir aussi sa cause dans une irritation directe de la conjonctive) et des éternuements violents. ,
Quand un homme ou un animal aspire du gaz ammoniac concentre, l'irritation intense des muqueuses détermine, par action réflexe, une toux violente, des spasmes glottiques et.de la suffocation. Si, d'après Knoll, on fait aspirer à un animal, au moyen d'une canule trachéale, du gaz ammoniac étendu, on voit les mouvements respiratoires devenir faibles et superficiels et du tétanos inspiratoire se produire, par l'intermédiaire des pneumogastriques. Ces phénomènes ne doivent pas être considérés comme le fait d'une action spéciale de l'ammoniaque, car ils peuvent aussi être provoqués par l'inhalation trachéale du chloroforme ou d'autres substances volatiles. Quand l'expérience est faite avec de l'ammoniaque fortement concentrée, on voit les mouvements respiratoires devenir profonds et se ralentir et un tétanos expiratoire se produire, par suite d'une excitation des fibres expiratoires des pneumogastriques ; à cet effet en succède immédiatement un tout contraire : la respiration devient plus superficielle et s'accélère, consécutivement à une irritation des fibres inspiratoires des mêmes nerfs,
Des hommes ont pu être asphyxiés par de fortes inhalations d'ammoniaque. Ces inhalations s'accompagnent d'une douleur très intense au cou et à la poitrine; la toux est très violente et persiste souvent pendant un temps très long. Par suite d'une bronchite intense la trachée et les bronches sont remplies d'une grande quantité de mucus ; on a même vu se développer consécutivement une pneumonie et un oedème pulmonaire.
Appliquée en badigeonnages sur les muqueuses, l'ammoniaque à l'état de dilution provoque de l'inflammation et une sécrétion abondante d'un mucus fluide (Rossbach).
Appliquée directement et à l'état de concentration sur la muqueuse du larynx, l'ammoniaque liquide y provoque la production d'un exsudat inflammatoire, qui ressemble macroscopiquement à une membrane croupale (Oertel, H.Mayer).
Les phénomènes généraux dépendent, dans la plupart des cas, des altérations locales déterminées par l'ammoniaque (gastro- entérite, intoxication par acide carbonique, etc.). Ceux qui sont le fait de l'action même du poison ont été exposés dans les généralités sur les ammoniacaux.
Emploi thérapeutique.— L'ammoniaque était autrefois prescrite, comme agent curatif, dans un grand nombre d'états pathologiques contre lesquels elle n'a certainement pas la moindre efficacité; aussi les passerons-nous entièrement sous silence. Il ne sera question ici que de quelques circonstances dans lesquelles ce médicament s'est acquis une réputation toute particulière.
L'ammoniaque est actuellement, et depuis longtemps déjà, le médicament le plus en vogue contre les morsures des serpents venimeux (vipère,
AMMONIAQUE LIQUIDE. — Emploi thérapeutique 103
crotalus horridus, cobra di capello, naja, etc.) Les recherches expérimentales et les observations pratiques faites sur ce sujet sont loin de présenter une concordance parfaite. Cependant, en présence de plusieurs résultats favorables, mais surtout en l'absence de tout autre médicament meilleur, on fera bien, dans ces cas, d'essayer l'ammoniaque, sans oublier, bien entendu, les autres moyens que l'art nous fournit. On fait une injection sous-cutanée d'ammoniaque liquide (30 gouttes diluées avec partie é°-ale d'eau ou bien 1 d'ammoniaque sur 4 d'eau), et en même temps on en administre au malade une solution aqueuse très étendue. On renouvelle l'injection si les symptômes nerveux graves se reproduisent. L'emploi de l'ammoniaque à l'intérieur, combiné avec son application extérieure, donne des résultats certainement favorables dans les cas de piqûres d'autres animaux venimeux (scolopendre, araignées, scorpions, hyménoptères, diptères). — Dans les empoisonnements par l'acide cyanhydrique et par le chlore, l'efficacité de l'ammoniaque est douteuse; les recherches expérimentales faites à ce sujet sont peu probantes et les observations pratiques sont à peu près nulles. Comme antidote dans les empoisonnements par les acides minéraux, l'ammoniaque est superflue; et même elle serait nuisible, si elle était donnée en trop grande quantité.
L'emploi extérieur de l'ammoniaque est beaucoup plus étendu que son usage interne, et, bien que dans la plupart des cas on puisse lui substituer d'autres moyens aussi avantageux, il n'en est pas moins vrai que son efficacité ne peut pas être révoquée en doute. L'ammoniaque est, en général, employée pour déterminer sur la peau une légère irritation, surtout quand cette irritation doit être continuée un certain temps, par exemple dans les cas légers de rhumatisme articulaire chronique, dans les engelures, dans les contusions articulaires, etc. C'est un des moyens, comme on sait, dont on abuse le plus dans le public. C'est avec raison qu'on n'emploie pas l'ammoniaque comme caustique proprement dit ; pour produire la vésication, on se sert de préférence des préparations cantharidées. L'ammoniaque est encore employée en inhalations ; l'irritation intense qu'elle provoque sur la muqueuse nasale (trijumeau) est mise à profit pour réveiller les mouvements respiratoires, par exemple dans la syncope, dans l'ivresse alcoolique profonde, dans les empoisonnements par les. narcotiques, en un mot dans tous les cas de coma, alors que la respiration s'affaiblit et est sur le point de s'éteindre. Mais il faut être prudent dans l'emploi de ces inhalations ; car leur trop de durée pourrait amener un spasme glottique réflexe, avec toutes ses conséquences graves. Dans les empoisonnements par l'oxyde de carbone ou par l'acide carbonique, un air pur vaut mieux, comme l'expérience le démontre, que les inhalations d'ammoniaque.
DOSES ET PRÉPARATIONS. — I. Ammoniaque liquide, alcali volatil. —A l'intérieur, 0,1-0,5 (2 à 10 gouttes), dans une grande quantité d'eau ou dans un véhicule mucilagineux. Les doses à employer dans les cas de piqûres d'animaux venimeux ont été indiquées plus haut. Extérieurement, on l'applique à l'état de pureté sur la piqûre. Comme irritant cutané, elle est rarement employée pure ou diluée; on a recours de préférence, à certaines préparations dont elle fait partie. Pour inhalalations, on se sert de l'alcali volatil ordinaire.
2. Liniment ammoniacal ou volatil. — 4 parties d'huile d'olive de Provence
104 CHLORURE D'AMMONIUM. — C h l o r h y d r a t e d ' a m m o n i a q u e
et 1 partie d'ammoniaque liquide.' Masse blanchâtre, demi-liquide. Employé extérieurement, comme irritant cutané. .
3. Liniment volatil camphré. — 3 parties d'huile camphrée, 1 partie d huile d'oeillet et 1 partie d'ammoniaque liquide. Employé comme le précédent.
4. Liniment savonneux ammoniacal camphré, baume opodeldoch. —. 60 parties de savon médical, 20 parties de camphre, 810 parties alcool, 50 parties glycérine, 4 parties d'essence de thym et 6 parties essence de romarin, 50 parties d'ammoniaque liquide. D'après la pharmacopée autrichienne : 40 parties savon de Venise, 80 parties savon blanc commun, 500 parties alcool (70 pour 100), 5 parties essence de lavande et de romarin, 20parties d'ammoniaque et 10 parties camphre. Vulgairement mis en usage, et très souvent à contre-sens.
5. Liniment savonneux ammoniacal camphré liquide, baume opodeldoch liquide. — 120 parties d'alcool camphré, 350 parties de liniment savonneux alcoolique, 2 parties essence de thym, 4 parties essence de romarin, 24 parties ammoniaque liquide. Mêmes usages.
6. Alcoolé d'ammoniaque anisé..— 1 partie d'essence d'anis, 24 parties d'alcool, 5 parties d'ammoniaque liquide. 0,25-0,5 pro dosi (3 à 10 gouttes). Employé, soit isolément, dans un liquide mucilagineux, soit associé avec d'autres substances médicamenteuses. On ne l'emploie guère que comme expectorant, dans les cas qui seront examinés en détail à propos du sénéga, dans les cas où la sécrétion bronchique est fluide, accumulée dans les bronches, et que le malade n'a pas assez de force pour l'expulser. On le prescrit souvent associé avec le sénéga. Gomme il irrite encore plus que ce dernier, à plus forte raison faudra-t-il en éviter l'emploi dans les processus inflammatoires fébriles On l'a encore conseillé dans d'autres cas, par exemple dans le météorisme," etc.; mais il y a d'autres médicaments qui lui sont supérieurs.
2. CHLORURE D'AMMONIUM, CHLORHYDRATE D'AMMONIAQUE
Le chlorure d'ammonium, NH<C1, prend naissance quand on mélange, à volumes égaux, le gaz ammoniac avec le gaz chlorhydrique. C'est une poudre blanche cristalline, inaltérable à l'air. Sous l'influence de la chaleur, il se volatilise, en se décomposant en grande partie en ammoniaque et acide chlorhydrique. Il se dissout dans trois parties d'eau froide; il est insoluble dans l'alcool absolu.
Action physiologique. — Le chlorure d'ammonium, appliqué localement, agit beaucoup plus doucement que l'ammoniaque et le carbonate d'ammoniaque; injecté dans le sang, il est, au contraire, beaucoup plus toxique que ces deux composés, mais il tue de la même manière; nous pouvons donc renvoyer à ce qui vient d'être dit dans les pages précédentes. Les phénomènes qui précèdent la mort sont : violente gastrite, élévation de la pression sanguine, convulsions, enfin perte de la connaissance.
Quant à ce qui est de l'usage de petites doses médicamenteuses, chez l'homme et l'animal, il faut d'abord mentionner le goût fortement, salé, acre, du chlorure d'ammonium. Le sens de l'odorat n'est pas impressionné, parce que la molécule ammoniaque est fortement fixée et ne derient pas libre à la température ordinaire.
Wibmer, en prenant 0,5-1,20 de chlorure d'ammonium en une fois, et repétant cette dose chaque heure, a observé les effets suivants ; sensation de chaleur et de malaise à l'estomac, céphalalgie passagère, fréquentes envies d uriner; l'excrétion de l'urine et de la sueur ne fut pas augmentée notablement. L'usage prolongé du chlorure d'ammonium déterminait peu à peu des
CHLORURE D'AMMONIUM. — Action pliysiologique 105
troubles digestifs, mais presque jamais de la diarrhée ; l'amaigrissement devenait toujours considérable. Ce qu'il y avait de plus remarquable, même après l'usage de doses faibles, c'était l'effet qui se produisait sur les muqueuses, notamment sur la muqueuse des voies respiratoires, effet qui, après un usage prolongé du médicament, consistait en une véritable polyblennie.
Parmi ces effets, superficiellement observés, il en est un, celui produit sur la sécrétion du mucus, qui a été constaté par tous les autres observateurs; il paraît, par conséquent, certain et semble dépendre des mêmes causes que celui qui se manifeste après l'emploi du chlorure de sodium, bien qu'on n'ait pas démontré que le chlorure d'ammonium puisse, comme le chlorure de sodium, être directement éliminé avec le mucus. Mitscherlich, qui a étudié de plus près cette question de la sécrétion du mucus, chez des lapins auxquels il administrait du chlorure d'ammonium a toujours observé une augmentation de cette sécrétion : l'èpithélium était plus mou et les cellules épithéliales plus ou moins agrandies ; les cellules cylindriques, gonflées, se séparaient l'une de l'autre au plus léger contact et passaient en masse dans le mucus, où elles se dissolvaient peu à peu.
L'augmentation de l'excrétion urinaire paraît être un effet constant du chlorure d'ammonium administré à l'intérieur. Böcker, dans ses nombreuses expériences faites sur lui-même, a toujours rendu sous l'influence de ce sel, une quantité d'urine qui dépassait de 250 à 600 grammes la quantité normale.
Pendant longtemps on a cru que l'ammoniaque du chlorure d'ammonium ne se transformait en urée que dans le corps du lapin; que, dans le corps du chien, cette transformation ne se produisait pas ou ne se produisait qu'en quantité tout à fait minime; les récentes expériences de Munk-Salkowski ont démontré que, chez le chien, plus de 50 pour 100 du chlorure d'ammonium ingéré subissent cette transformation; que le chlorure d'ammonium se comporte donc sous ce rapport de la même façon que les autres composés ammoniacaux; mais cette transformation du chlorure d'ammonium chez le chien est très difficile à constater- pour les raisons suivantes : « Chez les chiens, à la suite de l'ingestion d'acides minéraux, la quantité des sels ammoniacaux contenus dans l'urine éprouve en général un accroissement notable, alors même que ces sels n'ont pas été administrés ; or l'acide chlorhydrique qui devient libre dans l'organisme aux dépens du chlorure d'ammonium doit aussi donner lieu à un accroissement de l'élimination de l'ammoniaque ; il est donc difficile de se rendre compte de la quantité d'urée formée aux dépens du chlorure d'ammonium, car c'est justement la différence de la quantité de NH 3 absorbée avec le chlorure d'ammonium et de la quantité de NH 3 apparaissant dans l'urine qui permet de calculer la partie de chlorure d'ammonium qui s'est transformée en urée. » La quantité d'urée résultant de cette transformation peut encore être légèrement accrue par suite de la décomposition d'un peu d'albumine sous l'influence du chlorure d'ammonium.
Bocker a encore constaté que, au début, la quantité absolue d'acide carbonique expiré subissait une augmentation assez notable, mais que sa quantité relative diminuait légèrement; cette augmentation de la quantité absolue de l'acide carbonique dépendrait simplement de la plus grande activité
106 CHLORURE D'AMMONIUN. - Usages thérapeutiques
de la respiration. Après un usage prolongé du chlorure d'ammonium, au contraire, la quantité absolue d'acide carbonique éliminé diminuerait considérablement, de même que sa quantité relative, de même que le nombre des mouvements respiratoires, tandis que le nombre de pulsations cardiaques s'élèverait très légèrement. Ces observations ont besoin d'être confirmées.
L'amaigrissement, à la suite d'un usage prolongé du chlorure d'ammonium, a été aussi noté par un grand nombre d'observateurs; il dépend peutêtre simplement du trouble de la digestion et de la diminution consécutive de l'alimentation.
Le chlorure d'ammonium, à doses thérapeutiques, n'exerce aucune influence sur la température ni sur la fréquence du pouls.
Usages thérapeutiques. — Le chlorure d'ammonium était autrefois prescrit dans un grand nombre d'affections. Actuellement on ne le prescrit plus que dans deux affections catarrhales, dans lesquelles il peut certainement être utile, ainsi qu'une observation impartiale le démontre, pourvu qu'il soit administré dans des conditions convenables. La première de ces affections catarrhales est le catarrhe gastrique, et les circonstances spéciales dans lesquelles il agit favorablement sont à peu près les mêmes que celles que nous avons indiquées à propos du bicarbonate de soude ; ainsi, de même que le bicarbonate de soude, on l'emploiera avec avantage dans ce groupe symptomatique qui porte le nom d'état gastrique, puis dans la deuxième période des catarrhes gastriques aigus, alors que les phénomènes inflammatoires sont passés et qu'il ne reste que quelques troubles digestifs analogues à ceux de l'état gastrique. Dans quels cas faudra-t-il employer le chlorure d'ammonium? Dans quels cas, au contraire, faudra-t-il donner la préférence au bicarbonate de soude? L'expérience répond : Il faut préférer le chlorure d'ammonium dans les cas où il existe, en même temps que le catarrhe gastrique, un catarrhe bronchique apyrètique ou un catarrhe bronchique aigu à sa seconde période ; en emploie plutôt le bicarbonate de soude, lorsque les voies respiratoires sont très irritables, lorsqu'il y a une grande tendance à la toux et quand le malade est très déprimé.
La seconde affection catarrhale dans laquelle le chlorure d'ammonium est utile, c'est le catarrhe bronchique, soit le catarrhe bronchique apyrétique, soit le catarrhe bronchique aigu, fébrile, parvenu à sa deuxième période, alors que les accidents inflammatoires ont disparu et qu'il ne reste plus qu'une expectoration difficile; quelquefois même on l'emploie dans la première période du catarrhe aigu, concurremment avec le tartre stibié, chez les personnes très robustes. Il est encore avantageux dans la pneumonie, quand la fièvre est tombée, qu'on perçoit à l'auscultation moins de râles crépitants que de râles sibilants et ronflants, et que l'expectoration est difficile. Dans le catarrhe bronchique chronique, avec expectoration abondante et facile, le chlorure d'ammonium est superflu. L'expérience nous apprend qu'il faut éviter de le prescrire aux phtisiques, surtout quand ils ont une grande tendance à la toux.
Autrefois on faisait respirer, dans les catarrhes bronchiques, les vapeurs sèches de chlorure d'ammonium ; cette méthode irrationnelle est aujourd'hui abandonnée. Mais les inhalations de solutions chloruro-ammoniacales sont encore aujourd'hui en usage, et l'on en retire de bons résultats. Waldenburg,
CARBONATE D'AMMONIAQUE. - Action physiologique 107
notamment, les a employées avec succès dans le catarrhe aigu des voies aériennes; il met ces inhalations en usage dès la première période de catarrhe aigu ou dans les exacerbations des catarrhes chroniques, avec ou sans emphysème.
Extérieurement le chlorure d'ammonium n'est plus employé que pour préparer des mélanges réfrigérants, et cet emploi est d'ailleurs bien rare.
• DOSES ET PRÉPARATIONS.— 1 Chlorure d'ammonium. — A l'intérieur, 0,5 jusqu'à 1,0 pro dosi (10,0 pro die); presque, toujours en solution; le meilleur correctif est le jus de réglisse, ou bien, si ce dernier est désagréable au malade, l'oléosucre de fenouil. En inhalations, 1,0-2,0-5, 0-10,,0: 500,0
On en fait encore des préparations sèches, avec la réglisse, sous forme de bâtons, de tablettes.
3. CARBONATE D'AMMONIAQUE
Le carbonate d'ammoniaque officinal se prépare en sublimant 1 partie de chlorure d'ammonium avec 2 parties de craie. Sa composition est variable, mais peut être, en général, représentée par la formule C03(NH4)2+2(C03HNH4); c'est un sesquicarbonate, analogue au sesquicarbonate de soude. Il a une odeur fortement ammoniacale. Il perd peu à peu de son ammoniaque, et devient sel acide; c'est ce carbonate acide qui forme cette couche opaque qui recouvre ordinairement les masses compactes, translucides, du premier sel.
Il se dissout dans 4 parties d'eau froide. La chaleur le fait complètement volatiliser.
Action physiologique. — Le carbonate d'ammoniaque agit comme le gaz ammoniac, mais plus faiblement. Il faut, donc des quantités plus considérables de ce sel pour produire les mêmes- effets qu'avec l'ammoniac. Pour ce qui est de ses effets généraux et locaux, voyez généralités et gaz ammoniac.
Nous nous bornerons à mentionner ici la théorie de Frerichs d'après laquelle les phénomènes urémiques qui se développent dans le cours de certaines affections des reins et des voies urinaires, seraient dus à ce que l'urée accumulée dans le sang donnerait naissance, sous l'influence d'un ferment, à du carbonate d'ammoniaque. Les meilleurs observateurs n'ont jamais pu trouver du carbonate d'ammoniaque dans le sang des individus urémiques (Oppler, Kühne et Strauch, Rosenstein, Bartels); et l'injection du carbonate d'ammoniaque dans le torrent circulatoire ne donne nullement lieu aux phénomènes qui caractérisent l'urémie. Frerichs admettrait, dans l'état actuel de la science, non pas une régression de l'urée à l'état d'ammoniaque, mais plutôt un défaut de transformation de l'ammoniaque en urée (Hallervorden).
Emploi thérapeutique. — Nous considérons comme entièremment superflus, pour la pratique, le carbonate d'ammoniaque et ses préparations.
Il a été employé, à l'intérieur, dans les mêmes cas que l'ammoniaque liquide. On en a fait un sudorifique ; mais s'agit-il d'obtenir une simple diaphorèse, il vaut mieux recourir aux infusions chaudes, et pour provoquer la diaphorèse, dans l'hydropisie, il est entièrement insuffisant. On lui attribue encore des propriétés excitantes, stimulantes, qu'on s'empresse de mettre à contribution pour combattre le collapsus, dans les affections les plus diverses (typhus, scarlatine, pneumonie asthénique, etc.). Nous avons souvent eu recours, dans les cas de ce genre, au vin, au café mêlé avec du rhum, aux injections sous-cutanées de camphre ou d'éther, et, quand ces moyens restaient insuffisants, le carbonate d'ammoniaque ne réussissait pas mieux. Nous ne pouvons donc pas lui attribuer des propriétés excitantes particulières.
DOSES ET PRÉPARATIONS. — 1. Carbonate d'ammoniaque, sel de corne de cerf,
108 . SUPPLÉMENT AUX AMMONIACAUX
0,1-0,5 pro dosi (2,0 pro die), en solution. Pour l'usage externe, l'ammoniaque
liquide est toujours préférable.
2. Solution d'acétate d'ammoniaque, esprit de Mindererus. — Solution à 15 pour 100. 2,0-5,0 pro dosi (10,0 pro die), en potion, ou ajoutée à une infusion diaphorétique. Prescrite, en général, comme diaphorétique.
SUPPLÉMENT AUX AMMONIACAUX
Il est encore d'autres composés dérivés des ammoniacaux et qui agissent, pour la plupart, de la même manière; je veux parler de ces ammoniaques dans lesquelles un ou plusieurs atomes d'hydrogène ont été remplacés par un radical alcool; par exemple, l'éthylamine, C2H5NH2 ; la méthylamine, CH3NH 2 ; la trimèthylamine (CH3)3N; toutes ces substances ont une odeur ammoniacale.
La triméthylamine, N(CH 3) (la propylamine, autrefois employée en médecine, n'est pas autre chose qu'une triméthylamine impure), se forme dans divers végétaux, dans l'huile de foie de morue, dans la saumure de hareng. C'est une ammoniaque dans laquelle les 3 atomes H sont remplacés par 1 molécule de méthyle, CH 3. Elle a une odeur et un goût très désagréables. Son action locale est assez irritante. A doses moyennes, elle détermine une diminution de la fréquence du pouls, un abaissement de la pression sanguine et de la température; à doses toxiques, elle donne lieu à des convulsions, comme les sels ammoniacaux. Elle est à peu près trois fois moins toxique que l'ammoniaque (Husemann). On l'a recommandée contre le rhumatisme aigu; elle fait baisser la fièvre,.mais n'abrège nullement la durée de la maladie; on l'a conseillée encore contre la chorêe, qu'elle pourrait, dit- on, faire disparaître en très peu de temps (3 jours), aux doses quotidiennes de 1 gramme (1,0 : 150,0 d'eau, chaque heure une cuillerée à bouche). — La triméthylamine du commerce, ou propylamine, ne renferme que des quantités très variables de triméthylamine (entre 16 et 20 pour 100).
Quelques bases ammoniacales des carbures d'hydrogène, par exemple l'iodure de tétraméthylammonium, paralyseraient, à la manière du curare, les terminaisons des nerfs moteurs (Brown et Fraser, Rabuteau). NH2C-NH 2
La guanidine, , c'est-à-dire le carbone diamide-imide. se décomNH
décomNH facilement, au contact des solutions alcalines, en ammoniaque et urée. D'après Gergens et Baumann, elle se transformerait aussi en grande partie dans l'organisme, et il n'y en aurait qu'une petite partie qui serait éliminée sans être décomposée. Chez les animaux à sang froid, elle provoque des contractions musculaires fibrillaires, consécutivement à une irritation exercée sur les terminaisons intramusculaires des nerfs. Ces contractions persistent encore sur un pied séparé du reste du corps et peuvent être empêchées par le curare. La respiration' et le coeur ne sont influencés que par des doses toxiques. Chez les animaux à sang chaud, les phénomènes spasmodiques généraux tiennent le premier rang, et résultent d'une excitation intense de la moelle épinière, laquelle finit par être paralysée (Gergens). Toutefois il se produit aussi, notamment au début de l'empoisonnement, des contractions isolées de tous les musclés du corps, même après la section des nerfs moteurs correspondants. Elle agit donc, chez les animaux à sang chaud, en exaltant l'excitabilité des nerfs et des muscles, de sorte que, à excitation égale, les contractions sont deux et trois fois plus fortes qu'à l'état normal (Rossbach).
Les empoisonnements par les ammoniacaux doivent être traités comme ceux par les alcalins.
Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, ai-t. AMMONIAQUE rar DEUOUX DE SAYIGNAC et BEAUGRAND. Paris. 1865.
III MÉTAUX
Parmi les nombreux corps désignés sous le nom de métaux, il n'y en a qu'un petit nombre dont l'action physiologique ait été bien étudiée ; ceux-là seuls sont employés en thérapeutique. On peut, les diviser, relativement à leurs effets sur l'organisme animal, en trois groupes :
1er groupe : aluminium, plomb, cuivre, zinc, argent. - 2e groupe : fer.
3° groupe : manganèse, mercure, or.
Les autres métaux, dont l'action physiologique n'a presque pas été étudiée, n'ont jamais pu entrer pleinement dans la matière médicale.
Tous les composés solubles de ces métaux offrent les caractères communs suivants : ils ont une grande tendance à se combiner chimiquement avec les substances albumineuses ; c'est pourquoi ils exercent, quand ils sont concentrés, une action caustique sur tous les tissus. Quand ils ont pénétré dans l'organisme, ils y restent fixés avec plus ou moins de ténacité ; ils s'éliminent lentement, difficilement ou même pas du tout.
L'étroite affinité de ces métaux pour les substances albumineuses donne à leurs effets sur l'organisme des caractères tout particuliers. Ainsi les sels métalliques ordinairement employés provoquent, quand ils sont administrés en une dose unique élevée, un empoisonnement local aigu, une cautérisation, qui présente les mêmes symptômes qu'un empoisonnement produit par tout autre caustique ; quant à déterminer un empoisonnement général aigu, ils ne sont pas en état de le faire, parce que la plus grande partie de ces composés se fixe immédiatement, dans les premières voies, sur les substances albumineuses Ldes muqueuses, puis est expulsée en grande partie avec le tissu détruit (empoisonnement local aigu), et il ne s'en absorbe qu'une quantité si faible, qu'il ne peut en résulter aucun effet bien manifeste. Si, au contraire, ces métaux sont fréquemment administrés, même à doses extrêmement petites, ils finissent, à cause de la ténacité de leurs combinaisons et de la lenteur de leur élimination, par s'accumuler en si grande quantité dans l'intérieur du corps, qu'il se produit à la fin une action générale, un empoisonnement général chronique.
Dans le but de donner lieu à des intoxications générales aiguës, on a, dans ces derniers temps, fait de nombreuses expériences avec de nouveaux composés métalliques, qui renferment le métal déjà combiné avec l'albumine
110 METAUX
et à l'état de dissolution, ou qui se comportent d une manière indifférente a l'égard des solutions albumineuses neutres et alcalines, qui ne précipitent point ces solutions, ou qui enfin ne sont pas précipitables même dans des solutions alcalines et qui, par conséquent, peuvent, sans subir aucune modification, être injectés directement dans le sang. Les composés de ce genre ne pouvant plus, dans l'organisme, se fixer sur des points limités, ne pouvant plus par conséquent produire aucune cautérisation locale, pénétrent en totalité à l'état de dissolution dans le torrent circulatoire et donnent lieu à des effets généraux aigus, qui offrent la plus grande ressemblance avec les effets généraux chroniques. A cette catégorie de composés appartiennent beaucoup de sels doubles métalliques, d'albuminates et de peptonates doubles, tels que le chlorure double de sodium et de mercure, l'iodure double de mercure et de sodium, le chlorure double de sodium et de platine, l'hyposulfate de soude et d'argent, le tartrate de soude et de cuivre, l'albuminate et le peptonate de chlorure de mercure et de sodium, le peptonate d'argent, l'albuminate de fer, la solution d'albuminate de cuivre dans le carbonate de soude, etc. Grâce à ces composés on est parvenu à obtenir de très beaux résultats thérapeutiques (voyez mercure) et à se faire des idées nouvelles sur l'action physiologique de ces divers métaux.
Le fer se distingue des autres métaux en ce que son emploi, loin de produire des effets toxiques, est au contraire un des éléments de la santé.
Métalloscopie et mèlallothérapie. — Un emploi particulier des métaux, qui rappelle un peu le traitement magnétique de Mesmer, a été recommandé par les médecins français ; des paralysies unilatérales de la sensibilité, dépendant de maladies cérébrales, et notamment de l'hystérie, pourraient être guéries par certains métaux particuliers, choisis empiriquement ; ces métaux ont été appliqués sous forme de plaques (plaques d'or, par exemple) sur la peau ou les muqueuses, ou administrés sous forme de sels solubles (par exemple, chlorure d'or et de sodium 0,01 : 1,5 d'eau distillée, 10 gouttes plusieurs fois par jour) ; les aimants agiraient de la même façon que les métaux actifs.
Laissant de côté un grand nombre de particularités intéressantes au point de vue physiologique, nous nous bornerons à ceci : Le fait, que l'application d'une plaque métallique peut réveiller passagèrement la sensibilité, surtout dans les anesthésies hystériques, ce fait ne peut être révoqué en doute, bien que pourtant ces applications, de même que l'emploi des aimants, aient parfois, chez les hystériques même, donné lieu à des effets fâcheux. Pour expliquer ces phénomènes d'apparence mystérieuse, on a cru pouvoir admettre le développement de courants électriques tout à fait légers; mais cette explication ne tient pas devant les observations bien des fois confirmées, d'après lesquelles les mêmes effets thérapeutiques ont pu être produits par l'application de plaques de bois, d'os ou de pâte de moutarde; Schiff à émis une autre hypothèse; d'après lui, les modifications dans les molécules nerveuses, d'où provient l'hémianesthésie, seraient peut être neutralisées par les chocs moléculaires produits par les plaques métalliques ; mais cette hypothèse ne nous semble pas mieux éclaircir le fait.
Rumpf fait remarquer qu'on peut provoquer, même chez les personnes à l' état sain, au moyen de la pâte de moutarde ou des plaques métalliques, des
FER. — Effets physiologiques
111
phénomènes tout à fait analogues, notamment ces échanges surprenants de la sensibilité qui se produisent entre les membres des deux côtés. D'après Rumpf, les effets des plaques métalliques pourraient être attribués à la différence de température entre ces plaques et la peau, en second lieu à une irritation très légère se développant peu à peu, irritation qui trouverait peut-être son explication dans la différence des pouvoirs conducteurs pour la chaleur. Les effets physiologiques qui en résultent seraient (d'après Westphal) des modifications du liquide sanguin, modifications qui seraient locales, périphériques, ou qui peut-être intéresseraient en même temps les parties correspondantes des organes centraux. Nous croyons du reste qu'une part tout à fait essentielle dans ces effets, notamment chez les hystériques, doit être attribuée à des influences morales.
I. Fer
Le fer mérite, relativement à son action sur l'organisme, une place tout à fait à part parmi les autres métaux graves. Il est le seul, en effet, qui ne soit pas nuisible à la santé, le seul qui, pendant toute la vie, soit absorbé journellement en petites quantités, sans donner lieu à un empoisonnement chronique, le seul qui fasse normalement partie du corps et qui joue, dans le processus de la vie, un rôle extrêmement important.
Importance et effets physiologiques. — Le fer est un élément essentiel de l'organisme vivant; le corps d'un homme de 70 kilogrammes en renferme en moyenne 3gr,07 (Gorup-Besanez). Tout ce fer pénètre dans l'organisme avec les aliments, à l'exception, bien entendu, de celui que le foetus apporte dans son hémoglobine au moment de la naissance. Il est donc intéressant de connaître la richesse en fer des principaux aliments qui servent à la nutrition de l'homme et des animaux. Voici le résultat des analyses de Boussingault :
100 gr., à l'état frais, de viande de boeuf, contiennent. . . . 0,0048 de fer.
— — viande de veau — .... 0,0027 —
— — viande de poisson — . 0,0015-0,0042 —
— — lait de vache — .... 0,0018 —
— — oeufs de poule — .... 0,0057 —
— — pain blanc de froment — .... 0,0048 — -^ _ maïs — . . . . 0,0036 -
■ _ - riz _..... 0,0015 -
_ fèves - ■ • • • 0,0074 -
— - lentilles - . . ■ • 0,0083 -
— — pommes de terre — .... 0,0016 —
— — avoine — .... 0,0131 —
— — épinards — .... 0,0045 —
— — feuilles v. de choux — .... 0.0039 — 100 centim. cubes de vin rouge (Beaujolais) — .... 0,000109 —
— vin blanc ÏAlsace) — .... 0,000076 —
_ bière _ . . . . 0,000040 -
Boussingault a calculé, d'après ces chiffres et d'autres encore, que la quantité de fer contenue dans la portion quotidienne d'un soldat français est
112 FER. — Effets physiologiques
de 0,0661-0,078 ; qu'un travailleur de terre absorbe en moyenne 0,0912 de ce métal, et qu'un cheval en absorbe 1,0166-1,5612.
Il suffit, pour satisfaire le besoin qu'un homme sain a du fer, que les aliments dont il se nourrit en renferment en moyenne 5 centigrammes par jour.
Absorption et élimination du fer
Absorption du fer et ses effets locaux sur le canal digestif. — L'absorption du fer ne peut pas se faire à travers la. peau intacte : si donc certaines maladies ont été améliorées à la suite des bains ferrugineux, cette amélioration n'est certainement pas le fait d'une absorption du fer. Mais cette absorption peut se faire par les plaies et les surfaces ulcéreuses. Quand on injecte dans le tissu cellulaire sous-cutané un sel de fer faible, facilement soluble, par exemple le citrate de fer, ce sel est rapidement absorbé, et sa présence peut être, une heure après, décelée dans les urines ; les sels fortement styptiques, au contraire, par exemple le perchlorure de fer, ne font que détruire les tissus et ne pénètrent pas dans la circulation.
Dans la bouche, tous les composés ferrugineux solubles provoquent une saveur métallique, styptique (goût d'encre), ce qui provient d'une combinaison du sel avec les substances albumineuses de la muqueuse buccale et des terminaisons superficielles des nerfs du goût. Les divers composés de fer provoquent ce goût d'une manière plus ou moins intense ; ils sont encore sapides à l'état de solution très étendue (1 : 2000 jusqu'à 1 : 9999). Les albuminates de fer n'ont aucune saveur, parce que, dans cet état, le fer a eu déjà ses affinités satisfaites, avant d'être mis en contact avec la langue (Buchheim et Meyer). Les dents se colorent en noir après un usage prolongé des sels de fer solubles; cette coloration est attribuée par les uns à la formation d'un sulfure de fer, par les autres à celle d'un tannate de fer. Il se fait déjà dans la cavité buccale une absorption de très petites quantités de fer (Mitscherlich).
Dans l'estomac, les composés ferrugineux insolubles sont partiellement dissous par les acides du suc gastrique. Le fer'métallique se transforme en protoxyde et en sesquioxyde qui se combinent avec les acides de l'estomac; cette transformation s'accompagne d'une décomposition et d'un dégagement d'hydrogène (d'où éructations nidoreuses).
En général tons les ferrugineux, même ceux qui sont difficilement solubles, semblent se transformer finalement dans l'estomac en protochlorure de fer, d'où il résulte qu'il est assez indifférent d'employer en thérapeutique telle ou telle préparation. Ce protochlorure de fer se trouve alors, dans le liquide acide de l'estomac, à côté de l'albumine acide et de la peptone. Le fer en solution acide ne pouvant jamais entrer.en combinaison avec les substances albumineuses ou avec les peptones, il en résulte que la muqueuse stomacale n'est pas particulièrement attaquée par le sel ferrugineux. La pénétration dans le sang se fait très rapidement; là les molécules de proto-. chlorure de fer se combinent avec l'albumine absorbée en même temps ou fournie parle sang et forment, par l'adjonction de l'alcali à l'état de liberté, l'albuminate alcalino-ferreux soluble; c'est dans cet état qu'elles circulent dans le sang jusqu'à ce qu'à la fin l'hémoglobine les absorbe (Scherpf).
FER. — Effets physiologiques H3
Le fer non absorbé dans l'estomac arrive dans les parties de l'intestin où la réaction est alcaline, et là il se présente à l'absorption à l'état d'albuminate ou de peptonate alcalino-ferreux (Scherpf).
Les troubles digestifs, qu'on observe souvent à la suite d'un long traitement par les ferrugineux, semblent donc se produire quand une quantité suffisante d'albumine n'est pas introduite dans l'estomac en même temps que le fer et quand le suc gastrique acide n'est pas sécrété en quantité suffisante. Une alimentation riche en albumine en même temps que l'administration de l'acide chlorhydrique seraient donc les meilleurs moyens pour prévenir l'apparition de ces troubles fâcheux. L'hydrate de peroxyde de fer et les sels de peroxyde de fer, employés à petites doses, ne mettent guère obstacle à la peptonisation de'la fibrine; mais, employés à l'état de concentration, ils y mettent obstacle d'une manière manifeste (Bubnow). Dùsterhoff dit avoir observé que les sels ferrugineux des acides organiques, employés même à petites doses, entravent fortement la digestion de la pepsine. La putréfaction d'un mélange de pancréas et de fibrine est entièrement supprimée par l'addition de 5 pour cent de sulfate de fer; elle n'est que légèrement entravée par l'addition d'une quantité moindre de sel. Les sels de peroxyde de fer passent dans l'intestin à l'état de sels de protoxyde par suite de l'action réductrice des processus de putréfaction (Bubnow) 1.
Les ferrugineux à doses très élevées et à l'état de concentration provoquent une inflammation gastro-intestinale (sensation de pression au creux épigastrique, douleurs abdominales, diarrhée), quand ils sont obligés de satisfaire leurs affinités uniquement sur les parois de l'estomac et de l'intestin.
De ce que la quantité de fer ingérée se retrouve presque tout entière dans les matières fécales, on a conclu qu'il ne s'en absorbait presque pas dans l'estomac et l'intestin ; mais cette conclusion est fausse. En effet, il est démontré qu'il se fait continuellement, notamment par la bile, une élimination assez considérable de fer; cette perte qu'en fait l'organisme ne peut évidemment être compensée que par l'absorption d'une nouvelle quantité de fer. Les recherches dé Wild sur l'absorption et l'élimination du fer, dans son passage à travers le canal intestinal, donnent, à ce sujet, des indications très intéressantes : il a nourri, pendant dix jours, des moutons, avec un foin qui contenait 0,236 pour 100 de peroxyde de fer; l'analyse du bol alimentaire et fécal, dans les différentes parties des voies digestives, lui a donné les résultats suivants :
Foin 0,236 p. 100 Intestin grêle. . . . 0,138 p. 100
Estomac 0,058 — Coecum 0,197 —
Feuillet 0,070 — Côlon,. ..... 0,170 —
Caillette 0,111 — Rectum 0,217 —
Il résulte de là qu'il s'absorbe, dans l'estomac, des quantités considérables de fer (presque la moitié de celui qui a été ingéré), mais qu'il s'en élimine ensuite très rapidement de nouvelles quantités par les sécrétions intestinales, et que, par conséquent, le fer est soumis, dans l'organisme, +à un mouvement d'assimilation et de désassimilation très actif. Dans les parties inférieures de l'estomac, il se trouvait déjà des quantités plus considérables de fer que dans les parties supérieures, ce qui pourrait bien proNOTIINAOEL
proNOTIINAOEL ROSSBACH, Thérapeutique. 3
114 FER. — Effets physiologiques
venir de ce fait parfaitement constaté, à savoir que le suc gastrique pur contient aussi de ce métal, de telle sorte qu'il se fait dans l'estomac non seulement une absorption, mais encore une élimination de fer.
Les résultats obtenus par Hamburger ne concordent pas, il est vrai, avec ce que nous venons de dire. Hamburger a observé, chez des chiens, que l'addition à leurs aliments d'une quantité considérable de sulfate de fer n'augmentait pas, pendant les cinq premiers jours, l'élimination du fer par l'urine, et que, dans les jours suivants seulement, il se manifestait une augmentation tout à fait minime de cette élimination. Sur 441 milligrammes de fer ingérés, 12 milligrammes seulement furent trouvés dans l'urine et 2 milligrammes seulement disparurent dans l'organisme. Hamburger a encore nettement constaté, chez des chiens à fistule biliaire, qu'aucune partie du fer ingéré n'apparaissait dans la bile, et il conclut de là qu'il ne s'absorbe que des quantités tout à fait minimes des sels de fer introduits dans l'estomac.
Sous quelle forme le fer s'absorbe- t-il? s'est demandé Bunge, et il a cru pouvoir éclaircir cette question en faisant l'analyse des composés ferrugineux du lait et du jaune d'oeuf, qui constituent un aliment complet, le premier pour le nouveau-né, le second pour le foetus. Tout le fer contenu dans le jaune d'oeuf s'y trouve à l'état d'une combinaison organique, qui, outre des traces de calcium, de magnésium et de chlore, contient beaucoup de phosphore, et qui peut être comprise dans le groupe des nucléines. Le composé organique en question, désigné par Bunge sous le nom d'hématogène, se rapproche beaucoup, d'après sa composition, de la nucléine et de l'hémoglobine. Le lait ainsi que nos céréales et nos légumineuses les plus importantes ne contiennent que quelques traces à peine appréciables de composés ferrugineux inorganiques. Bunge admet donc que le fer ne se trouve, dans nos aliments, qu'à l'état d'une combinaison excessivement compliquée, engendrée par les processus vitaux de la plante, qu'il est absorbé sous cette forme et employé ensuite à la formation de l'hémoglobine. L'efficacité bien constatée des sels ferrugineux inorganiques dans la chlorose pourrait s'expliquer, d'après Bunge, en admettant que ces sels préservent de la décomposition les composés ferrugineux inorganiques, décomposition à laquelle l'hématogène, facilement décomposable, serait exposée dans les troubles gastro-intestinaux qui ne font jamais défaut chez les chlorotiques. En faveur de la justesse de cette hypothèse on pourrait citer cette circonstance, que les sels ferrugineux inorganiques sont sans efficacité dans toutes les anémies, dont la cause réside par delà la paroi intestinale.
Avec la manière de voir ci-dessus exprimée concorde encore l'observation de Sander, d'après laquelle la chlorose pourrait être traitée efficacement par l'acide chlorhydrique aidé d'un régime diététique convenable; l'acide chlorhydrique, en vertu de ses propriétés antifermentescibles, préserverait aussi de la décomposition l'hématogène facilement décomposable.
Elimination du fer de l'organisme. — Il pénètre continuellement une grande quantité de fer dans la circulation ; je n'en veux pour preuve que l'élimination abondante de ce métal par mille canaux divers. Or, cette élimination suppose nécessairement une absorption proportionnelle, sans quoi
FER. — Effets physiologiques 115
l'insuffisance du fer dans le sang se trahirait continuellement par des phénomènes morbides.
On trouve de très petites quantités de fer dans la sueur, dans la salive, dans les sucs gastrique et pancréatique, dans le mucus de toutes les muqueuses et dans le pus. Dans le lait de chèvre et de femme, Liebreich et Bistrow ont trouvé Ogr,01 pour cent de fer ; cette, quantité augmente du double sous l'influence de la médication ferrugineuse.
L'urine ne renferme aussi que de très faibles quantités de fer; dans le pigment urinaire de Scherer se trouve une matière soluble dans l'éther, l'urohématine de Harley, laquelle contient régulièrement du fer Dans 1 litre d'urine, Magnier a trouvé 0gr,007 de fer. Dans 1500 centimètres cubes d'urine, quantité moyenne excrétée par jour, on trouve 0gr,01 de fer (Hamburger).
D'après Hamburger, l'usage des ferrugineux ne fait pas augmenter essentiellement la quantité de fer éliminée avec les urines ; la présence du fer dans l'urine ne pouvant être décelée par les réactifs ordinaires (sulfure d'ammonium), Hamburger croit que le fer absorbé n'est pas éliminé en nature, mais à l'état d'une substance organique contenant du fer. Maj^er doute que le fer de l'urine provienne des reins ; il pourrait aussi bien provenir des muqueuses des organes urinaires.
D'après toutes les observations, la bile est le liquide qui entraîne avec lui hors du sang la plus grande quantité de fer. Dans 100 parties de bile fraîche, appartenant à des hommes ou à des animaux, on trouve 0gr,004 à 0gr,0068 de fer (Young, Hoppe-Seyler, Kunkel). Chez un chien de 4 kilogrammes, auquel il avait pratiqué une fistule biliaire, Kunkel a trouvé que la quantité de fer qui s'éliminait tous les jours avec la bile était de 0gr,004 à 0gr,006. La quantité de fer qui s'élimine par jour avec la bile, chez l'homme, n'a pas été déterminée. Si l'on admet, avec Ranke, que la sécrétion de la bile, chez l'adulte, est de 600 centimètres cubes par jour, on peut supposer que la quantité de fer que contiennent ces 600 centimètres cubes est de 0gr0408. D'après Hoppe-Seyler, Mahy, Jaffe, c'est la destruction de l'hématine qui est la source de ce fer, comme celle de la matière colorante biliaire (bilirubine). Or 100 parties de matière colorante biliaire contiennent 1,5 de fer, tandis que 100 parties d'hématine contiennent 9,79 de ce métal; de là Kunkel tire la conclusion que, après la destruction de l'hématine, il n'y qu'une petite partie du fer qui soit rejetée à l'extérieur, tandis que la plus grande partie est retenue dans le sang. Très probablement, dit Kunkel, le fer se trouve dans la bile à l'état de phosphate de protoxyde.
Le fer qui existe en grande quantité dans les matières fécales provient de celui ingéré avec les aliments et non absorbé, et de celui éliminé avec la bile, le suc pancréatique et le mucus intestinal. D'après Fleitmann, la quantité de fer qui s'élimine par jour avec les matières fécales est, en moyenne, de 0gr,038. Chez des animaux à jeun, Bidder et Schmidt ont trouvé dans les fèces six à dix fois plus de fer que dans l'urine; ils en concluent que l'élimination du fer se fait principalement par l'intestin.
Si nous faisons la somme de toutes les quantités de fer qui s'éliminent par les différentes voies que nous venons de passer en revue, nous trouvons que la quantité moyenne de fer que l'organisme rejette tous les jours est de
116 FER. — Effets physiologiques
5 centigrammes ; c'est aussi la quantité moyenne qu'il absorbe avec les aliments.
Rôle du fer dans le sang
Il est parfaitement démontré que ce n'est pas dans les organes que le fer joue le principal rôle, mais bien dans le sang; le fer est un des éléments principaux de ce liquide; sans lui le sang ne pourrait pas être formé.
Le fer ne se trouve pas dans le sérum sanguin, mais seulement dans les globules, dans lesquels il est combiné chimiquement avec hémoglobine. L'hémoglobine a, pour chaque espèce animale, une composition constante, de sorte que chaque molécule d'hémoglobine, appartenant à une même espèce animale, contient toujours la même quantité de fer. On peut donc, pour chaque animal, calculer la quantité d'hémoglobine du sang d'après la quantité de fer qui s'y trouve, et réciproquement, la quantité de fer d'après la quantité d'hémoglobine. La richesse du sang en fer est donc proportionnelle à sa richesse en hémoglobine. Aussi ne pouvons-nous pas faire l'étude de l'action physiologique du fer, sans faire en même temps celle de l'hémoglobine.
Les cristaux d'hémoglobine purs, chez divers animaux, ont, d'après Hoppe-Seyler, la composition suivante :
DANS LA SUBSTANCE DESSÉCHÉE AU-DESSUS DE 100° EAU DE
CRISTALLISATION I
C H N O S Fe P= Os
Chiens. 3-4 p. 100 53.85 7.32 16.17 21.84 0.39 0.43 »
Oies 3-7 p. 100 54.26 7.10 16.21 20.69 0.54 0.43 0.77
Cochons d'Inde 3-6 p. 100 54.12 7.36 16.78 20.68 0.58 0.48 »
Écureuils . 3-9 p. 100 54.09 7.39 16.09 21.44 0.40 0.59 »
Comme on le voit, la composition de l'hémoglobine, chez les différents animaux, présente de grandes ressemblances, lesquelles ressortent encore; de ces faits, à savoir que l'hémoglobine, à quelque animal qu'elle appartienne, se comporte toujours de la même manière à l'analyse spectrale, et possède la même propriété d'absorber l'oxygène de l'air et de dégager cet oxygène dans un milieu qui en est privé ; mais d'un autre côté, il n'y a pas identité complète entre les diverses hémoglobines, ce que démontrent notamment les différences qui existent dans leur richesse en fer, en soufre et en phosphore, leur solubilité différente dans l'eau et leur forme cristalline différente.
D'après les analyses de Preyer, la composition de l'hémoglobine doit être représentée par la formule C600H960N154FeS3O 179 IL n'est pas étonnant qu'on ne connaisse pas encore la constitution de cette énorme molécule ; toutefois on n'est peut-être pas trop loin de la vérité en admettant qu'elle renferme diverses substances albumineuses unies aux pigments ' contenant le fer (hémochromogène et hématine) ; en effet, l'hémoglobine, peu stable par elle-même, donne, en se décomposant, des substances albumineuses, des acides gras volatils et les pigments ferrugineux ci-dessus mentionnés.
FER. — Effets physiologiques 117
Sous quelle forme le fer est-il uni à la molécule hémoglobine? Nous ne le savons pas encore avec certitude; nous devons croire toutefois qu'il s'y trouve en combinaison organique, car aucune réaction directe ne peut en déceler la présence dans le sang. Les discussions anciennes, pour savoir si le fer est contenu dans l'hémoglobine à l'état de métal ou d'oxyde, n'ont plus aujourd'hui aucun sens, comme dit Hoppe-Seyler ; mais on peut se demander s'il y existe a l'état de composé ferreux ou ferrique. Dans l'analyse de l'hématine on obtient le fer à l'état de sel ferreux, mais il ne s'ensuit pas qu'il y existe à l'état de protoxyde. Les divers processus réducteurs, qui ne peuvent que faire passer le fer de l'état de peroxyde à celui de protoxyde, dégageant immédiatement le fer de l'hématine, sans modifier beaucoup d'ailleurs l'édifice atomique, il est probable que le fer y existe à l'état de sel ferrique et que la place qu'il y occupe est très facilement accessible. Les produits de décomposition organique ne contenant point de fer sont plutôt entraînés hors des extravasats sanguins que ceux qui contiennent du fer ; quand on introduit par voie hypodermique du lactate de fer chez des animaux, on constate encore une forte réaction- de fer dans les morceaux de tissus excisés au bout d'une semaine, tandis que la présence de l'acide lactique ne peut plus y être démontrée; le fer qui reste consisterait, d'après B. Hecht, en hydrate de peroxyde de fer pur. Hindenlang a trouvé aussi, dans un cas de maladie de Werlhof, les plaques de pigment presque entièrement composées d'hydrate de peroxyde de fer. En cherchant le rapport de l'atome fer, dans l'hémoglobine ou l'hématine, avec l'oxygène dégagé de la matière colorante du sang, on trouve, dans l'oxtyhémoglobine, pour 1 atome fer, 2 atomes ou 1 molécule oxygène, sous la pression de l'oxygène (Hoppe-Seyder).
Naturellement cela ne peut être admis que pour l'oxyhémoglobine saturée d'oxygène. Dans le sang vivant, au contraire, qui dégage de grandes quantités d'oxygène pendant qu'il circule dans les capillaires et qui en absorbe de grandes quantités pendant sa circulation dans les poumons, le degré d'oxydation du composé ferrugineux doit être soumis à un changement continue], s'élever dans le sang artériel, s'abaisser dans le sang veineux.
L'oxygène du sang est très probablement combiné avec le fer de l'hémoglobine. En effet, le degré de saturation du sang par l'oxygène est exactement proportionnel à la quantité de fer et d'hémoglobine qu'il contient (c'est là-dessus qu'est fondée la méthode de Quinquaud pour la détermination de l'hémoglobine) ; suivant que la richesse du sang en hémoglobine et en fer augmente ou diminue, son pouvoir d'absorption pour l'oxygène augmente ou diminue dans les mêmes proportions (voy. Oxygène). Ce qui permet encore d'admettre cette combinaison de l'oxygène avec le fer de l'hémoglobine, c'est que les mêmes réactifs, qui jouent le rôle d'agents réducteurs dans le sang, se comportent de la même manière à l'égard du protoxyde, du peroxyde de fer et de leur sels, et que, de plus, les solutions de protoxyde de fer absorbent rapidement l'oxygène de l'air, pour se transformer en solutions de peroxyde, et s'oxydent encore plus rapidement quand elles sont unies à des substances albumineuses. [Enfin, l'évaluation de la quantité d'oxygène qui doit s'unir au fer, dans le sang, s'accorde parfaitement avec la valeur trouvée :
118 FER. — Effets physiologiques
1 gramme hémoglobine contient 0gr,0042 de fer.
Si maintenant dans l'hémoglobine 1 Fe peut s'unira 2.0,1 gramme hémoglobine avec 0,0042 Fe doit pouvoir s'unir à 0,0024 O.
Or, d'après Hoppe-Seyler, Preyer et autres, 1 gramme hémoglobine contient 1,25 centimètres cubes 0, mesurés à zéro et 1 mètre de pression, c'està-dire 0gr,00235 0.
Variations de la richesse du sang en hémoglobine et en fer
La quantité d'hémoglobine et de fer que contient le sang, et son degré de saturation par l'oxygène, varient extrêmement chez le même individu, à plus forte raison chez les individus différents.
A. Si le sang s'écoule d'un organe dans lequel se fait un dégagement d'eau ou dans lequel il se forme de nouveaux corpuscules sanguins, par exemple des reins ou delà rate, ce sang contiendra une plus grande quantité d'éléments solides et de fer ; par contre, il sera plus pauvre en ces éléments, s'il provient d'organes dans lesquels il se fait une absorption d'eau ou une destruction de corpuscules sanguins, s'il provient, par exemple, des veines du foie.
Le sang artériel contient d'une manière constante moins de globules rouges et moins d'hémoglobine que le sang veineux, ce qui s'explique aisément par le courant de diffusion qui a lieu dans les capillaires et qui a pour résultat de soustraire de l'eau au sang ; cette observation concorde avec celle d'après laquelle le nombre des globules rouges est le même dans tous les points du système artériel, tandis qu'il est très différent dans les diverses régions du système veineux '(Otto).
B. Le sang est plus ou moins dilué suivant que la quantité d'eau absorbée a été plus ou moins considérable; cela est évident. Il n'en est pas de même de l'influence de l'alimentation. Voici ce que démontre l'expérience.
Une alimentation pauvre en albumine, peu azotée (ainsi que l'accumulation de la graisse dans le corps), a pour résultat une diminution de la quantité d'albumine et de fer (Subbotin, Panum) ; voilà pourquoi le sang des herbivores contient moins de fer que celui des carnivores. Chez un chien nourri, pendant dix-huit jours, seulement avec de la viande, on a trouvé, dans les cendres du sang, 12,75 pour 100 de fer; on n'en a plus trouvé que 8,65 pour 100, après l'avoir nourri, peudant vingt jours, rien qu'avec du pain.
Fors ter a constaté, chez les animaux soumis à la privation de sels ',que l'élimination du fer ne s'interrompait à aucun moment, et qu'il y avait plus de fer éliminé que de fer absorbé. Dans l'espace de trente-six jours, 0gr,93 de fer furent absorbés avec les aliments, et 3gr,59 de ce même métal furent rendus, de sorte que le corps perdit l'énorme quantité de 2gr,66 de fer.
Vierordt, dans des expériences sur lui-même, à l'aide de sa délicate méthode spectroscopique, a constaté que la quantité d'hémoglobine et de fer variait, dans le courant de la journée, dans les proportions suivantes:
1 Voy. page 15.
FER. — Effets physiologiques 119
Proportions rotatives d'hémoglobine.
31 décembre , . 1,125
- . . . 1,157
1"' janvier 7 h. 1/2 . 1,3936
— . 9L.3/4. 1,2879
— 11 li 1,2396
— 12h.l/3 1,3034.
— 2 h. 1/4 1,2918
— 6h 1,2658
— 10 h 1,2322
Dietl a constaté également que, dans le cas où le fer est fourni par l'alimentation en quantité insuffisante, l'organisme élimine par jour lgr,863 de fer de plus qu'il n'en absorbe. L'influence de la soustraction du fer sur l'organisme animal est la suivante : la quantité du fer contenu dans les excrétions diminue rapidement, et s'est même montrée nulle chez une chienne pleine. La richesse du sang en hémoglobine baisse considérablement, et peut même aller jusqu'à diminuer de moitié. Les animaux, pleins de vivacité au début de l'expérience, devenaient de plus en plus lents et paresseux, et, à la fin, il se manifestait une accélération considérable du pouls. L'autopsie permettait de constater une dégénérescence graisseuse considérable, notamment du foie et des muscles striés (v. Hoesslin).
C. D'après les différences de constitution et l'espèce animale. — Nous ne possédons pas, à ce sujet, de déterminations directes de la quantité de fer, mais seulement du nombre des globules sanguins ; nous savons d'ailleurs que l'augmentation ou la diminution de ce nombre s'accompagne d'un changement parallèle dans la quantité de fer contenue dans le sang. Or, ces déterminations démontrent que ce sont les animaux les plus vigoureux qui ont le plus de fer et de globules sanguins, et que ce sont les plus faibles qui en ont le moins. Andral, Gavarret et Delafond ont trouvé que la quantité moyenne de globules, dans le sang du mouton, était de 93 pour 1000; chez les moutons les plus vigoureux, elle était de 101-123 pour 1000. La quantité de globules, dans le sang du chien, est, en moyenne, de 136-165 pour 1000 ; chez un chien très vigoureux, elle est de 176 pour 1000.
Relativement aux diverses espèces animales, Otto a constaté que le sang des lapins, comparé avec celui des chiens, n'est pas seulement plus pauvre en globules sanguins, mais que les globules du sang des lapins sont aussi beaucoup plus pauvres en hémoglobine que les globules du sang des chiens.
D'après Lecanu, la quantité de globules est :
Dans le sang d'un homme vigoureux, de 136 p. 100
Dans le sang d'un homme faible ......... 116 —
Dans le sang d'une femme vigoureuse 126 —
Dans le sang d'une femme faible . . . .; 117 —
D'après Prévost et Dumas, c'est le sang des oiseaux qui contient le plus de corpuscules sanguins; ensuite vient celui des carnivores, puis celui des herbivores, et enfin celui des animaux à sang froid.
D. Suivant l'âge. — Voici les résultats obtenus par Denis et Poggiale,
120 FER. — Effets physiologiques
Panum, Wiskemann. Le sang des chiens nouveau-nés contient plus d'éléments solides que celui de la mère. Dans le cours de la croissance, la quantité de ces éléments diminue, pour se relever, une fois la croissance achevée, mais sans atteindre la hauteur primitive, c'est-à-dire celle du moment de la naissance. La richesse du sang du foetus en globules rouges est indépendante de l'état du sang maternel. Dans le sang des nouveau-nés il y a plus de fer que dans celui des adultes.
' D'après' Leichtenstern, la quantité absolue d'hémoglobine n'éprouverait aucune augmentation dans les premiers six mois de la vie, probablement à cause de la faible.quantité de fer contenue dans le lait. Ayant pris deux petits chats du même âge, v. Hoesslin fit ingérer à l'un d'eux, chaque jour, lgr,5 d'albuminate de fer, et il constata que ce dernier, au bout de cinquante-quatre jours, avait beaucoup plus augmenté de poids que l'autre et que la richesse de son sang en hémoglobine était d'un tiers plus élevée que chez l'autre animal. D'après Denis, Lecanu, Stolzing, le nombre des globules sanguins, et avec lui la quantité dé fer, augmente depuis un an jusqu'à quarante ans, puis diminue peu à peu.
E. Suivant les sexes. — Toutes les recherches, ainsi que les analyses spectroscopiques très exactes de Wiskemann., démontrent que le sang de l'homme contient plus d'hémoglobine et de fer que celui de la femme.
D'après Becquerel
et Rodier. Denis. Nasse.
Quantité moyenne de Fe dans le sang de l'homme. 0,565 p. 1000 0,63 p. 1000 0,5824 p, 1000 — — — de la femme. 0,511 — 0,40 — 0,5453 —
D'après C. Schmidt, il se trouve sur 1000 grammes de sang :
Globules. Hêmatine. Fer.
Chez l'homme sain 513gr,02 7gr,70 0gr,512
Chez une femme saine 396gr,24 6gr,99 0gr,489
F. Dans les maladies. — Les observations anciennes étaient faites sur le sang de la saignée, ce qui fait qu'elles n'ont pas une grande valeur, parce que la saignée par elle-même porte fortement atteinte à la vitalité du sang; d'ailleurs elles ne tenaient compte ni des individus, ni des sexes, ni des âges, etc. Les recherches de Quincke et Wiskemann sont, au contraire, très recommandantes. Nous donnons ici quelques résultats obtenus par les meilleurs observateurs ; nous les avons calculés sur la même unité.
Sur 1000 grammes de sang, la quantité de fer était :
gr.
Chez 6 hommes pléthoriques bien portants . . . 0,547 Becquerel et Rodier.
Chez 1 femme pléthorique bien portante .... 0,544
Chez des hommes atteints de maladies inflamm.. . 0,490 —
Chez des femmes atteintes de maladies inflamm.. . 0,480
Dans la pleurésie 0 461
Dans le rhumatisme aigu (chez 4 hommes) . . . 0,452
Chez 30 individus anémiques 0 366
Dans la chlorose. . 0 319
Dans la chlorose '. n',223 H. Quineke.
Dans la leucémie 0 244
Chez des femmes à l'état de santé 0,603
FER. — Effets physiologiques 121
Dans ses recherches, Quincke faisait la détermination de la quantité d'hémoglobine contenue dans le sang; dans notre calcul, nous avons supposé que la quantité de fer contenue dans l'hémoglobine était toujours la même, et était représentée par le chiffre 0,42. On remarquera, dans ce tableau, combien est grande la différence entre les proportions de fer dans le sang normal et dans le sang chlorotique et leucémique.
H. Stahel a déterminé la quantité de fer contenue dans le foie et dans la rate chez douze individus morts de diverses maladies, et il a constaté que ■ c'est le foie d'une personne morte d'anémie qui renfermait la plus grande quantité de fer (0,614 pour 100 grammes de substance sèche); les proportions du fer contenu dans la rate sont de beaucoup inférieures. Cette prédominance considérable de la quantité de fer dans le foie ne peut pas être attribuée à une médication martiale qui aurait été instituée, car on ne constate pas à la suite de cette médication, même prolongée, une accumulation de fer dans le foie, et ce n'est que dans trois cas que la quantité de fer dans la rate s'est montrée seulement un peu plus faible que dans le foie.
G. A la suite des soustractions sanguines, on voit les globules sanguins et la quantité de fer dans le sang diminuer dans de bien plus fortes propor - tions que la fibrine et les éléments solides du sérum. Otto a observé ce fait, difficilement explicable, que, après les saignées, la quantité d'hémoglobine du sang diminue dans des proportions un peu plus élevées que la quantité des globules sanguins; le nombre des globules sanguins atteint aussi plus rapidement la normale que la quantité d'hémoglobine. Si, aussitôt que le sang est revenu à l'état normal, on pratique une seconde saignée, on constate que la période de rétablissement dure beaucoup plus longtemps qu'après la première saignée. Une demi-heure après la saignée, la différence de richesse du sang en globules et en hémoglobine entre le sang veineux et le sang artériel est très faible ou entièrement nulle.
Théorie de Vaction du fer
On ne peut plus douter aujourd'hui que le fer ne soit absolument indispensable à la formation de l'hémoglobine et à celle des globules rouges du sang. La vérité de cette proposition ressort déjà de ce fait, à savoir, qu'il n'y a point d'hémoglobine, point de globules rouges, sans fer; mais elle est appuyée aussi sur l'observation directe. Kölliker, Erb, Recklinghausen, Neuman, ont démontré que les globules rouges du sang proviennent des globules blancs de la rate, de la moelle osseuse, de la lymphe. Dans les cas d'insuffisance du fer, par exemple chez les chlorotiques, la quantité des globules blancs du sang est extrêmement augmentée, tandis que celle des globules rouges a subi une forte diminution. Or si, à ce moment, on administre le fer, à titre de médicament, les globules blancs s'emparent très rapidement du fer qui arrive dans la circulation, et l'on voit alors le nombre des globules rouges augmenter considérablement, tandis que celui des globules blancs diminue dans la même proportion. On ne connaît pas encore exactement le mode de transformation des globules blancs en globules rouges; mais on est bien obligé de convenir que cette transformation se fait avec le concours du fer. Chez une jeune fille à laquelle il fit prendre, tous les jours, pendant vingt jours, 0gr,05 de fer, Rabuteau
122 FER. — Effets physiologiques
observa, à l'aide du compte-globules de Malassez, l'accroissement suivant dans le nombre des globules :
Le 4 décembre, avant de commencer le traitement, sur 1 millimètre cube
de sang, il y avait," 2.919.000 globules rouges
Le 7 décembre, pendant le traitement. . 3.486.000 —
Le 12 _ — . • 3.696.000 —
Le 24 — — • • 4.578.000 —
Il s'était donc produit, dans 1 centimètre cube de sang, une augmentation moyenne de 82.950 globules rouges par jour, et, à la fin du traitement, la jeune fille pouvait ère considérée comme guérie.
Duncan et Stricker, qui attribuent la chlorose moins à une diminution du nombre des globules qu'aune modification de leur état (moindre richesse en hémoglobine, diminution de leur poids spécifique, etc.), ont vu se produire, en dix semaines, chez un garçon anémique, sous l'influence d'une bonne alimentation et de l'usage du fer, une augmentation de la quantité d'hémoglobine de presque 25 pour 100.
Quincke a vu, dans la chlorose, l'usage du fer et une alimentation rationnelle faire presque augmenter du double, dans l'espace de dix semaines, la quantité de fer et d'hémoglobine contenue dans le sang.
Il est(prouvé que la chlorose végétale, consistant dans une insuffisance de chlorophylle, provient également d'un défaut de fer, et se guérit quand on fournit aux racines de la plante une quantité même tout à fait petite d'un sel ferrugineux soluble. «On ne peut pas affirmer que le fer entre dans la formule chimique de la chlorophylle (Verdeil) ; mais ce qui est certain, c'est que les végétaux auxquels on supprime les sels de fer cessent de former de la chlorophylle ; le fer est donc un élément indispensable au développement de la matière verte. Or, la présence de la chlorophylle est nécessaire pour que les végétaux puissent mettre en liberté de l'oxygène (et l'on ne pourrait comprendre, sans ce dégagement d'oxgène, la formation de la substance organique aux dépens de l'acide carbonique et de l'eau) ; le fer, en sa qualité d'agent formateur de la chlorophylle, joue donc un très grand rôle dans le processsus d'assimilation, chez les plantes. » (Jul. Sachs.) Cela ne démontre pas, il est vrai, que les matières colorantes du sang se comportent de la même manière à l'égard du fer; mais du moins la probabilité du fait en devient plus grande.
On a dit que l'administration du fer donnait lieu à une augmentation du nombre des globules, non seulement dans les cas de diminution morbide de ce nombre, mais encore dans les cas où le sang est tout à fait normal; cependant les observations sur ce sujet sont encore trop rares pour que nous puissions être certains du fait; nous ignorons d'ailleurs quel est le nombre de globules qui doit être considéré comme normal 1. Nous avons vu plus haut que les hommes sains pléthoriques de Becquerel et Rodier avaient moins de fer dans leur sang que la femme bien portante de Quincke, laquelle n'est pourtant pas citée comme pléthorique. Nous laissons donc la question indécise, mais nous ne pouvons nous empêcher de dire que nous ne croyons pas que l'usage longtemps continué du fer puisse donner lieu par lui-même (sans
i [D'après Hayem, ce nombre est de 5.500.000 globules pour 1 millimètre cube de sang.)
FER. — Effets physiologiques 123
augmentation simultanée de la quantité d'aliments azotés) au développement de la pléthore, considérée au moins dans le sens d'un accroissement excessif du nombre des globules rouges. Cet accroissement devrait, en effet, avoir pour résultat une augmentation des combustions, une destruction plus rapide des globules rouges, une élimination plus considérable de l'urée et du fer, de sorte qu'il ne tarderait pas à être annulé par le fait. Il arrive souvent que les tuberculeux, après l'usage du fer, sont pris d'hémoptysies; mais il n'est pas nécessaire de les attribuer au développement d'un état pléthorique; le retour à une pression sanguine normale suffit pour expliquer la rupture des vaisseaux pulmonaires d'une caverne; d'ailleurs on n'a jamais signalé dans aucune observation de ce genre, que l'hémoptysie ait été précédée d'une abondance plus grande de sang 1.
Influence du fer sur les fonctions organiques
Le rôle du fer dans le sang est intimement lié, comme nous l'avons vu, avec celui de l'hémoglobine ; ces deux substances sont chargées de s'emparer de l'oxygène de l'air dans les poumons et de le laisser ensuite dégager dans l'intimité des tissus. La quantité d'oxygène absorbée dépend, et de la consommation de ce gaz dans les tissus, et de la quantité de fer et d'hémoglobine contenue dans le sang; le sérum n'absorbe qu'une proportion d'oxygène tout . à fait insignifiante, à côté de celle que l'hémoglobine apporte aux tissus. L'hémoglobine et le fer sont donc les véritables agents vecteurs de l'oxygène ; ils président à toutes les oxydations, à tous les processus vitaux de l'organisme.
Le fer, outre le rôle que nous venons d'indiquer, peut-il encore exercer une action particulière sur les tissus de l'organisme, donner lieu, comme les autres métaux (plomb, cuivre, mercure), à des altérations déterminées des organes ? Nous n'en savons à peu près rien. Tout ce qu'on peut dire avec certitude, c'est qu'on trouve du fer dans presque tous les organes (os, dents, cerfs, muscles, foie, rate, etc.), que tous les pigments, même celui des cheveux, en renferment ; mais le fer extrait des organes provient-t-il du sang ou des cellules mêmes du tissu ? C'est ce qu'il n'est pas encore permis de décider. Il est cependant vraisemblable que les cellules mêmes du foie et de la rate contiennent du fer; le foie, d'après Oidtmann-Scherer, en renferme une
i [Les recherches de Hayem tendent à démontrer que, chez les chlorotiques, ce n'est pas tant le nombre des globules rouges qui diminue, que leur richesse en hémoglobine, que le pouvoir colorant du sang; mais, si ces globules sont souvent en nombre presque aussi considérable que chez les individus sains, ils sont toujours altérés dans leurs dimensions et leur richesse en hémoglobine, de telle sorte que le pouvoir colorant du sang est alors très affaibli. Ainsi chez une chlorotique, Hayem compte, dans i millimètre cube de sang extrait par une piqûre au doigt, 5.352.000 globules rouges (le chiffre normal est en moyenne 5.500.000); mais ce sang n'était pas plus coloré que s'il n'avait contenu que 2.500.000 globules rouges par millimètre cube. Or le 1er, introduit dans l'organisme, semble solliciter les globules rouges à se charger d'une plus grande quantité de matière colorante; mais il ne fait pas nécessairement augmenter le nombre de ces globules, parfois même il le fait diminuer. Ainsi Hayem, chez plusieurs chlorotiques, a trouvé un moins grand nombre de globules rouges sanguins, au moment de la guérison, qu'au début du traitement. Par exemple, chez une malade, le nombre des globules rouges avait diminué, sous l'influence du traitement, de 1.202.000 par millimétre cube, mais leur richesse en hémoglobine, leur pouvoir colorant, avaient considérablement augmenté. A ce point de vue, l'influence du fer sur l'organisme animal est tout à fait comparable à son influence sur l'organisme végétal. Dans les deux cas, il stimule le développement de la matière colorante.]
124 FER. — Effets physiologiques
très grande quantité (2,7 pour 100), ce qui évidemment est très exagéré; d'après Scherer, la rate en serait aussi très chargée. H. Nasse a rencontré des granulations microscopiques qui consistaient essentiellement en peroxyde de fer; chez des chevaux très vieux et très maigres, la pulpe splénique desséchée a donné presque 5 pour 100 de fer, au moins quatre fois plus que chez des animaux jeunes. D'après Quincke, la rate, la substance médullaire des glandes lymphatiques, de même que la moelle des os, contiennent très souvent un albuminate de fer dont la présence peut être décelée au moyen du sulfure d'ammonium; cet albuminate de fer est renfermé sous forme de granulations dans les cellules spléniques ; il provient probablement de la destruction des globules rouges du sang et sert à la formation de nouveaux globules (sidérose physiologique) ; la sidérose se rencontre chez la plupart des personnes âgées et chez presque tous les individus morts de maladies chroniques, notamment de diabète sucré et d'anémie pernicieuse; il n'est pas rare de l'observer aussi dans les maladies aiguës, notamment à la suite des catarrhes intestinaux aigus des enfants. La sidérose des vieillards et celle qui est consécutive aux maladies chroniques s'explique par une désagrégation considérable des cellules rouges du sang et par un défaut d'élimination du fer à travers le foie (Peters).
Jusqu'ici on ne possède qu'une seule observation à laquelle on puisse rattacher l'hypothèse d'une action directe du fer, indépendante de celle du fer contenu dans l'hémoglobine. Quelques heures après l'ingestion d'une préparation ferrugineuse, par conséquent à un moment où il était impossible que les globules rouges eussent déjà augmenté de nombre, Pokrowsliy et Botkin observèrent une élévation de la température; ils crurent, devoir attribuer cette élévation à une action directe du fer; cette action, disent-ils, aurait eu pour résultat une constriction des plus fines artérioles, puis une élévation, de la pression sanguine, une augmentation des combustions et de la température; en même temps, rapide amélioration de la nutrition, disparition des transsudats oedémateux. Nous n'avons pas besoin de faire remarquer que cette manière de voir, déjà mise en avant par Sasse, aurait besoin d'une démonstration plus rigoureuse.
D'après H. Meyer et Williams, les doses toxiques de tartrate de fer et' de soude, directement injectées dans les veines chez des mammifères, déterminent, à la manière du platine et de l'arsenic, une paralysie directe du système nerveux central ainsi qu'une paralysie des vaisseaux périphériques d'où résultent une hyperhémie et un gonflement inflammatoire de la muqueuse gastro-intestinale ; le sang conserve sa richesse normale en oxygène, mais sa richesse en acide carbonique diminue toujours considérablement.
Le fer introduit dans l'organisme par la voie sous-cutanée sort très rapidement de la circulation, en majeure partie par les reins, en moindre partie par le foie; il ne passe pas dans les autres produits de sécrétion et d'excrétion. Le sérum sanguin et le liquide de l'ascite renferment souvent du fer à la suite d'une injection sous-cutanée de ce métal ; la quantité de fer contenue dans la rate et la moelle des os ne subit aucun changement (Glaevecke). L'usage longtemps prolongé de ces injections sous-cutanées de sels ferrugineux finit par donner lieu à des vomissements et à de la diarrhée; ce n'est qu'à la suite de l'emploi de hautes doses que se manifestent des
FER. — Effets physiologiques 125
processus inflammatoires dans les reins et dans le foie; il n'en faut pas moins user de prudence chez l'homme à cause des altérations rénales et qui peuvent persister. Dans ces intoxications chroniques par le fer, les gaz du sang restent sans subir aucune modification; ce n'est que vers la fin de la vie qu'on voit l'acide carbonique diminuer tout à coup ; en même temps que se produit cette diminution, une fièvre parfois intense s'allume, laquelle n'est peut-être que l'expression d'une désagrégation rapide de l'albumine de l'organisme (Robert).
On ne peut donc jusqu'ici attribuer au fer qu'un rôle important sur la formation des globules rouges et sur le transport de l'oxygène du sang; tous ses effets sur les organes dérivent de ce rôle. Pour que les organes fonctionnent normalement, il faut que la quantité de fer contenue dans le sang soit normale. C'est à assurer ce fonctionnement régulier que se réduit toute l'action du fer. Quant à l'exaltation des fonctions normales, à l'augmentation de la température, de la fréquence du pouls, des combustions organiques normales, nous ne pouvons nous résoudre à les admettre; et c'est sans doute sur des idées préconçues qu'est fondée l'opinion, partout répandue, d'après laquelle l'usage du fer, chez les personnes dont le sang contient une quantité suffisante de métal, donnerait lieu à un sentiment de chaleur, à des palpitations cardiaques, à une tendance aux congestions et même aux hémorragies; du moins nous n'avons pu trouver nulle part une démonstration suffisante du fait; et des observations directes dans une région où se trouvent des eaux ferrugineuses, dont les habitants font leur boisson quotidienne, nous ont permis de constater que, non seulement on ne trouve point dans cette région d'individus pléthoriques, mais qu'on y rencontre même un nombre assez considérable d'anémiques. Quant aux observations de Pokrowski, je ferai remarquer qu'elles ont été faites sur des malades; et quand Pokrowski parle d'une élévation de la température normale, il s'agit de la • température normale de malades, laquelle ne peut pas être assimilée à la température normale chez des individus sains.
Je puis en dire autant de l'augmentation de l'excrétion de l'urée ; elle était observée chez des malades, et ne peut donc pas être étendue aux individus en bonne santé; d'ailleurs Pokrowski ne déterminait pas la quantité d'azote ingérée par jour, de sorte que l'augmentation de la quantité d'azote éliminée pouvait bien être le résultat d'une alimentation plus abondante, aussi bien que de l'action du fer; si réellement l'augmentation de l'excrétion de l'urée n'avait été déterminée que par le fer seul, le poids du corps aurait dû diminuer; or Pokrowsky signale une augmentation de ce poids. Les expériences de Munk, chez des chiens à l'état normal, ont prouvé d'une manière indubitable que le fer n'exerce absolument aucune influence sur la désagrégation de l'albumine.
L'importance du rôle que joue le fer dans le sang ressort, au contraire, de la manière la plus évidente, de ce qui se passe quand il diminue de quantité sous une influence quelconque, par exemple-dans la chlorose. On observe alors des troubles fonctionnels de tous les organes : aversion pour le travail, pour le mouvement, tristesse, faiblesse musculaire, affaiblissemunt des contractions du coeur, anorexie, troubles de la digestion, de toutes les sécrétions, céphalalgie, vertiges, sommeil inquiet, insomnie. Et tous ces phénomènes
126 FER. — Usages thérapeutiques
proviennent bien réellement de l'insuffisance du fer dans le sang, car ils disparaissent sous l'influence de la médication ferrugineuse.
Chez les chlorotiques et les anémiques, le fer relève donc toutesles fonctions et les ramène à l'état normal, mais non pas au-dessus de l'état normal. Et à ce rapide retour à l'état normal contribuent d'abord l'augmentation delà quantité d'hémoglobine, puis la sécrétion plus abondante du suc gastrique, et l'amélioration consécutive des fonctions digestives.
Les injections intraveineuses, pratiquées d'abord par Blake, avec les sels de protoxyde et deperoxyde defer, ne nous éclairent pas davantage sur l'action de ce métal; car tous les phénomènes observés alors du côté du coeur et des vaisseaux, phénomènes se terminant par la paralysie cardiaque et la mort, provenaient, non pas du fer lui-même, mais des coagulations sanguines et des embolies auxquelles donnait lieu l'injection des composés ferrugineux.
Usages thérapeuthiques. — Le fer est un de ces rares médicaments sur la valeur thérapeutique desquels les médecins sont d'accord. Bien que, dans ces. derniers temps, on ait élevé quelques doutes sur son efficacité, toutefois tant de milliers d'observations parlent en sa faveur, qu'on est bien forcé de le considérer comme très utile et indispensable dans plusieurs cas. Il ne sera question ici que des indications du fer considéré en luimême; nous traiterons, dans un chapitre à part, des préparations ferrugineuses et des cas particuliers auxquels chacune d'elles peut s'adresser.
Le fer produit d'excellents effets dans tous les cas où le sang est pauvre en globules rouges (oligocythémie); c'est un fait que l'expérience avait déjà démontré, bien avant que l'on sût quel rôle physiologique important joue le fer à l'égard du sang et de l'organisme en général. Voici quels avantages on peut retirer de ce métal dans les diverses formes d'anémie :
Les ferrugineux constituent des médicaments excellents dans le traitement de la chlorose, telle qu'elle se manifeste assez souvent chez les femmes, pendant la période de leur développement. On les prescrit, dans ce cas, concurremment avec un bon régime fortifiant (viande et lait), l'exercice en plein air, etc. Dans ces derniers temps, on a attribué à ces mesures diététiques la meilleure part dans le succès ; on doit convenir qu'elles sont utiles, indispensables même, mais que, sans le fer, elles seraient insuffisantes à amener en si peu de temps la guérison ; c'est donc l'administration des ferrugineux qui joue le plus grand rôle dans le traitement de la chlorose.
On s'est demandé si réellement les ferrugineux s'attaquaient à la chlorose elle-même et pouvaient la guérir complètement, et l'on a prétendu que les symptômes seuls étaient supprimés, mais qu'aussitôt que l'usage du fer était suspendu, la maladie reparaissait. L'expérience démontre que le fer peut guérir complètement la chlorose, et, si les chloroses très anciennes et très accentuées lui résistent, les symptômes en sont du moins amendés, l'état général est amélioré, et c'est là, en somme, un résultat qui a bien son importance.
L'existence d'un catarrhe gastrique contre-indique l'emploi des ferrugineux; il faudra donc, avant d'administrer ces médicaments, avoir soin de faire disparaîre, par des moyens appropriés, les troubles digestifs ■ mais si ces troubles sont directement sous la dépendance de l'état anémique ce qui arrive assez souvent, les ferrugineux seront alors les meilleurs moyens
FER. — U sages thérapeutiques 127
â leur opposer. Il est souvent difficile de décider si les troubles digestifs, en présence desquels on se trouve, proviennent d'un catarrhe gastrique ou de l'anémie; voilà pourquoi on fera bien de prescrire d'abord de petites doses d'une préparation ferrugineuse légère, qu'on rendra encore plus digestible, en lui associant des substances amères et aromatiques. S'il y a de la diarrhée, on évitera de prescrire les ferrugineux avant de l'avoir fait disparaître. S'il' y a constipation, on pourra administrer le fer, mais on fera bien de lui associer l'extrait de rhubarbe. Enfin, je ferai remarquer que l'usage des ferrugineux, dans la chlorose, doit être continué longtemps : à affection chronique, traitement chronique. On pourra pourtant interrompre de temps à autre le traitement, pour le reprendre ensuite. Je ne vois nullement la nécessité d'administrer les doses élevées que Trousseau, entre autres, recommande dans ses cliniques.
Les ferrugineux seront encore employés avec avantage dans d'autres états anémiques. Ainsi, ils seront utiles pendant les convalescences des maladies aiguës de longue durée; mais ici évidemment le régime jouera .un rôle prépondérant. Le fer sera encore administré avec avantage aux personnes qu'ont affaiblies de fortes pertes sanguines, pourvu qu'il ne s'agisse pas d'hémoptysies ou d'hémorragies actives, car le fer serait alors plutôt nuisible qu'utile. Les personnes épuisées par les excès vénériens, par des pollutions persistantes, par des diarrhées de longue durée, ou une bronchorrhée chronique, se trouveront bien aussi de l'usage des ferrugineux; mais ici encore il faudra qu'il y ait absence d'inflammation et de fièvre. — Dans la maladie de Basedow, l'emploi des médicaments dits toniques et, en première ligne, du fer, aura de grands avantages ; mais si la maladie se présente, comme cela arrive quelquefois, chez des individus robustes, à aspect cyanotique, il faudra évidemment s'abstenir des ferrugineux, et les réserver seulement pour les individus pâles et anémiques. Nous devons d'autant plus insister sur ce point que parfois, dans la pratique, on prescrit sans distinction le fer dans tous les cas de maladie de Basedow.
Dans l'état cachectique qui succède aux fièvres intermittentes de longue' durée, l'usage du fer peut aussi rendre d'excellents services ; bien entendu qu'on aura soin, en même temps, d'éloigner les malades de la région marécageuse. On fera bien, dans les cas de ce genre, d'associer le fer à la quinine. — Les hydropisies cachectiques, reconnaissant pour cause un état hydrémique du sang, et non une affection des poumons ou du coeur, se trouveront bien aussi de l'emploi des ferrugineux : telles sont les hydropisies consécutives à la malaria, aux maladies aiguës graves, aux suppurations de longue durée. Quant à celles qui accompagnent les néphrites chroniques, elles pourront indiquer l'emploi du fer, mais l'utilité de ce médicament n'est pas nettement établie dans ces cas. — Enfin les ferrugineux seront encore employés avec avantage dans les hydropisies qui succèdent à la dégénérescence àmyloïde des reins ou d'autres organes. Le fer ne fera pas rétrograder la dégénérescence, bien entendu; mais, associé à l'iode et secondé par des prescriptions hygiéniques convenables, il pourra ralentir la marche du processus.
Dans la scrofulose et le rachitisme, les ferrugineux, associés à d'autres médicaments (iode, etc.), peuvent rendre d'excellents services, lorsque la
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maladie principale est compliquée d'anémie. Quant à leur utilité dans la syphilis, les opinions sont partagées : les uns en préconisent l'emploi contre l'état cachectique qui succède, soit au processus lui-même, soit aux agents curatifs employés pour le combattre; d'autres, Bärensprung par exemple, se prononcent absolument contre cette opinion, prétendant que l'administration du fer peut, dans ces cas, avoir pour résultat de faire apparaître des symptômes syphilitiques jusqu'alors à l'état latent. — On pourra prescrire les ferrugineux dans la cachexie carcinomateuse ; il va sans dire que ce sera sans espoir d'influencer le processus lui-même.
Quant à l'usage des ferrugineux dans la phtisie, Morton pensait qu'il pouvait contribuer, dans certaines circonstances, à prolonger la vie des malades; mais il recommandait de s'en abstenir quand il existait de la fièvre ou de la tendance aux hémorragies. L'opinion des meilleurs observateurs d'aujourd'hui, c'est que le fer doit être banni du traitement de la phtisie; c'était la manière de voir de Louis et d'autres médecins. Nous reviendrons encore sur cette question.
Il est d'autres états morbides dans lesquels le fer pourra être employé avec avantage : telles sont les anomalies de la menstruation. Dans le cas de menstruation trop abondante, les ferrugineux seront utiles comme agents styptiques directs ; dans l'aménorrhée on s'en trouvera bien aussi, pourvu que la cause de l'aménorrhée soit l'anémie. Dans certaines affections du système nerveux, le fer pourra aussi avoir de l'utilité; ce n'est pas qu'il s'adresse directement à la névrose; c'est en faisant disparaître l'état anémique, qui tient cette névrose sous sa dépendance, que le fer pourra être avantageux.
Il est des circonstances où Von devra s'abstenir des ferrugineux ou du moins ne les administrer qu'avec beaucoup de prudence. Ainsi on doit les laisser de côté lorsqu'il existe de la fièvre ; la fréquence du pouls ne les contre-indique évidemment que dans le cas où elle dépend de la fièvre; chez un sujet anémique, au contraire, en l'absence de la fièvre, elle n'empêchera nullement l'emploi du fer. L'usage de ce métal sera aussi évité avec le plus grand soin chez les personnes pléthoriques, menacées de congestions vers la tête. Celles à peau délicate, sujettes aux èpistaxis, présentant l'habitus tuberculeux, ne devront pas non plus être soumises au traitement par le fer. Leur pâleur habituelle est souvent une cause d'erreur : on croit avoir affaire à la chlorose, surtout s'il s'agit d'une jeune fille; mais, en examinant attentivement les sommets des poumons, on découvre l'existence d'une infiltration commençante. Si l'on institue alors un traitement par les ferrugineux, on verra souvent le malade reprendre des forces, de l'appétit, ses joues se colorer; mais tout d'un coup une hémoptysie éclatera et la phtisie entrera dans une voie de progrès. 11 est pourtant des observateurs qui recommandent les ferrugineux dans certains cas de tuberculose commençante; nous devons convenir que la question n'est pas encore jugée d'une manière définitive; mais, si nous nous en rapportons à notre pratique, nous devons donner le conseil de s'abstenir des ferrugineux dans les cas en question. — Les altérations valvulaires du coeur contre-indiquent, d'une manière générale, l'emploi des ferrugineux. Cette contre-indication est absolue, s'il s'agit d'une affection valvulaire qui s'accompagne de cyanose,
FER. — Usages thérapeutiques 129
de stase dans la petite circulation. Si la maladie cardiaque s'accompagne de pâleur de la peau, s'il s'agit, par exemple, d'un rétrécissement de l'orifice aortique, on pourra alors employer les ferrugineux, mais toujours avec une grande prudence; il en sera de même si l'on se trouve en présence d'un malade épuisé et anémié par un long rhumatisme, et atteint d'une affection valvulaire commençante, quelle qu'elle soit. Les ferrugineux pourront alors être employés, non seulement sans inconvénient, mais encore avec avantage. — Il a déjà été question de la contre-indication qui résulte de l'existence d'un trouble digestif n'étant pas sous la dépendance directe de l'anémie. — Enfin, je ferai remarquer que, chez les femmes dont la menstruation est très abondante, on fera bien d'interrompre l'emploi du fer au moment de l'époque menstruelle et même un peu auparavant.
Quant au mode d'administration des ferrugineux, l'expérience a appris depuis longtemps que les doses élevées ne présentent aucun avantage, parce qu'il n'y en a qu'une petite quantité qui puisse être absorbée, le reste cheminant à travers le tube digestif et pouvant donner lieu mécaniquement à une irritation de la muqueuse. La dose de 0,10 à 0,20, deux ou trois fois par jour, sera parfaitement suffisante. Le moment le plus favorable pour l'administration de ces médicaments est le moment où la sécrétion du suc gastrique est le plus abondante, c'est-à-dire pendant ou après le repas.
A l'extérieur le fer est souvent employé dans le but de produire une action locale, comme astringent par exemple; nous parlerons de cet emploi à propos des préparations ferrugineuses étudiées en particulier. Les bains ferrugineux sont encore fréquemment mis en usage, dans le but de donner lieu à des effets généraux; nous avons déjà dit qu'une absorption par la peau, dans ces cas, n'était rien moins que démontrée. Les résultats favorables qu'on observe réellement parfois par l'usage de ces bains dépendent sans doute uniquement de l'influence du bain par lui-même ou des autres substances, telles que l'acide carbonique, par exemple, qui y sont contenues ; le fer n'y a sans doute aucune part; tout au plus peut-il s'en absorber des quantités tout à fait minimes, chez les femmes, par la muqueuse des organes .génitaux. Il est des cas très rares où Y injection sous-cutanéedu fer peut être utile ou nécessaire. La préparation qui conviendrait le mieux dans ces cas serait, d'après Neuss, le pyrophosphate de fer avec du citrate de soude; puis viendraient l'albuminate et enfin le pyrophosphate de fer avec du citrate d'ammoniaque; quant aux autres préparations, aucune n'a pu être utilisée dans ce sens. Gloevicke a trouvé que c'est le citrate de peroxyde de fer qui est le mieux toléré.
Préparations de fer
La matière médicale est très riche en préparations ferrugineuses. Mais cette richesse ne présente pas grande utilité ; car, employées à petites doses, ou dans un état de dilution considérable, toutes ces préparations ont la même action générale. Aussi ne nous occuperons-nous que des plus importantes.
En somme, un très petit nombre de ces préparations pourraient être, à notre avis, parfaitement suffisantes pour les besoins de la pratique.
NOTHNAGEL et ROSSBACH, Thérapeutique. 9
1OQ FERRUGINEUX PURS
1. FERRUGINEUX PURS
Ce sont ceux qu'on emploie dans le but de produire les effets généraux dont il a été question jusqu'ici. On leur associe habituellement des substances aromatiques, telles que la'cannelle, l'écorce d'orange, afin de rendre moins marquée leur action nuisible sur la digestion.
Fer pulvérisé
Poudre fine, d'un gris cendré. Il se dissout dans les acides du suc gastrique, en donnant lieu à un développement d'hydrogène. Ce dégagement d'hydrogène est souvent accompagné d'un dégagement d'acide sulfhydrique, à cause de la présence fréquente d'un peu de sulfure de fer dans le fer pulvérisé.
DOSES. — 0,10 à 0,50 pro dosi (2,0 pro die), en poudre ou en pilules 1.
Fer réduit par l'hydrogène
C'est une poudre plus fine que la précédente et qui ne renferme pas, comme cette dernière, du sulfure de fer. Elle mérite donc la préférence, d'autant plus qu'elle est complètement insipide.
DOSES. — 0,05-0,25 pro dosi (1,0 pro die), en poudre, en pastilles, en pilules.
Hydrate de peroxyde de fer
Fe203 + 3H 20. — Poudre fine, d'un rouge brun, insoluble dans l'eau, par conséquent inodore et insipide. DOSES. — 0,05-0,2 pro dosi (0,5-1,0 pro die), en poudre, en pilules.
Solution de peroxyde de fer dialysée ' Liquide d'un rouge intense; 0,1-0,2, plusieurs fois par jour.
Saccharate de peroxyde de fer soluble
Poudre d'un rouge brun, d'une saveur styptique douceâtre, facilement soluble dans l'eau. Sa composition n'est pas bien connue. Gomme elle ne contient que 3 pour 100 de fer, on doit l'administrer à dose élevée (0,5-2,0).
Sirop de peroxyde de fer soluble
Liquide brun, clair, d'un goût styptique, douceâtre. Il ne contient que 1 pour 100 de fer. On l'administre par cuillerées à café ; jusqu'à 30 grammes pro die*.
Carbonate de fer sucré
Poudre gris verdâtre, d'une saveur douce, styptique. Elle représente 20 pour 100 de carbonate de fer. Elle contient encore du bicarbonate de soude et de sucre. — 0,50-2,0 p>ro dosi (10,0 prodie); chez les enfants, 0,03-0,1, trois fois par jour.
Pilules de carbonate de fer de Vallet. — Chacune de ces pilules renferme 0,05 de carbonate de fer.
Lactate de protoxyde de fer Poudre jaunâtre, assez difficilement soluble dans l'eau. 11 n'est pas mieux assi*
assi* est inutile d'arriver à la dose de 2 grammes pro die ; car, d'après la remarque, ci-dessus, une petite partie seulement de cette dose pourra être absorbée. 0,10-0,20, à chacun des deux principaux repas, représentent une dose bien suffisante. Cette remarque peut s'appliquer aussi aux préparations qui suivent.]
2 [30 grammes de ce sirop ne contiennent que 0,30 de fer.]
FER. — Eaux minérales ferrugineuses 131
milable que les autres ferrugineux. — 0,05-0,3 pro dosi (1,0 pro die), en pilules, en poudre ou en pastilles.
Les autres préparations ferrugineuses, telles que le citrate de peroxyde de fer, le citrate de fer ammoniacal, le phosphate de protoxyde de fer, le pyrophos■phate de fer citro-ammoniacal, le pyrophosphate de fer et de soude, l'extrait de pommes ferrugineux (voyez Teinture pommes ferrug.), sont superflues; quelques-unes peuvent être employées en injections sous-cutanées (voyez page 129); on les administre aux doses de 0,l-0,5 (2,0 pro die), — Pyrophosphate de fer. — Il est la base de plusieurs préparations, dans lesquelles il est associé à d'autres sels, parce que par lui-même il est à peu près insoluble dans l'eau. Ces préparations, fort usitées en France, ne sont pas en usage chez nous. On emploie cependant beaucoup, depuis quelque temps, une eau phosphato-ferrugineuse qui renferme, pour 150 parties de liquide, 0,05 de pyrophosphate de fer. Cette eau ne fatigue pas l'estomac, ne trouble nullement la digestion, et convient surtout aux personnes dont il faut ménager le tube digestif.
'Dans ces dernières années on a beaucoup employé les albuminates et peptonates de fer, et on leur a attribué l'avantage d une assimilation plus facile. On peut les préparer de façons très diverses ; ainsi on peut mélanger de la solution de perchlorure de fer (6 gouttes) avec 1 à 2 grammes d'albumine et d'eau; ou bien encore, en faisant agir du sesquichlorure de fer sur de la peptone, on obtient un chloropeptonate de fer. Ces préparations, administrées à l'intérieur, présententelles réellement l'avantage de mieux développer les effets particuliers aux ferrugineux? C'est ce qui n'est nullement démontré; quant à leur emploi en injections sous-cutanées, les uns l'ont préconisé, d'autres l'ont vivement combattu.
Eaux minérales ferrugineuses
Elles ne sont plus employées sous forme de bains, car on sait aujourd'hui que le fer qu'elles contiennent ne peut pas être absorbé par la peau.
Les eaux minérales ferrugineuses sont indiquées dans les mêmes cas que les autres ferrugineux. Prises à la source même, elles peuvent offrir certains avantages. Leur situation dans des régions montagneuses, l'exercice en plein air, auquel les malades sont soumis, l'augmentation de l'appétit, qui en est la conséquence, sont des circonstances favorables au rétablissement de la santé. Dans la prescription de ces eaux, il faudra tenir compte des autres éléments (acide carbonique, sulfate de soude, chlorure de sodium, carbonate de soude) qui entrent dans leur composition.
Dans la plupart de ces eaux minérales le fer se trouve à l'état de bicarbonate ou de sulfate de protoxyde. Il est un grand nombre d'eaux salines, alcalines, chlorurées, qui contiennent des proportions minimes de bicarbonate de fer; mais le fer joue ici un rôle à peu près insignifiant. Pour qu'une eau soit dite ferrugineuse, il faut qu'elle renferme une quantité bien appréciable dé ce métal ; cette quantité n'est d'ailleurs jamais considérable; en moyenne, elle est de 0,10 de carbonate de fer sur 1000 grammes d'eau. Toutes les eaux ferrugineuses sont froides ; la température la plus élevée est 20° C. Il est important de tenir compte de l'élévation où elles se trouvent par rapport au niveau de la mer. La source la plus élevée est celle de Saint-Moritz (à peu près 5500 pieds) ; puis vient une série de sources entre2000-1000 pieds(Reinerz,Rippoldsau, Antogast, Griesbach, Elster, Alexisbad, Lobenstein, Franzensbad, Altwasser, Cudowa, Petersthal, Liebenstein, Spa, etc,); parmi celles qui sont à moins de 1000 pieds, je citerai celles de Schwalbach, Pyrmont, Brückenau, Driburg, Boklet, etc.
Les sources les plus importantes sont :
a. Sources ferrugineuses pures, ou dont l'action est due exclusivement au
132 TEINTURES FERRUGINEUSES
fer : 1. Schwalbach, dans le Taunus ; 2. Spa, en Belgique ; 3. Alexisbad, dans le Harz ; 4. Altivasser, Flinsberg, en Silésie; 5. Brûckenau, dans les monts Rhôn (très faibles) ; 6. Freinioalde. province de Brandebourg, dans le voisinage de Berlin ; 7. Lobenstein, dans le Fiirstenthum Reuss ; 8. Liebenstein, dans le Meiningen; 9. Muskau, dans la haute Lusace ; quantité assez grande de carbonate et de sulfate de protoxyde de fer, quelques traces seulement d'acide carbonique. Peu usitées: 10. Krynica, en Galicie, eaux acidulés ferrugineuses; 11. Szliàcs, en Hongrie, sources ferrugineuses chargées d'acide carbonique ; 12. Rodua, dans le Liebenbûrgen ; sources très riches en fer; 13. Pyraioarth, près de Vienne.
b. Sources alcalines salines contenant du fer : Franzensbad, Elster, Marienbad, Tarasp.
c. Eaux chlorurées sadiques contenant du fer : Kissingen, Kreuznach, Rehme, Diirklieim.
d. Sources ferrugineuses contenant, en quantité modérée, du sulfate de soude, du carbonate de soude, du carbonate de magnésie et de chaux, du sulfate de chaux et de magnésie : 1. Pyrmont; on la considère comme le type des eaux ferrugineuses, c'est une dés sources les plus fréquentées; 2. Driburg; 3. Boklet, dans le voisinage de Kissingen ; 4. Reinerz, Cudoica, en Silésie; 5. Antogast, Petersthal, Griesbach, Freiersbach, Rippoldsau, dans la vallée de Kinzig et Rench, dans la Forêt Noire badique ; 6. Saint-Moritz, dans la haute Engadine 1.
e. Sources ferrugineuses arsenicales : 1. Roncegno, et 2. Levico, dans le sud du Tyrol. La première contient, pour 1 litre d'eau, 0,067 d'acide arsénieux, et 2,040 de peroxyde de fer. Nous avons, dans ces dernières années, très fréquemment prescrit l'eau de Roncegno ; la plupart des malades la tolèrent bien, quand la dose administrée est petite, c'est-à-dire de 4 à 6 cuillerées à café par jour, prises après le repas dans une assez grande quantité d'eau.
2. TEINTURES FERRUGINEUSES
Ce sont des composés ferrugineux dissous dans l'alcool, l'éther ou le vin. 11 y a donc lieu de considérer, dans leur action, celle de l'agent dissolvant (sécrétion plus abondante de suc gastrique) et celle du fer.
Ces teintures ferrugineuses sont employées dans le même but que les préparations ferrugineuses proprement dites. On les prescrit de préférence aux personnes faibles, dont la digestion se trouble facilement. Elles ont l'avantage d'être mieux tolérées.
Teinture d'extrait de pommes ferrugineux
1 partie d'extrait de pommes ferrugineux sur 9 parties d'alcoolat de cannelle. L'extrait de pommes ferrugineux est une préparation très inconstante, qui contient en moyenne 7 pour 100 de fer; son action ferrugineuse est donc très faible. — Doses : 0,5-2,5 pro dosi (10-50 gouttes).
Teinture éthérée d'acétate de fer 9 parties d'acétate de fer liquide, 2 parties alcool rectifié, 1 partie éther acétique. Elle contient 6 pour 100 de ter. Liquide d'une odeur éthérée, d'une couleur brune foncée. — 0,5-2,5 pro dosi (10-50 gouttes).
[Les principales sources ferrugineuses françaises sont : Bussang (Vosges) : température 13° fer a l' état de Incarbonate. ContrexevUle (Vosges) : 350 mètres d'altitude: sources froides, contenant en moyenne, par litre : carbonate de 1er, 0,007; sulfate de chaux, 1,22, carbonate de chaux et magnésie 1,78. Forges (Seine-Inférieure) : sources froides; 0,05 bicarbonate de 1er par hive. Rennes (Aude) : température 40°-50» ; 0,11 bicarbonate de fer par litre. Ore^a (Lorse) : 0,12 de sel ferrugineux par litre.]
FERRUGINEUX HÉMOSTATIQUES I33
Teinture éthérée de perchlorure de fer.
■ Mélange de 1 partie perchlorure de fer liquide avec 4 parties d'éther. Elle ne contient que 1 pour 100 de fer. 0,5-1,5 (10-30 gouttes).
Je mentionnerai encore la teinture de protochlorure de fer, celle deperchlorure et de tartrate de fer. Ces préparations sont entièrement superflues. Le vin ferrugineux (solution d'un composé ferrugineux dans du vin) est une préparation qui . doit être abandonnée. Au lieu de gâter le bon vin par l'addition du fer, il est bien préférable de prendre d'abord une teinture ferrugineuse, et de boire ensuite le vin pur.
[Si cette manière de voir se répandait en France, bien des industriels, fabricants de spécialités pharmaceutiques, seraient loin d'y trouver leur compte.]
3. FERRUGINEUX HEMOSTATIQUES
Très diluées, ces préparations agissent comme les autres ferrugineux ; concentrées, elles ont une action caustique et coagulante. Leur représentant le plus important est le perchlorure de fer anhydre. Il faut distinguer un perchlorure de fer anhydre Fe2Cl 3 ou Fe2Cl 6 et un perchlorure de fer cristalisé, FeGl3+12H 20. Ce dernier se présente sous la forme d'une masse cristalline, jaune, déliquescente, facilement soluble, ayant une légère odeur d'acide chlorhydrique. Il sert à la préparation du perchlorure de fer liquide.
Perchlorure de fer liquide
Liquide clair, jaune brun ; il contient 15 pour 100 de fer, 43,5 pour 100 de perchlorure de fer anhydre i.
Action physiologique.—Introduit dans l'estomac en solution extrêmement étendue, ce sel se transforme en protochlorure ; il agit donc alors comme les ferrugineux proprement dits.
.Une solution un peu plus concentrée développe une saveur styptique très désagréable. Cette solution doit être assez concentrée (50 pour 100) pour qu'elle puisse provoquer une contraction vasculaire, laquelle, d'ailleurs, est loin d'être aussi considérable que celle qu'on obtient avec les solutions de nitrate d'argent ou d'un sel de plomb. Cette contraction ne se produit que sur les artères et les veines ; les capillaires restent dilatés. En même temps que les vaisseaux se contractent, le sang qu'ils contiennent se coagule et perd sa coloration rouge. Si cette coagulation ne se produit pas, la contraction vasculaire fait aussi défaut. Ainsi, les solutions de perchlorure de fer qui ne font pas coaguler le sang ne font pas non plus contracter les vaisseaux (expériences faites par Rosenstirn et Rossbach sur le mésentère de la grenouille). Le perchlorure de fer doit donc son action hémostatique à sa propriété de faire coaguler le sang ; il n'est aucun autre corps qui possède cette propriété à un si haut degré. Il suffit d'une goutte de perchlorure de fer liquide pour faire coaguler -tout le sang que peut contenir un verre à expérience, et la coagulation est si complète, que, le verre étant renversé, le sang ne s'écoule pas. Cette propriété coagulante peut s'exercer à une certaine profondeur, quand le liquide est porté sur une plaie saignante. Husemann rapporte, en effet, que, ayant badigeonné avec du perchlorure de fer liquide une plaie qui intéressait la lèvre supérieure et la partie alvéolaire de la mâchoire supérieure, dans la nuit, le malade mourut d'une attaque d'apoplexie consécutive à une embolie cérébrale.
1 [La solution de perchlorure de fer officinale en France est beaucoup moins concentrée. Elle ne contient que 9 pour 100 de fer et 26 pour 100 de perchlorure de fer anhydre. Elle marque 30° B.]
134 FERRUGINEUX. — Perchlorure de fer liquide
L'action coagulante du perchlorure de fer est due à la formation d'albuminates en parties insolubles. C'est à cette même cause qu'est due l'action caustique qu'exercent les solutions concentrées de perchlorure appliquées sur la peau et les muqueuses. L'introduction de ces solutions dans le tube digestif donne lieu à une gastro-entérite qui. peut être suivie de mort.
On croyait autrefois que le perchlorure de fer, administré à l'intérieur, pouvait pénétrer dans la circulation, donner lieu à une contraction vasculaire et arrêter ainsi des hémorragies, par exemple, les hémorragies rénales, utérines, etc. Nous savons aujourd'hui qu'une solution étendue de perchlorure de fer ne produit point de contraction vasculaire, même en application directe; et d'ailleurs, si ce composé pénétrait tel quel dans la circulation, il devrait donner lieu à des coagulations sanguines, thromboses et embolies.
Usages thérapeutiques. — Le perchlorure de fer ne doit être employé que comme hémostatique. Il ne convient que dans les cas où le siège de l'hémorragie est directement accessible à une application directe. Son administration à l'intérieur, dans le but de combattre des hémorragies venant d'organes internes, par exemple les hémoptysies, n'est nullement rationnelle. On pourra avoir recours à lui dans les hémorragies traumatiques, dans les métrorragies, les épistaxis, etc. ; mais on n'oubliera pas qu'il peut donner lieu, bien que dans des cas tout à fait exceptionnels, à des embolies mortelles. — On l'a encore injecté dans des cavités anévrysmatiques, dans des phlébectasies et des téléangiectasies ; on cite quelques heureux résultats de cette manière d'agir ; mais les dangers en sont si graves, que ce mode de traitement est aujourd'hui à peu près entièrement abandonné. Ces dangers consistent en ce que l'injection de perchlorure de fer peut donner lieu à des embolies mortelles, si l'on n'a pas le soin de comprimer le vaisseau audessus et au-dessous de la tumeur, et en ce que l'irritation produite par le liquide peut être assez violente pour provoquer une inflammation capable d'amener des accidents mortels. On fera donc bien, en présence des affections en question, d'avoir recours à d'autres méthodes de traitement, notamment à la compression et à l'électropuncture.
Il est absolument douteux que le perchlorure de fer possède la moindre efficacité contre les hémorragies gastriques et intestinales, dans lesquelles, il était considéré autrefois comme un des remèdes les plus actifs. Quand on réfléchit que, dans les hémorragies cutanées, le styptique, pour agir, doit atteindre exactement la surface saignante, on ne peut s'empêcher de considérer comme entièrement invraisemblable que 5 à 6 gouttes de ce styptique dans un mucilage d'avoine, arrivant dans la cavité stomacale souvent remplie de sang, puissent se mettre en contact avec le point qui est le siège de l'hémorragie. Il est encore plus illusoire de s'attendre à ce que les cinq gouttes puissent avoir de l'efficacité dans les hémorragies intestinales des typhiques. Quel chemin n'auraient-elles pas à parcourir pour parvenir de la bouche à l'ulcère saignant dans le coecum ou l'iléum? Que des hémorragies graves de l'estomac ou de l'intestin se soient arrêtées spontanément, sans qu'on ait administré une-seule goutte de perchlorure de fer, c'est là un fait que nous avons pu constater et que d'autres observateurs ont constaté un très grand nombre de fois. — Quant à l'administration de ce médicament dans les hémorragies pulmonaires, il serait absurde d'attendre de ce traitement la moindre efficacité.
Le perchlorure de fer a été encore employé en inhalations ; mais les inconvénients que peut présenter ce mode d'emploi (irritation de la bouche, troubles digestifs) font souvent hésiter à le mettre en usage. On peut cependant y avoir recours dans les hémoptysies rebelles (Waldenburg) ; l'expérience nous apprend que, dans ce cas, il n'excite pas à la toux. La solution styptique sera de 5,0-25 0 sur 500; la solution astringente, de 1-10 sur 500. Il a encore été employé dans le traitement des blennonagies, pour lotionner les ulcères à suppuration fétide ; mais
FERRUGINEUX. — Sulfate de protoxyde de fer ^35
nous avons d'autres médicaments auxquels on devra, dans ces cas, donner la préférence.
DOSES. — A l'intérieur, 3-5 gouttes pro dosi ; le mieux dans un véhicule mucilagineux, mucilage d'avoine, de riz, etc. Pour l'employer à l'extérieur, comme hémostatique, on en imbibe des bourdonnets de charpie, qu'on exprime et qu'on applique sur la surface saignante. S'il s'agit de l'injecter dans une cavité vasculaire, on fait cette injection avec la seringue de Pravaz ; la quantité sera de 2 à 4 gouttes seulement. La solution à injecter contre la blennorragie sera de 1-5 : 150-200.
Sulfate de protoxyde de fer pur
S04Fe+7H 20. —Cristaux verts, efflorescents,facilement solubles. Humides, ils absorbent l'oxygène de l'air, et prennent une coloration brune ; ce n'est plus alors du sulfate de protoxyde, mais bien du sulfate de peroxyde.
Action physiologique. — Une solution très étendue de ce sel, administrée pendant un certain temps, produit les effets ferrugineux proprement dits ; mais la digestion s'en ressent davantage, la constipation est plus marquée.
Une solution concentrée, par sa propriété de faire coaguler l'albumine, produit des effets caustiques, provoque une gastro-entérite ; c'est la même action, bien que moins prononcée, que celle du perchlorure de fer.
Ce sel a encore des propriétés antiputrides ; il détruit les bactéries ; mais ces propriétés sont si faibles, eu égard à celles d'autres substances, qu'elles ne méritent pas qu'on s'y arrête.
Emploi thérapeutique. — Nous commencerons par dire que le sulfate de fer est superflu en thérapeutique. Son efficacité comme désinfectant est douteuse, et d'ailleurs il est tant d'autres désinfectants auxquels il ne peut pas être comparé.
On ne l'administre plus à l'intérieur contre l'anémie, parce qu'il donne trop facilement lieu à des troubles digestifs. On l'a recommandé contre le diabète, la tuberculose, l'helminthiase, les fièvres intermittentes. Parfois encore on le prescrit comme astringent dans les catarrhes chroniques, particulièrement dans celui de l'intestin. Mais il est bien d'autres substances qui peuvent lui être préférées ; son usage est donc ici entièrement superflu.
On l'a encore prescrit comme hémostatique; mais on lui préférera toujours d'autres composés, surtout le perchlorure de fer.
A l'extérieur, il a été mis en usage dans les mêmes cas que le tannin (voyez l'étude de ce composé). Il a aussi été employé en inhalations ; mais on doit lui préférer le tannin et l'alun, et, si l'on voulait employer un sel de fer, il faudrait donner la préférence au perchlorure. — Le sulfate de fer a encore été beaucoup préconisé, dans ces derniers temps, comme désinfectant. Il est certain qu'il supprime l'odeur des matières fécales et autres substances en putréfaction, soit en provoquant la décomposition de l'hydrogène sulfuré et donnant lieu à la production d'un sulfure de fer, soit en détruisant les organismes inférieurs, animaux ou végétaux, qui produisent la putréfaction. Mais cette propriété antiputride est extrêmement faible et ne peut pas être comparée à celle des acides minéraux, de l'acide phénique, de l'acide salicylique et avant tout du sublimé. On a dit aussi que le sulfate de fer était capable de détruire les germes morbides, tels que celui du choléra ; cette question a été beaucoup agitée dans ces derniers temps, et l'expérience a prouvé que les matières des fosses d'aisances, bien que traitées énergiquement par le sulfate de fer, n'en continuaient pas moins à être des foyers pour la propagation du choléra.
DOSES ET PRÉPARATIONS. — 1. Sulfate de fer pur, 0,01-0,10 pro dosi (0,5 pro die), en pilules ou en solution. — Extérieurement, pour bains, 100-150 grammes pour un bain. En injection, dans les catarrhes chroniques, 0,1-0,2 : 10;
136 FERRUGINEUX CONTREPOISONS
comme styptique, 2 : 10. On le mêle avec du charbon, de la myrrhe, etc., dans la proportion de 1:2-3, pour en faire des poudres désinfectantes.
■'2. Sulfate de fer impur. — Seulement pour l'extérieur. '- 3. Sulfate de fer sec. — A doses moitié moindres.
4. Pilules d'aloès et de fer, pilules italiennes noires. — Parties égales de sulfate de fer et d'aloès. Chaque pilule pèse 0,1.-1-2 pilules pro dosi. Superflues.
5.- Sulfate de peroxyde de fer et d'ammoniaque. — Il aurait, dit-on, des propriétés anthelminthiques. Superflu.
6. Sulfate de peroxyde de fer liquide. — Usité seulement pour la préparation de l'antidote de l'arsenic.
Acétate de fer liquide
Liquide rouge brun, d'une odeur de vinaigre, contenant 8 pour 100 de fer. Même action physiologique que celle du sulfate de fer. Au point de vue thérapeutique, il est superflu.
4. FERRUGINEUX CONTREPOISONS
Antidote-de l'arsenic
Hydrate de peroxyde de fer étendu. — Il faut qu'il ait été préparé peu de temps avant le moment de s'en servir, car il se décompose facilement et perd de son activité. Voici comment on le prépare :
On mêle 60 parties de sulfate de peroxyde de fer liquide avec- 120 parties d'eau ; à ce mélange on ajoute 7 grammes de magnésie calcinée, préalablement délayés dans 120 parties d'eau. On agite fortement le mélange, jusqu'à ce qu'on ait obtenu une bouillie homogène, d'un brun rougeâtre, d'un goût un peu amer. Cette bouillie est un composé d'hydrate de peroxyde de fer, de sulfate de magnésie et de magnésie calcinée.
Action physiologique et emploi thérapeutique. — Ce mélange, proposé par Bunsen, constitue un des meilleurs contrepoisons de l'arsenic; il donne lieu à la formation d'un arsénite de peroxyde de fer et d'un arsénite de magnésie ;il faut pour cela, bien entendu, que le poison ingéré soit encore dans le tube gastro-intestinal ; car une fois absorbé, ses effets ne peuvent plus être neutralisés. Il s'agit donc ici d'un.antidote chimique, et nullement d'un antidote physiologique. L'arsénite de ■fer et celui de magnésie sont insolubles dans l'eau ; mais ils peuvent se dissoudre dans les liquides intestinaux, et pourraient alors être absorbés. Il est donc indispensable de faire prendre, avant ou après l'administration du contrepoison, un purgatif salin (sulfate de soucie ou de magnésie) ; l'action purgative débarrasse rapidement l'organisme de ces composés, dont la présence trop prolongée dans l'intestin pourrait devenir dangereuse.
L'antidote de l'arsenic doit être prescrit à des doses considérables. On en fera prendre une à deux cuillerées à bouche toutes les cinq minutes, pendant un temps assez long. La dose de sulfate de magnésie sera de 15 grammes.
Cyanure jaune defer et de potassium
K4FeC6N6-f-3H 20. — Gros cristaux jaunes, d'une saveur amère douceâtre, ne se décomposant pas en présence de l'air.
Action physiologique et emploi thérapeutique. — Ce sel ne peut pas agir comme ferrugineux ; car, après son ingestion, il ne laisse pas dégager de fer ; il s'élimine avec l'urine à l'état de ferro ou ferricyanure potassique. Sa seule propriété qui ait été bien constatée, c'est celle d'augmenter les mouvements péristaltiques de l'intestin et de provoquer ainsi de la diarrhée.
FER. — Protoiodure, chlorure d'ammonium et de fer • 137
C'est un bon antidote de plusieurs sels de métaux graves, avec lesquels il forme des ferrocyanures insolubles. Il a surtout été recommandé dans les empoisonnements par les sels caustiques de cuivre et de fer. On le donne, dans ces cas, aux doses de 1 à 2 grammes..
5. MÉLANGES ET COMBINAISONS DU FER AVEC D'AUTRES MÉDICAMENTS
Ces composés (iodure de fer, chlorure de fer et d'ammonium, tartrate de fer et de potasse) sont superflus. Il est, en effet, préférable d'employer isolément, par exemple, l'iodure de potassium et le fer que l'iodure de fer, etc.
Protoiodure de fer
Fel 2. — Masse lamelleuse grise. Une solution aqueuse de ce sel laisse précipiter par l'évaporation une masse d'un vert clair Fel 2 +4H 20. Il se décompose avec la plus grande facilité. La pharmacopée prescrit de préparer le protoidure de fer au moment même où l'on va s'en servir : on mêle ensemble, en les faisant chauffer, 3 parties de fer pulvérisé, 8 d'iode et 18 d'eau distillée, jusqu'à ce que le liquide ait pris une teinte verdâtre ; cette solution contient 40 pour 100 d'iode. Pour faire des pilules, on concentre cette solution.
Son action sur l'organisme est celle du fer et de l'iode (voyez l'étude de ces deux corps).
Emploi thérapeutique. — On l'a employé dans les cas qui demandent l'administration simultanée du fer et de l'iode : ainsi dans la scrofulosè, la syphilis, chez des individus pâles, déprimés ; ainsi, dans la chlorose survenant chez des personnes scrofuleuses: dans plusieurs autres cas, notamment dans les cas de dégénérescence amyloïde, de gonflement du. foie et de la rate, à la suite de fièvres intermittentes invétérées. La valeur de ce composé a été l'objet d'opinions bien diverses; autrefois il était beaucoup préconisé. On se demande aujourd'hui si réellement il est supérieur à toute autre préparation ferrugineuse ; il faudrait, pour résoudre la question, .des observations comparatives. Dans tous les cas, il ne faut pas en faire un spécifique, car on a été jusque-là.
DOSES. — Ce sel se décompose très facilement; aussi a-t-il fallu l'unir à certaines substances qui en retardent la décomposition. On l'a mêlé avec du sucre de lait {saccharure d'iodure de fer) : 100 parties de ce saccharure contiennent 20 parties d'iodure de fer; 6 parties contiennent toujours 1 partie d'iode. — 0,1-0,3, plusieurs fois par jour, en poudre, en pilules, en pastilles ; en solution, il est irrationnel. On emploie encore le sirop d'iodure de fer : d'abord incolore, il devient plus tard verdâtre ; il contient 5 pour 100 d'iodure de fer. —0,2-1,0 pro dosi (5,0 pro die) i.
Chlorure d'ammonium et de fer
Il ne paraît pas constituer une combinaison chimique, mais simplement un mélange de beaucoup de chlorure d'ammonium avec peu de fer (2,6 pour 100). C'est une poudre d'un jaune orangé, déliquescente, facilement soluble. On admet qu'elle réunit en elle les propriétés du chlorure d'ammonium et du fer.
Complètement superflue en thérapeutique (0,3-0,5 pro dosi, en pilules).
Tartrate de fer et de potasse
Poudré d'un vert sale, devenant peu à peu brune. Elle se dissout en très grande partie dans 16 parties d'eau.
1 [Le sirop d'iodure de fer du Codex français ne contient que 0,5 de protoiodure de fer pour 100. Sa richesse en iodure ferreux est donc dix fois moindre que celle du sirop allemand.
138 ALUMINIUM. — Sulfate d'alumine et de potasse
Elle n'est guère employée que pour préparer des bains ferrugineux artificiels (50-100 pour un bain). Il a déjà été question de l'inutilité de ces bains ».
QUEVENNE, Archives de physiologie, de thérapeutique et d'hygiène de Bouchardat. Paris, 1854, article très important. — GILLE, Monographie thérapeutique et pharmacologique du fer, in-12. Paris, 1857. — BURIN DU BUISSON, Traité de l'action thérapeutique du perchlorure de fer. Paris, 1860.' — DELEAU (M.-T.), Traité sur les applications du perchlorure de fer en médecine, in-8. Paris, 1860. — LORAIN (P.), Nouveau Dictionnaire de médecine.et de chirurgie pratiques, art. CHLOROSE, t. VII. Paris, 1867. — POTAIN, Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, art. ANÉMIE. — MARTIN (Gust.-Prosp.). Préparations, usages thérapeutiques du fer, thèse de doctorat. Paris, 1868 —Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, art. FER par H. BUIGNET et HIRTZ. t. XIV. Paris, 1871. — BOUSSINGAULT, DU fer contenu dans les aliments (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 27 mai et 29 juillet 1872). — GELIS (A.), Le lactate de fer. Paris, 1877. — Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, art. FER par BORDIER et LAYET, 4e série, t. I. Paris, 1877. — ROSSBACH'S pharmakologische Untersuchungen, 1877, Band II, indications, bibliographiques, par SCHERFF. — HAMBURGER, Zeitschrift fur physiologische Chemie voti Hoppe-Seyler, Band II, p. 191, — R. MAIER, Virchow's Archiv fur pathologische Anatomie, Band XC, p. 455. — H. MEYER U. F. WILLIAMS, Ueber acute EiEenwirkung (Archiv fur experimentelle Pathologie und Pharmakologie, Band XIII. Leipzig). — BOURRU (de Rochelbrl), De la médecine ferrugineuse (Bull. gén. de thérapeut., 1878, t. XCV, p. 256). — MUNK (J.), Verhandlungen der Berliner physikal. Gesellschaft, 187S. — QUINCKE, Ueber Siderosis, Festschrift zu Haller's Jubelfeier, Bern. — SCHEHPF, Résorption und Assimilation des Eisens, Wurzburg, 1878.
II. Aluminium
L'aluminium, qui constitue la base des matières argileuses, est un des éléments les plus répandus dans la nature. Ses composés oxygénés sont des bases beaucoup plus faibles que les oxydes alcalins et alcalino-terreux, à l'égard desquels ils peuvent même jouer le rôle d'acides faibles.
Parmi les nombreux composés de ce métal, il n'y a guère que l'alun de potasse qui soit employé en médecine ; c'est d'ailleurs le composé alumine dont les propriétés physiologiques paraissent être le plus actives, de sorte qu'il rend absolument superflus les autres aluns.
Sulfate d'alumine et de potasse
Alun dépotasse. — Ce sel, (S04)2A1K-|- 12H2O, se présente sous la forme de volumineux octaèdres, incolores et transparents, d'un goût douceâtre et styptique Il se dissout facilement dans l'eau, surtout dans l'eau chaude. Il a une réaction faiblement acide. La calcination-lui fait perdre toute son eau de cristallisation, et le transforme en une poudre blanche, volumineuse, qui se dissout très lentement dans l'eau, et qui est connue sous le nom d'alun calciné.
Action physiologique. —L'alun de potasse, ou l'alun ordinaire, coagule l'albumine; l'alun calciné jouit, en outre, de la faculté d'absorber fortement l'eau. C'est à ces deux propriétés que l'alun doit la plupart de ses effets physiologiques.
Surlapeaw intacte, l'alun n'exerce aucune influence appréciable; il ne peut pénétrer à travers l'épidéme.
1 [Ce sel n'est pas aussi dédaigné en France, où on le prescrit assez souvent à l'intérieur.
On lui reconnaît l'avantage d'être peu sapide, peu astringent et peu irritant pour les voies
digestives - Doses moyennes : 0,20- 0' 50 en Pilules, en sirop, en solution; le mieux dans de
l'eau gazeuse il faut avoir soin de ne pas prescrire une quantité de solution pour plusieurs jours, car elle a l' inconvénient de se décomposer assez vite.]
ALUN DE POTASSE. — Usages thérapeutiques 139
Sur lés muqueuses, il détermine, même en solution très étendue, une sensation de sécheresse ; dans la bouche, il développe une saveur styptique.
Sur les ulcérations de la peau et des muqueuses, il donne lieu, en coagulant l'albumine, à la formation d'une couche protectrice, et il fait diminuer la sécrétion.
Appliqué sur les muqueuses enflammées et sur les ulcérations, il fait, dit-On, contracter les vaisseaux. Des mensurations directes faites sur le mésentère de.la grenouille, sur lequel nous faisions tomber une goutte d'une solution d'alun,.nous ont donné, comme résultat général, l'absence de modifications dans le calibre des vaisseaux, assez souvent il s'est même produit de la dilatation ; dans deux cas seulement nous avons noté un léger rétrécissement ; les capillaires eux-mêmes se sont montrés en général dilatés, et malgré cela la circulation s'y interrompait fréquemment. Dans tous les cas, ce qui est bien certain, c'est que l'action constrictive vasculaire de l'alun ne peut être comparée à celle produite par le nitrate d'argent ou l'acétate de plomb.
En solutions très concentrées, il exerce, sur les muqueuses et les surfaces ulcérées, une action légèrement caustique.
Donné à l'intérieur, pendant un certain temps, en solution étendue et à petites doses (0,05-0,1), il diminue l'appétit, trouble la digestion et constipe. A doses plus élevées, il provoque des phénomènes inflammatoires, des vomis— i sements et de la diarrhée. Administré en substance, il cautérise la muqueuse gastro-intestinale et donne lieu à une gastro-entérite. Il est absorbé dans le canal digestif, probablement à l'état d'albuminate, et l'on peut le retrouver dans divers organes, ainsi que dans l'urine (Orfila). On croyait autrefois qu'il exerçait dans le torrent circulatoire et dans l'intérieur des organes une action semblable à celle qui résulte de son application sur les muqueuses ; mais cela n'est pas possible ; car, au moment de sa pénétration dans le sang,.ses affinités sont saturées, et l'on sait que son action locale sur les muqueuses repose précisément sur cet acte de saturation. Les albuminates d'alun, appliqués localement, ne peuvent plus exercer l'action astrictive et desséchante qui appartient à l'alun lui-même.
L'alun empêche la putréfaction de toutes les substances organiques et supprime l'odeur putride.
Usages thérapeutiques. — On lui attribue ordinairement les mêmes indications qu'à l'acide tannique et à l'acétate de plomb ; mais, dans le fait, son emploi est beaucoup plus limité que celui de ces composés. Il est très rare qu'on l'administre dans-le but d'en obtenir des effets à la suite de sa pénétration dans le sang; à ce point de vue il est d'ailleurs entièrement superflu et sans aucune utilité.
On l'emploie presque exclusivement pour en obtenir des effets locaux directs. On évite pourtant d'en faire usage dans les diarrhées, à cause des troubles digestifs qu'il provoque. Dans l'épistaxis, il est entièrement superflu, car si l'épistaxis ne s'arrête pas sous l'influence de simples tampons, on devra avoir recours tout d'abord à la solution de perchlorure defer. Dans la blennorragie on lui préfère ordinairement le tannin. Dans l'hémoptysie son efficacité est illusoire. Ses indications réelles se bornent aux cas suivants : dans les flueurs blanches chroniques on l'emploie sous forme
1 .n ALUN. — Usages thérapeutiques
d'injections ou bien encore on en imbibe des tampons qu'on introduit dans le vagin; dans l'angine simple chronique ou subaiguë, l'infusion de sauge aluminée en gargarisme, est un remède populaire; contre les sueurs des pieds on le prescrit sous forme de pédiluves. Enfin il est encore employé en inhalation; mais ses indications ayant, à ce point de vue,, des relations nombreuses avec celles de l'acide tannique, je renvoie à l'étude de ce dernier
composé.
Magnus a récemment recommandé le crayon d'alun dans le traitement des catarrhes, des blennorrhées et des granulations modérées de la conjonctive; il a sur le cuivre et sur le zinc les deux avantages suivants : on peut plus facilement en graduer les effets, et la douleur à laquelle il donne lieu a une durée plus courte. Frànkel vante les bons effets qu'on obtient par l'emploi d'un crayon d'alun tout-à-fait mince dans le traitement de diverses formes de leucorrhée utérine (chez les scrofuleuses,les chlorotiques, à la suite de l'infection blennorragique, après les avortements) ; l'alun se dissout complètement dans l'utérus, de sorte que ses contre-indications, ses dangers, sont tout à fait insignifiants.
DOSES ET PRÉPARATIONS. — 1. Alun. — 0,1-0,5 pro dosi (3,0 pro die), en poudre, pilules, ou potion. — Extérieurement, en poudre ou en solution (1,0 jusqu'à 10 : 150,0-200); en inhalations, 1,0-5,0 : 500,0,
2. Alun calciné. — Employé seulement à l'extérieur. Il agit plus énergiquement que l'alun ordinaire; il peut même produire facilement des effets caustiques sur les muqueuses et à la surface des plaies.
SUPPLÉMENT
De la même manière que l'alun agissent les substances suivantes :
1. Oxyde d'aluminium, alumine hydratée.
2. Solution d'acétate d'alumine : 300 parties de sulfate d'alumine, 360 parties d'acide acétique étendu, 130 parties de carbonate de chaux, 1000 parties d'eau. D'après Bruns, on obtient 1000 parties d'une solution aqueuse 3 pour 100, en mêlant 72 parties d'alun et 115 parties d'acétate de plomb avec une quantité d'eau correspondante, puis filtrant ce mélange. L'acétate d'alumine a été recommandé par Burow, en application sur les surfaces ulcéreuses à sécrétion putride, et contre les sueurs à odeur fétide. D'après P. Bruns et Maas, l'acétate d'alumine est un antiseptique extrêmement puissant, beaucoup plus énergique que le thymol et l'acide salicylique. Ces observateurs le recommandent donc, en solution 3 pour 100 et en irrigations continues, pour le pansement des plaies en voie de décomposition. D'après Fischer et Millier, les solutions de cette substance fortement antiseptique, ainsi que les objets de pansement qui en sont imbibés (gaze à l'acétate d'alumine), possèdent divers avantages sur les solutions du phénol et sur la gaze phéniqnée. Leur efficacité ne diminue pas par l'évaporation, mais conserve toujours toute son énergie. Seulement elles se décomposent par la dessiccation et deviennent alors inactives (l'acéto-tartrate d'alumine, sel double cristallisé, possédant les mêmes propriétés antiseptiques,' n'a pas cet inconvénient et peut donc être employé sous forme de pansements secs). Leur emploi ne donne lieu à aucune irritation ni à aucun phénomène général d'empoisonnement ; la gaze aluminée est souple, moel- . leuse et facile à appliquer. Mais l'acétate d'alumine ne peut pas servir pour la désinfection des mains et des instruments ; il rend les premières rudes émousse et salit les seconds. '
PLOMB. -Effets physiologiques 141
3. Sulfate d'alumine.
4. Argile, ou silicate d'alumine, insoluble dans l'eau et les acides, par conséquent non absorbable et inactive. On croyait autrefois qu'elle agissait comme l'alun et on l'employait comme ce médicament. Aujourd'hui on ne s'en sert plus que comme excipient pilulaire, quand on veut administrer, en pilules, un sel métallique facilement dècomposable, comme le nitrate d'argent.
Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, art. ALUN, par RÉVEIL, DELIOUX DE SAVIGNAC et BEAUGRAND, t. III. Paris, 1865 — ROSENSTIRN in Rossbach's pharmakologische Untersuchungen, Band H. Berlin, 1874, — PINNER, Berliner klinischeWochenschrift, 1880, n° 12. — GUBLER et LABBÉE. Commentaires thérapeutiques du Codex médicamentarius, 3e édit édit. Paris, 1885 p. 504. '
III. Plomb et ses composés
Le plomb et un grand nombre de ses composés étant insolubles dans l'eau, il faut, pour qu'ils puissent agir sur l'organisme, qu'ils s'y transforment en composés solubles. Par suite de cette transformation, l'usage prolongé des composés insolubles de plomb donne lieu aux mêmes effets généraux que l'usage das composés solubles, lesquels ne se distinguent que par les altérations aiguës qu'ils déterminent localement sur la peau et les muqueuses.
Effets physiologiques des sels de plomb
Aucune préparation plombique ne peut pénétrer dans le sang à travers la peau intacte ; l'opinion contraire qui a été émise, par exemple pour le fard de plomb, n'a pas été positivement prouvée. Mais les sels de plomb pénètrent facilement dans la circulation par les plaies, les ulcérations de la peau et par toutes les muqueuses.
Il faut distinguer les effets locaux des sels plombiques solubles et les effets généraux de tous les composés de plomb, bien que ces deux effets puissent en définitive être rapportés à une même cause, à savoir, l'affinité qu'a le plomb pour les substances albumineuses, avec lesquelles il forme des combinaisons très stables.
Effets locaux. — Appliquée sur la peau intacte, une solution, même concentrée, d'un sel de plomb, ne produit rien d'appréciable, sauf qu'après l'évaporation du liquide dissolvant le sel de plomb recouvre l'épiderme sous forme de couches blanches, fortement adhérentes.
Sur les muqueuses, les solutions plombiques déterminent les modifications suivantes : sur la langue, saveur métallique d'abord douceâtre, puis styptique ; sur toutes les muqueuses, précipitation d'albuminates de plomb, diminution des sécrétions, coagulation des principes albumineux des cellules superficielles, avec ratatinement de ces cellules. Par suite de ces altérations, sécheresse de la bouche et du pharynx, troubles digestifs, diminution de la sécrétion et des mouvements péristaltiques de l'intestin, constipation.
Une solution très concentrée détermine une mortification complète des couches superficielles delà muqueuse; il se forme une plaque blanche,
142 PLOMB. - Effets physiologiques
ferme, qui se détache au bout de quelque temps, en laissant après elle une ulcération. Au-dessous de cette plaque la muqueuse est d'abord blanche, exsangue; plus tard elle s'enflamme (Mitscherlich). Les phénomènes consécutifs à cette cautérisation sont ceux de la gastro -entérite : douleurs brûlantes dans les régions de l'estomac et de l'intestin, vomissements, diarrhée, mort. Si ces altérations locales arrivent à guérison, il peut survenir au bout de quelques semaines une intoxication saturnine générale. Quand on touche avec de l'acétate de plomb un point de la paroi intestinale, on voit se produire à l'endroit touché une contraction longtemps persistante des muscles intestinaux, semblable à celle à laquelle donne lieu le nitrate d'argent (Nothnagel).
Appliquées sur une surface ulcéreuse, les solutions plombiques concentrées donnent lieu à la formation d'une couche très épaisse d'albuminate de plomb ; les points qui auparavant étaient le siège d'une suppuration ou d'un suintement abondants deviennent secs et guérissent souvent avec rapidité sous cette couche protectrice.
Les vaisseaux superficiels des muqueuses et des surfaces ulcérées subissent un rétrécissement considérable, bien que moins marqué que celui déterminé par le nitrate d'argent. En faisant tomber par gouttes sur le mésentère de la grenouille une solution d'acétate de plomb à 50 pour 100, nous avons vu les artères et les veines se rétrécir, en moyenne, de la moitié de leur diamètre ; mais le calibre des capillaires ne subissait aucun changement. Nous avons vu très souvent la circulation s'arrêter dans les points touchés par la solution. Les cellules circonvoisines se troublaient. Le plus souvent il se produisait dans les vaisseaux des caillots formés de globules blancs, qui adhéraient aux parois vasculaires et contribuaient encore à rétrécir le calibre des vaisseaux (Rosenstirn et Rossbach).
Les principaux effets locaux que produisent les solutions plombiques étendues sur les muqueuses et les surfaces ulcérées, sont donc la diminution des sécrétions et le rétrécissement des vaisseaux.
Effets généraux. — L'absorption se fait peu à peu par les surfaces ulcérées et par les muqueuses ; elle peut se faire par la muqueuse bronchique, quand le composé de plomb est inspiré. Les empoisonnements chroniques les plus intenses sont ceux qui se produisent, par exemple chez les ouvriers qui manient le plomb, lorsque des quantités minimes de ce métal pénètrent pendant longtemps et d'une manière continue dans l'organisme. On a vu aussi l'administration quotidienne et pas très prolongée d'un sel de plomb, à doses médicamenteuses (en tout 3 à 10 grammes), donner lieu à un empoisonnement général.
Ce que devient le plomb dans l'organisme
Les préparations plombiques, administrées en solution étendue et à doses modérées, se transforment très probablement, dans le chyme acide de l'estomac, en albuminate de plomb. Cet albuminate pénètre en partie dans la circulation, et là les globules sanguins, mais nullement le sérum (Millon), le transportent et le répandent rapidement dans la plupart des organes: aussi à l'autopsie ne trouve-t-on plus de plomb dans le sang ; on n'en trouve
PLOMB. — Êmpoisonnement chronique par le plomb 143
que dans les organes, dans les cellules desquels il est fixé à l'état d'albuminate. Il ne se dégage que très lentement de ces cellules, pour s'éliminer petit à petit avec la bile et avec l'urine ; s'il y a albuminurie, la quantité de plomb éliminée par les reins peut devenir plus considérable. Le plomb qui arrive dans l'intestin avec la bile est en partie réabsorbé et en partie transformé en un sulfure insoluble par l'hydrogène sulfuré de l'intestin ; dans cet état il est évacué avec les selles, auxquelles il communique une coloration noirâtre.
Un empoisonnement général aigu par le plomb ne peut pas, pour les motifs développés dans les généralités, être déterminé par les sels plombiques ordinaires. Mais il peut être provoqué, chez toutes les espèces animales, par l'acétate triéthylique de plomb, Pb(C2H 5) 3, C2H 302; voici les principaux phénomènes dont il s'accompagne : 1° Le plomb affecte la substance de tous les muscles striés, et cette action est surtout manifeste chez les grenouilles et les lapins ; il ne rend pas dès l'abord toute contraction impossible, mais il provoque un très rapide épuisement de l'activité du muscle ; à la fin le muscle perd aussi son excitabilité, meurt et tombe dans une rigidité cadavérique légère. 2° Le plomb excite certains appareils moteurs centraux, notamment dans le cerveau et le cervelet, et provoque ainsi, surtout chez les chiens, les chats et les pigeons, des mouvements ataxiques particuliers, un tremblement et des secousses continues, enfin des spasmes avec conservation du sentiment et de la sensibilité. 3° Le plomb excite certains appareils nerveux qui, situés dans la paroi intestinale, régissent les mouvements de l'intestin, et il donne lieu conséquemment à une contraction générale et à des mouvements péristaltiques plus intenses de l'intestin, à des accès de coliques, à une augmentation de la sensibilité de toute la région abdominale, et le plus souvent aussi à de la diarrhée. On ne constate aucune action sur les muscles lisses de l'intestin et des vaisseaux. La respiration et la circulation ne subissent aucune influence directe, sauf qu'à la fin le coeur et les muscles respiratoires prennent part aussi à la paralysie musculaire générale.
Comme on le voit, ces effets généraux aigus provoqués par l'acétate triéthyl-plombique offrent une ressemblance remarquable avec l'empoisonnement chronique déjà depuis longtemps connu.
Symptômes de l'empoisonnement chronique par le plomb. —a. Chez l'homme. — Soit que l'empoisonnement se présente chez un individu auquel on a administré, dans un but thérapeutique, de petites doses de plomb, soit qu'il survienne chez un ouvrier qui manie journellement les composés plombiques, on observe les phénomènes suivants, qui ressemblent en partie à ceux de l'empoisonnement chronique par le mercure : saveur métallique désagréable, persistante ; gonflement des gencives et coloration bleuâtre de leurs bords, taches bleuâtres ou gris de fumée sur la muqueuse des lèvres et des joues ; on y découvre au microscope des granulations noires accumulées tout autour des vaisseaux ou disséminées dans le tissus (Renaut) ; salivation, haleine fétide ; anorexie; constipation opiniâtre; amaigrissement progressif; peau sèche, pâle, d'un aspect cachectique.
Bientôt on voit se manifester, et se répéter par accès fréquents, les coliques dites coliques de plomb : elles se caractérisent par des douleurs abdominales extrêmement violentes, qui s'étendent surtout l'abdomen ou
144 PLOMB. — Empoisonnement chronique par le plomb
se limitent au niveau de certaines régions, par exemple à la région ombilicale ; les parois de l'abdomen sont en même temps tendues, dures, attirées en dedans ; parfois il survient des vomissements de matières verdâtres, à odeur fétide; le plus souvent les selles font défaut pendant un grand nombre de jours; il est rare de les voir normales ou même plus fréquentes que d'habitude. Le pouls est ordinairement ralenti et présente une dureté particulière.
Plus tard surviennent des névralgies spéciales, difficilement localisables; elles paraissent avoir leur siège dans les articulations, les os, les muscles des régions les plus diverses du corps; ces douleurs ressemblent souvent à des chocs électriques violents ; fréquemment encore elles sont déchirantes ; elles augmentent pendant la nuit et à la chaleur du lit, diminuent à la pression, et sont exaspérées par les mouvements ; on leur donne le nom d'arthralgies saturnines.
Peu à peu apparaissent des tremblements musculaires, plus ou moins étendus, qui peuvent devenir assez intenses pour ressembler à de véritables convulsions ; parfois, dit-on, les muscles deviennent semblables à des tumeurs dures, irrégulières.
Puis se manifeste la paralysie saturnine. Ce sont d'abord les extenseurs des membres qui sont atteints, en même temps que les fléchisseurs antagonistes sont contractures, ce qui donne aux membres une attitude caractéristique. Plus tard, la paralysie peut envahir les muscles du tronc, même les muscles du larynx. Avec le temps, les muscles paralysés finissent par s'atrophier.
La température reste en général normale; on a cependant observé, dans certaines intoxications chroniques par le plomb, soit des abaissements tout à fait anormaux de la température (29, 5, v. Monakow), soit encore des mouvements fébriles irréguliers.
Il n'est pas rare de voir la menstruation s'interrompre (Lublinski, Dowse), et, s'il faut en croire Stoke, des animaux domestiques, recevant leurs aliments du voisinage d'une usine à plomb, mettaient bas avec plus de . difficulté, et les oiseaux cessent de pondre.
Les enfants de parents affectés d'un empoisonnement chronique par le plomb offrent parfois des anomalies dans le développement du crâne et sont prédisposés aux convulsions (Berger, Rennert).
On voit assez fréquemment des amblyopies plombiques se manifester sans prodromes, d'autres fois elles se développent lentement avec les autres symptômes. Le fond de l'oeil est à l'état normal, ou bien on y découvre des opacités ou des états atrophiques, tantôt sur la papille seulement, tantôt sur toute la rétine (Hirschberg).
Enfin se manifestent des troubles graves dans le domaine du système nerveux central (encéphalopathies saturnines) : tantôt c'est le délire, ou des troubles intellectuels à caractère mélancolique ou maniaque ; tantôt ce sont des convulsions épileptiformes, avec perte de connaissance.
On n'a pas observé d'une manière positive des troubles du côté des poumons, du foie, de la rate ni des reins.
Le malade meurt dans un état d'amaigrissement extrême, succédant à la longue privation d'aliments ; il peut encore succomber au milieu de phéno-
PLOMB. — Empoisonnement chronique par le plomb 145
mènes d'hydropisie ; leur cause, dans un certain nombre de cas, doit être cherchée dans des processus de ratatinement des reins. Un empoisonnement chronique par le plomb est une cause assez fréquente de néphrite chronique; sur 150 cas de ratatinement des reins, 15 fois Wagner a trouvé que l'intoxication suturnine devait être considérée comme la cause de la maladie. La mort n'est directement amenée ni par les coliques, ni par la paralysie musculaire, ni par les troubles fonctionnels du cerveau et de la moelle.
A l'autopsie d'un individu qui avait succombé à un empoisonnement saturnin de très longue durée, Kussmaul et Maier ont noté les altérations suivantes : catarrhe chronique de l'estomac, de l'intestin et du conduit cholédoque; atrophie très marquée de la muqueuse du jéjunum, de l'iléum et de la partie supérieure du côlon ; dégénérescence graisseuse des muscles, notamment de ceux de l'intestin grêle ; hypertrophie et sclérose du tissu conjonctif de plusieurs ganglions du sympathique, particulièrement du ganglion coeliaque et du ganglion cervical supérieur, avec diminution des cellules ganglionnaires. Chez un peintre, chez lequel des symptômes cérébraux s'étaient associés avec une paralysie radiale de longue durée, Monakow a trouvé des altérations très accentuées dans le cerveau et dans la moelle ; mais le nerf radial était intact. Il est certain d'ailleurs que, dans une série de cas, on ne trouve dans la moelle èpinière aucune altération, tandis que les muscles et les extrémités périphériques des nerfs moteurs sont le siège d'altérations étendues (Friedlànder, Leyden). Moritz fait remarquer en outre que, dans le.cas qu'il a observé, les fibres intramusculaires étaient atteintes également, mais que des fibres musculaires saines et des fibres malades se trouvaient souvent tout à côté l'une de l'autre; d'où il conclut que les extrémités nerveuses avaient dû être atteintes en premier lieu.
. b. Chez les animaux. — Les observations faites sur l'homme présentant plusieurs lacunes, nous croyons devoir reproduire ici celles que Heubel et R. Maier ont faites sur des chiens, des lapins et des cochons d'Inde en les soumettant pendant quatre semaines à l'action de l'acétate neutre de plomb.
Il n'y eut qu'un petit nombre de ces animaux qui conservèrent leur appétit normal jusqu'à la mort; chez le plus grand nombre, on observa la perte de l'appétit, des vomissements, de la soif et parfois de la diarrhée ; fréquemment de la salivation. Ces phénomènes s'amoindrissaient ou même disparaissaient pendant un temps très court, pour reparaître ensuite.
Ceux qui conservèrent leur appétit jusqu'à la mort perdirent de leur poids, comme ceux qui avaient eu leur digestion extrêmement troublée ; on observa notamment un dépérissement extrême des muscles du dos et des membres postérieurs. Le poids des animaux dont l'appétit s'était maintenu diminua de 20 à 40 pour 100; celui des autres, de la moitié; l'amaigrissement ne doit donc pas être attribué seulement aux troubles digestifs.
Les accès de coliques furent rares. Ils faisaient brusquement leur apparition au moment où l'animal paraissait dans un bon état : c'étaient des douleurs violentes qui disparaissaient au bout d'une demi-heure aussi rapidement qu'elles étaient venues. Puis le chien se trouvait aussi tranquille qu'avant l'accès; il mangeait avec appétit, et en général buvait beaucoup.
Jusqu'ici on n'a point observé de paralysies saturnines chez les animaux;
NOTHNAGEL et ROSSBAOH, Thérapeutique. 10
146 PLOMB. —Empoisonnement chronique par le plomb
les muscles, il est vrai, dépérissent, les membres postérieurs deviennent très faibles; souvent même se manifestent des tremblements, mais jamais de paralysies musculaires complètes; sans doute à cause. de la trop courte durée des expériences.
A peu près constamment, on voit survenir, dans la quatrième ou la cinquième semaine, les phénomènes de l'épilepsie (ou éclampsie) dite saturnine. Point de phénomènes précurseurs; on a seulement observé, quelque temps auparavant, une diminution de l'excrétion urinaire. L'animal tombe tout à coup en poussant un cri; il est pris de convulsions extrêmement violentes, qui peuvent durer une heure ; la salive et le mucus buccal sont ■ excrétés en plus grande abondance; les pupilles, dilatées, ne répondent pas ; aux excitations, pas plus que le reste du corps ; l'urine et les matières fécales ; s'échappent involontairement. Dans l'intervalle qui sépare les accès, l'animal est dans un état soporeux ou comateux. La sécrétion de la bile est fortement diminuée (Rutherford).
Dans les trois premières semaines de l'empoisonnement, l'urine fut ordinairement abondante et ne présenta rien d'anormal; plus tard, il y eut alternativement diminution et augmentation de la quantité d'urine ; on trouva en même temps, dans ce liquide, de la matière colorante biliaire ; d'après Lewald, l'excrétion urinaire ne subit en général aucune modification ; s'il existe de l'albuminurie, l'intervention du plomb a alors pour résultat de déterminer une augmentation de la quantité d'urine de près de la moitié, tandis que la quantité d'albumine éliminée baisse notablement ; le plomb qui s'élimine avec l'urine est combiné avec l'albumine.
Les évacuations alvines furent, au début, plus rares et, dans les derniers temps, entièrement suspendues ; les excréments étaient foncés, presque noirs, durs, sans être secs. Ce n'est que lorsque des troubles digestifs graves éclatèrent que les évacuations se montrèrent plus fréquentes et demifluides.
A l'autopsie, on trouva que la graisse, tant extérieure qu'intérieure, avait considérablement diminué. Les muscles étaient bien amoindris, mais ils avaient un aspect normal. Le cerveau et la moelle semblaient avoir une consistance plus molle, plus humide. Poumons, coeur, vaisseaux, à l'état normal ; tissu musculaire du coeur non atrophié. Foie ordinairement très riche ■' en sang ; vésicule biliaire toujours gonflée et pleine d'une bile d'un vert sombre. La rate, les reins et le pancréas étaient plus petits et plus pauvres en sang qu'à l'état normal. Maier a trouvé des ecchymoses dans la muqueuse , gastro-intestinale et dans la séreuse de l'intestin, dans le foie, ainsi que dans ; le cerveau et la moelle épinière.
Dans l'estomac et l'intestin, l'épithélium pavimenteux était le plus souvent détaché; les cellules des glandes, quand l'empoisonnement datait de peu de temps, étaient troubles et un peu plus grandes qu'à l'état normal; quand .i l'action du poison avait été plus prolongée, elles étaient pâles et traversées par d'abondantes granulations graisseuses. '.
Dans tout l'organisme (intestin, foie, reins, moelle épinière, cerveau), on . rencontre une forte hypertrophie du tissu conjonctif, surtout dans les parois , des vaisseaux ; plus tard ce tissu conjonctif hypertrophié comprime les vaisseaux partout, notamment dans le tissu sous-muqueux de l'intestin; :
PLOMB. — Intoxication saturnine 147
par suite de cela les glandes s'atrophient et dégénèrent; plus tard aussi les villosités s'élargissent, s'épaississent, se raccourcissent et finalement disparaissent, de sorte que. la surface intérieure de l'intestin parait alors tout à fait lisse. Cette hypertrophie exerce aussi une influence particulièrement intense sur les .ganglions de l'intestin, lesquels s'atrophient également (Maier).
Théorie de l'intoxication saturnine
L'interprétation des phénomènes observés dans l'empoisonnement chronique par le plomb présente encore de grandes difficultés, bien que, depuis l'avant-dernière édition de ce livre, des travaux importants aient été faits en vue de résoudre cette question ; il nous est donc encore impossible d'établir une théorie satisfaisante, et il faut nous contenter de rassembler les divers matériaux que nous devons aux travaux de Heubel, Harnack, Riegel et Remack. Heubel fonde sa théorie tout entière sur le plus ou moins de plomb et d'eau qu'on trouve dans les divers organes ; il parvient ainsi à réduire à néant les opinions anciennes, sans établir les siennes sur des bases plus solides. Harnack tire ses conclusions des observations faites sur les animaux empoisonnés avec du plomb éthylique (v. page 143), et il part de cette idée, que, l'empoisonnement général aigu et l'empoisonnement chronique ayant entre eux de la ressemblance, les deux séries de phénomènes sont basées sur les mêmes altérations organiques. Riegel se fonde seulement sur l'observation du pouls, et Remak sur les paralysies saturnines.
Heubel s'élève principalement contre les théories de Henle, de Hitzig et de Gusserow. D'après Henle,le plomb, après avoir pénétré dans la circulation, irait exercer sur les organes la même action astringente qu'il exerce ■quand il est appliqué localement; de là, spasme des fibres musculaires, notamment de celles des vaisseaux; le rétrécissement du calibre des artères ferait que le sang s'accumulerait dans les veines, lesquelles, par leur dilatation, exerceraient une pression sur les troncs nerveux; d'où, d'abord arthralgie et spasmes, puis anesthésie et paralysie. Les coliques résulteraient dé cette même contraction des muscles lisses de l'intestin, de la vessie, et les phénomènes encéphalopathiques seraient dus à l'hyperhémie veineuse de la cavité crânienne. Le rétrécissement général des artères donnerait lieu, d'après Henle, à une diminution de toutes les exsudations liquides et à une richesse plus grande du sang en plasma; d'après Hitzig, au contraire, les artères seraient remplies outre mesure, il y aurait stase dans le système capillaire, augmentation des sécrétions, diminution de la masse générale du sang, appauvrissement du sang en eau. Gusserow, ayant trouvé que les muscles renfermaient une grande quantité de plomb, en conclut que ces organes avaient subi de la part du poison une altération directe. Traube croit devoir considérer les accidents cérébraux comme d'origine urémique ; ils résulteraient, dit-il, d'une altération saturnine des reins.
Heubel part de cette idée, juste en somme, que les organes et tissus, sur lesquels une substance agit de préférence, ont pour cette substance une affinité chimique toute particulière et par suite en empruntent au sang une quantité relativement plus considérable que d'autres tissus peu ou
148 PLOMB. — Intoxication saturnine.
point Influencés; mais il ne faut pas oublier que, au début, c'est le sang qui doit contenir le plus de cette substance, non parce qu'il a pour elle une plus grande affinité, mais parce qu'il est l'intermédiaire oblige par lequel elle doit passer pour se répandre dans les tissus; et il faut remarquer, en second lieu, que les organes d'excrétion doivent aussi contenir davantage de cette substance, parce que c'est par eux qu'elle passe pour sortir du corps. Heubel a donc trouvé chez ses chiens (voy. page 145 après des analyses quantitatives très exactes, que les organes contenaient toujours les mêmes proportions de plomb, dans l'ordre décroissant ci-dessous :
Os
Reins
Foie. . . . . .
Cerveau
Moelle épinière. Muscles striés. . Muscles lisses. . . Sang
contiennent le plus de plomb.
en contiennent beaucoup moins
encore moins, rien que des traces.
D'après Y. Lehmann, qui a obtenu des résultats semblables, on trouve dans la bile de très grandes quantités de plomb, mais on n'en trouve que peu dans le foie.
Les muscles lisses et striés contenant beaucoup moins de plomb que la plupart des autres organes, la théorie de Henle et Gusserow, qui rapportent à l'altération musculaire toute l'action du plomb, devrait, d'après Heubel, être renversée par le fait. Les organes nerveux centraux contenant des quantités de plomb plus considérables que la plupart des autres organes, à l'exception des organes d'excrétion, Heubel se croit autorisé à admettre que c'est le tissu nerveux qui a le plus d'affinité chimique pour le plomb ; envoyant le tissu nerveux être impressioné par de petites quantités de poison d'une manière plus vive que les autres organes par des quantités considérables, il -attribue, avec Tanquerel des Planches, presque tous les phénomènes toxiques à des altérations de la substance des nerfs.
Les coliques saturnines, d'après lui, ne dépendraient nullement d'un spasme des muscles de l'intestin, car ces spasmes devraient hâter les évacuations alvines, plutôt que de les retarder, et d'ailleurs il serait impossible qu'ils pussent persister ainsi pendant des semaines. On devrait plutôt, dit-il, attribuer ces coliques à une diminution des mouvements péristaltiques de l'intestin, consécutive à un état paralytique des ganglions intestinaux ou à une irritation du nerf splanchnique ; ainsi s'expliquerait la constipation qui survient aux périodes ultérieures de l'empoisonnement. Les douleurs ne seraient donc pas le résultat d'un état spasmodique ; elles seraient simplement névralgiques. Harnack attribue les coliques de plomb à une excitation des ganglions intestinaux et aux altérations consécutives des fonctions intestinales ; par exemple, la constipation opiniâtre chez l'homme serait due à la contraction spasmodique persistante de l'intestin; la diarrhée qui se produit chez les animaux, à une exagération des mouvements péristaltiques intestinaux; les violentes douleurs, aux contractions violentes de l'intestin, d'où résulte un état douloureux sympathique
PLOMB. — Intoxication saturnine 149
de l'enveloppe pèritonéale; le rétrécissement du ventre et la dureté des parois abdominales, à une contraction réflexe des muscles de l'abdomen.
C'est aussi à tort, continue-t-il, qu'on admettrait la contraction générale du tissu musculaire artériel, et la dureté que l'on trouve au pouls ne serait nullement une preuve à l'appui de cette opinion. Le pouls est. dur, il est vrai, mais non petit; les artères ne sont pas contractées, mais pleines et tendues. Le pouls, dit Heubel, diminue de fréquence dans l'empoisonnement chronique par le plomb ; cette fréquence devrait, au contraire, être accrue, s'il était vrai, que toutes les artères fussent rétrécies et la pression sanguine augmentée.
Ce serait à une distribution anormale du sang, plutôt qu'à une contraction des artères, qu'il faudrait attribuer cet état particulier du pouls ; d'autant plus qu'il ne se manifestait bien nettement que pendant les accès de coliques. Le ralentissement des battements du coeur serait le résultat d'une action réflexe, déterminée par les fibres centripètes du splanchnique. L'opinion de Hitzig, d'après laquelle le plomb en circulation dans les artères ferait contracter ces vaisseaux, comme lorsqu'il est appliqué à l'extérieur sur les muqueuses et les surfaces ulcérées, cette opinion serait insoutenable, pour la raison que le sang ne contient que des traces de plomb, et que ce plomb y est combiné avec l'albumine; or, aucun albuminate métallique ne produit les effets locaux du composé métallique en liberté. Riegel admet que, pendant les accès de coliques, il se produit une énorme excitation des nerfs vasculaires, laquelle a pour résultat une tension plus considérable du tube artériel ainsi que l'apparition de douleurs intestinales; en même temps, sous la même influence, le pouls devient plus lent, fort, et a tout à fait le caractère qu'il présente dans les cas où la pression aortique est considérablement augmentée; à mesure que les douleurs diminuent, cet état du pouls se mo- ,' difie; tension vasculaire, diminution de la quantité d'urine et intensité des coliques sont trois états qui sont toujours entre eux dans un rapport exact. Si, au moyen d'inhalations de nitrite d'anryle (Riegel) ou au moyen de la pilocarpine (Bardenhewer), on fait baisser cette haute pression anormale dans le système artériel, on voit alors, tant que dure cette diminution de la pression sanguine, les douleurs s'apaiser, puis reparaître quand l'action de ces médicaments cesse de se faire sentir. Par suite de la contraction générale de l'intestin une quantité considérable de sang est chassée de l'intestin dans les autres parties du système vasculaire, d'où réplétion, tension des artères, et ralentissement du pouls.
La sécrétion de la salive, de la bile, serait plutôt augmentée que diminuée; la diminution de l'excrétion urinaire,qui se manifeste de temps en temps, devrait aussi être attribuée à une irritation des fibres du grand splanchnique, par suite de laquelle l'afflux du sang aux reins serait diminué.
La paralysie musculaire serait la conséquence de la paralysie des nerfs moteurs et non de la paratysie des cellules musculaires elles-mêmes ; le dépérissement des muscles, plus rapide dans la paralysie saturnine que dans les autres paralysies, proviendrait des troubles généraux de la nutrition. Le fait de la disparition rapide de la contractilité faradique et de la contractilité galvanique n'indiquerait nullement une altération primitive du muscle; ce n'est que plusieurs années après le commencement de la paralysie saturnine
150 PLOMB. — Intoxication saturnine
que se seraient manifestées, d'après Duchenne, une altération de texture appréciable et une dégénérescence graisseuse des fibres musculaires.
Là-dessus, E. Remak fait observer que, dans la paralysie saturnine, les muscles atteints sont ceux qui agissent fonctionnellement dans le même sens, bien qu'ils soient innervés par des nerfs différents ; d'où -il croit pouvoir tirer cette conclusion, que la paralysie saturnine est d'origine centraient provient d'une altération des groupes ganglionnaires qui se trouvent à côté l'un de l'autre dans la moelle épinière. — Renaut a vu, chez deux individus empoisonnés par le plomb, l'apparition des phénomènes de paralysie être précédée par un état fébrile, tel que celui qui accompagne fréquemment la paralysie spinale des enfants ou des adultes, et il voit en cela une nouvelle confirmation de l'hypothèse, d'après laquelle la paralysie saturnine serait la conséquence d'une poliomyélite antérieure subaiguë. — Popow a trouvé aussi, chez des cobayes, à la suite d'un empoisonnement aigu par le plomb, les nerfs périphériques à l'état normal, tandis que la moelle épinière était manifestement malade (myélite centrale aiguë).
Les phénomènes cérébraux, à marche chronique, devraient être considérés, toujours d'après Heubel, comme le résultat d'une altération directe par le plomb; mais il serait possible que les accès d'épilepsie saturnine eussent l'origine urémique que leur attribue Traube.
Récidives de l'intoxication saturnine. — La quantité relativement considérable de plomb qui a été trouvée dans les os expliquerait pourquoi des personnes, guéries déjà depuis des années, peuvent présenter de nouveau des symptômes d'une intoxication saturnine, bien qu'elles se soient tenues éloignées, avec le plus grand soin, d'une nouvelle occasion d'empoisonnement; à cause de la lenteur des échanges nutritifs dans les os, le plomb y séjournerait pendant longtemps, alors qu'il aurait déjà quitté les autres organes, et pourrait, beaucoup plus tard, à un moment donné, manifester de nouveau sa présence. Hermann a d'ailleurs fait remarquer qu'on trouve la quantité de plomb, dans les os, bien moindre, quand l'analyse porte, non sur ces organes à l'état frais, mais sur les éléments solides.
Echanges organiques. — Les échanges organiques éprouvent des altérations profondes; c'est ce que montrent le rapide amaigrissement, l'anémie très prononcée des malades; l'augmentation de l'acide urique dans le sang, avec les accès arthritiques qui en sont la conséquence; enfin la richesse des organes en eau.
Heubel a constaté une augmentation de 0,6 -3 pour 100 du contenu aqueux de tous les organes (cerveau, moelle épinière, poumons, glandes salivaires, foie, rate, reins, muscles) ; dans le sang lui-même, il a vu se produire, sous l'influence de l'empoisonnement chronique par le plomb, une diminution de 24-50 pour 1000 du nombre des éléments solides et une augmentatisn correspondante du contenu liquide: les corpuscules sanguins avaient subi une diminution de 20-40 pour 1000; l'albumine, une diminution de 4,5 jusqu'à 7,5 pour 1000;.enfin, les matières extractives et les sels solubles avaient éprouvé une légère augmentation.
Dans des expériences sur des brebis, Ellenberger et Hofmeister ont trouvé, a cote d'une diminution de la quantité d'urine, un amoindrissement considérable de l'élimination de l'urée et une disparition complète de l'acide
ACETATE NEUTRE DE PLOMB. - Emploi thérapeutique 151
hippurique. Ils n'ont pas constaté de diminution des chlorures et des phosphates; l'albuminurie n'est point un symptôme constant. L'élimination du plomb se ferait principalement par les reins et ne serait nullement liée à la présence de l'albumine.
1. ACETATE NEUTRE DE PLOMB
Vacétate neutre de plomb, sucre de Saturne (CH3CO.O)2Pb + 3H 20, se prépare en faisant dissoudre la litharge dans l'acide acétique. Il se présente sous forme de prismes quadrilatères, qui deviennent efflorescents à l'air, se dissolvent dans 1 partie et demie d'eau et dans 8 parties d'alcool.
Emploi thérapeutique. —- L'acétate de plomb est un médicament certainement actif ; mais son utilité réelle est moindre qu'on ne l'admet communément.
On l'emploie, comme hémostatique, dans les hémorragies des organes internes, notamment dans les hémorragies pulmonaires. Si l'hémorragie provient d'un anévrysme, d'un gros tronc artériel s'ouvrant dans une caverne, il va sans dire que le plomb sera alors sans utilité, de même que tout autre styptique. Il sera également superflu dans les hémoptysies tout à fait légères,. consistant en quelques crachats sanguinolents et disparaissant à l'aide de soins diététiques, sans aucune médication. Dans les hémoptysies d'une intensité moyenne, ou encore dans ces hémoptysies qui, quoique faibles, persistent pendant longtemps, l'acétate de plomb peut avoir une certaine utilité. Il est d'autant mieux indiqué que la maladie est apyrétique. S'il existe une tendance considérable à la toux, qui provoque continuellement de nouvelles hémoptysies, il est rationnel de donner le styptique associé avec la morphine. Mais le résultat désiré ne peut se produire que si l'on administre des doses élevées d'acétate de plomb, 0,05 centigrammes toutes les deux heures, et, si l'hémorragie est abondande, on devrait même, au début, administrer cette dose toutes les heures. Comme l'apprend l'expérience, les accidents d'intoxication ne se produisent pas alors aussi facilement qu'on pourrait le craindre. Une contre-indication réside dans les troubles digestifs ; cependant si l'on avait affaire à une forte hémorragie, à un danger pressant, on se verrait obligé de passer outre.
Telles sont les conditions admises généralement pour l'emploi de l'acétate de plomb dans l'hémoptysie. Nous devons cependant reconnaître que, ayant vu des hémorragies assez intenses disparaître sous l'influence d'un régime diététique sévère et de la morphine, administrée dans le but de combattre la toux, sans qu'on ait eu recours à aucun styptique, etc., l'efficacité de l'acétate de plomb, dans l'hémoptysie, nous paraît douteuse. — L'acétate de plomb a été encore employé avec succès dans les hémorragies de l'estomac et de l'intestin. Mais, en raison des troubles digestifs qui existent alors le plus souvent, il est rationnel d'avoir plutôt recours à d'autres médicaments capables de produire le même résultat, sans troubler autant la digestion (fer, tannin; l'hémorragie étant considérable, solution perchlorure de fer). Dans les hémorragies utérines, l'acétate de plomb est superflu : si l'hémorragie se produit pendant l'accouchement, on aura plutôt récours à l'ergo-
152 ACÉTATE NEUTRE DE PLOMB. — Emploi thérapeutique
tine ou à d'autres moyens, suivant les cas; en dehors de l'état puerpéral, les moyens locaux seront plus avantageux.
Contre les diarrhées, l'acétate de plomb a été souvent administrent avec avantage. Mais pouvant, dans la plupart des cas, arriver au même résultat à l'aide d'un autre traitement exempt de l'inconvénient de porter atteinte à la digestion, déjà généralement troublée, on bornera l'emploi de l'acétate de plomb aux formes de diarrhée particulièrement tenaces, à celles surtout qui ont pour cause un processus ulcératif chronique.
L'acétate de plomb a encore été' employé, comme médicament astringent, dans les bronchoblennorhées, dans ce qu'on appelle le catarrhe pituiteux, .avec ou sans bronchectasie. On parvient quelquefois, par un usage prolongé de ce remède, à faire diminuer l'excès de sécrétion. Nous savons aujourd'hui que, dans les cas de ce genre, on retire de réels avantages de l'emploi d'inhalations appropriées, de sorte que l'acétate de plomb, dont il ne faut pas d'ailleurs perdre de vue l'influence fâcheuse sur la digestion, ne devra être mis en usage que dans les cas où les inhalations seront impossibles, ou bien dans les cas où il sera encore indiqué par une tendance aux hémorragies bronchiques.
Contre les sueurs excessives, telles que celles qui se présentent dans le cours des maladies consomptives et fébriles, notamment dans la phtisie pulmonaire, l'acétate de plomb peut rendre parfois de bons services ; mais nous possédons aujourd'hui des agents plus efficaces. —Nous ferons encore remarquer, que dans quelques cas d'oedème pulmonaire aigu, nous avons, eu à nous louer de l'emploi de l'acétate de plomb, à doses élevées (0,05 toutes les demi-heures), en même temps que nous faisions appliquer de grands vésicatoires ; cette méthode a été, croyons-nous, employée pour la première fois par Traube. Il s'agissait de cette forme d'oedème pulmonaire qui survient parfois dans le cours de la néphrite, avec hydropisie générale, ou encore dans la pneumonie développée chez les buveurs ou chez les personnes qui, en général, même au plus haut degré de la fièvre, sont prises de sueurs profuses. Il serait bien possible aussi que, dans ces cas, la part principale du succès revînt aux grands vésicatoires employés concurrement.
Autrefois on prescrivait l'acétate de plomb, comme antiphlogistique, dans diverses affections inflammatoires aiguës; l'expérience n'en a pas confirmé l'efficacité. Dans quelques processus de ce genre, nous employons encore l'acétate de plomb, mais uniquement pour remplir certaines indica- . tions particulières. Et d'abord dans la pneumonie : il est certain que l'acétate de plomb n'influence en rien le processus lui-même, qu'il ne fait nullement baisser la fièvre (peut-être même la fait-il augmenter), qu'il est en somme inutile dans les pneumonies qui suivent leur marche ordinaire. Mais lorsqu'il y a menace d'oedème pulmonaire, on peut y avoir recours, ainsi que nous l'avons dit plus haut ; il peut encore être indiqué, comme hémotastique, dans cette forme de pneumonie désignée sous le nom d'hémorragique. .'
L'acétate de plomb a été encore employé avec avantage, dit-on, dans la néphrite hémorragique aiguë, après qu'on avait préalablement mis en usage les moyens antiphlogistiques et la dérivation sur l'instestin. On doit, en tout cas, en éviter l'emploi aussitôt que se présentent des troubles digestifs un peu considérables.
PLOMB. — Acétate basique, extrait de Saturne 153
Dans ces derniers temps, Munk a recommandé l'acétate de plomb, donné à doses énergiques, dans le rhumatisme articulaire aigu. L'expérience n'a jusqu'ici rien donné de concluant ; en tout cas, ce médicament paraît complètement superflu, aujourd'hui que nous possédons, contre le rhumatisme aigu, une substance bien autrement active, l'acide salicylique.
Enfin, l'acétate de plomb produirait d'excellents effets, d'après Traube, dans la gangrène pulmonaire, dans cette forme de gangrène où il ne s'agît que d'une ou tout au plus de deux cavités gangreneuses, le processus ne s'étendant pas sur de grandes parties des poumons.
Il va sans dire que le malade soumis à l'usage du plomb devra être surveillé avec soin, et qu'il faudra prêter la plus grande attention aux premiers signes d'une intoxication commençante. Outre la contre -indication dont il a déjà été question à plusieurs reprises, et qui réside dans la présence d'un trouble plus ou moins marqué de la digestion, il faut encore en signaler une seconde, à savoir, la scélerose artérielle, dont il faut surtout tenir compte ' quand il s'agit d'une administration prolongée du médicament.
L'expérience nous apprend que les dangers de l'intoxication peuvent être plus longtemps écartés quand on combine l'usage du sel plombique avec celui de petites doses d'opium.
Extérieurement, l'acétate de plomb est employé dans les mêmes cas que le sulfate de zinc ; nous renvoyons donc cette étude à celle de ce dernier composé.
DOSÉS ET PRÉPARATIONS. — Acétate de plomb. — A l'intérieur, 0,01-0,05 pro dosi (jusqu'à 0,1 pro dosi\ jusqu'à 0,5 pro die !) en poudre, en pilules, en solution. Extérieurement, pulvérisé en substance, ou dans une solution à 1-10 pour 100 ; ou encore, en pommade (1 : 10).
Acétate basique de plomb, extrait de Saturne
Il prend naissance quand on fait bouillir 3 parties d'acétate de plomb avec 1 partie d'oxyde de plomb dans 10 parties d'eau. C'est un liquide incolore, faiblement alcalin, qui attire très facilement l'acide carbonique de l'air, d'où formation d'un carbonate de plomb insoluble qui trouble la liqueur.
Action physiologique. — Ses effets locaux et généraux sont exactement ceux de l'acétate neutre; il parait seulement avoir une plus grande affinité pour les matières albuminoïdes.
Emploi thérapeutique. — L'extrait de Saturne est exclusivement réservé pour l'usage externe. C'est un remède populaire contre les sécrétions anormales des muqueuses, les suppurations cutanées, les affections inflammatoires de la peau et des parties immédiatement sous-jacentes. Les prétendus effets antiphlogistiques de ce composé sont absolument douteux. Il ne peut pas pénétrer à travers l'épiderme intact. On admet aujourd'hui assez généralement que la plus grande partie des résultats obtenus, sinon la totalité, doit être mise sur le compte de l'eau, de la température, du taffetas ciré, plutôt que sur le compte du sel lui-même.
Parmi les cas dans lesquels l'extrait de Saturne est employé comme antiphlogistique nous citerons : les contusions, simples ou accompagnées d'extravasation sanguine; les tuméfactions oedémateuses de la peau, consécutives à un traumatisme; les congélations, les brûlures du premier et du deuxième degré; l'eczéma, l'érysipèle, etc.
DOSES ET PRÉPARATIONS. — 1. Extrait de Saturne. — On l'emploie le plus
154 PLOMB. — Carbonate. Oxyde de plomb
souvent étendu d'eau. Pour collyres, lesquels d'ailleurs sont irrationnels, dans la proportion de 1-2 : 100. En pommade, 1 partie : 5-10 parties d'axonge.
2. Eau de Saturne. — 4 parties d'acétate basique de plomb sur 49 parties d'eau distillée. Employée en fomentations, pure ou étendue.
3. Eau de Saturne alcoolisée, eau de Goulard. — C'est la précédente, préparée avec de l'eau ordinaire et avec addition de 4 parties d'alcool rectifié. Employée en fomentations, sur les surfaces cutanées intactes '.
4. Cèrat de Saturne. — 8 parties extrait de Saturne, 92 parties d'axonge; d'après la pharmacopée autrichienne, 300 parties d'axonge, 100 parties de cire blanche, 6 parties d'acétate de plomb, 20 parties d'eau distillée. Pommade siccative 2.
' Carbonate de plomb. — Céruse
C'est une poudre blanche, lourde, insoluble dans l'eau. Elle n'est employée que sous forme de pommades ou d'emplâtres, notamment dans les inflammations et ulcérations de la peau.
1. Onguent de'céruse simple. — 3 parties de céruse, 7 parties pommade paraffinée; d'après la pharmacopée autrichienne, axonge 200, emplâtre diachylon simple 40, carbonate de plomb 120. Employé comme siccatif.
2. Onguent de céruse camphré. — 95 parties d'onguent de céruse simple et 5 parties de camphre.
3. Emplâtre de céruse. — 60 parties emplâtre de plomb, 10 parties huile d'olive, 35 parties céruse. Récemment préparé, il est blanc ; plus tard il devient jaune. Peu adhésif.
Oxyde de plomb
L'oxyde de plomb, PbO, ou litharge, se présente sous la forme d'une poudre jaune rougeâtre, ou encore sous forme de cristaux lamelleux brillants. Il absorbe facilement l'acide carbonique de l'air, et se transforme ainsi en une poudre blanche (carbonate de plomb). Insoluble dans l'eau, soluble dans les acides.
L'oxyde de plomb sert à préparer des emplâtres ; son mélange avec les corps gras donne naissance à un sel gras plombique. L'emplâtre simple de plomb, appliqué sur la peau, forme une couche protectrice qui la met à l'abri de l'air et qui entretient une chaleur humide favorable à la guérison. L'addition de résines accroît les propriétés adhésives de cet emplâtre, ou lui communique des propriétés irritantes.
PRÉPARATIONS. — Emplâtre de plomb simple, diachylon simple. — Huile d'olive, axonge, litharge, parties égales. Pharmacopée autrichienne : Axonge 1000. oxyde de plomb 500. Blanc, peu tenace, non graisseux, facile à étendre. Surtout employé comme moyen d'enveloppement et de compression.
2. Emplâtre de plomb composé, diachylon composé, diachylon gommé. — Emplâtre de plomb simple 120, cire jaune 15, gomme ammoniaque, galbanum et térébenthine ââ 10. Jaune brunâtre, tenace. La présence des résines lui donne des propriétés irritantes.
3. Emplâtre agglutinatif. — Emplâtre de plomb, 500, résine de Dammara,' colophane et cire jaune ââ 50, térébenthine 5. Jaunâtre, fortement adhésif. 11 irrite un peu la peau.
4. Emplâtre de savon. — Emplâtre de plomb simple 70, savon d'Espagne pulvérisé 5, cire jaune 10, camphre, 1. Blanchâtre, tenace, peu adhésif; on l'em- ' ploie comme l'emplâtre de plomb simple.
1 [L'eau de Goulard du Codex français (eau blanche, eau végéto-minérale) se prépare avec acétate basique de plomb 1, eau commune 45, alcoolat vulnéraire 4.]
2 [Le cérat saturné du Codex français est préparé avec extrait de Saturne 1, cérat de uahen 9.] '
PLOMB. — Traitement de l'empoisonnement par le plomb {55
5. Sparadrap. — Emplâtre diachylon composé 250, térébenthine communne 100.
6. Onguent diachylon d'Hebra. — Emplâtre de litharge simple 100, huile d'olive 70, huile de lavande 4.
SUPPLÉMENT AU PLOMB
Les préparations suivantes sont entièrement superflues :
Hyperoxyde de plomb (minium) Poudre rouge écarlate, insoluble dans l'eau.
PRÉPARATION. — Emplâtre brun camphré, emplâtre universel de Nurnberg. — Composé de minium, huile d'olive, cire jaune et camphre.
Tannate de plomb
Obtenu en traitant par l'acétate basique de plomb une décoction d'écorce de chêne.
PRÉPARATION. — Onguent de tannate de plomb, unguentum ad decubilum. Onguent de glycérine avec tannate de plomb. Appliqué sur les eschares du sacrum.
Traitement de l'empoisonnement par le plomb — Dans les cas d'intoxication aiguë, on prescrit d'abord, en attendant qu'on se soit procuré les antidotes convenables, des boissons mucilagineuses, de l'albumine, du lait. Si le composé saturnin ne provoque pas par lui-même de vomissements, on cherche à les provoquer en irritant mécaniquement le pharynx, en injectant de l'apomorphine sous la peau, ou bien encore on se sert de la pompe gastrique ou de l'appareil de Heber. Les antidotes les plus convenables sont les sulfates alcalins : sulfates de potasse, de soude, ou sulfate de magnésie; au moyen de ces sels, on donne lieu à la formation d'un sulfate de plomb insoluble. On cherchera aussi à faire évacuer le poison à l'aide de lavements ou par l'administration de l'huile de ricin, dans le cas où les sulfates alcalins n'auraient pas déjà produit ce résultat.
L'intoxication saturnine chronique sera traitée de la façon suivante : d'abord on devra chercher à expulser le poison hors de l'organisme; en second heu, on combattra les accidents graves qui se produiront. Il n'existe aucun contre-poison spécial contre cette intoxication; l'efficacité de la limonade sulfurique est illusoire. L'iodure de potassium à l'intérteur et les bains sulfureux, qu'on a conseillés pour accélérer l'élimination du plomb, ne sont que d'une utilité douteuse. Les mesures les plus importantes à prendre, quand l'intoxication est développée, consistent à empêcher l'absorption de nouvelles quantités de plomb et à exciter les échanges organiques au moyen des bains chauds.
Voici le traitement des coliques de plomb qui semble le plus efficace : Bains chauds prolongés, cataplasmes chauds sur l'abdomen, opiacés à l'intérieur ou injectés sous la peau; s'il existe une constipation opiniâtre, lavements avec huile de ricin ou purgatifs à l'intérieur (huile de ricin, séné, sulfate de magnésie ou huile de croton); s'il se produit en même temps des vomissements intenses, morceaux de glace à l'intérieur, mélanges effervescents. On a recommandé dans ces derniers temps le nitrite d'amyle, la pilocarpine, l'atropine; mais l'expérience n'a pas encore suffisamment confirmé la valeur de ces moyens. — Les arthralgies, les anesthésies, les tremblements, les paralysies, de même que la cachexie saturnine, seront traités par les bains chauds, peut-être par l'iodure de potassium ; contre l'arthralgie on emploiera; si c'est nécessaire, la morphine; et contre les paralysies, l'application méthodique des courants galvaniques et faradiques. Les encéphalopn-
156 ARGENT. — Nitrate d'argent. Action, physiologique .,
thies n'ont pu jusqu'ici être combattues efficacement par aucun traitement thérapeutique.
TANQUERET DES PLANCHES, Traité des maladies de plomb ou saturnines. Paris, 1840. — ROSENSTIHN in Rossbach's pharmakologische Untersuchungen, Wurzburg, 1874. — MOREAU (R.),, Recherches cliniques et expérimentales sur l'empoisonnement aigu par Je plomb, thèse de doctorat. Paris, 1875. — TARDIEU, Dictionnaire d'hygiène publique, 2e édition, t. III, art. PLOMB. Paris, 1862. — Etude médico-légale et clinique sur l'empoisonnement, 2e édition, Paris, 1875. — ANNUSCHAT (Alb.), Die Bleiausscheidung durch die Galle bei Bleivergiftung [de l'élimination du plomb par la bile dans l'empoisonnement par le plomb] (Archiv. fur experimentelle Pathologie und Pharmakologie. Leipzig, mars 1877). — RENAUT (de Lyon), Remarques anatomiques et°cliniques sur deux' points particuliers de l'intoxication saturnine (Gazette médicale de Paris, 1878. nos 32 et 33). — HARNACK, Archiv fur experimentelle Pathologie und Pharmakologie, Band IXl S. 152. Indications bibliogr. — Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, art. PLOMB par PRUNIER et MANOUVRIEK, t. XXVIII. Paris, 1880 — Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, art. PLOMB par LUTZ et CH. BLAREZ, 2' série, t. XXVI. Paris, 1888 — Annales d'hygiène publique et de médecine légale, passim.
IV. Argent
Parmi les composés de ce métal il n'y a guère que le nitrate qui soit employé en médecine.
Nitrate d'argent
Le nitrate d'argent, N03Ag, prend naissance quand on fait dissoudre l'argent métallique dans l'acide nitrique; en faisant évaporer le liquide, on obtient des cristaux blancs (nitrate d'argent cristallisé). Ces cristaux, fondus et coulés en forme de crayon, constituent le nitrate d'argent fondu, la pierre infernale.
Ces deux préparations se dissolvent très facilement dans la moitié de leur poids d'eau, à la température ordinaire; la solution a une réaction neutre. Elle noircit par réduction, quand elle est exposée à la lumière ou mise en contact avec des substances organiques; elle doit donc être conservée clans des vases noirs.
On enlève facilement les taches de nitrate d'argent sur le linge en les traitant par le cyanure de potassium ou par de petits fragments d'iode, puis en les arrosant et les lavant avec de l'ammoniaque.
Action physiologique. — Par suite de la faible affinité de l'argent pour l'oxygène, le nitrate d'argent, de même qu'en général tous les sels d'argent, se réduit très facilement à l'état d'argent métallique.
De même que tous les sels métalliques solubles, le nitrate d'argent aune grande affinité pour les substances albumineuses ; voilà pourquoi il donne lieu, clans une solution d'albumine, à un précipité blanc qui peu à peu devient noir. Son affinité pour les substances cornées, par exemple pour l'épiderme, est ■■, plus grande que celle des autres métaux. Mis en présence simultanément de', l'albumine et du chlorure de sodium, l'argent n'entre en combinaison avec le " chlore, pour former du chlorure d'argent, que lorsque toute l'albumine a été ' saturée.
Effets locaux. — Une solution étendue de nitrate d'argent, appliquée sur a peau dénudée ou sur une surface ulcéreuse, ' donne lieu à un rétrécissement ' des vaisseaux ; elle produit le même effet quand elle est appliquée sur les. muqueuses ou les ulcérations des muqueuses.
Des observations faites sur le mésentère de la grenouille ont permis de constater que le nitrate d'argent fait rétrécir les vaisseaux beaucoup plus
ARGENT. -Nitrate d'argent. Action on physiologique 157
fortement que l'acétate basique de plomb lui-même; que ce rétrécissement porte également sur les artères, les veines et les capillaires ; et que la région vasculaire qui a subi l'influence directe du sel devient le siège d'un ralentissement ou même d'un arrêt complet de la circulation. Ce rétrécissement dés vaisseaux se produit très rapidement, de quinze à cinquante secondes après l'application de la solution, sans avoir été précédé et sans être suivi de dilation. Il n'est pas le résultat d'une action réflexe, par exemple d'une irritation réflexe du centre vaso-moteur, mais bien d'une action locale sur les nerfs vasculaires. Ce rétrécissement peut aller jusqu'à faire diminuer de moitié le diamètre primitif des vaisseaux (Rosenslirn et Rossbach). Il s'observe chez les animaux à sang froid, chez ceux à sang chaud et chez l'homme, mais il apparaît surtout nettement sur les muqueuses enflammées, de sorte que les solutions étendues de nitrate d'argent peuvent être comptées parmi les meilleurs agents antiphlogistiques.
L'épidémie se colore très rapidement en noir sous l'influencé du nitrate d'argent ; au bout de trois à huit jours, il se détache et est remplacé par un épidémie de nouvelle formation. Mais si l'action a été très intense (solutions très concentrées,), il en résulte une cautérisation douloureuse de la peau, avec formation d'une eschare. Les surfaces cutanées enflammées et tuméfiées pâlissent et diminuent de volume sous l'influence du nitrate d'argent.
Sur les muqueuses, une solution étendue de nitrate d'argent produit un coagulum blanchâtre, résultant de la précipitation des substances albumineuses du mucus ; la muqueuse, surtout celle qui présente de la rougeur inflammatoire, 'devient plus pâle, en même temps que diminuent les sensations désagréables qui peuvent exister, telles que la sécheresse, la douleur. L'application d'une solution concentrée, ou du nitrate d'argent en substance, donne lieu à une cautérisation de la muqueuse, s'accompagnant d'une sensation de brûlure intense et d'une ulcération qui tend à une cicatrisation rapide.
Le produit de sécrétion des ulcérations est immédiatement coagulé par le nitrate d'argent ; il se forme, à la surface de l'ulcère, une couche protectrice blanche, analogue à celle produite par les solutions plombiques. La guérison rapide qui en résulte est déterminée, en partie, par cette couche protectrice, en partie, par l'irritation périphérique.
L'action cautérisante du nitrate d'argent reste toujours limitée au point d'application; elle ne s'étend ni en largeur ni en profondeur.
Le sang subit, sous son influence, une coagulation très marquée, telle que des hémorragies capillaires peuvent être arrêtées rapidement par l'application locale du nitrate d'argent.
D'après ce que je viens de dire, on peut facilement se rendre compte des effets locaux produits par le nitrate d'argent administré à l'intérieur. Dans la bouche, goût métallique, styptique, désagréable ; en présence des matières albumineuses de la salive et du mucus, il se forme des albuminates, et en présence du chlorure de sodium de ces produits de sécrétion, il se forme du chlorure d'argent. Dans l'estomac, le nitrate d'argent rencontre le plus souvent une si grande quantité de matières albumineuses, qu'il peut en être saturé; de sorte qu'il est rare que, dans un estomac vide, il arrive à attaquer la muqueuse elle-même. C'est ce qui explique pourquoi des solutions
158 ARGENT. — Nitrate d'argent. Action physiologique
concentrées de nitrate d'argent, pouvant attaquer la peau, n'ont pourtantprovoqué, dans l'estomac, rien d'appréciable. A la suite de l'administration d'une dose de 0,05 centigrammes, on a observé quelquefois un sentiment de chaleur, ou même une douleur brûlante dans l'estomac; l'appétit ne diminue que si cette dose est continuée pendant quelque temps. Une quantité excessive de nitrate d'argent peut produire, dans l'estomac, de la cautérisation, provoquer une gastrite, avec douleurs intenses, vomissements, et même la mort.
Administré aux doses ordinaires, le nitrate d'argent n'arrive jamais dans l'intestin à l'état de nitrate d'argent ; il y arrive toujours sous forme d'albuminate ou de chlorure d'argent ; ce dernier y est en partie dissous et absorbable, sans doute par l'action des chlorures métalliques (chlorure de sodium) du contenu de l'intestin. Ce qui n'a pas pénétré dans le sang apparaît dans les matières fécales à l'état de sulfure d'argent. Les selles ont alors le plus souvent une consistance de bouillie.
Effets généraux. — L'argent passe de l'estomac et de l'intestin dans la circulation, cela est certain; mais comment? Là-dessus diverses opinions ont été émises. Celle adoptée par le plus grand nombre, et d'après laquelle l'argent pénétrerait dans le sang à l'état d'albuminate ou dissous sous une autre forme, est considérée par Riemer comme insoutenable : « Ce n'est pas, dit-il, à l'état de sel dissous que l'argent se diffuse à travers la paroi intestinale, pour n'être réduit que plus tard, dans le sang, à l'état métallique et déposé dans les tissus comme une sorte de pigment; non, c'est dans l'intestin même que se fait la réduction, et c'est à l'état solide qu'il paraît traverser répithélium intestinal. Administré sous n'importe quelle forme, surtout en pilules, le nitrate d'argent est, au bout de quelques heures, en grande partie réduit. A l'appui de cette manière de voir, je ferai remarquer la grande analogie des voies d'absorption de l'argent avec celles des graisses (villosités des anses moyennes de l'intestin grêle). Je ferai observer, en outre, que, à la suite de l'injection directe d'une solution faible de nitrate d'argent dans les vaisseaux sanguins ou lymphatiques ou dans l'interstice des tissus, . la solution argentique forme, avec la substance intercellulaire des endothéliums, une combinaison qui se réduit ensuite et rend foncés les contours de ces cellules ; or, à la suite de l'absorption de la solution d'argent par la voie stomacale, jamais un fait de ce genre n'a été observé. Pour résoudre définitivement cette question, il faudrait expérimenter sur des animaux, en leur donnant, pour toute nourriture, de l'argent réduit. »
Les expériences de Jacobi ont conduit à des résultats qui diffèrent en partie de ceux dont il vient d'être question : Des lapins auxquels on avait fait prendre de l'argent métallique réduit ne montrèrent clans leurs tissus, après avoir absorbé en quatre mois des doses totales de 5 à 12 grammes d'argent, aucune trace d'absorption de ce métal ; ni au microscope, ni par des réactions chimiques, on ne put y découvrir aucune trace d'argent, pas même dans le foie et dans les reins. Au contraire, à la suite de l'injection sous -cutanée ou de l'administration interne d'un sel d'argent soluble (de l'hyposulfite double d'argent et de soude), on trouva de l'argent dans l'organisme, mais jamais dans l'urine. L'épithélium gastrique et intestinal ne présentait absolument aucune altération de couleur: mais sous l'épithélium se rencontrait un fort
ARGENT. — Nitrate d'argent. Action physiologique 159
dépôt de granulations d'argent noires. On doit donc admettre que le sel d'argent employé s'était diffusé à l'état de solution à travers la couche épithéliale du canal digestif, pour être aussitôt après décomposé et réduit au-delà de.cette couche épithéliale. Jacobi démontre en outre que la perméabilité de la muqueuse gastrique intacte pour les substances inorganiques solides peut être en général considérée comme tout à fait invraisemblable, et il croit par conséquent que l'opinion de Riemer ne peut être admise d'une façon absolue; « mais Riemer aurait raison en admettant, pour expliquer la pénétration de l'argent dans l'organisme, que ce métal est entraîné en granulations insolubles après avoir été réduit (mais réduit seulement après son absorption) ; il s'agirait ici dans le fait d'une sorte de métastase. » (Virchow.) En faveur de cette manière de voir, Jacobi fait encore valoir ce fait, que, à.la suite de l'usage interne du nitrate n'argent, on n'a jamais jusqu'ici constaté d'autre. action qu'une action locale.
Quant à la donnée de Riemer, d'après laquelle dans les pilules de nitrate d'argent, tout le nitrate d'argent serait réduit en très peu de temps, Jacobi ne la considère comme vraie qu'en partie. Il est vrai que le nitrate d'argent disparaît bientôt comme tel dans ces pilules ; mais il n'y en a qu'une partie de réduite, l'autre partie est transformée en chlorure d'argent.
D'un autre côté les expériences de Bogolowsky semblent démontrer que les sels d'argent, rationnellement administrés, peuvent aussi pénétrer dans le sang et les tissus, à l'état de dissolution, en combinaison avec l'albumine, et y donner lieu, par action chimique, à des altérations considérables des Organes. 11 serait fort à désirer que de nouvelles recherches fussent faites sur ce sujet. Jacobi conteste l'exactitude de ces résultats et ne regarde nul-- lement comme démontré qu'une préparation d'argent quelconque puisse, après son absorption par le canal intestinal, donner lieu à des effets toxiques généraux.
Si l'on place des reins frais de batraciens dans une solution ammoniacale d'argent, ou mieux dans une solution d'asparagine, qu'on a agitée à plusieurs reprises avec de l'oxyde d'argent pur, et qu'on les mette à l'abri de la lumière, on constate que la bande claire de la surface ventrale de ces organes a déjà pris, au bout de 15 minutes, une coloration noirâtre ; cette réaction ne se produit que pendant que les cellules vivent encore; elle ne se manifeste plus si ces organes ont été préalablement soumis pendant deux heures aux vapeurs de chloroforme, d'éther ou d'alcool, etc. A l'examen microscopique on découvre de nombreux petits points noirs dans l'intérieur des cellules. Des reins frais dans une solution de nitrate d'argent à 1 pour 100 exposés à la lumière, se colorent également en brun. Il semble donc ici que c'est' le protoplasma des cellules vivantes qui détermine cette réaction, d'autant plus qu'on ne peut extraire des reins avec l'éther aucune substance réductrice (Loew). Binz a d'ailleurs démontré pour l'acide arsénieux la possibilité d'une absorption par le protoplasma vivant.
Bogolowsky, pour éviter complètement les effets locaux produits sur les muqueuses, ne se servait que de composés d'argent, dont les affinités avaient été préalablement saturées ; il employait le peptonate d'argent et le sel double d'argent et de soude, autrefois employé par Bail ; ces deux composés ne pouvaient plus faire coaguler l'albumine, et s'absorbaient rapidement
160 ' ARGENT. - Nitrate J'argant. Action physiologique ■ t
sans modifier l'état des muqueuses. C'est le sel double qui produisait les effets généraux les plus intenses : les lapins mouraient en quarante jours, après en avoir absorbé 2 à 3 grammes clans ce laps de temps, par doses de 0,01 à 0,10 centigrammes. Les peptonates d'argent, par doses de 0,05 à 0^50, amenaient la mort au bout de quarante-trois jours, quand l'animal en avait absorbé en tout 4 grammes. Les phénomènes qui se manifestaient étaient les suivants : Diminution du poids du corps, atrophie du tissu graisseux, état chlorotique du sang; dégénérescence des muscles, ainsi que du coeur, d'où stase du sang dans toute l'étendue du système veineux ; dégénérescence graisseuse du foie; hyperhémie des reins et albuminurie; catarrhe des conduits aériens et alimentaires; altération de la moelle épinière, avec phénomènes' de paralysie du mouvement et de la sensibilité. Des effets entièrement semblables, et en outre de l'hyperhémie et de l'hépatisation dans les poumons, ont été observés par Rozsahegyi chez des lapins, dans l'estomac et sous la peau desquels il injectait des solutions faibles de nitrate d'argent.
Rouget conclut de ses recherches, faites soit avec le nitrate d'argent, soit avec un sel double (injection sous-cutanée), que le poison agit surtout en paralysant les centres du mouvement et de la respiration, et que c'est de cette paralysie que résultent la plupart des autres phénomènes.
Chez l'homme, aucun des effets, aucune des altérations organiques cidessus mentionnés, n'ont pu être observés, même après l'administration de doses relativement considérables de nitrate d'argent. Peut-être l'absence de ces effets provient-elle de ce que, aussitôt après l'absorption, la plus grande partie du sel d'argent est réduite à l'état d'argent insoluble et ne peut exercer, dans cet état, tout au plus qu'une action physique. Un grand nombre d'organes sont alors colorés en brun par des granulations argentiques extrêmement fines ; c'est là l'argyriasis ou empoisonnement chronique par l'argent. Cette pigmentation, qui ne peut être vue pendant la vie que sur la peau de la face, est désormais ineffaçable. Une trentaine de grammes d'argent absorbés en tout, en un an, deux ans au plus, suffisent pour la faire paraître nettement. Les autopsies, assez concordantes d'ailleurs, faites par Fromann et Riemer sur les cadavres d'individus atteints d'argyriasis, ont montré que cette pigmentation n'existait pas seulement sur la peau de la face, mais encore sur presque tous les organes internes, ce qui prouve que la réduction n'est pas seulement le fait de la lumière du jour. On ne trouve . jamais le métal fixé sur les éléments cellulaires ou dans la substance inter- : cellulaire; on le rencontre le plus souvent dans la substance conjonctive fondamentale, et principalement dans les membranes homogènes apparte- •' nant au tissu conjonctif. Les organes que l'argyriasis atteint de préférence '■ sont, en dehors de la peau, les glomérules des reins, les plexus chroroïdes, les ganglions mésentériques. C'est une chose remarquable que tous les vais- ' seaux capillaires soient toujours exempts de cette pigmentation, ce qui évidemment parle en faveur de l'opinion de. Riemer. Fromann et Versmann . ont cherché la quantité d'argent contenue dans quelques organes fortement .': atteints par l'argyriasis, et ils ont trouvé, clans le foie, seulement 0,047 - d'argent métallique pour 100, et, dans les reins, seulement 0,061 pour 100. ■•
Sur l'élimination de l'argent nous ne savons encore rien de bien certain. \ L'argent réduit, déposé dans les tissus, n'est jamais plus dissous,, n'est
ARGENT. — Nitrate d'argent : Empl oi thérapeutique 161
jamais plus éliminé. Il existe des observations anciennes (Orfila, Mayençon et Bergeret, et autres) et des observations nouvelles (Rozsahegyi), d'après lesquelles on trouverait constamment de l'argent dans l'urine à la suite de l'usage interne du nitrate ou du chlorure d'argent. Jacobi et Gissmann contestent absolument l'exactitude de ces observations; malgré les recherches les plus minutieuses, ils n'ont jamais pu constater, ni chez les animaux, ni chez l'homme, à la suite de l'administration de n'importe quelle préparation d'argent (chlorure d'argent, nitrate d'argent, solution de chlorure d'argent dans l'hyposulfite de soude) la moindre réaction d'argent dans l'urine. A la suite de l'injection sous-cutanée de sels d'argent solubles, notamment de l'albuminate d'oxyde d'argent, Eulenburg a constamment trouvé une partie de l'argent en dissolution dans l'urine. Une partie dés sels d'argent s'élimine sur la muqueuse intestinale.
Emploi thérapeutique. — Le nitrate d'argent est très fréquemment employé. A l'extérieur, il est d'une utilité incontestable dans un grand nombre de cas. A l'intérieur, il a été soumis au contrôle rigoureux de l'expérience, qui en limite de plus en plus l'emploi, et qui rend douteuse son efficacité dans un grand nombre de cas où il était autrefois considéré comme certainement utile.
Le nitrate d'argent est depuis longtemps en usage contre certaines névroses convulsives, et surtout contre l'épilepsie. Dès le commencement du XVIIc siècle, il a été recommandé dans cette maladie, et, au commencement de notre siècle, Portai et surtout Heim n'hésitaient pas à proclamer son efficacité. Depuis lors, la confiance n'a fait que diminuer ; aujourd'hui encore on le prescrit bien de temps en temps, mais Radcliffe, Reynolds et d'autres ont cité des cas nombreux, et nous pourrions en citer aussi, dans lesquels le nitrate d'argent est bien parvenu à rendre la peau brune, mais nullement à guérir la maladie. Il est vrai que cette seule considération ne devrait pas suffire pour faire déclarer -le nitrate d'argent absolument inutile dans l'épilepsie, car cette affection résiste aussi très souvent à d'autres médicaments qui pourtant peuvent avoir leur utilité. Quoi qu'il en soit, la plupart des observateurs le considèrent aujourd'hui comme plus incertain encore que l'oxyde de zinc; et, quant à nous, nous ne l'avons jamais vu produire le moindre bon effet. Nous passons donc sous silence toutes les distinctions, plutôt théoriques que pratiques, qu'on a faites sur ses indications dans l'épilepsie. On ne devrait l'essayer, à notre avis, que dans les cas où des médicaments plus appropriés seraient restés sans résultat." — L'efficacité du nitrate d'argent dans la chorée et dans l'asthme est aussi entièrement incertaine.
Le nitrate d'argent a été recommandé contre le tabès dorsalis (Wunderlich, Gharcot et Vulpian, Moreau, Friedreich, A. Eulenburg, Seguin et autres), et on aurait parfois, grâce à lui, obtenu une amélioration sensible de l'état du malade et même des guérisons. Pans le plus grand nombre des cas cependant ces résultats favorables n'ont pu être nettement établis ; il en a été de même dans nos observations. On ne connaît point les conditions particulières dans lesquelles le nitrate d'argent serait indiqué de préférence. Friedreich recommande, dans les cas où ce médicament est mis en usage pendant longtemps, d'avoir toujours présente à l'esprit la possibilité d'une néphrite. Tout récemment Eulenburg a recommandé les injections sous-cutanées des sels d'argent (pyrophosphate, hyposulfite, solution d'albuminate d'argent), dans le but d'obtenir plus facilement des effets généraux. Il reste à recueillir sur ce sujet un nombre suffisant d'observations.— Dans d'autres affections spinales chroniques (myélite chronique, sclérose disséminée) nous
NOTNAGEL et ROSSBACH, Thérapeutique 11
162 ARGENT. — Nitrate d'argent : Emploi thérapeutique
avons très souvent, dans un but d'expérimentation, prescrit ce médicament, sans en avoir jamais obtenu aucun résultat favorable.
Contre les diarrhées le nitrate d'argent a été souvent mis en usage; mais on en est revenu dans ces derniers temps de plus en plus, et c'est avec raison. Dans les affections aiguës accompagnées de diarrhée, son efficacité est entièrement incertaine, et elle l'est surtout, ce dont nous nous sommes souvent convaincus nousmêmes, dans les diarrhées des enfants. Il pourrait sembler plutôt indiqué dans les diarrhées chroniques, particulièrement dans celles qui s'accompagnent d'ulcérations. Cependant ici encore les résultats pratiques sont tout à fait incertains, et l'on pourrait se demander, quand ces résultats paraissent favorables, s'ils ne sont pas dus aux mesures diététiques prescrites en même temps. On sait d'ailleurs que le nitrate d'argent n'arrive jamais en nature dans l'intestin. Ce n'est que lorsqu'il peut être porté en contact direct avec la partie malade que ce médicament peut agir efficacement, c'est-à-dire dans les affections du rectum et peut-être du gros intestin. On doit naturellement, dans ces cas, l'introduire au moyen de lavements ou au moyen des injections.de Hegar.
Contre les affections de l'estomac le nitrate d'argent jouait autrefois un grand rôle ; aujourd'hui son usage est beaucoup plus limité. On l'a surtout administré contre l'ulcère simple de l'estomac, dans le double but de hâter la cicatrisation de l'ulcère et d'influencer directement les accès cardialgiques. Le premier effet est très douteux et très peu vraisemblable ; en effet, le médicament n'étant ingéré qu'en très petite quantité et se transformant, aussitôt arrivé dans l'estomac, en un composé chimiquement inactif, on conçoit que ses effets sur la surface ulcéreuse doivent être bien insignifiants. Les succès qu'on lui attribuait autrefois étaient certainement dus en grande partie au régime diététique qu'on prescrivait en même temps. Quant à son action favorable sur les accès cardialgiques, elle est encore moins démontrée, et ne mérite pas, en tous cas, d'être mise en parallèle avec celle des narcotiques. ■— On a prescrit aussi le nitrate d'argent contre les cardialgies indépendantes de toute altération locale de l'estomac : telles sont les gastralgies qu'on observe chez les femmes enceintes et qui s'accompagnent souvent de vomissement, celles qui tourmentent les hystériques ou les personnes épuisées chez lesquelles l'ingestion des aliments, même de digestion très facile, provoque parfois de vives douleurs. Dans tous ces cas, l'efficacité du nitrate d'argent est entièrement incertaine.
L'emploi du nitrate d'argent à l'extérieur est beaucoup plus étendu. On l'applique dans diverses maladies des muqueuses, pour produire, soit des effets astringents, soit des effets caustiques. Et d'abord, dans les cas de ' catarrhes simples, quand ils sont passés à l'état chronique, ou au moins quand l'acuité des phénomènes inflammatoires a diminué, par exemple ' dans la tonsillite, la pharyngite, la laryngite, le coryza, la conjonctivite, la. cystite, la vaginite, la blennorragie, etc., l'application d'une solution . faible de nitrate d'argent exerce une action tout à fait analogue à celle des -' autres astringents métalliques. Dans quelques-uns de ces états on emploie aussi le nitrate d'argent en solutions concentrées, comme abortif, pour arrêter des inflammations aiguës d'origine récente, par exemple dans la pharyngite, ■!• l'angine, plus fréquemment encore dans la blennorragie. Ce mode de traitement réussit quelquefois, à la condition d'être appliqué tout à fait au ; début de la maladie ; mais il échoue fréquemment, et, s'il est employé trop tard, il peut avoir des conséquences fâcheuses ; par exemple, il peut donner- ; lieu à un rétrécissement du canal de l'urètre : en somme, on y a aujourd'hui rarement recours. Cette méthode abortive est encore mise en usage
ARGENT. — Nitrate d'argent : Emploi thérapeutique 163
lorsque le produit de sécrétion blennorragique, venant d'une muqueuse quelconque, notamment de la muqueuse urètrale, a été porté sur la conjonctive; on fait alors immédiatement tomber quelques gouttes d'une solution de nitrate d'argent dans le sac conjonctival. On ne peut s'attendre à un bon résultat que si cette opération est faite très peu de temps après l'inoculation du pus blennorragique, et le bon effet du nitrate d'argent dépend peut-être alors plutôt de la destruction du produit de sécrétion contagieux, que d'une action directe sur l'inflammation. —Le.nitrate d'arT gent est encore fréquemment employé, comme caustique, dans les affections croupales et diphthéritiques. Son efficacité, dans ces cas, a été beaucoup trop exagérée, et il est permis de se demander si la cautérisation n'est pas alors plutôt nuisible qu'utile. Il est vrai que, dans l'angine diphthéritique, le nitrate d'argent est, parmi les agents employés pour détruire les fausses membranes, un des plus efficaces, et que parfois, notamment dans les cas légers, la guérison a succédé à son emploi; mais l'observation de tous les jours nous apprend que ces cas légers peuvent se terminer favorablement sans qu'on ait eu recours au sel argentique, et, d'ailleurs, il arrive souvent que, malgré les cautérisations les plus énergiques, ce processus n'en envahit pas moins le larynx, et les amygdales elles-mêmes ne s'en recouvrent pas moins de fausses membranes ; peut-être même ces cautérisations, en privant de leur épiderme les parties voisines intactes, ont-elles pour résultat de favoriser l'extension du processus. Condamnant, d'une manière générale, la cautérisation dans l'angine diphthéritique, nous devons aussi nous prononcer contre celle par le nitrate d'argent. — Ce sel est encore employé, comme caustique, pour guérir les ulcérations des muqueuses, par exemple les ulcérations du larynx, les érosions de l'orifice utérin, etc., pour détruire les processus hyperplastiques (granulations de la conjonctive, pannus).
L'usage du nitrate d'argent dans diverses maladies de la peau est extrêmement fréquent. Parmi les inflammations cutanées, celles qui peuvent être le plus avantageusement influencées par une application énergique de nitrate d'argent sont les panaris superficiels et les engelures; si cette opération est faite à temps, les panaris superficiels peuvent même être arrêtés dans leur marche. — Dans les brûlures avec destruction de l'épi— derme, on touche souvent avec le crayon argentique les parties dénudées, en vue de donner naissance à une eschare qui joue le rôle de couche protectrice; mais l'expérience n'a pas démontré que cette manière d'agir fût préférable à l'application d'une couche d'ouate, etc. — La cautérisation avec la pierre infernale des pustules de la variole, dans le but de prévenir la formation de cicatrices difformes, s'est montrée insuffisante ; il en a été de même de la cautérisation prophylactique des papules qui représentent la période de début des pustules. Parmi les autres affections cutanées, il n'en est aucune dans laquelle le nitrate d'argent se soit montré préférable à d'autres médicaments. — Quant aux végétations, aux verrues, aux condylomes, et autres maladies de ce genre, il est bien inférieur à d'autres agents.
Contre les ulcérations, l'emploi du nitrate d'argent est, dans certaines circonstances déterminées, un des modes de traitement les plus rationnels; On y a recours d'abord pour détruire, dans ces ulcérations, un caractère
164 ARGENT. — Nitrate d'argent : Emploi thérapeutique
spécifique quelconque; c'est ce qui a lieu, avant tout, pour le chancre.- Peut-on en attendre un résultat pour le chancre dur ? C'est plus qu'invraisemblable; rien ne prouve, du moins, qu'il soit posible de prévenir au moyen des cautérisations l'apparition des accidents secondaires. Mais il en est autrement du chancre mou; il est, en effet, possible, quand l'ulcération est tout à fait récente, de lui faire perdre, par la cautérisation, son caractère contagieux et de transformer l'ulcère spécifique en un ulcère simple. Pour la cautérisation des plaies empoisonnées (morsures de serpents, morsures de chiens enragés), le nitrate d'argent est insuffisant, parce que son action est trop limitée ; les alcalis caustiques sont alors plus efficaces-. — Le nitrate d'argent est encore employé utilement dans le traitement des ulcères atoniques, n'ayant aucune tendance à la gùérison; en provoquant un processus inflammatoire modéré, il favorise la cicatrisation,— Enfin, nous devons mentionner ses propriétés hémostatiques, lesquelles ne peuvent cependant être utilisées que s'il s'agit de petites surfaces saignantes, notamment de piqûres de sangsues. Après avoir essuyé la petite plaie, on y applique rapidement la pointe du crayon. — Dans ces derniers temps, Thiersch a fait servir le nitrate d'argent à la destruction des tumeurs malignes, même du carcinome. Il faisait, dans les tumeurs, des injections, fréquemment répétées avec des solutions faibles de nitrate d'argent (1 : 2000-3000) et aussitôt après, il injectait une solution de sel marin (1 : 1000-1500) ; il ne se produisait ni inflammation ni gangrène, et le néoplasme se désagrégeait et disparaissait rapidement. Ces résultats favorables ont été en partie confirmés par d'autres observations; mais on a trouvé qu'ils étaient dus le plus souvent à une inflammation suppurative et à une désagrégation gangreneuse, provoquées par l'injection.
DOSES ET PRÉPARATIONS. — 1. Nitrate d'argent cristallisé. — Intérieurement 0,005-0,03 pro dosi (jusqu'à 0,05 pro dosi ! jusqu'à 0,2 pro die '.) i. En solution (dans un flacon noir). Sous forme de pilules (avec argile), de pastilles, il se décompose facilement ; on évitera donc de le prescrire sous ces formes. Extérieurement, en substance ou en solution plus ou moins concentrée : si l'on veut qu'il agisse comme caustique, on emploiera une solution de 2-10 pour 100 ; pour collyres, on se servira toujours de la concentration la plus faible; pour solutions astringentes, 1/2-5 pour 100, suivant la région ; les solutions les plus faibles seront réservées pour la conjonctive et le conduit auditif externe. Comme dissolvant, on ne pourra employer que l'eau distillée, ou tout au plus la glycérine parfaitement pure. .' — Les pommades au nitrate d'argent, quoique fréquemment mises en usage, sont peu rationnelles ; les proportions sont 0,2-0,5 sur 10 d'excipient.
En injections sous-cutanées, chez les individus atteint de tabes dorsalis, on se sert , d'une solution (1/2 pour 100) d'hyposulfite ou d'une solution (1 pour 100) d'albu- ''■• minate d'argent; ou en injecte 0,5-1,0 pro dosi chaque jour ou tous les deux ' jours (d'après Eulenburg). :
2. Nitrate d'argent fondu. — Comme le précédent.
3. Nitrate d'argent avec nitrate de potasse, dans le rapport de 1 : 2. Ce ni- : trate d'argent mitigé a une consistance plus ferme et une action caustique moins "■ énergique que le nitrate d'argent ordinaire.
Argent en feuilles. - Employé pour recouvrir les pilules à goût désagréable,
1 [La dose moyenne indiquée par les auteurs français, est de 0,01 à 0,08 par jour.]
CUIVRE. — Action physiologique 165
pourvu, bien entendu, que la masse pilulaire n'ait aucune action chimique sur l'argent.
Traitement de l'empoisonnement par l'argent. — En présence d'un empoisonnement par le nitrate d'argent, on songe d'abord à prescrire, comme dans les autres empoisonnements métalliques, le lait et l'albumine ; si un fragment du sel en question a été introduit dans l'estomac ; par exemple, s'il s'en est coupé un morceau pendant la cautérisation du pharynx, on peut ainsi parvenir à le dissoudre et à l'empêcher d'agir comme caustique sur un certain point de la muqueuse. Puis, on administre une solution de chlorure de sodium, à dose considérable, dans le but de déterminer la formation d'un chlorure d'argent insoluble et par conséquent inoffensif. L'empoisonnement subaigu ou chronique ne peut être traité.
ELUS (Robert), A practical Inquiry on the Properties of Nitrate of Silver (Transact of the obstétrical Society ofLondon, 1863, vol. IV, p. 117. — Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, art. ARGENT par GOELEY, CHARCOT et BALL, ORFJLA, t. IV, Paris, 1867. — MouRIER (Aug.), Des effets physiologiques et thérapeutiques des préparations d'argent, thèse de doctorat. Paris, 1873 ROUGET (Ch.), Recherches sur l'action physiologique de l'absorption des sels d'argent (Archives de physiologie, t. V,p. 333-363. Paris, 1873). — ROSENSTiRN in RossBAcn's pharmakologische Untersuchungen, Band 1,1877. — JACOUI U. GISSMANN, Ueber die Aufnahme der Silber (Archiv fur experimentelle Pathologie und Pharmakologie, BandVIII, S. 198 u. 217. Leipzig, 1877). —ROZSAHEGZI, Die chronische Silbervergifiung Archiv fur experimentelle Pathologie und Pharmakologie, Band IX, S. 289. Leipzig, 1878. —"WEICHSELBAUM (A.), Ueber Argyrie (Allg. Wiener medic. Zeitung, 1878 et Centralblatt fur die medic. Wissenschaften, 1878, S. 95i).
V. Cuivre et Zinc
Ces deux métaux se ressemblent tellement au point de vue de leur action physiologique et de leurs usages thérapeutiques, qu'on pourrait presque ne pas séparer leur étude ; les propriétés du cuivre sont cependant un peu plus énergiques que celles du zinc. Le cadmiun se rapproche beaucoup du zinc par ses propriétés, tant chimiques que physiologiques ; mais ses usages thérapeutiques étant à peu près nuls, nous le passerons sous silence.
Ces métaux peuvent être comparés au plomb en ce qu'un grand nombre de leurs composés ont, comme lui, la propriété de faire contracter les vaisseaux et de diminuer les sécrétions; mais le plomb ne peut pas, comme eux, provoquer facilement le vomissement.
CUIVRE
- Tous les composés solubles du cuivre ayant la même action physiologique, nous commencerons par faire une étude générale de cette action.
Action physiologique. — Tous les composés cuivriques solubles forment, comme ceux des antres métaux graves, des combinaisons chimiques avec les substances albumineuses. Cette formation d'albuminates de cuivre rend compte d'un grand nombre de leurs effets physiologiques.
Effets locaux. — Ils n'exercent aucune action dissolvante sur l'épiderme; ils ne produisent donc aucun effet sur la peau intacte, à travers laquelle ils ne peuvent pas être absorbés.
Mais ils entrent en combinaison avec l'albumine des produits de sécrétion et avec celle des muqueuses elles-mêmes. A l'état de solution étendue, ils exercent une action constrictive sur les cellules et les parois des vaisseaux,
166 CUIVRE. — Action physiologique
et peuvent ainsi faire diminuer les sécrétions et réduire les phénomènes : inflammatoires; en solution concentrée, ils cautérisent plus énergiquement que le plomb et le zinc.
Directement appliquées sur les surfaces ulcéreuses, les solutions cuivriques, de même que les solutions plombiques, font diminuer la sécrétion; les ulcérations deviennent plus sèches et guérissent plus facilement.
Introduits clans l'estomac en petite quantité (jusqu'à 0,03) et en solution étendue, les sels de cuivre donnent lieu, comme ceux de plomb, à une,saveur styptique, à de l'anorexie et à delà constipation.
A doses .plus élevées (en moyenne 0,2), ils provoquent des nausées, des vomissements et de la diarrhée. L'injection directe dans le sang, chez les chiens, ne produit point de vomissements, tandis que les vomissements apparaissent quand on introduit dans leur estomac même de petites doses d'un sel de cuivre (Daletzky, Harnack) ; on doit donc très vraisemblablement attribuer ce' vomissement à une irritation périphérique des nerfs de la muqueuse stomacale, et le considérer comme un acte réflexe.
Des doses très élevées (1 gramme) donnent lieu à une inflammation violente de la muqueuse gastro-intestinale, avec coliques intenses, vomissements pénibles, diarrhée.
Absorption. — Les solutions cuivriques pénètrent de l'estomac et de l'intestin dans la circulation, le fait est certain ; on a même souvent trouvé du cuivre dans l'organisme humain, ce qui a fait dire qu'il en faisait normalement partie. Lossen a pourtant démontré que le cuivre ne se trouvait que dans le corps d'individus ayant fait usage d'aliments qui en contenaient, par exemple d'aliments préparés dans des vases de cuivre; en dehors de ces cas, il ne s'en trouve jamais la moindre trace dans le corps.
Il est également indubitable que l'absorption de ce métal peut donner lieu à des phénomènes généraux d'empoisonnement; mais ces phénomènes ne se montrent, en général, qu'après l'injection de petites doses; car si la dose a été élevée, l'estomac s'en débarrasse immédiatement par le vomissement.
Les effets généraux du cuivre portent surtout, ainsi qu'Orfila, Blake, Neebe l'ont constaté, sur les muscles du tronc et du coeur. Harnack, en se servant d'un sel double, du tartrate de cuivre et de soude, qui n'avait pas l'inconvénient de donner lieu dans le sang à la formation d'un albuminateni d'un coagulum, a observé les phénomènes suivants : chez les grenouilles, quelques heures après une injection sous-cutanée de ce sel (quantité correspondante à 0,0005-0,007 d'oxyde de cuivre), il se manifeste un tremblement, qui fait bientôt place à une paralysie musculaire complète; l'irritabilité disparaît entièrement, sans qn'ily ait rigidité cadavérique. Chez les animaux à sang chaud, il a observé de l'incertitude dans la marche, un grand affaiblissement, puis enfin une paralysie complète des jambes. Les battements du coeur et les mouvements respiratoires s'affaiblissent extrêmement, se ralentissent et finissent par s'éteindre; mais, ainsi que cela ressort de la manière dont se comporte le coeur de la grenouille non empoisonnée ou empoisonnée par l'atropine ou la physostigmine, de petites doses irritent très fortement le coeur; l'action modératrice du pneumogastrique peut aussi être encore conservée pendant la marche de la paralysie du coeur. Les pupilles sont
CUIVRE. — Action physiologique 167
dilatées. Mais, pendant que l'excitabilité directe des muscles est annulée, la sensibilité et les fonctions du système nerveux central paraissent persister jusqu'à la mort du coeur. On peut tuer des lapins en leur injectant sous la peau la valeur de 0,5 d'oxyde de cuivre; l'injection de 0,4 a pu faire mourir des chiens; par l'injection dans le sang, on peut faire mourir des lapins avec 0,01-0,015, et des chiens, avec 0,025. Dans les expériences faites avec le sel double ci-dessus indiqué de même qu'avec l'albuminate de cuivre, on a constamment observé que, même à la suite de l'injection de ces sels dans une veine (veine jugulaire), l'action physiologique se faisait toujours attendre pendant des heures, ce qui indique évidemment que le métal est retenu pendant longtemps dans le sang et qu'il n'arrive que lentement aux endroits sur lesquels il doit provoquer des effets spéciaux.
L'empoisonnement chronique par le cuivre chez l'homme, par exemple chez les ouvriers qui manient ce métal, est un fait dont la possibilité ne peut pas être contestée; mais jusqu'ici on n'a pu en tracer un tableau bien précis. Parmi les symptômes décrits, il en est plusieurs, par exemple le catarrhe de diverses muqueuses, qui doivent être plutôt attribués à la poussière inspirée par les ouvriers; d'autres, tels que les névralgies variées, les spasmes et tremblements musculaires, les accès de coliques, l'amaigrissement, n'ont été observés que chez des ouvriers qui étaient soumis à l'influence du plomb en même temps qu'à celle du cuivre, et doivent, par suite,, être attribués-au premier métal plutôt qu'au second. La coloration verte des cheveux et les sueurs vertes, phénomènes qu'on observe fréquemment chez les ouvriers qui manient le cuivre, doivent dépendre bien moins d'une cause venant de l'intérieur que d'un mélange mécanique du cuivre avec les corps gras des cheveux et de la peau.
La coloration rouge pourpre (Corrigan) ou verte (Clapton) des gencives pourrait bien aussi avoir cette même origine. Bucquoy blâme la dénomination de liseré cuivrique; il ne s'agit pas ici, en effet, comme dans le liseré plombique, d'un changement dérouleur de la gencive, mais d'une coloration vert bleuâtre de la base des dents, tandis que la gencive est rougie par l'inflammation chronique.
Il ne reste, pour caractériser cet empoisonnement, que des symptômes vagues : diminution de l'appétit et du pouvoir digestif, selles diarrhéiques fréquentes, amaigrissement, symptômes qui peuvent être attribués à la vie pauvre des ouvriers aussi bien qu'à l'action du cuivre.
En considérant les effets caractéristiques des composés cuivriques facilemant absorbables (voyez plus haut), on peut admettre qu'un empoisonnement chronique par le cuivre, si un tel empoisonnement existait, donnerait lieu.à des phénomènes morbides très accentués. Mais comme on n'a jusqu'ici observé rien de pareil, il semble que réellement il n'y a point d'empoisonnement chronique par le cuivre, parce que les sels cuivriques ordinaires, à l'influence desquels les ouvriers sont exposés particulièrement, ne peuvent peut-être pas être absorbés.
D'après Galippe, Burq et Ducom, les animaux peuvent tolérer longtemps sans inconvénient pour eux de grandes quantités de cuivre métallique ou d'oxyde cuivrique; les sels solubles de cuivre administrés aux doses progressivement croissantes de 0,1 à 1 gramme, peuvent même être supportés
168 CUIVRE. — Sulfate de cuivre : Emploi thérapeutique
pendant des mois, s'ils pénètrent dans le canal intestinal enveloppés dans la bouillie alimentaire. Même si la dose, du sel de cuivre est élevée jusqu'à 4 grammes par jour, les chiens vomissent, il est vrai, 1 à 2 heures après le "repas et rejettent ainsi des quantités plus ou moins considérables du cuivre ingéré, mais ils n'éprouvent au début, dans leur santé, aucune altération bien marquée; ce n'est qu'au bout d'un temps très long qu'ils sont pris de diarrhée, maigrissent rapidement et meurent même en général.
Chez les ruminants, qui n'évacuent pas par le vomissement, le cuivre ingéré, Ellenberger et Hoffmann ont vu se manifester un empoisonnement chronique, dont voici les symptômes : chez les animaux qui avaient reçu 50 à 182 grammes de sulfate de cuivre aux doses quotidiennes de 1 à 2 grammes, on vit bientôt le poids du corps diminuer, l'appétit baisser, la rumination devenir défectueuse; il se manifesta périodiquement de l'hémoglobinurie, de l'albuminerie et, vers la fin de la vie, de l'ictère, de la diarrhée et une forte élévation de la température. L'examen anatomique de la rate, du foie et du sang permit de constater l'existence des mêmes altérations qu'on trouve à la suite de l'empoisonnement par le chlorate dépotasse; l'action de ces deux substances médicamenteuses sur le sang défibriné dans le verre à réaction se serait aussi montrée la même. Le cuivre n'abandonnerait que lentement les organes, notamment le foie; son élimination par l'urine cesserait plutôt que son élimination par les matières fécales. La réabsorption de la quantité de cuivre éliminée dans l'intestin pourrait donner lieu à un empoisonnement secondaire. Le cuivre se retrouve dans tous les organes, en assez grande quantité dans le système nerveux, bien que les accidents toxiques du côté de ce système fassent défaut.
L'élimination du cuivre paraît se faire principalement par la bile; en moins grande quantité, par l'urine.
Lepouvoir désinfectant des sels de cuivre ne parait pas être considérable : ils n'empêchent du moins le développement des bactéries que lorsque la concentration de la solution est de 1 /130.
Sulfate de cuivre
Le sulfate de cuivre, SO4Cu + 5H 20, se présente sous la forme de gros cristaux bleus, solubles dans 2 1/2 parties d'eau froide et dans 1/2 partie d'eau bouillante, tombant en efflorescence au contact de l'air.
Action physiologique. — Elle a été déjà étudiée dans les généralités.
Emploi thérapeutique.— Son emploi à l'intérieur est très limité ; on ne peut attendre une réelle utilité que de son action comme vomitif. Il a, comme tel, quelques avantages sur les émétiques usuels. D'abord son action est assez certaine, et elle s'est produite même parfois dans des cas où l'ipéca et l'émétique avaient échoué ; l'énergie de son effet a été cependant souvent exagérée, car l'observation de tous les jours nous apprend que, dans un assez , grand nombre de cas où les vomitifs ci-dessus nommés n'avaient point provoqué de vomissements, le sulfate de cuivre n'a pas mieux réussi.
Le sulfate de cuivre a encore sur l'émétique l'avantage de ne pas donner lieu à un collapsus aussi intense ni à des nausées aussi persistantes et aussi • fatigantes ; il a encore ce dernier avantage sur l'ipéca. Mais on évitera d'en
CUIVRE. — Acétate de cuivre 169
faire usage, ou du moins on ne l'emploiera qu'avec les plus grandes précautions, dans les cas où il y a tendance à la diarrhée. Il est encore employé comme vomitif, de préférence à tout autre, dans les empoisonnements parles narcotiques ; on le recommande aussi dans les cas de laryngite croupale ou diphthéritique ; mais il n'est nullement démontré qu'il puisse exercer une influence particulière sur le processus lui- même, ainsi que plusieurs médecins l'ont admis; son administration prolongée, à doses réfractées, n'est pas seulement superflue, elle peut encore être nuisible à cause de son action sur la muqueuse gastrique et sur la digestion.
Le sulfate de cuivre a, en outre, été recommandé dans l'empoisonnement par le phosphore, non pas comme vomitif, mais comme antidote, à doses réfractées (Bamberger, Eulenburg et Landois). Son emploi dans ce cas repose sur ce fait, que le phosphore, même sous forme de vapeur, réduit le sulfate de cuivre; le cuivre métallique, se précipitant alors sur le phosphore, en empêche les effets.
L'usage du sulfate de cuivre contre certaines névroses (épilepsie, chorée, etc.) est aujourd'hui entièrement abandonné. Dans ces derniers temps, on a voulu, se fondant sur des considérations physiologiques tout à fait vagues, en essayer l'emploi dans le diabète sucré; mais les résultats de ce traitement ont été à peu près nuls.
Extérieurement, le sulfate de cuivre est fréquemment mis en usage, et dans les mêmes circonstances que le sulfate de zinc ; nous renvoyons donc à l'étude de ce dernier sel. Ces deux composés, appliqués à l'extérieur, ne présentent aucune différence essentielle dans leurs effets thérapeutiques; dans la plupart des cas, c'est l'habitude qui fait choisir l'un plutôt que l'autre. Seulement dans le trachoma de la conjonctive on donne la préférence au sulfate de cuivre, dont les cristaux ont l'avantage de présenter des surfaces larges et lisses, bien disposées pour être appliquées sur les parties malades.
DOSES. — 1. Sulfate de cuivre pur. — A l'intérieur, 0,01-0,1 pro dosi {jusqu'à 0,1 pro dosi\ jusqu'à0,4 'pro die !). Comme vomitif, 0,1-0,4 ; chez les enfants, 0,05-0,1. En solution, en poudre, en pilules. Al'extérieur, comme caustique, en substance ; on choisit, dans ce but, des cristaux volumineux qu'on taille en pointe ou qu'on laisse avec leurs surfaces larges, suivant le but qu'on veut atteindre. Quand il s'agit d'en toucher la conjonctive, il faut avoir soin d'user les arêtes rugueuses et de faire disparaître avec l'eau les endroits où le sel est tombé en efflorescence. En injections, 0,1-1,0 pour 100. Pour collyres, 0.1-1,0 pour 100.
2. Sulfate de cuivre du commerce. — Superflu.
Acétate de cuivre. Cu (OCOCH3)2 + 5H 20
On le prépare en faisant dissoudre de l'oxyde de cuivre dans du vinaigre. On l'obtient sous forme de cristaux, tantôt bleus, tantôt d'un vert sombre. Ils ne se dissolvent pas très facilement dans l'eau.
Le vert-de-gris ordinaire, qui se forme souvent dans les vases de cuivre, est un mélange de divers sels basiques.
L'action physiologique de l'acétate de cuivre est celle du sulfate. Son emploi thérapeuthique est sans importance.
170
CUIVRE. — Alun, oxyde, carbonate nitrate
Sulfate de cuivre et d'ammoniaque. S04Cu+NH 3 +H 20
Poudre cristalline bleue, d'un goût rebutant.
Sa propriété de se décomposer facilement en sulfate de cuivre et en ammoniaque fait que son action sur l'épiderme, etc., est celle de ces deux substances réunies. ^
C'est un des anti-épileptiques métalliques les plus anciens ; aujourd'hui il est à peu près complètement abandonné. Les observateurs les plus expérimentés de notre époque nient entièrement son efficacité dans l'épilepsie 1
Alun de cuivre
Pierre divine ou ophtalmique. — On l'obtient en faisant fondre ensemble 16 parties de sulfate de cuivre, de nitrate de potasse et d'alumine avec 1 partie de camphre. C'est un masse d'un vert bleuâtre clair, qui peut être comme le nitrate d'argent, coulée sous forme de crayon. — Son application sur les muqueuses et les surfaces granuleuses produit des effets caustiques et astringents, comme ceux du sulfate de cuivre, mais pourtant moins intenses. On l'emploie en substance ou en solution (0,01-1,0 : 10,0).
Oxyde, carbonate, nitrate, chlorure et iodure de cuivre
Ils agissent sans doute exactement comme les autres composés cuivriques. L'emploi du sulfate les rend superflus.
Traitement de l'empoisonnement aigu par le cuivre. — On n'a pas, en général, à se préoccuper de faire vomir le malade, parce que les vomissements ont déjà été provoqués par le sel de cuivré ingéré. Parmi les nombreux antidotes qui ont été recommandés, il en est très peu dont l'efficacité ait été confirmée par la pratique. En tous cas on ferait bien d'administrer de l'albumine ou du lait, et l'on pourra aussi avoir recours à la magnésie calcinée. Le sucre a été vivement recommandé, mais son efficacité n'a été nullement démontrée. On a encore conseillé les contrepoisons suivants : ferrocyanure de potassium, fer pulvérisé, limaille de fer réduite en bouillie, fleurs de soufre dans du sirop de sucre.
TARDIEU, Dictionnaire d'hygiène, art. CUIVRE, 2e édition, t. I. Paris, 1865. -— Etude médicolégale et clinique sur l'empoisonnement, 2e édition. Paris, 1875. •— BURQ (V.), Métallothérapie. Paris, 1867. — Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, art. CUIVRE, par Z. Roussis et BARRALLIER ; art. MÉTALLOTHÉRAPIE, t. X. Paris, 1872. — BERGERET (de SaintLéger) et MAYENÇON, Recherches du cuivre dans les humeurs et les tissus par la méthode élec-. trolytique (Journal de l'anatomie et de la physiologie, t. X, p. 89. Paris, 1874). — Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, art. CUIVRE par LUTZ, BUROKER, FONSSAGRIVES et LAYET, t, XXIV. Paris. — BERGERON (Georges) et LHOTE, Cuivre dans l'organisme (Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, 25 Janvier 1875; Archives générales de médecine, 6e série, t. XXV, p. 365, 1875). — RAEUTEAU. Sur la localisation du cuivre dans l'organisme après l'injection d'un sel de ce métal (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 19 février 1877). —FELTZ et RITTER (de Nancy), Expériences sur l'empoisonnement aigu parle sulfate de cuivre (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 26 février 1877). — Empoisonnement aigu par l'acétate de cuivre (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 12 mars 1877 —Expériences sur les préparations cuivriques introduites dans l'estomac et dans le sang (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 9 juillet 1877). — PASTEUR, Rapport au Conseil de salubrité sur l'action des sels
1 [Dans ces derniers temps, plusieurs observateurs ont recommandé le sulfate de cuivre ammoniacal dans le traitement des névralgies faciales, surtout de celles qui s'accompagnent de congestion intense de la face. Fereol rapporte plusieurs succès obtenus dans ces circonstances et dans des cas qui avaient opiniâtrement résisté à d'autres moyens de traitement. La dose moyenne est 0,10-0,15 par jour (avec 100 grammes d'eau et 30 grammes de sirop), à prendre par cuillerées, surtout au moment des repas. .La dose quotidienne a pu être portée progressivement jusqu'à 0,30-0,50, sans qu'il en soit résulté aucun accident, sauf quelques troubles digestifs sans gravité.]
ZINC. — Empoisonnement chronique par le zinc 171
de cuivre. Paris, 1877). — Annales d'hygiène publique et de médecine légale, passim. — DUCOM et BURQ, Action des sels solubles de cuivre sur les animaux (Bulletin de l'Académie de médecine, août 1875). —Recherches sur l'action physiologique du cuivre et de ses composés (Archives de physiologie normale et pathologique, janvier 1877). — GALIPPE, Etude toxicologique sur le cuivre et ses composés, thèse de doctorat, no 212. Paris, 1875. — Note sur les procédés employés dans l'étude de l'action toxique des sels de cuivre (Archivés de physiologie normale et pathologique, janvier 1877 — Nouvelles expériences sur l'action toxique attribuée au cuivre et aux substances contenant du cuivre en combinaison (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 8 avril 1877). — LAUDER BRUNTON and DE LANCYWEST, Onthe emetic Ation of Sulfate of Copper when injected into the veins (St BartholomeVs Hospital Reports, vol. XII, 1876).
ZINC
Les composés solubles de zinc agissant exactement comme ceux de cuivre, bien que leur action soit, en général, un peu plus faible, nous ne nous étendrons pas beaucoup sur cette étude.
Mais tandis qu'aucun composé cuivrique insoluble n'est employé en thérapeutique, nous avons un composé de zinc insoluble, l'oxyde de zinc, qui devra être étudié à cause de l'usage qu'on en fait en médecine. Ses effets sont exactement ceux des autres sels de zinc; on devra pourtant, à cause de son insolubilité, l'administrer à doses plus élevées. Le chlorure de zinc, au contraire, qui se diffuse très facilement et qui attaque fortement les tissus, devra être employé en solutions beaucoup plus diluées.
Action physiologique. — Les sels de zinc entrent en combinaison avec les albuminoïdes, de même que les sels de cuivre. A. doses petites et en solutions étendues, ils exercent sur les tissus et sur les vaisseaux une action constrictive;'à doses moyennes,, ils provoquent des vomissements et de la diarrhée; à doses élevées, ils donnent lieu à de la gastro-entérite. Les doses nécessaires pour produire ces effets seront indiquées dans la partie thérapeutique.
D'après Meihuizen, l'acétate de zinc, administré à doses relativement petites, ferait diminuer l'excitabilité réflexe. D'après Michaelis, l'oxyde de zinc, même à doses modérées, donnerait lieu à des mouvements d'extension spasmodiques des membres et à des convulsions bien caractérisées. Letheby, Blake, Falck et Harnack ont trouvé, au contraire, que les sels de zinc, de même que ceux de cuivre, n'agissaient que sur les muscles et qu'ils tuaient en paralysant la respiration et le coeur .; le système nerveux central ne subirait de leur part aucune modification directe, et, d'après Blake, la sensibilité resterait complètement indemne.
Empoisonnement chronique par le zinc. — Jusque dans ces derniers temps aucun cas nettement observé d'empoisonnement chronique par le zinc n'avait été signalé, de sorte qu'on était porté à mettre en doute l'existence de ce genre d'empoisonnement ; enfin Schlockow a observé sur un très grand nombre d'ouvriers travaillant dans des fonderies de zinc des accidents particuliers, qui semblent devoir être attribués à une intoxication chronique parle zinc. Le tableau morbide nettement accentué chez tous ces ouvriers offrait les symptômes suivants : D'abord phénomènes d'excitation dans le domaine de la sensibilité cutanée ; plus tard perte de la sensibilité tactile et de la sensibilité à la douleur, sensation de constriction autour du ventre ; exaltation de l'excitabilité réflexe, contractions musculaires spasmodiques ;
172 ZINC— Oxyde.de zinc pur
puis faiblesse des muscles, diminution de la sensibilité musculaire et troubles dans la coordination des mouvements. Ce caractère et la bilatéralité constante des phénomènes parlent, d'après Schlockow, en faveur d'une affection inflammatoire de la moelle épinière, d'une affection inflammatoire des cordons antérieurs et latéraux. L'aspect extérieur de ces malades, surtout de ceux qui sont le plus gravement atteints, leur démarche lourde et incertaine, rappellent à première vue le tabès dorsalis (dégénérescence grise des; cordons postérieurs) ; mais il existe un grand nombre d'autres caractères différentiels tels que les réflexes tendineux constamment existants, l'absence de para-, lysie vésicale et rectale, de douleurs névralgiques intenses, d'inégalité des pupilles, l'absence d'affections des muscles de l'oeil et de troubles sérieux de la vue; de plus, la démarche plutôt paralytique qu'ataxique. L'empoisonnement chronique par le zinc se distingue aussi de la sclérose des cordons latéraux en ce qu'il ne s'accompagne point, comme cette dernière affection, de raideur et de contracture des muscles. Il se distingue de l'empoisonnement par le plomb en ce qu'il se manifeste très tardivement (après dix ans de travail dans les fonderies de zinc), en ce qu'il ne s'accompagne ni de coliques ni de constipation ; en ce que la paralysie siège presque constamment aux membres inférieurs (dans l'empoisonnement par le plomb, ce n'est qu'aux membres supérieurs), et ce n'est que très tard que les membres, supérieurs peuvent être envahis ; en ce que les paralysies musculaires saturnines ne sont jamais précédées d'augmentation de la sensibilité cutanée, de la sensibilité réflexe, etc. ; enfin en ce que, dans l'empoisonnement par le zinc, les muscles restent très longtemps bien nourris et facilement excitables, ce qui n'est pas le cas dans les intoxications saturnines.
Popoff a observé, chez des ouvriers qui travaillaient toute la journée au milieu des vapeurs de zinc, les phénomènes suivants : céphalalgie violente, frissons, crampes dans les membres, particulièrement dans les mollets, . fortes nausées, vomissements, diarrhée cholériforme, s'accompagnant de violentes coliques. La présence du zinc aurait été constatée dans l'urine d'ouvriers qui, depuis de longs mois, étaient restés éloignés de l'atmosphère toxique.
Les sels de zinc n'exercent aucune action bien marquée sur les organismes inférieurs ; le sulfate de zinc, par exemple, ne peut s'opposer au développement des bactéries que lorsque la solution de ce sel est assez concentrée (1 : 50).
Oxyde de zinc pur
Il y a un oxyde de zinc impur qui n'est employé qu'à l'extérieur, et un oxyde . de zinc pur, ZnO. C'est une poudre légère, blanche, se colorant en jaune par la chaleur, insoluble dans l'eau, soluble dans les acides.
Action physiologique. — Tout ce qu'il présente de particulier, c'est '
qu'il est insoluble dans l'eau. Il se dissout dans les acides de l'estomac, et ■
il produit alors les mêmes effets que les composés solubles; mais il faut ;
pour cela que les doses soient plus élevées. Les effets narcotiques qu'on i
lui attribuait autrefois, et qui le faisaient comparer à l'opium, doivent être ,: mis au rang des fables.
Emploi thérapeutique. — L'emploi de l'oxyde de zinc est purement
ZINC. — Oxyde de zinc pur : Emploi thérapeutique 173
empirique; sa seule action découlant de ses propriétés physiologiques, son action vomitive, n'est pas mise à profit. Il est souvent employé dans les névroses de la motilité, particulièrement dans diverses affections spasmodiques; avant tout, dans Yépilepsie. Gaub est le premier qui ait recommandé l'oxyde de zinc dans l'épilepsie. Son plus chaud partisan, à notre époque, est sans contredit Herpin, qui prétend avoir guéri, avec ce médicament, 28 épileptiques sur 42. 11 est vrai qu'une analyse exacte réduit beaucoup, ainsi que Radcliffe l'a démontré, le nombre de ces succès; Auguste .Voisin a pourtant fait remarquer que, dans la plupart de ces cas, la guèrison s'était maintenue jusqu'à l'époque où il écrivait, c'est-à-dire pendant une période de dix ans. Les opinions des. observateurs sont loin de s'accorder à ce sujet : les uns n'ont obtenu aucun succès de l'oxyde de zinc employé d'après la méthode de Herpin : tels sont Moreau, Delasiauve, Radcliffe ; d'autres, Graves par exemple, lui reconnaissent une certaine efficacité qui se traduirait surtout par une étendue plus grande des intervalles des accès. On ne peut pas spécifier les cas dans lesquels l'oxyde de zinc devrait mériter la préférence sur d'autres médicaments. Reynolds, par exemple, a observé plusieurs fois une amélioration générale, mais non une guèrison complète, dans des cas où il existait des vertiges, de l'inquiétude d'esprit et de l'insommie; et cependant, dans le seul cas où il ait obtenu la guèrison ces phénomènes étaient absents. Ce qu'on peut dire avec le moins d'incertitude, c'est que l'emploi de l'oxyde de zinc semble particulièrement approprié à Yépilepsie des enfants. Herpin, dans ses dernières communications, reconnaît que l'oxyde de zinc échoue très fréquemment chez l'adulte, tandis qu'il réussit mieux chez les enfants ; le même fait a été observé par LoebensteinLoebel, Brachet, Richter, Jos. Frank et autres. Quant à nous, nous avons souvent observé de l'amélioration, dans des cas d'épilepsies invétérées, sous l'influence de la poudre anti-épileptique, dont le zinc constitue l'élément principal, et cela alors que le bromure de potassium avait déjà été administré sans aucun avantage. — Dans la chorée, la coqueluche et autres névroses, la valeur de l'oxyde de zinc est encore moins bien établie que dans l'épilepsie. Tout'récemment, Butlin a de nouveau préconisé le zinc (sulfate) dans la chorée, mais sans spécifier les cas dans lesquels ce médicament doit mériter la préférence sur d'autres. Herpin a élevé la dose jusqu'à 1 gramme par jour, et a fait prendre cette dose pendant des semaines. — Dans les névralgies, ce médicament a été surtout recommandé par Valleix, qui l'administrait concurremment avec la jusquiame, sous la forme de pilules (pilules de Méglin) ; voyez, sur sa valeur, l'article Jusquiame.
Dans ces dernières années, les auteurs français, à l'exemple de Gublér, ont vivement recommandé l'oxyde dezinc comme constipant dans les diarrhées chroniques ou au moins dans les diarrhées pas trop récentes ; on ne spécifie pas les cas particuliers où l'on doit en faire usage. On administre par jour 3gr,5 d'oxyde de zinc avec 0,gr5 de bicarbonate de soude, en quatre prises. — On le prescrivait autrefois, de même que l'acétate de plomb, contre les sueurs nocturnes des phtisiques ; mais cet emploi est aujourd'hui à peu près entièrement abandonné, du moins en Allemagne, tandis qu'en Angleterre il est encore assez répandu.
174 ZINC. — Sulfate de zinc : Usages thérapeutiques r
A l'extérieur, l'oxyde de zinc est très souvent employé dans le pansement, des ulcères à sécrétion abondante ; on l'applique aussi, sous forme de pommade, sur les pertes de substance superficielles de la peau (intertrigo, plaies des vésicatoires, etc.). Il fait un peu diminuer la sécrétion.
DOSES ET PRÉPARATIONS. — Intérieurement, l'oxyde de zinc pur s'administre aux doses suivantes : 0,05-0,5 pro dosi (3,0 pro die), en poudre ou en pilules.— Extérieurement en pommade ou Uniment (1 : 5-10).
Pommade d'oxyde de zinc. — 1 partie oxyde de zinc sur 9 parties pommade rosat.
Sulfate de zinc
Le sulfate de zinc, S04Zn, se présente sous forme de cristaux incolores, efflorescents, solubles dans l'eau. La solution aqueuse a une réaction acide et une saveur acre, nauséeuse.
Action physiologique. —Il en a déjà été question dans les généralités.
Usages thérapeutiques. — Le sulfate de zinc a été emphryé, à l'intérieur, dans les mêmes névroses que l'oxyde de zinc, et quelques auteurs, tels que Schroff, Türk, lui donnent même la préférence. Mais l'expérience apprend qu'en somme ses effets ne sont pas plus positifs que ceux de l'oxyde ; d'ailleurs, comme il est impossible de formuler les conditions dans lesquelles il peut être employé avec avantage, et comme, en outre, son emploi prolongé donne facilement lieu à des troubles digestifs, on fera bien de l'exclure entièrement du traitement de ces affections. — On l'a encore administré, comme « astringent », dans plusieurs maladies, notamment dans les anomalies de sécrétion de diverses muqueuses, dans le catarrhe pulmonaire, le catarrhe intestinal, etc. Certainement il peut produite des effets astringents dans le catarrhe intestinal; nous possédons cependant d'autres médicaments qui agissent plus énergiquement dans ce but, sans avoir les inconvénients du sulfate de zinc. Quant aux catarrhes des autres muqueuses, son efficacité n'est ici rien moins que démontrée. — Enfin le sulfate de zinc est encore employé comme émétique, particulièrement dans le croup et dans les empoisonnements par les substances narcotiques. Il a une grande puissance vomitive, cela est incontestable ; on lui préfère pourtant le sulfate de cuivre, qui présente l'avantage de moins irriter la muqueuse gastrique. Un avantage du sulfate de zinc sur les vomitifs ordinaires, ipéca et tartre stibié, consiste dans une durée plus courte des nausées.
ATl'extérieur, le sulfate de zinc est beaucoup plus souvent employé qu'à l'intérieur. De même que l'oxyde de zinc, il produit, par suite de sa combi- , liaison avec les matières albumineuses des sécrétions et des tissus des effets . astringents et siccatifs ; son action astringente semble dépendre encore d'une ' influence directe sur les vaisseaux, qu'il fait contracter. On s'en sert avec prédilection dans les catarrhes. Et d'abord, dans la blennorragie, les solutions étendues de sulfate de zinc (auxquelles on ajoute encore un peu de teinture d'opium) constituent un des liquides d'injection les plus employés . et les plus rationnels. On peut avoir recours à ces solutions dans toutes les périodes de la blennorragie, même dans la période aiguë; elles coupent quelquefois la maladie en deux ou trois jours. — Dans les catarrhes simples de la conjonctive, de même que dans la blennorragie, le sulfate de zinc est
ZINC. — Chlorure de zinc : Emploi thérapeutique . 175
préférable aux autres astringents métalliques, non parce qu'il agit plus énergiquement, mais parce que ses inconvénients sont moins marqués. On instille dans l'oeil une solution de sulfate de zinc pendant la seconde période de la conjonctivite ordinaire; ici, beaucoup plus que dans blennorragie, il faut prendre garde que les phénomènes inflammatoires intenses aient dis - paru. Dans la blennorrhée proprement dite de la conjonctive, le sulfate de zinc est inférieur au nitrate d'argent. — Quant aux catarrhes des autres muqueuses, ce n'est guère que dans ceux des parties génitales de la femme, que les solutions de sulfate de zinc sont encore employées-; dans tous les autres, on a recours de préférence à d'autres substances. — Mentionnons enfin l'usage que l'on fait de solutions fortement étendues de sulfate de zinc pour désinfecter le linge.
DOSES. — Sulfate de zinc pur. — A l'intérieur, pour un usage prolongé, 0,01 jusqu'à 0,05 [jusqu'à 0,05 pro dosil jusqu'à 0,3 pro diel). En pilules ou en solution. — Comme vomitif 0,3-0,6-1,2 (jusqu'à 1,2 pro dosi !). En solution. —- Pour l'usage externe, on se sert habituellement d'une solution aqueuse do 1-5 pour 100 (avec teinture thébaïque) ; comme eau de pansement pour les plaies, solution de 1-3 pour 100. Pour pommades, 1 : 15; pour poudres ophtalmiques, 1 partie sur 5 de sucrei.
Chlorure de zinc
Le chlorure de zinc, ZnCl 2, s'obtient, à l'état anhydre, en faisant chauffer du zinc dans du gaz chlore ; il se présente alors sous la forme d'une masse blanche, très déliquescente et très soluble ; de la solution concentrée se séparent des cristaux octaédriques ZnCl 2 -+- H 20.
Action physiologique. — Employé en quantités très minimes et en solution très étendue, il agirait comme les autres composés de zinc.
Mais on ne l'emploie que comme caustique, parce que, à cause dé sa facile diffusibilité et sa grande affinité pour les substances albumineuses, il détruit la plupart des tissus, limitant ses effets exactement au point d'application et pénétrant fortement en profondeur. Les douleurs qu'il occasionne sont très intenses. L'eschare se détache en moyenne au bout de huit jours, et laisse après elle une plaie d'un bon aspect qui se cicatrise rapidement.
Emploi thérapeutique. — Son emploi à l'intérieur doit être absolument rejeté.
Extérieurement, on l'a employé comme astringent ; mais on doit lui préférer d'autres astringents plus actifs. C'est un caustique précieux, dans les cas où il s'agit de détruire profondément les tissus. Les cas dans lesquels on l'emploie de préférence seront étudiés à propos de l'arsenic. Koebner l'a récemment recommandé sous la forme d'un crayon formé parle mélange de 5 parties de chlorure de zinc avec 1 partie de nitrate de potasse. Les propriétés caustiques de ce crayon tiennent le milieu entre celles de la potasse et celles du nitrate d'argent; mais son action se limite mieux que celle de la potasse, et les cicatrices sont assez semblables à celles produites par le
1 [Le collyre au sulfate de zinc, adopté par le Codex français, ne contient que 0,15 de sel sur 100 grammes d'eau distillée ou d'hydrolat de roses. Gubler fait remarquer que celte proportion est bien suffisante, et qu'il faut la laisser telle, ou même la diminuer, pour injections urétrales.l
176 ZINC—MANGANESE
nitrate d'argent. Le crayon de chlorure de zinc convient pour cautériser les ulcérations syphilitiques, de même que les ulcérations non spécifiques et les végétations légères. — Koenig fait remarquer les avantages que présente le chlorure de zinc sur les autres caustiques dans les cas de gangrène nosoco-' miale; une solution concentrée de ce sel, imbibant de la ouate, a l'avantage de pouvoir être portée dans toutes les anfractuosités des plaies gangreneuses, et là, après huit à dix minutes d'application, de cautériser énergiquement et dans une limite bien déterminée.
Le chlorure de zinc est aussi parfois employé dans le pansement des plaies par la méthode de Lister. On se sert d'une solution à 8 pour 100, pour rendre aseptiques les plaies, les ulcérations, les fistules et dans les cas où les manipulations ordinaires du pansement de Lister sont difficilement applicables, quand il s'agit, par exemple, de certaines régions, telles que les régions du périnée, de l'anus.
DOSES. — A l'extérieur, pour lotions, solution 2 à 3 pour 100. Pour cautérisation, on s'en sert sous forme de pâte ; celle de Canquoin est préparée avec 1 partie de chlorure de zinc pour 2, 3 ou 4 parties de farine de froment. En mélangeant le chlorure de zinc avec la gutta-percha (parties égales) on obtient une pâte ductile à laquelle on peut donner diverses formes, suivant l'usage qu'on v veut en faire. La pâte caustique de Landolfi (extrêmement doloureuse) contient, comme principes actifs, outre le chlorure de zinc, du chlorure d'antimoine, du chlorure d'or et du chlorure de brome.
Le*LACTATE, I'ACÉTATE, le VALÉRIANATE DE ZINC, sont des préparations, tout à fait superflues.
Traitement de l'empoisonnement par le zinc'— Ce n'est guère qu'à un empoisonnement par le sulfate ou le chlorure de zinc qu'on peut avoir affaire. En général, on n'aura pas besoin d'administrer un vomitif; on aura recours immédiatement au lait et à l'albumine, et l'on emploiera, comme antidote spécial, un carbonate ou un phosphate inoffensifs. Pour le reste du traitement, on se basera sur les principes généraux. .
MICHAELIS, Archiv fur physiologische Heilkunde, 1851 — HARNACK, Archiv fur experimentelle Pathologie und Pharmakologie, Band III, S. 53. Leipzig, 1875. — MEYINUYXEN, Einfluss einiger Subslanzen auf die Reflexergebarkeit des Rûckenmarks (Archiv fur gesammte Physiologie, Band, VII. Bonn, 1873). — GUBLER, Sur le rôle toxique de l'araroba, de la quinine, de l'oxyde de zinc et de quelques autres substances dans la cure de certaines diarrhées d'origine parasitaire ou zymotique (Journal de thérapeutique, no 24, 1878). — Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, art. ZINC par MORIO et BUROT. Paris, 18S6.
VI. Manganèse
Le maganèse se trouve toujours, dans la nature, associé au fer; on ' le trouve aussi, associé au fer, dans l'organisme animal ; mais il n'y est qu'en quantité tout à fait minime ; on eu a constaté la présence dans le sang, le lait, la bile, les calculs urinaires, les cheveux. Rien ne prouve que sa présence dans l'organisme soit essentielle ; en tous cas, il est bien loin d'y : jouer le rôle important qu'y joue le fer.
La plupart des sels manganiques (citrate, sulfate, chlorure),introduits dans ' 1 estomac, donnent lieu, à alimentation égale, à une augmentation de la quantité de l'urine et de l'urée, sans modification aucune de la température ':
MANGANÈSE. — Permanganate de poiasse 177
(Laschkewitsch) ; si la dose dépasse 0gr, 5, il se produit de la gastro-entérite; des vomissements, et l'animal meurt par paralysie cardiaque.
Si l'on injecte dans le sang de très petites quantités de ces sels, qu'on répète à plusieurs reprises ces injections, en élevant chaque fois un peu la dose, on remarque que l'animal devient de plus en plus faible, que la circulation se ralentit, que le foie devient le siège d'une dégénérescence graisseuse ; enfin, quand la dose totale injectée a atteint 1 gramme, l'animal meurt. Si la quantité injectée en une fois est plus considérable, il se produit des spasmes tétaniques, et l'animal succombe à une paralysie du coeur, comme après l'administration par l'estomac.
Il n'est pas absorbé par l'intestin intact; mais il s'élimine en grande partie par la muqueuse intestinale, quand il a été introduit, sous forme de citrate de manganèse et de soude, sous la peau ou dans les veines des animaux. Quand on l'introduit directement dans la circulation, il n'est pas, dit-on, absorbé .par les globules rouges (Cahn).
Chez les animaux à sang froid, on a observé la paralysie de la sensibilité, de l'excitabilité réflexe et des mouvements volontaires; les nerfs moteurs et les muscles n'étaient pas affectés (Harnack). '
Ces observations ont été faites sur des lapins, des chiens et des grenouilles. Elles font voir que la manganèse a une action puissante sur le coeur et les centres nerveux, et que cette action n'a aucun rapport avec celle du fer. Ces résultats auraient pourtant besoin de confirmation.
Le seul composé manganique qu'utilise la médecine est le permanganate de potasse.
Permanganate de potasse
Prismes rhombiques, Mn04K,. presque noirs, d'un brillant métallique; par transparence, ils paraissent d'un rouge pourpre. Ils se dissolvent dans 16 parties d'eau, à laquelle ils donnent une belle couleur rouge violet. Beaucoup de substances facilement combustibles s'enflamment avec explosion quand on les frotte avec ce sel à l'état sec.
Action physiologique. — C'est un agent d'oxydation extrêmement puissant; l'oxygène qu'il laisse dégager, agissant à l'état naissant sur les substances organiques, en provoque rapidement la destruction; telle est la source de ses propriétés physiologiques.
Appliqué sur la peau, même en solution assez étendue, il fait naître une inflammation persistante, s'accompagnant d'une douleur brûlante ; si la solution est concentrée, il donne lieu à une cautérisation. Même action sur les muqueuses ; il ne faut donc l'introduire dans le tube digestif qu'à l'état de solution très diluée, sans quoi on provoquerait des inflammations graves.
Cette même propriété, s'exerçant sur les organismes inférieurs, a pour résultat de les détruire ; d'où suppression des processus de putréfaction et de fermentation. Appliqué sur un ulcère à suppuration fétide, sur un ulcère gangréneux, le permanganate de potasse fait donc disparaître la mauvaise odeur, améliore l'aspect de l'ulcère et favorise la guèrison. - Emploi thérapeutique. — Le permanganate de potasse n'est pas employé à l'intérieur. 11 est très souvent mis en usage comme désinfectant : ainsi, dans la carie dentaire, les ulcères à suppuration fétide, etc. Non seulement.
NOTHNAGEL et ROSSBACH, Thérapeutique. 12
178 MERCURE ET SES COMPOSES
il fait disparaître la mauvaise odeur, mais encore il améliore la surface malade et en favorise la guèrison. Il n'est peut-être pas de moyens meilleurs pour supprimer l'odeur affreuse des cancers utérins et autres affections analogues. Une solution trop concentrée, appliquée sur une plaie, la rend douloureuse et la fait saigner. — Les récentes expériences de Lacerda et Richards semblent démontrer que le permanganate de potasse peut rendre inoffensif le venin des morsures de serpents ; tandis que Lacerda prétend avoir vu cet effet se produire même après que les symptômes généraux résultant de la morsure avaient déjà fait leur apparition, Richards a constaté seulement qu'une injection de 8 à 12 grammes d'une solution à 5 pour 100, faite immédiatement après la morsure, pouvait supprimer les effets nuisibles du venin.
Les médecins font usage du permanganate de potasse pour se laver les mains après avoir examiné des malades atteints de maladies contagieuses, telles que la fièvre puerpérale, la syphilis, les ulcérations diphthéritiques, etc. Il se servent aussi de ces lotions après avoir fait une autopsie. Il est certain qu'on peut ainsi faire disparaître la mauvaise odeur qui peut s'être attachée aux mains, mais il n'est nullement prouvé qu'on détruise du même coup les germes des affections contagieuses.
Le permanganate de potasse a été beaucoup vanté comme désinfectant dès lieux d'aisances ; il en a surtout été beaucoup question à propos de l'épidémie de choléra de 1866. On a bien constaté qu'il supprimait la mauvaise odeur des matières fécales, mais on n'a pas démontré qu'il pût détruire le germe de la maladie. Un obstacle à la généralisation de son emploi, c'est qu'il est très cher ; voilà pourquoi on a proposé de lui substituer le permanganate de soude brut, qui revient à meilleur compte.
DOSES. — A l'intérieur, dans le cas on l'on voudrait l'essayer, 0,05-0,2, en solution très étendue, et sans autre addition, car presque toutes les substances le décomposent. Liquide pour pansements : 0,5 : 100. Liquide pour lotions : 15 :500. Il faudra l'appliquer sans aucun intermédiaire, car la charpie elle-même le décomposerait. On pourrait se servir de bourdonnets d'amiante, qui ne le décomposent pas ; mais le prix élevé de ces bourdonnets s'opposera à la généralisation de leur emploi.
CONUY, Mémoire sur les propriétés désinfectantes et thérapeutiques des permanganates alcalins, présenté à l'Académie de médecine, le 17 septembre 1861. — DEMARQUAY, Note sur les propriété» désinfectantes du permaganate dépotasse (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1863). — COSMAO-DUMENEZ, Du permanganate de potasse, de ses applications thérapeutiques (Bulletin de thérapeutique, t.LXIX, p. 433,1865). — LASCHKEWITZ, Journal de méd. de Bruxelles, t. XLIV, 1867. — Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, art. MANGANÈSE par LUTZ et DELIOUX DE SAVIGNAC, 2<= série, t. IV. Paris, 1871.
VII. Mercure et ses composés
Il faut distinguer avec soin les composés mercuriels solubles et les composés mercuriels insolubles. Les premiers, appliqués sur les tissus, les cautérisent, ce que ne font pas les seconds, qui ne peuvent exercer une action locale qu'après s'être transformés en composés solubles. Mais Y action géné-
MERCURE ET SES COMPOSES 179
rale de tous les composés mercuriels est essentiellement la même, abstraction faite, bien entendu, de ceux dans lesquels le mercure est combiné avec un agent très actif, dont l'action domine celle du mercure; tel est, par exemple, le cyanure de mercure.
Les effets caustiques locaux produits sur la peau et les muqueuses par les composés mercuriels solubles, parmi lesquels le bichlorure de mercure est le plus actif, dépendent principalement de l'affinité de ces composés pour les substances albumineuses, avec lesquelles ils forment une combinaison solide, presque insoluble dans l'eau. De même que tous les caustiques, ils perdent leur activité cautérisante quand ils sont très dilués.
Ce que deviennent, dans l'organisme, les différents composés mercuriels. — Tous les composés mercuriels, ai-je dit, solubles ou insolubles, exercent sur l'organisme la même action générale. Administrés pendant assez longtemps, à petites doses, ils donnent naissance à des symptômes d'empoisonnement chronique. Pour que les sels mercuriels insolubles puissent produire ces symptômes, il faut évidemment qu'ils puissent être absorbés ; ■ il faut donc qu'ils se transforment, dans le canal gastro-intestinal, en composés solubles.
Or, les recherches de Voit nous permettent d'admettre que tous les composés mercuriels, introduits dans l'organisme, s'y transforment finalement en bichlorure de mercure; cette transformation se fait dans l'estomac et l'intestin, ou dans le sang, sous l'influence du chlorure de sodium, de l'albumine, etc. Il est évident que l'action du composé mercuriel sera d'autant plus rapide que cette transformation se fera avec plus de rapidité, et en plus grande abondance, dans le même temps. Et là-dessus Voit établit trois classes de mercuriaux : 1° Le mercure métallique. Son action est très lente, parce qu'il ne fournit que très lentement des quantités très petites de bichlo - rure. 2° Le second groupe est représenté par le protochlorure; à côté de lui viennent se ranger le protoxyde, les sels de protoxyde, le protobromure, le protoiodure, le protosulfure. 3° Enfin, le troisième groupe est naturellement représenté par le bichlorure lui-même, à côté duquel se rangent le bioxyde, les sels de bioxyde solubles dans l'eau, le bibromure et le biiodure.
Le bichlorure de mercure, produit final de la transformation des divers composés mercuriels, se trouvant en présence de matières albumineuses, doit se combiner avec l'albumine, pour former un albuminate insoluble; sous cette forffie il ne pourrait donc pas être absorbé. Mais, en présence d'un excès d'albumine ou du chlorure de sodium, le composé albumino-mercuriel devient soluble : ainsi, quand on traite par le bichlorure de mercure une solution alcaline d'albumine, à laquelle on a ajouté préalablement du chlorure de sodium, il ne se produit point de précipité. Or, le bichlorure de mercure, se trouvant en présence du chlorure de sodium du suc gastrique, se combine avec ce chlorure de sodium, pour former un chlorure double de sodium et de mercure, Cl2Hg -+- CINa, et c'est sous cette forme qu'il est absorbé. Arrivé dans le sang, le mercure se combine avec l'albumine, et ce composé albumino-mercuriel reste dissous en présence du chlorure de sodium. On peut extraire, par des lavages, tout le chlore qui existe dans ce composé; aussi Mulder, Rose, Elsner, Voit, admettent-ils que le mercure
180 MERCURE ET SES COMPOSÉS
existe, dans ce composé, en combinaison avec l'oxygène ; de sorte que ce serait à l'état d''albuminate de peroxyde de mercure que le sel mercuriel ingéré existerait finalement en circulation dans le sang.
A la suite d'un traitement mercuriel prolongé, on peut constater la présence du mercure dans tous les tissus de l'organisme. Combien de temps y séjourne-t-il après l'interruption du traitement? D'après Schneider, on n'y en trouverait plus au bout de quelques semaines. Gorup-Besanez, au contraire, dit en avoir trouvé, dans le foie, un an après l'interruption du traitement. L'élimination du mercure par l'urine, à la suite de l'emploi des injections sous-cutanées, commence en général à se faire dès les premières vingt-quatre heures ; à la suite d'onctions avec l'onguent gris, cette élimination ne commence qu'au bout de dix à douze jours (Nega). Cette élimination dure pendant plusieurs mois après l'interruption du traitement et ne se fait pas d'une manière continue; la réapparition du mercure dans l'urine, après qu'il avait déjà disparu, n'est nullement liée à un accroissement des échanges nutritifs. A la suite d'un traitement par les pommades mercurielles, la durée de l'élimination est beaucoup plus considérable qu'à la' suite de l'emploi des injections sous-cutanées.
Le mercure s'élimine de l'organisme avec tous les produits de sécrétion. D'après Overbeck, cette élimination se fait principalement par le foie; c'est delà bile que proviendrait la grande quantité de mercure contenue dans l'intestin. Sous quelle forme se trouve-t-il au moment de cette élimination? On ne le sait pas bien. On a dit qu'il pouvait s'éliminer à l'état de mercure métallique; et l'on en donnait pour preuve que des anneaux d'or, portés par des personnes soumises à un traitement mercuriel, avaient été trouvés amalgamés; mais tous les composés mercuriels solubles, et même les albuminates, peuvent produire cette amalgamation. Il est possible que le mercure, au moment de son élimination, soit à l'état d'albuminate; remarquez, en tout cas, que l'urine est très souvent albumineuse chez les personnes qui prennent du mercure. A la suite d'un traitement par les pommades mercurielles, on trouve beaucoup moins de mercure dans l'urine qu'à la suite des injections sous-cutanées quotidiennes de 0gr,01 de sublimé; par contre, l'usage longtemps prolongé de l'onguent gris donne lieu à une accumulation considérable de métal dans l'organisme. Dans le cours d'un traitement par le calomel, on ne constate la présence du mercure dans la salive qu'après l'apparition de la salivation. La stomatite est donc peut-être un signe de la saturation de l'organisme par le mercure (0. Schmidt).
Le mercure non absorbé s'élimine avec les matières fécales. Ces matières renferment aussi celui qui a été déversé dans l'intestin avec les divers produits de sécrétion. Le mercure éliminé avec les matières fécales se trouve le plus souvent à 3l'état de sulfure, par suite de l'action du sulfure d'hydrogène des gaz intestinaux.
Riederer fit prendre à un chien, dans l'espace de trente et un jours. 2gr,789 de protochlorure de mercure; cette quantité lui fut administrée en 68 doses ; l'animal ingérait tous les jours 0gr,09 de protochlorure. Riederer constata que la plus grande quantité du mercure (77 pour 100) s'était éliminée avec les matières fécales; par conséquent la quantité absorbée fut relativement petite. Il ne s'en élimina par les urines qu'environ
MERCURE. — Effets généraux 181
1 pour 100. Dans le cerveau, le coeur, les poumons, la rate, le pancréas, les reins, les testicules, le pénis, il s'en.trouva seulement 0,5 pour 100; dans les muscles, 0,4 pour 100 ; dans le foie, 0,5 pour 100. 100 grammes de la substance hépatique fraîche en renfermaient 0gr,0066; 100 grammes de cerveau en renfermaient 0gr,0027; 100 grammes de substance musculaire en contenaient 0gr,0004; c'est donc le foie qui en contenait le plus, et les muscles le moins.
Effets généraux produits par le mercure. — L'intensité de ces effets, la rapidité de leur apparition, varient beaucoup suivant les personnes, suivant la préparation employée, suivant le mode d'introduction dans l'organisme. Ainsi, ce sont les personnes jeunes, faibles, malpropres, qui présentent les accidents les plus marqués. Parmi les personnes qui manient journellement le mercure, dans les ateliers, il en est qui sont très rapidement atteintes par l'action du poison; d'autres, au contraire, ont pu travailler pendant quarante ans sur le mercure sans présenter d'accidents. C'est à la suite de l'inhalation prolongée des vapeurs mercurielles que se présentent, en général, les accidents les plus formidables. L'introduction des composés mercuriels dans l'estomac ne donne pas lieu à des phénomènes aussi intenses; dans ce mode d'introduction, en effet, une partie du poison est immédiatement absorbée par le foie et les glandes intestinales et éliminée rapidement avec la bile.
Un composé mercuriel soluble, administré à doses élevées, donne lieu à des accidents inflammatoires violents du côté du tube intestinal et à des troubles nerveux intenses.
Administré à doses modérées, il fait naître les symptômes du mercurialisme aigu. Les principaux de ces symptômes ont leur siège du côté du canal alimentaire : inflammation de la bouche, salivation, catarrhe intestinal, diarrhée. Les accidents nerveux n'occupent que le second rang; ils sont très peu marqués, et dépendent plutôt de la fièvre et des troubles nutritifs que d'une influence directe du poison. Si l'on suspend le traitement, la santé ne tarde pas à revenir.
h'administration longtemps continuée de très petites doses donne lieu aux accidents du mercurialisme chronique. Ici ce sont les accidents nerveux qui dominent la scène; les troubles du côté des voies digestives ne jouent qu'un rôle secondaire, et d'ailleurs ils n'existent pas toujours. Le système nerveux est fortement déprimé ; cette dépression se manifeste par une grande excitabilité et très souvent par des tremblements plus ou moins intenses. Si l'usage de la préparation mercurielle n'est pas interrompu, le système nerveux se détraque complètement, et le malade, épuisé d'ailleurs par la diarrhée, ne tarde pas à succomber.
Le mercurialisme chronique peut laisser à sa suite des incommodités variées et très fâcheuses : telles sont la perte des dents, l'atrophie des gencives, des rétrécissements cicatriciels sur divers points du canal alimentaire, des inflammations chroniques de la bouche et du pharynx, l'induration des glandes salivaires et des ganglions cervicaux, le catarrhe gastrique, une excitabilité extrême du système nerveux, des douleurs dans les membres, l'insomnie, les vertiges, la tendance aux syncopes, de légers tremblements, l'affaiblissement de la mémoire et du jugement, Les sujets atteints sont extrê-
182 MERCURE, - Effets sur les divers organes
mements pâles et très amaigris; d'autres fois, ils prennent de l'embonpoint,' tout en conservant une grande pâleur.
Effets des mercuriaux sur les divers organes. — Les mercuriaux ne produisent des altération?, marquées et vraiment caractéristiques que sur la peau et les muqueuses^ Les altérations qu'ils produisent sur les organes internes ne sont que légères et passagères; aussi voit-on les accidents mercuriels disparaître assez rapidement et d'une manière complète chez les personnes qui, ayant subi un empoisonnement violent par le mercure, se sont soustraites tout à coup à l'influence de ce poison. D'autres poisons, au contraire, tels que l'arsenic, le phosphore, l'antimoine, administrés pendant longtemps à de petites doses, donnent lieu à des altérations profondes et caractéristiques des organes internes (foie, rate, reins, muscles, os, etc.)
Peau. — La pommade mercurielle, appliquée sur la peau, y détermine l'apparition de phénomènes inflammatoires; c'est d'abord un simple érythème, qui peut rapidement passer à l'état d'eczéma impétigineux. Les composés mercuriels solubles, tels que le bichlorure, le biiodure, agissent, ai-je déjà dit, comme de violents caustiques.
La stomatite, résultant de l'administration intérieure du mercure, peut se propager à la peau des parties environnantes, à la peau des lèvres, des joues, du cou, et y provoquer même l'apparition d'un érysipèle, d'un phlegmon, d'une inflammation gangreneuse. Les diverses parties de la peau peuvent aussi présenter, chez les individus soumis à la mercurialisation, des inflammations à formes variées (roséole, urticaire, éiythème, eczéma). Ces exanthèmes ne présentent aucun caractère spécial qui puisse faire reconnaître leur origine mercurielle.
Les cheveux tombent souvent, mais pour repousser ensuite.
La sécrétion de la sueur ne subit aucune influence de la part des mercuriaux. Les sueurs profuses observées au moment de la mort, chez les personnes empoisonnées par le mercure, se présentent également pendant l'agonie, dans beaucoup d'autres genres de mort ; il ne faut pas les mettre spécialement sur le compte du mercure.
Les organes de la digestion sont les premiers et le plus violemment atta - qués: saveur métallique de plus en plus désagréable, haleine fétide ; langue sale, enflée ; salivation ; sentiment de pression à l'épigastre, éructations, nausées ; puis vomissements de matières alimentaires, muqueuses, biliaires; coliques violentes, diarrhée alternant avec constipation. — Si l'on injecte rapidement des doses mortelles, ces altérations dans toute l'étendue du canal intestinal se manifestent avec encore plus d'intensité qu'à la suite de ' l'ingestion dans l'estomac ; ces altérations sont surtout intenses dans le csecum. Ces phénomènes du côté de l'intestin doivent être attribués à ce que le poison s'élimine en partie par la muqueuse intestinale (Prévost). Une partie des sels mercuriels s'élimine aussi dans l'estomac et parla salive, et là où l'élimination se fait avec le plus d'énergie on voit des ulcérations se développer. >
L'inflammation de la bouche et la salivation atteignent souvent un degré excessif. Les gencives, la muqueuse buccale et pharyngienne, deviennent rouges et tuméfiées. Les gencives saignent facilement; elles se séparent des
MERCURE. — Effets sur les divers organes 183
dents, et dans l'intervalle de séparation s'amassent des matières jaunâtres. Les dents deviennent douloureuses, mobiles.
La salivation est si abondante que la salive coule continuellement de la bouche ; et quand le malade s'endort, cette salive, s'écoulant en arrière vers le larynx, donne lieu à des accès de suffocation. On a pu en recueillir, dans un jour, jusqu'à 5 kilogrammes. Cette salive a une mauvaise odeur ; elle est corrosive; son poids spécifique, augmenté au début, diminue dans la suite; sa réaction est le plus souvent fortement alcaline.
On voit apparaître ensuite, sur la muqueuse des joues, sur les bords delà langue, sur le voile du palais, sur les amygdales, des ulcérations à fond lardacé, jaunâtre, qui, d'abord superficielles, s'étendent ensuite en profondeur, arrivent souvent à dénuder les os et à donner lieu à delà périostite et à la nécrose. Mais remarquez qu'il n'existe pas de lésions osseuses produites directement par le mercure. Ces ulcérations, une fois guéries, laissent des cicatrices blanches, rayonnées.
Les lésions buccales que je viens de décrire sont dues à l'action directe du mercure, qui s'élimine continuellement, et en assez grande abondance, par la salive. Quant à la salivation, elle n'est pas entièrement produite, d'une manière réflexe, par l'inflammation de la bouche, car on a observé cette salivation en l'absence de tout état inflammatoire de la muqueuse buccale; La propriété qu'ont les mercuriaux d'agir sur presque tous les nerfs nous permet d'admettre qu'ils irritent les nerfs sécréteurs des glandes salivaires, et que de là résulte, en grande partie, cette énorme salivation.
Il est des circonstances qui favorisent la production de la salivation: ce sont la malpropreté de la bouche, la carie dentaire, la suppression de la sueur, la constipation, l'état de grossesse, le froid. Les petits enfants, n'ayant pas encore de dents, y seraient moins sujets.
Les phénomènes qui se produisent du côté de l'estomac et de l'intestin proviennent de l'état d'inflammation de ces organes.
La muqueuse de l'estomac et de l'intestin est fréquemment hyperhémiée et ecchymosée. Wunderlich a observé aussi de grandes ulcérations dans le jejunum; Heilborn, dans le gros intestin et dans le coecum; Lazarevic a observé un fort gonflement des follicules solitaires et des plaques dePeyer, comme dans le typhus. Ces altérations de l'estomac et de l'intestin se manifestent aussi à la suite des injections mercurielles sous-cutanées (Heilborn).
Le gonflement de la région épigastrique et la constipation, qui s'observent souvent, paraissent devoir être attribués à la paralysie ou à l'affaiblissement des nerfs et des muscles gastro-intestinaux.
Dans les empoisonnements par les solutions de nitrate de mercure ou de sublimé, ingérées dans l'estomac ou injectées sous la peau, on trouve encore, outre les processus inflammatoires de l'intestin, un gonflement avec opacité de l'épithélium rénal dans les canalicules droits ainsi qu'un dépôt abondant de sels calcaires. La chaux déposée provient de la substance compacte des os, car chez les animaux empoisonnés on voit se produire un ramollissement des os crâniens et des vertèbres, et, dans les os longs, un relâchement entre la diaphyse et l'épiphyse. L'analyse des éléments minéraux des os a donné, chez les animaux empoisonnés, une diminution de ces éléments dans la proportion de 2 à 10 pour 100 (Prévost).
184 MERCURE . —Action sur le système nerveux
Le mercure.ne donne lieu à aucune altération des glandes, du foie, dé l'a rate, etc. ; l'observation rigoureuse et impartiale n'est jamais parvenue à constater aucune altération de ce genre, comme appartenant en propre à l'action du mercure. On a bien signalé, chez des individus soumis au traitement mercuriel, l'hypertrophie du foie, de la rate, l'hypersécrétion du pancréas, etc. ; mais ces faits n'ont jamais été parfaitement constatés, et remarquez d'ailleurs qu'on a souvent attribué à l'action mercurielle des altérations qui doivent évidemment être mises sur le compte de la syphilis. L'ictère, chez les individus soumis par leur profession à l'intoxication mercurielle, est un fait exceptionnel. Quant au gonflement des ganglions lymphatiques du cou, ils sont évidemment les résultats de la stomatite et non de l'action directe du mercure.
Dans les os, Heilborn a trouvé, à la suite d'injections sous-cutanées de sublimé, pourvu que ces injections n'eussent pas été trop faibles, une hypérhémie de la moelle, s'étendant également sur l'épiphyse et la diaphyse; dans le pourtour des vaisseaux on rencontrait des masses d'une coloration rouge et des cellules rendues rougeâtres par la présence d'un peu de matière colorante du sang diluée ; les cellules graisseuses de la moelle ont été souvent trouvées atrophiées. C'est à cette lrypérhémie de la moelle que Heilborn attribue les douleurs osseuses qui se manifestent chez les malades mercurialisés.
La sécrétion de l'urine, de même que celle de la.sueur, ne subit de la part du mercure aucune modification particulière; on parle bien d'une augmentation delà sécrétion urinaire, mais le fait n'a pas été positivement constaté. L'urine est souvent trouvée albumineuse, mais cette albuminurie provient peut-être simplement d'un catarrhe des canalicules du rein. Kletzinsky, Saikowski, Rosenbach, ont trouvé du sucre dans l'urine, chez des hommes et des animaux soumis à la mercurialisation ; Overbeck y a trouvé de la leucine et une substance sembable à la tyrosine, ainsi que de l'acide valérianique; Saikowski a constaté, dans les canalicules du rein, chez des lapins, la présence de dépôts de phosphate et de carbonate de chaux. Enfin, d'après Saikowski, le diabète mercuriel a une plus longue durée que les autres diabètes artificiels (18 jours).
Système nerveux. — D'après Kussmaul, le mercure est un poison cérébral; il est certain que la plus grande partie du système nerveux en subit l'influence, surtout dans les cas d'empoisonnement par de très petites doses longtemps continuées.
Parmi les phénomènes cérébraux observés, un des plus constants et des plus remarquables est Y état de timidité et de perplexité où se trouvent les individus soumis à l'influence du mercure. Cette timidité est exceseive, et ne s'observe, dans aucun autre empoisonnement, à un degré comparable. Kussmaul insiste sur ce fait, et le donne comme une preuve de l'influence considérable exercée sur nos dispositions morales par l'état de nos organes. ^ Le malade finit par perdre le sommeil; il est pris, surtout pendant la nuit, d'hallucinations très pénibles, qui peuvent donner lieu à de courts accès de frénésie. On observe aussi assez souvent des vertiges, accompagnés de perte de connaissance et pouvant simuler l'épilepsie. Mais le mercure par luimême ne donne jamais lieu à une véritable démence.
MERCURE. — Action sur les organes respiratoires et circulatoires 185
Il est extrêmement fréquent d'observer, plus tard, des tremblements dans les membres ainsi que dans la plupart des muscles du corps. Ces tremblements peuvent devenir très violents; ce sont alors de véritables mouvements convulsifs : le corps est jeté de côté et d'autre, sans que l'influence de la volonté puisse intervenir. En même temps il existe une faiblesse musculaire extrême, qui devient souvent de la parésie, de sorte qu'on se croirait alors en présence d'une paralysie agitante. Ces accidents, survenant du côté des organes de la parole, donnent lieu à du bégaiement.
On observe aussi des troubles du côté de la sensibilité : névralgies dentaire, faciale; céphalalgie, parfois très violente ; douleurs déchirantes dans les articulations ; douleur sourde dans la poitrine ; accès d'asthme; fourmillements, engourdissement des membres.
La plupart de ces phénomènes doivent être mis sur le compte d'une action directe du mercure sur le cerveau, la moelle épinière et les nerfs'périphériques. Il est vrai que la seule altération matérielle qu'on ait jusqu'ici signalée sur ces organes, est une coloration plus sombre de la substance grise (Pleischl) et de la substance blanche (Koch). Chez des chiens empoisonnés parle bichlorure de mercure Popoff a trouvé les mêmes altérations de la moelle que dans le saturnisme: si l'empoisonnement suivait une marcheaiguë, c'était une myélite diffuse, intéressant aussi la substance blanche, tandis que les nerfs périphériques restaient toujours à l'état normal. Rien ne prouve que la substance musculaire puisse être altérée par le mercure ; son excitabilité électrique a été trouvée parfaitement conservée; Kussmaul l'a même vue normale dans un cas où la paralysie datait de sept ans. L'excitabilité réflexe de la moelle n'a subi le plus souvent aucune modification ; elle est pourtant quelquefois exagérée. Il est encore plusieurs circonstances qui parlent en faveur de l'origine cérébrale du tremblement; c'est d'abord l'existence simultanée d'autres symptômes cérébraux: céphalalgie, vertiges, insomnie, troubles psychiques ; on remarquera ensuite que le tremblementest toujours ou provoqué, ou au moins fortement accru, par les excitations morales; et enfin, que les troubles nerveux envahissent d'abord les muscles delà face, puis ceux du bras et en dernier lieu ceux de la jambe.
Organes respiratoires. — Dyspnée, attribuée par Kussmaul à une insuffisance d'activité des muscles respiratoires. Les mercuriaux ne donnent naissance à aucune altération particulière des poumons ; tout au plus peuvent-ils exciter la marche d'une tuberculose déjà existante; quant aux inflammations des bronches et du tissu pulmonaire observées chez les animaux, rien ne prouve sûrement qu'elles n'existassent pas déjà avant le traitement mercuriel ou qu'elles ne dussent pas leur origine à d'autres causes.
Organes circulatoires et sang. — L'usage prolongé des mercuriaux donne lieu, chez l'homme sain, à un affaiblissement considérable de la force d'impulsion du coeur ; le pouls devient petit, se ralentit ; mais la moindre émotion augmente sa fréquence et provoque des battements cardiaques..Chez des personnes dont le coeur était déjà affaibli par la dégénérescence graisseuse de son tissu, on a vu cet affaiblissement devenir tel, après l'usage du mercure, que le coeur cessait presque de battre pendant le sommeil. On a injecté des solutions étendues de bichlorure de mercure dans les veines, chez des grenouilles, et l'on a vu se produire rapidement une paralysie cardiaque ; le coeur
186 MERCURE, —Influences sur les échanges nutritifs
s'arrêtait en diastole, alors qu'aucun des autres accidents propres au mercure n'avait encore apparu ; chez les animaux à sang chaud on a souvent vu se produire une faible dégénéresce graisseuse du coeur.
L'état du sang, chez les individus mercurialisés, n'a jamais été l'objet d'aucune recherche approfondie. On a bien dit que le sang devenait plus pauvre en eau et en albumine, que le nombre des corpuscules blancs augmentait : on a même prétendu que les accidents mercuriels devaient être considérés comme résultant de l'anémie. Aucune de ces assertions n'a été confirmée. Il est certain que les malades, sous l'influence de la mercurialisation, deviennent très souvent anémiques ; mais rien ne prouve que cette anémie résulte d'une action directe du mercure plutôt que des troubles nutritifs prolongés produits parla stomatite,'etc. Sil'on'mélange du sang, en dehors du corps, avec de l'albuminate de mercure, on constate que les globules rouges se détruisent peu à peu (Polodschnow).
Température. — Le mercure ne la modifie pas par lui-même. Si elle s'élève, ce n'est que sous l'influence des accidents inflammatoires qui ont envahi la bouche, le pharynx, l'estomac, etc.
Organes sexuels. — Les règles deviennent rares, irrugulières, disparaissent même complètement. Il est rare de les voir plus abondantes. Les femmes enceintes deviennent prédisposées à l'avortement, à l'accouchement prématuré.
Influence sur les échanges nutritifs. — Le mercure ne paraît pas influencer directement les échanges nutritifs. La nutrition souffre bien, dans l'empoisonnement chronique par le mercure ; mais l'atteinte qu'elle subit n'est jamais très, considérable, même à la suite d'un usage prolongé des mercuriaux ; et d'ailleurs elle est plutôt la conséquence secondaire des altérations produites par le mercure sur le canal digestif et le système nerveux, que celle d'une action directe du mercure lui-même. Chez un syphilitique traité par le mercure, Boeck a constaté que l'élimination de l'urée n'avait subi aucune modification, qu'elle était la même qu'avant le traitement. Chez des lapins et surtout des chiens soumis pendant longtemps à l'usage de petites quantités de bichlorure de mercure chlorurosodique, administré à l'intérieur, Schlesinger a vu ces animaux augmenter notablement de poids (accroissement de la graisse et des globules rouges du sang) relativement à d'autres animaux semblables recevant la même alimentation sans addition de mercure ; il n'a constaté chez eux aucun état morbide; sur des chiennes pleines, le même traitement n'a donné lieu non plus à aucune altération de la santé ; les petits n'en ont pas souffert davantage.
Les anciens voyaient dans le mercure un médicament « antiplastique, fondant, consomptif » ; ils attribuaient au mercure ce qui n'était que l'effet du mode d'administration défectueux qu'ils employaient : on le prescrivait, dès le début, à des doses excessives, sans prendre aucune précaution pour prévenir les accidents; 'aussi qu'arrivait-il? Les muqueuses digestives s'enflammaient extrêmement, les troubles nutritifs étaient tels, que l'alimentation devenait impossible; le malade avait une fièvre continuelle, il maigrissait, devenait anémique. Or, il est aujourd'hui parfaitement avéré qu'on peut éviter tous ces accidents, tout en continuant pendant longtemps l'administration des mercuriaux, à la condition de tenir la bouche parfaitement nette, de faire un
MERCURE. — Mode d'action sur l'organisme 187
choix judicieux des préparations mercurielles, etc. Pour notre part, nous avons" eu souvent l'occasion de nous convaincre que, grâce à toutes ces précautions, dans le traitement de la syphilis par le mercure, les individus, à la fin du traitement n'avaient rien perdu de leur poids, de leurs forces, de leur embompoint.
Quel est le mode d'action fondamental du mercure sur l'organisme ? — Nous devons convenir que nous l'ignorons, et qu'on ne peut, dans l'état actuel de la science, que faire des hypothèses sur ce sujet ; telle est celle de Voit. Voici comment raisonne cet auteur : Le mercure, arrivé dans l'intimité des tissus, se combine avec l'albumine, pour former un albuminate d'oxyde de mercure, qui se décompose difficilement. Voilà pourquoi le mercure s'élimine si lentement ; car cette élimination ne peut avoir lieu qu'après que l'albuminate en question a été décomposé. Le poison syphilitique étant une substance albumineuse, le mercure, en se combinant avec cette substance, en détruit les propriétés, et voilà bien simplement l'explication de l'action antisyphilitique des mercuriaux. Mais, en même temps que l'albumine du poison syphilitique est détruite, l'albumine normale de l'organisme l'est également; seulement cette dernière est en si grande quantité relativement à la première, que l'organisme n'en souffre pas plus, en somme, qu'une toile qu'on blanchit ne se se ressent de la destruction de la matière colorante qui la salissait ; la toile existe toujours, bien qu'elle ait perdu une partie de sa substance; mais elle a gagné en blancheur. Telle est l'hypothèse de Voit; elle est loin d'être acceptable, aussi bien que toutes celles qu'on a faites sur le même sujet. Rien ne prouve que l'albumine, soit celle qui circule avec le sang, soit celle des organes, subisse de la part du mercure des modifications essentielles ; les néoplasmes syphilitiques disparaissent, voilà le fait, et il faut nous en contenter.
Quelles sont, parmi les nombreuses préparations mercurielles, celles à qui il convient de donner la préférence ? Voit voudrait qu'on s'en tint à celles qui représentent les trois groupes qu'il établit, et dont il a été question plus haut. Il faudrait placer en première ligne le bichlorure de mercure, qu'on administrerait, non pas sous la forme pilulaire, qui a le grave inconvénient de donner lieu à une vive irritation d'un point limité de la muqueuse stomacale par le sel à l'état de concentration, mais dans des solutions très étendues de (0,01 bichlorure sur 100 grammes d'eau). Il vaudrait encore mieux avoir recours aux injections sous-cutanées. Et ce dernier mode d'administration des mercuriaux dans la syphilis ne tardera pas sans doute à se généraliser et à obtenir la préférence. Tous les malades (Bamberger) auxquels le mercure a été administré en injections souscutanées, sous forme d'albuminate ou de peptonate, ont augmenté de poids pendant le traitement et n'ont pas eu de salivation, bien qu'on n'eût pris aucune mesure prophylactique. L'administration à l'intérieur de l'albuminate n'a non plus donné lieu à aucun trouble du côté de l'estomac.
Le nombre des composés mercuriels pouvant être employés en injections sous-cutanées est déjà considérable; on a mis en usage : l°le sublimé; 2°le bichlorure de mercure chloruro-sodique; 3° l'albuminate de mercure; 4° le peptonate de mercure ; 5° la formamide mercurielle ; 6° le glycocolle mercuriel ; 7° le calomel ; 8° le sérum sanguin mercuriel ; 9° le bicyanure de
188 MERCURE. — Usages thérapeutiques
mercure; 10° le bichlorure de mercure et d'urée. Avec l'emploi de plusieurs de ces préparations, l'organisme élimine rapidement le mercure (5, 6, -9 semaines) ; avec l'emploi du calomel et du sublimé, cette élimination se fait avec assez de lenteur, car on peut déceler la présence du mercure dans l'organisme à la fin de la dix-huitième semaine après la dernière injection; avec les autres préparations la durée de l'élimination est intermédiaire aux deux extrêmes que je viens de citer. Les préparations qui abandonnent rapidement l'organisme ne conviennent que dans les cas où il s'agit de faire disparaître rapidement certains symptômes extérieurs désagréables de la syphilis (corona veneris); mais elles ont l'inconvénient de laisser de bonne heure se manifester des récidives, qui sont plus rares avec l'usage des composés mercuriels qui séjournent plus longtemps dans le corps (Unna).
Usages thérapeutiques. — Il est deux états morbides dans lesquels les* mercuriaux sont principalement employés, ce sont les affections inflammatoires aiguës et la syphilis.
L'usage général des mercuriaux contre les affections inflammatoires aiguës date seulement du commencement de ce siècle ; ils n'étaient auparavant employés que dans l'hépatite des pays chauds. C'est Robert Hamitton (1805) qui paraît les avoir le premier réellement recommandés. Depuis lors, ils ont été mis en usage surtout par les médecins anglais, et parmi eux les plus recommandables (Watson, Graves, Hope, etc.) ; cet usage s'est moins étendu en Allemagne, et encore moins en France.
Nous n'avons pas à parler ici des idées anciennes qui firent employer les mercuriaux dans les inflammations aiguës, ou qui semblaient donner une raison de leur mode d'action dans ces maladies. Dire qu'ils agissent en qualité « d'antiplastiques, de fondants, de résolutifs », c'est se payer de mots qui n'expliquent rien. Les quelques données positives qu'on a sur leur action physiologique sont tout à fait impuissantes à nous donner une idée nette de leur valeur dans les affections en question. Nous sommes donc réduits à interroger l'expérience. Or que nous apprend-elle?
En parcourant les différents ouvrages écrits sur cette'question, on trouve des opinions tout à fait opposées. Hope s'exprime ainsi : « L'observation rigoureuse et impartiale des faits me laisse la conviction que les mercuriaux agissent très efficacement dans le traitement des inflammations du cerveau et des autres organes essentiels à la vie ». D'après Hasse, au contraire, « les frictions mercurielles, beaucoup vantées contre la méningite simple, ne présentent aucune utilité, et doivent être mises de côté dans le traitement de la méningite tuberculeuse. »
Depuis l'époque de la grande vogue des mercuriaux dans le traitement des inflammations aiguës, c'est-à-dire depuis 1830, jusqu'à nos jours, leur réputation d'efficacité, dans ces affections, a progressivement diminué. Au début, on les employait indistinctement dans les inflammations de toute espèce; puis on en vint à en limiter l'usage dans les inflammations des séreuses ; peu après, en Allemagne du moins, on reconnut que les cas ordinaires de pleurésie, de péricardite, de péritonite, de méningite, pouvaient arriver à guèrison sans les mercuriaux, aussi bien qu'avec les mercuriaux ; et l'on convint alors qu'on devait les réserver pour les cas à marche foudroyante. Nous-mêmes, dans les éditions précédentes de ce livre, nous admettions que,
MERCURE. — U sages thérapeutiques 189
dans ces cas, les mercuriaux étaient les seuls agents capables d'arrêter la marche du processus inflammatoire. Aujourd'hui nous n'oserions plus soutenir cette opinion.
Les mercuriaux peuvent-ils, dans la méningite, la péritonite, etc., s'opposer aux exsudations, à l'émigration des globules blancs? Aucune observation ne le démontre ; d'autant plus que, dans tous les cas observés, le mercure n'a pas été employé seul ; on lui a toujours associé les autres antiphlogistiques (saignées, applications froides, etc.). En somme, si nous passons en revue les diverses observations qui sont à notre connaissance, que trouvons-nous ? Les cas légers ou moyens ont très bien guéri sans l'intervention des mercuriaux ; les cas graves ont abouti à la mort malgré les mercuriaux ; et si, dans quelques-uns de ces cas, les malades ont guéri, est-on en droit de dire que c'est grâce à l'action du mercure, alors que, dans le plus grand nombre, il a complètement échoué? Certes il n'est jamais venu à l'idée à personne de comparer l'efficacité des mercuriaux, dans ces affections, à celle de la quinine dans les fièvres intermittentes, de l'acide salicylique dans le rhumatisme articulaire aigu, ou de la digitale dans certaines affections du coeur. Mais on dira que, en l'absence de moyens plus efficaces, il est rationnel d'avoir recours au mercure; d'accord, pourvu qu'on ne compte pas trop sur ce moyen, et qu'on ne fonde pas sur lui un espoir qui serait le plus souvent déçu.
Les mercuriaux ont aussi été recommandés contre la fièvre puerpérale. D'abord très en usage, ils furent ensuite abandonnés, et, dans ces derniers temps, Traube et d'autres auteurs les ont de nouveau employés. Ne possédant sur ce sujet que peu d'observations qui nous soient propres, nous parlerons d'après les autres.
Le mercure n'est d'aucune utilité dans la fièvre puerpérale sans localisations particulières, par exemple dans les formes pyémique, ichoreuse, thrombotique, de cette affection. Mais il est, dit-on, utile dans la forme phlegmoneuse, dans laquelle l'inflammation, étant passée de l'utérus à ses annexes, s'étend ensuite aux membranes séreuses, au péritoine, à la plèvre, plus rarement au péricarde. Les mercuriaux, employés alors avec énergie, (calomel à l'intérieur, pommade mercurielle à l'extérieur), sans négliger, bien entendu, les autres moyens rationnels, peuvent, dit-on, exercer une action très favorable. Les malades en supporteraient facilement des doses élevées, et l'amélioration s'accentuerait en même temps que la salivation ferait son apparition. Dans une épidémie de fièvre puerpérale, dans laquelle la forme dominante était celle de la paramétrée, Spiegelberg (Grossman) a vu la fièvre tomber rapidement, l'exsudat diminuer, sous l'influence de l'administration de hautes doses, fréquemment répétées, de bichlorure de mercure (1 centigramme toutes les heures ou toutes les deux heures). Mais tous les gynécologistes sont loin de partager cette manière de voir sur l'efficacité du mercure dans cette affection.
Rien ne prouve que les mercuriaux soient d'une utilité réelle dans le traitement du croup et de la d'iphthérie ; l'expérience démontre même que leur administration trop prolongée, chez les jeunes enfants, peut avoir des conséquences fâcheuses.
Autrefois on les employait dans toutes les ophtalmies sans distinction,
190 MERCURE Usages thérapeutiques
et l'on voyait,même en eux des antiphlogistiques spécifiques. Aujourd'hui on ne les emploie guère que dans l'iritis, et encore en borne-t-on généralement l'usage au traitement de l'iritis syphilitique.
On les prescrit aussi, en application locale, dans diverses inflammations aiguës siégeant sous la peau, telles que les phlegmons aigus, la mastite aiguë, la parotidite, l'orchite, la myitis. On fait des frictions sur la peau avec l'onguent gris, dès le début de l'affection, avant que la suppuration ait commencé ; on prétend ainsi faire disparaître, « faire résoudre » les exsudats et arrêter la maladie dans sa marche ; mais l'efficacité réelle du mercure dans ce sens est loin d'être démontrée, et nous pouvons même dire que les chirurgiens abandonnent aujourd'hui de plus en plus cette pratique.
C'est dans le traitement de la syphilis que le mercure a été le plus employé. Pendant plus de deux siècles, les mercuriaux ont joui, contre cette maladie, d'une réputation universelle; on les considérait même comme un véritable spécifique. A notre époque, on leur a contesté la légitimité de cette réputation. Le mercure a aujourd'hui ses partisans et ses détracteurs, et, en présence de l'opposition absolue qui règne entre eux, il est bien difficile de porter un jugement qui puisse être définitif. Voici pourtant ce que l'on peut avancer de plus certain.
Disons d'abord que la blennorragie et ses conséquences (condylomes pointus), étant une maladie purement locale, n'a pas besoin d'un traitement général ; les mercuriaux sont donc ici inutiles. Ils le sont également, et pour la même raison, dans le traitement du chancre mou et de ses conséquences (bubons suppures), bien que, dans ces derniers temps, on ait voulu faire revivre l'ancienne opinion, d'après laquelle le chancre mou pouvait donner lieu aux accidents généraux de la syphilis. Quant à la syphilis proprement dite, au chancre induré et à ses conséquences (accidents secondaires et tertiaires), il est incontestable que, quand elle est récente, elle peut suivre une marche favorable et s'éteindre, dans bien des cas, sans qu'on ait eu recours à d'autres moyens qu'à ceux qu'exige l'hygiène. Certains agents activant les sécrétions naturelles (diaphorétiques, diurétiques, évacuants) peuvent favoriser et hâter cette marche de la syphilis vers une issue heureuse. Mais est-ce à dire que les mercuriaux, dans ces cas, soient inutiles? Certes non. Ils ont l'avantage incontestable de faire disparaître les symptômes de la syphilis beaucoup plus rapidement que lorsqu'on abandonne la maladie à sa marche naturelle, ou lorsqu'on emploie contre elle tout autre moyen. Tous les symptômes, il est vrai, ne disparaissent pas avec la même rapidité; ceux qui disparaissent le plus tôt, ce sont les accidents secondaires, et, parmi eux, les plus légers (roséole, condylomes larges) ; le chancre induré primitif résiste davantage. Des observateurs expérimentés, Sigmund par exemple, soutiennent aujourd'hui que dans les formes les plus graves de la syphilis tertiaire (gomme) le mercure peut rendre d'excellents services.
Voici les principales objections qu'on a faites à l'emploi des mercuriaux dans la syphilis. On a d'abord fait remarquer que la syphilis pouvait guérir sans l'intervention du mercure. On a ajouté que le mercure ne guérissait pas la maladie, mais réduisait simplement les symptômes à l'état latent. En troisième lieu, on a prétendu que c'était l'emploi des mercuriaux qui faisait naître les accidents destructeurs de la troisième période. Et enfin on a accusé
MERCURE. — Usages thérapeutiques 191
le mercure de produire des accidents encore plus redoutables que ceux de la syphilis, de porter une atteinte plus profonde à la constitution que la syphilis elle-même. Nous n'avons pas l'intention d'entrer dans les détails des discussions que cette question a soulevées. Nous nous contenterons de faire les remarques suivantes : On a constaté que, dans un grand nombre de cas, un seul traitement par les mercuriaux avait suffi pour faire disparaître pour toujours les symptômes de la syphilis. Et qu'importe alors, pourvu que les malades se trouvassent bien le reste de leur vie, que les symptômes fussent à l'état latent ou que le processus morbide lui- même eût été supprimé ? Il est vrai que, dans bien des cas, la maladie, traitée par le mercure, s'est manifestée de nouveau dans la suite, sous une forme encore plus maligne. Quant à la troisième et à la quatrième objection, nous ferons remarquer, d'abord, que les accidents tertiaires se montrent aussi bien dans les cas de syphilis traités sans l'intervention des mercuriaux, que dans ceux où ils ont été employés, et en second lieu, que les accidents dépendant de l'empoisonnement mercuriel sont devenus beaucoup plus rares, depuis qu'on a renoncé, dans l'emploi du mercure, aux excès absurdes auxquels on se laissait aller autrefois.
En somme, voici les conclusions auxquelles nous croyons devoir nous en tenir : On pourra éviter d'employer les mercuriaux dans les formes simples, légères, de la syphilis (roséole, condylomes), tout en reconnaissant néanmoins que, dans ces cas, la guérison se fait plus rapidement, et d'une manière plus complète, avec le mercure, que sans le mercure. Quant au chancre induré primitif, nous n'oserions pas nous prononcer d'une manière décisive. Le traitement mercuriel le fait certainement disparaître; mais les accidents secondaires ne s'en produisent pas moins, de sorte qu'on a conseillé d'attendre l'apparition de ces accidents pour commencer le traitement mercuriel, afin de ne pas trop fatiguer le malade par une intervention deux fois répétée à court intervalle. Un nombre considérable de médecins expérimentés (Sigmund, Zeisl, Lancereaux, Liebermeister, Kaposi et autres) soutiennent actuellement qu'il ne convient pas d'instituer un traitement mercuriel général contre le chancre primitif; nos propres observations nous portent a nous ranger à leur avis. Quoi qu'il en soit, remarquons que l'application de l'onguent gris à la surface de l'ulcère syphilitique le fait quelquefois disparaître avec une grande rapidité. Passons aux accidents tertiaires. Ici le mercure est moins efficace que l'iode. On devra pourtant y avoir recours lorsqu'il y a indication d'agir avec énergie, lorsque des organes importants sont en cause, par exemple dans l'iritis, dans les manifestations syphilitiques graves du côté du larynx ou du cerveau. Il est toutefois des observateurs, tel Bârensprung, qui mettent en doute la nécessité de l'emploi du mercure dans l'iritis. Mais faisons remarquer qu'on a observé des iritis syphilitiques qui, ayant résisté avec ténacité à un traitement dans lequel n'intervenait pas le mercure, n'ont pas tardé à disparaître dès qu'on faisait intervenir le traitement mercuriel. Quelques observateurs admettent que les accidents tertiaires, quoique cédant moins rapidement à l'action du mercure qu'à celle de l'iode, disparaissent cependant d'une manière plus nette et plus persistante sous l'influence du mercure.
L'expérience nous apprend qu'il est des circonstances dans lesquelles
192 MERCURE. — Bichlorure de mercure, sublimé corrosif
les mercuriaux ne doivent pas être employés, ou du moins ne doivent l'être qu'avec les plus grandes précautions. Tel est le cas, par exemple, où le chancre est gangréneux ou menace de le devenir; tels sont encore les troubles digestifs très prononcés, un état anémique ou cachectique très avancé, pourvu que cet état cachectique ne dépende pas de la syphilis ellemême, mais bien, par exemple, de la scrofulose, de la tuberculose, du scorbut, de l'alcoolisme chronique. La grossesse constitue-t-elle aussi une contre-indication? L'expérience n'a pas encore définitivement prononcé; en général on est aujourd'hui d'avis que, dans les six à sept premiers mois delà grossesse, on peut sans inconvénient instituer un traitement mercuriel.
Le mode d'action du mercure dans la syphilis nous est complètement inconnu. On a dit qu'il agissait en vertu de ses propriétés antiplastiques, résolutives, ou en ralentissant les échanges organiques, ou, au contraire, en les accélérant; ce ne sont que des mots ou de pures hypothèses. Voyez ce qui a été dit à ce sujet dans la partie physiologique.
On croyait autrefois que le mercure ne pouvait manifester son efficacité dans la syphilis qu'après avoir fait naître les symptômes toxiques qui lui appartiennent en propre, notamment la salivation. Des milliers d'observations démontrent la fausseté de cette opinion. Aujourd'hui, au contraire, on cherche avec le plus grand soin à éviter la manifestation des accidents mercuriels. — Les préparations mercurielles sont très nombreuses; je parlerai, à propos de chacune d'elles, de leurs avantages et de leurs inconvénients.
1. BICHLORURE DE MERCURE, SUBLIMÉ CORROSIF
Le bichlorure de mercure, HgCl 2, se présente sous la forme d'une masse cristalline, incolore, transparente. Son goût est métallique, fortement caustique. Il se dissout dans 15 parties d'eau froide et dans 2 parties d'eau bouillante; il est encore plus soluble dans l'alcool que dans l'eau. Il se combine avec un grand nombre de chlorures métalliques. Parmi ces combinaisons, la plus importante pour nous est celle qu'il forme avec le chlorure de sodium : HgCl 2 + NaGl + 2H 20.
L'albùminate de ce sel s'obtient le plus simplement en versant dans de l'albumine de blanc d'oeuf diluée et filtrée une quantité d'une solution de bichlorure de mercure (5 pour 100) et d'une solution de chlorure de sodium (20 pour 100), suffisante pour que tout l'albùminate de mercure soit à l'état de solution, sans que toute l'albumine se soit combinée au bichlorure.
Quant au peptonate de mercure, voici comment Bamberger prescrit de le préparer : Prenez une solution de bichlorure de mercure à 5 pour 1Ô0, Une solution de chlorure de sodium à 20 pour 100. Prenez ensuite 1 gramme de peptone de viande, que vous ferez dissoudre dans 50 centimètres cubes d'eau distillée ; filtrez cette solution; après quoi ajoutez-y 20 centimètres cubes de la solution de sublimé; le précipité qui s'est formé, faites-le dissoudre à l'aide d'une quantité suffisante de la solution de NaCl (environ 15 à 16 centimètres cubes de cette solution) ; puis versez le liquide dans un tube gradué, et ajoutez-y de l'eau jusqu'à ce que la totalité du liquide arrive à former le volume de 100 centimètres cubes. La quantité de bichlorure de mercure contenue dans ce liquide sera évidemment de 1 pour 100, c'est-à-dire que chaque centimètre cube de ce liquide contiendra exactement 1 centigramme de mercure, en combinaison avec la peptone. Recouvrez bien ce liquide et abandonnez-le à lui-même pendant plusieurs jours; il se formera un léger précipité blanchâtre, floconneux, dont vous vous débarrasserez par la filtration. Cette , solution se conserve beaucoup mieux que l'albuminate.
MERCURE. — Action physiologique du bichlorure 193
Action physiologique. — Le bichlorure de mercure a, comme la plupart des sels métalliques solubles.des propriétés antriputrides extrêmement énergiques. Il suffit d'une solution très étendue (1:20.000) pour tuer les organismes inférieurs (bactéries). Il agit donc, dans ce sens, 10 fois plus énergiquement que le thymol et le benzoate de soude; 20 fois plus énergiquement que la créosote, l'essence de thym, l'essence de carvi, l'acide benzoïque; 30 fois plus énergiquement que l'acide salicylique et l'eucalyptol ; 100 fois plus énergiquement que l'acide phénique et la quinine. Parmi les antiseptiques que nous connaissons, le chlore est le seul, qui paraisse lui être supérieur. Les données de Koch au sujet de la puissance désinfectante du sublimé perdent beaucoup de leur valeur dans la pratique, car ' elles ne sont applicables qu'aux cas où il s'agit de solutions privées d'albumine. A la surface des plaies une partie du sublimé entre en combinaison avec les substances albumineuses et devient par suite inactif. Dans le sang le sublimé ne peut sûrement s'opposer à la putréfaction que dans un certain état de concentration, 1 : 400 (Mikulicz). D'après les recherches expérimentales du service de santé, des solutions de sublimé à 0, 2 pour 100 ne suffisent pas pour désinfecter en 24 heures les crachats des phtisiques, tandis que l'acide phénique à 5 pour 100 permet d'arriver très bien à ce résultat (Schill-Fischer).
Quelle est l'action du bichlorure de mercure sur les solutions albumineuses et sur les liquides digestifs artificiel s2.—Voici, à ce sujet,ce qui résulte des expériences de Marie. Dans une solution albumineuse alcaline, contenant un excès de chlorure de sodium, le bichlorure de mercure ne donne lieu à aucun précipité; le précipité se produit si l'excès de NaCl n'existe pas. Dans une solution albumineuse acide, contenant du chlorure de sodium, HgCl 2 donne lieu à un précipité; le précipité ne se produit pas si la solution albumineuse acide ne contient pas de NaCl. Le précipita produit par HgCl 2 dans la solution albumineuse alcaline disparaît quand on rend la solution légèrement acide. En d'autres termes, HgCl 2 ne précipite l'albumine de ses solutions alcalines qu'à la condition qu'il n'y aitpas de NaCl; HgCl 2 ne précipite l'albumine de ses solutions acides qu'à la condition qu'il y ait NaCl. Il serait donc rationnel d'administrer à l'intérieur HgCF sans y adjoindre NaCl, etd'injecter HgCl 2 sous la peau en y adjoignant NaCl ; car, dans le premier cas, HgCl 2 rencontre des liquides albumineux acides, et, dans le second, des liquides albumineux alcalins.
La solution médicinale de HgCl 2 (0,03 pour 100), ajoutée à un liquide digestif artificiel, ne fait pas précipiter la peptone; si la concentration de la solution ne dépasse pas 1 pour 100, la pepsine n'est pas non plus précipitée. Et cependant, dans ce liquide digestif artificiel, HgCl 2 met un obstacle puissant à la peptonisation de l'albumine; c'est que, d'après Marie, l'albumine, combinée avec HgCl 2 en un composé qui reste en solution dans le liquide acide, n'est plus que difficilement accessible à l'action de la pepsine. Si l'on ajoute NaCl, l'albùminate mercuriel se précipite, et la peptonisation de l'ai - bumine devient alors beaucoup plus difficile.
Le bichlorure de mercure,administré à l'intérieur, à très petites doses très fortement dilué es, ou à Y état d'albuminate, est très bien supporté par l'or ganisme; il ne trouble nullement l'appétit ; il l'excite même, dit-on.Il est, de tous les composés mercuriels, celui qui occasionne le moins les altérations
NOTUNAGEL et ROSSBACH, Thérapeutique . 13
194 MERCURE. — Emploi thérapeutique du bichlorure
buccales et la salivation, tout en donnant lieu, d'une manière très caractérisée, aux effets généraux et curatifs du mercure.
Injecté sous lapeau, à très petites doses, à l'état d'albuminate ou de peptonate, il ne donne pas lieu à la moindre irritation locale, pourvu que la solution ait été filtrée avec le plus grand soin et soit parfaitement limpide.
Donné sous forme de bain, en solution très diluée, il ne produit point d'irritation locale; il n'est pas absorbé par la peau intacte, mais il l'est par les endroits de la peau privés de leur épidémie et par les muqueuses extérieures, et il donne consécutivement lieu aux effets généraux du mercure.
En somme, le bichlorure de mercure, à doses très petites et fortement diluées, ne détermine aucun accident fâcheux du côté de la peau et des muqueuses; mais ces accidents surviendront, si les doses sont trop fortes, ouïes solutions trop concentrées.
Une solution moyennement concentrée de bichlorure de mercure, appliquée sur la peau ou les muqueuses, produit de l'inflammation ; si elle est très concentrée, elle cautérise fortement. Ces effets peuvent être si violents sur la muqueuse digestive, qu'on pourrait se croire en présence d'un empoisonnement par l'acide arsènieux ou d'un accès de choléra. Kalman a observé, chez des lapins, l'inflammation, des reins, avec dégénérescence de l'épithélium.
Les anciens médecins croyaient que les muqueuses digestives pouvaient s'habituer à l'action irritante du sublimé; c'est pourquoi ils administraient d'abord de petites doses,qu'ils augmentaient peu à peu; ainsi la méthode de Dzondi prescrit de commencer par 0,003 pour s'élever peu à peu à 0,1. Il est évident que les muqueuses ne peuvent pas plus s'habituer à l'action des caustiques que les tissus organiques ne peuvent s'habituer à l'action du feu. Une dose déterminée d'un caustique produira toujours le même effet, soit qu'elle ait été administrée d'emblée, soit qu'elle ait été précédée de doses progressivement croissantes.
Si la méthode du Dzondi ne donnait lieu à aucun accident grave, c'est que le bichlorure de-mercure se décomposait déjà en partie dans les pilules mêmes, et que, ces pilules, étant administrées peu de temps après le repas, la grande quantité d'albumine contenue à ce moment dans l'estomac mettait rapidement le bichlorure à l'état d'albuminate.
Depuis que le sublimé est mis en usage comme agent désinfectant en chirurgie et dans l'art obstétrical, le nombre des empoisonnements aigus produits par son emploi à l'extérieur est devenu chaque jour plus considérable. Les symptômes les plus saillants de cet empoisonnement consistent en vomissements, sensibilité de l'abdomen, diarrhées sanguinolentes,- ténesme de la vessie et du rectum ; quelquefois on voit se manifester de la salivation et des exanthèmes aigus sur la peau. La fréquence du pouls et de la respiration augmente considérablement; la température est en général très élevée par suite des processus inflammatoires, qui ne manquent jamais.
On a dit que le bichlorure de mercure produisait des effets particuliers sur les poumons ; qu'il pouvait provoquer de la bronchite, des hémoptysies, la tuberculose même. Rien de tout cela, n'est vrai.
Emploi thérapeutique. — On employait autrefois le bichlorure de mercure dans divers états morbides (névralgies, exanthèmes, pneumonie, etc.) ;
MERCURE. — Emploi thérapeutique du bichlorure 195
son action étant, dans ces cas, tout à fait incertaine, on n'y a plus recours.— Ce n'est guère que contre la syphilis qu'il est aujourd'hui administré. Nous avons dit qu'il était une des meilleures préparations mercurielles ; d'autres observateurs prétendent, au contraire, que son action est lente et incertaine. Ce qui est positif, c'est qu'il est, de toutes les préparations mercurielles, celle qui expose le moins aux accidents de l'hydrargyrisme, surtout à la salivation. Les troubles digestifs, qu'on l'accusait autrefois de provoquer avec une facilité toute particulière, provenaient du mode défectueux d'administration (forme pilulaire). Dans ces derniers temps, Lewin a proposé d'injecter le bichlorure de mercure sous la peau. Cette méthode présente des avantages et des inconvénients. Les avantages sont que la quantité de mercure introduite dans l'organisme peut être exactement dosée ; que l'action du mercure se produit très rapidement, ce qui est une circonstance avantageuse pour les cas où il faut agir très vite, par exemple dans les cas d'iritis à marche rapide. Lewin prétend encore avoir observé que ce mode d'administration fait que les récidives sont plus rares. Tous ces avantages ont été contestés par plusieurs observateurs ; on a dit que cette méthode avait l'inconvénient de donner lieu à une vive douleur au niveau de la piqûre, douleur qui peut cependant être adoucie par l'addition d'un peu de morphine au liquide à injecter, et qu'elle pouvait donner naissance à des accidents inflammatoires, à des phlegmons et même à la gangrène; nous ferons observer pourtant que, à la suite des injections de la solution de bichlorure de mercure chlorurosodique, nous n'avons jamais vu se produire de gangrène, tout au plus s'est-il manifesté un peu d'inflammation cutanée, et les malades n'ont jamais accusé de bien vives douleurs. — Quant à la méthode de Bamberger, dont il a déjà été question, est-elle réellement destinée à mériter la préférence sur tous les autres modes d'administration des mercuriaux? C'est ce que l'avenir nous apprendra. Cette méthode, de l'avis de divers observateurs, semble être celle qui donne lieu aux douleurs les plus légères, aux réactions locales les moins accentuées ; la grande difficulté est de ne pouvoir mettre en usage qu'un liquide tout à fait limpide. Le bichlorure de mercure chloruro-sodique, recommandé par Stern et Mùller, possède, ainsi que nous avons pu nous en convaincre, les mêmes avantages et présente en outre une plus grande facilité pour le mode d'emploi ; aussi est-elle peut-être destinée à supplanter la préparation peptonique. — Les bains de sublimé sont une méthode qui mérite d'être entièrement rejetée pour les adultes; chez les enfants, au contraire, l'usage de ces bains est beaucoup recommandé, surtout dans les cas de pemphigus neonatorum, ou d'éruptions pustuleuses. . A l'extérieur, le bichlorure de mercure est fréquemment employé. On s'en sert, en lotions, contre les éphélides,les comédons,le pityriasis simplex -etversicolor. Il agit, dans ces cas, comme les autres remèdes employés dans les mêmes circonstances, par exemple le carbonate de potasse, en donnant lieu à une irritation de la peau ; mais on ne saurait décider si réellement il mérite la préférence. On le prescrit encore avec prédilection contre le prurigo, soit circonscrit (pr. pudendorum), soit étendu; il faudra éviter de l'employer dans les cas où la peau est fortement irritée par le grattage. —Il était autrefois assez fréquemment prescrit dans l'ophtalmo-blennorrhée ; il l'est beaucoup moins aujourd'hui, et on lui préfère d'autres astringents (ni-
196 MERCURE.— Emploi thérapeutique du bichlorure
trate d'argent, zinc). On l'emploie aussi, comme agent de pansement, dans les condylomes syphilitiques ; mais le calomel vaut mieux.
En chirurgie et en gynécologie, le sublimé est beaucoup employé depuis quelque temps, dans le but de désinfecter les mains des médecins et de leurs aides, les plaies, les parties génitales de la femme à l'état puerpéral, les fils à ligature et à suture, les éponges, les drains; on en imprègne aussi les objets de pansement.
La cause de ce fréquent usage réside dans l'action antiseptique énergique de cette substance (elle serait même un préservatif de l'érysipèle) et aussi dans son prix peu élevé. Mais il est important de remarquer que ses propriétés toxiques nécessitent les plus grandes précautions dans son emploi; il faut surtout éviter d'employer de fortes solutions (1 : 1000) dans les. lavages de l'utérus et dans l'irrigation des plaies étendues ; à la suite de ces lavages de l'utérus, nous avons parfois vu se produire une intoxication mercurielle aiguë grave et même la mort ; la plus grande partie de l'intestin était couverte de membranes diphthéritiques. Les solutions plus faibles (1 :2000-1 : 5000) semblent être moins dangereuses, sans être pour cela inactives. Chez les individus anémiques, chez ceux qui sont affectés d'une affection rénale ou de diarrhée, ce traitement par le sublimé est contre indiqué.
DOSES ET PRÉPARATIONS. — 1. Bichlorure de mercure. — A l'intérieur, 0,0050,01-0,03 (jusqu'à 0,03 pro dosi ! jusqu'à 0,1 pro die ! Le mieux est de le prescrire dans une solution aqueuse très étendue; on peut y ajouter un oeuf (0,12 sublimé, sur 180 eau, avec un oeuf) 2. Voici en quoi consiste la méthode de Dzondi, méthode qui a été très en usage, et qu'on fera bien de rejeter : On fait dissoudre 0,75 de sublimé dans un peu d'eau ; on ajoute mie de pain et sucre, quantité suffisante pour faire 240 pilules. Le premier jour on fait prendre 4 de ces pilules; le troisième jour 6; le cinquième jour 8; et l'on élève ainsi le nombre jusqu'à 30 par jour 3. En même temps le malade est soumis à un régime maigre, on ne lui permet qu'un peu de viande blanche; le jour où il prend les pilules, il évite l'usage du lait, et l'on a soin que la température de la chambre soit uniforme. Le meilleur moment pour prendre les pilules est un quart d'heure après le repas. — Pour injections sous-cutanées, mêmes doses que pour l'administration à l'intérieur. On emploie une simple solution aqueuse, ou le bichlorure de mercure chloruro-sodique, ou le peptonate de mercure. Nous mettons le plus souvent en usage la solution de 0,2 de bichlorure de mercure et de 2,0 de chlorure de sodium dans 50,0 d'eau (Stern et Muller). Pour l'usage externe, solutions de 0,1-0,2 pour 100 ; pour collyres, solutions de 0,05 pour 100. Pour bains généraux, 5,0-10,0 pour un bain;
1 [La dose 10 centigrammes pro die n'est jamais atteinte en France; on craindrait, avec raison, de provoquer des accidents graves. Il est vrai qu'on n'y arrive plus en Allemagne, depuis que la méthode de Dzondi est abandonnée. On fera bien, en général, de ne pas dépasser la dose _ 3 centigrammes pro die.
2 [Le bichlorure de mercure est la base de la ligueur de van Swieten, préparation très souvent prescrite et qui n'est autre chose qu'une solution de 1 gramme de sublimé dans 100 grammes d'alcool, avec addition de 900 grammes d'eau; 5 grammes de celte solution, ou à peu près le contenu d'une cuiller à calé, représentent onc 5 milligrammes de bichlorure de mercure. D'après ce que je viens de dire, on pourra prescrire, par jour, de 1 à 6 cuillerées à café, de cette • solution. II.est avantageux de la faire prendre clans de l'eau albumineuse ou dans du lait. - Les pilules de Dupmjtren, préparation encore très en usage, renferment chacune 0,01 de sublimé, 0,01 extrait d'opium et 0,15 extrait de gaïac.l
3 [30 de ces pilules représentent un peu plus de S centigrammes de sublimé.]
MERCURE. — Action physiologique du protochlorura 197ni.
pour un bain d'enfant, d'une durée d'une demi-heure, 0,1-2,0 suivant l'âge. Pour pommade, 1 partie : 24parties dégraisseJ.
2. Bichlorure de mercure peptonisé. — La prescription la plus simple est la suivante : Sublimé corrosif 1, solution aqueuse de peptone 50, chlorure de sodium q.' s., pour faire une solution, filtrez. Une seringue à injection contient donc0,02 de bichlorure de mercure.
3. Bichlorure de mercure ammoniacal. — Il contient 50 parties de bichlorure de mercure et 75 parties d'ammoniaque liquide pour 1000 parties d'eau distillée.
4. Gaze au sublimé. — On dégraisse la gaze du commerce en la faisant bouillir avec 1/2 pour 100 de lessive de soude, puis on la lave jusqu'à ce que l'eau ne présente plus aucune réaction alcaline ; on la sèche, après quoi on la laisse séjourner pendant une demi-heure dans une solution de sublimé à 1/4 pour 100 (sublimé corrosif 7,5, alcool 1000, eau distillée 1500, glycérine 500); on l'exprime pas trop fort, et enfin on la met en paquets alors qu'elle est encore un peu humide. Cette solution suffit pour préparer 3 kilogrammes de gaze. D'après Schede, on imbibe la gaze avec une solution de 1 partie de sublimé sur 190 parties d'eau et 10 parties de glycérine ; on la tord ensuite et on la fait sécher.
Esmarch se sert, pour imprégner la gaze, d'une solution de 1 partie de sublimé et de 100 parties de sel marin dans 40 parties de glycérine et 1000 parties d'eau.
Catgut au sublimé. — D'après Schede, les cordes de boyaux enroulées doivent être placées pendant 6 à 12 heures dans une solution aqueuse de sublimé à 0,1 pour 100 et puis conservées dans de l'alcool absolu.
Soie au sublimé. — Les fils roulés sur une bobine doivent être mis à bouillir pendant 2 heures dans une solution aqueuse de sublimé à 2 pour 100, et puis conservés dans une solution aqueuse de sublimé à 0,1 pour 100.
2. PROTOCHLORURE DE MERCURE, CALOMEL
Le protochlorure de mercure, HgCl ou Hg2Gl 2, tel qu'il est obtenu en sublimant un mélange intime de 4 parties de bichlorure de mercure avec 3 parties de mercure métallique, représente une masse-fibreuse, jaunâtre, transparente, inodore et insipide, tout à fait insoluble dans l'eau, dans l'alcool, ainsi que dans les acides dilués. Sous l'influence de la lumière du jour, il s'en sépare un peu.de mercure, métallique, et la préparation devient alors grise; il faut donc la conserver dans des flacons noircis.
On peut l'obtenir sous la forme d'une poudre très fine, en en condensant les vapeurs avec de la vapeur d'eau; c'est alors le calomel à la vapeur 2.
Action physiologique. —• Buchheim et Oettingen croient que le protochlorure de mercure se transforme, dans l'organisme, en albuminate de protoxyde de mercure. Voit admet qu'une petite partie du calomel ingéré se transforme, dans le tube digestif, en bichlorure, et il fonde son opinion sur ce fait, à savoir, que du calomel, mis en contact avec une solution d'albumine,
1 [Cette pommade doit être très irrilanle; on fera bien de diminuer de beaucoup la proportion du principe actif, à moins qu'on n'ait en vue la production d'effets caustiques.]
8 [Outre le calomel par sublimation, ou mercure doux, et le calomel à la vapeur, on trouve encore, dans les pharmacies, le calomel par précipitation, ou précipité blanc. Le premier n'est guère plus prescrit en médecine; le dernier est exclusivement réservé pour l'usage externe ; outre qu'il est souvent impur, il présente une activité plus marquée que celle du calomel à la vapeur, lequel est le seul qui soit prescrit pour l'usage interne; c'est le vrai calomel officinal; c'est celui que doit délivrer le pharmacien quand l'ordonnance du médecin porte simplement le mot calomel, sans spécification.]
..198 MERCURE. — Action physiologique du protochloruro
laisse, au bout de quelque temps, dégager du mercure métallique, ce qui, d'après l'opinion de Liebig, ne peut avoir lieu sans qu'il se forme en même temps du bichlorure de mercurel. Quant au chlorure de sodium contenu dans l'estomac, il y est en trop petite quantité pour qu'il puisse déterminer cette transformation du protochlorure en bichlorure. Quoi qu'il soit, il est certain qu'une partie du calomel ingéré, malgré l'insolubilité de cette substance dans l'eau et les acides dilués, se transforme dans le tube digestif en un composé soluble et absorbable, puisque les symptômes de Vempoisonnement mercuriel aigu se manifestent souvent après l'ingestion, pendant quelques jours de suite, de doses, même très minimes, de calomel (0,005-0,01). Et il est même remarquable que, de tous les composés mercuriels, c'est celui qui provoque le plus 'rapidement l'inflammation de la bouche et la salivation, et cela, bien que la plus grande partie du protochlorure ingéré soit très vite éliminée avec les selles (Riederer). On a même vu la salivation se produire après l'ingestion de 0,1 de calomel, à doses fractionnées.
Le calomel ne trouble pas l'action des ferments amorphes, mais il tue les ferments organisés. Le pouvoir digestif de la salive, du suc gastrique et du suc pancréatique n'est donc nullement influencé par l'ingestion du calomel, et la fibrine se dissout en sa présence dans le même temps que s'il était absent. Dans la digestion pancréatique et intestinale, il ne fait qu'empêcher la production de ces substances auxquelles l'albumine donne naissance par suite de processus de putréfaction, et l'on voit dans ce cas faire défaut tous les gaz, tels que Hydrogène, l'acide sulfhydrique, qui se forment parla putréfaction du contenu de l'intestin. Dans les liquides nutritifs, le calomel empêche le développement des organismes inférieurs ou supprime leur activité vitale. Le calomel est donc un antiseptique et un aseptique excellent, et c'est à cette propriété qu'il faut rapporter l'action bienfaisante qu'il produit dans divers troubles se manifestant dans le domaine des fonctions gastro-intestinales (Wasilieff).
Administré à doses plus élevées (0,1-0,5), répétées à courts intervalles, le calomel produit des effets purgatifs ; il n'a pas alors le temps d'être absorbé et s'élimine rapidement avec les selles. Ces effets purgatifs se produisent le plus souvent sans douleurs ; on observe parfois quelques nausées. Les selles sont fluides ; elles contiennent en abondance des produits de la digestion pancréatique, peptone, leucine, tyrosine (Radziejewski) ; les processus de putréfaction dans le canal intestinal ayant été supprimés par le calomel, ces corps n'ont pu être ultérieurement décomposés. Elles présentent, surtout chez les enfants, une particularité qui a attiré l'attention : leur couleur est verte, ou au moins très foncée. Buchheim attribue cette coloration à la présence d'une grande quantité de bile dans ces matières fécales.
[Telle est aussi l'opinion de Rabuteau. D'après lui, le calomel donne naissance, dans les voies digestives, à du mercure métallique et à du sublimé. Mercure et sublimé sont absorbés en même temps; après quoi le bicnlorure se réduit à son tour en donnant naissance à du mercure métallique et à du chlorure de sodium. D'après le même observateur, le mercure métallique, introduit dans les voies digeslives, est absorbé en nature, de la même manière que par la surlace cutanée. Le proloiodure de mercure se comporte comme le protochlorure, c'est-à-dire qu'il donne naissance, dans le tube gastro-intestinal, à du mercure métallique et à du biiodure, lesquels s'absorbent tels quels; une fois arrivé dans le sang, le biiodure se réduit à son tour en produisant du mercure métallique et un iodure, probablement de sodium ]
MERCURE. — Emploi thérapeutique du protochlorure 199
Il traite ces matières par l'alcool ; celui -ci s'empare de la matière colorante et montre toutes les réactions de la bile, tandis que le résidu renferme le sulfure de mercure. Buchheim tire de là cette conclusion, que la coloration des selles est bien due, dans ce cas, à la bile. D'autres observateurs ont attribué cette coloration au sulfure de mercure lui-même ; ils se fondent sur les considérations suivantes : Les matières fécales normales, bien mélangées avec du calomel, prennent une coloration plus sombre ; l'enduit muqueux de la langue prend une teinte verdâtre, sous l'influence de la formation du sulfure de mercure, à la suite de l'administration du calomel (Traube).
Wasilieff explique de la manière suivante cette coloration verte des matières fécales : Dans les conditions normales, les matières colorantes de la bile, bilirubine et biliverdine, sont détruites dans le canal intestinal par suite des processus de putréfaction qui s'y développent, de sorte qu'on ne rencontre point de matière colorante biliaire dans les matières fécales normales. Quand on emploie le calomel, au contraire, les processus de putréfaction étant supprimés dans l'intestin, ces matières colorantes biliaires restent intactes et sont évacuées en nature avec les matières fécales, grâce aux mouvements pèristaltiques intestinaux devenus plus énergiques.
En faisant prendre du calomel à des chiens auxquels on a pratiqué au préalable une fistule biliaire, on constate que la sécrétion de la bile ne subit aucune augmentation ; quelquefois même elle subit une diminution (Kôlliker et H. Mùller, Scott, Bennett, Radziejewski). Buchheim assure pourtant que la sécrétion biliaire augmente sous l'influence du calomel.
Il faut en tout cas distinguer avec soin la sécrétion et l'excrétion de la bile. Par exemple, bien que la sécrétion de la bile soit devenue moindre, l'excrétion peut en être augmentée par suite de la suppression du catarrhe des voies biliaires, par suite de l'expulsion débouchons muqueux s'opposant à son écoulement (H. Kôhler).
Il arrive souvent que des doses énormes de colomel, introduites dans l'estomac, ne produisent pas autre chose que la diarrhée ; il est pourtant des cas où il en résulte une gastro-entérite violente, comparable à celle qui succède à l'administration de doses élevées de sublimé; on a constaté alors l'existence d'ulcérations diphthéritiques dans le gros intestin ; Riederer a observé, chez des chiens, à la suite de l'ingestion de doses moyennes de calomel, des ecchymoses de la muqueuse stomacale, qui formaient, du côté du pylore, des plaques étendues; il a aussi observé, chez ces animaux, des selles sanguinolentes. Ces faits sont favorables à l'opinion de Voit sur la transformation du protochlorure en bichlorure.
A la suite de Yinjection sous-cutanée du calomel, Th. Kôlliker a vu très rarement se produire de la stomatite, de la salivation, des troubles digestifs et de l'eczéma ; les résultats antisyphilitiques étaient d'ailleurs excellents.
Emploi thérapeutique. — Le calomel est un des médicaments qu'on emploie le plus fréquemment; on en abuse même dans certains pays, en Angleterre par exemple. On le prescrit surtout dans les affections inflammatoires aiguës, à cause de la rapidité avec laquelle il fait naître les phénomènes de lamercurialisation. Il a même été trouvé utile contre l'hépatite aiguë des tropiques (Budd, Annesby, etc.).
200 MERCURE. - Emploi thérapeutique du .protochlorure
C'est un des composés mercuriels qui ont été le plus employés dans la syphilis II a l'avantage d'être bien supporté par l'estomac, mais il. a l'inconvénient de donner lieu facilement à de la salivation et à de la diarrhée; pour éviter la diarrhée, on lui associe ordinairement l'opium. On l'emploie avec une certaine prédilection dans la syphilis des femmes enceintes et des
nouveau-nés.
Le calomel est encore un purgatif précieux. lia l'avantage, de même que l'huile de ricin, de pouvoir être administré sans inconvénient chez les personnes dont l'intestin est le siège d'inflammation ou même d'ulcérations. On a prétendu que les effets purgatifs produits par le calomel s'accompagnaient d'effets spéciaux sur l'état d'inflammation de divers organes ; nous croyons que ces effets ne sont rien moins que démontrés, et notre expérience personnelle nous permet d'admettre que les prétendues propriétés abortives du calomel, dans le typhus abdominal, sont purement imaginaires ; le calomel, comme purgatif, n'agit pas ici autrement que ne ferait l'huile de ricin.
L'emploi du calomel comme purgatif est-il, comme on l'a dit, particulièrement indiqué dans les cas où il faut activer en même temps l'excrétion de la bile? Cette propriété du calomel est loin d'être démontrée,, comme nous l'avons vu dans la partie physiologique; mais s'agit-il d'une affection du foie ou des voies biliaires, s'accompagnant, ce qui arrive si souvent, de phénomènes gastro-intestinaux, alors l'emploi du calomel peut être indiqué comme laxatif dans le but de combattre ces phénomènes. Récemment Sacharijin a de nouveau proposé de traiter par le calomel la cholélithiase ancienne, grave, accompagnée d'accès de coliques fébriles et d'un endolorissement persistant de la région hépatique, dans les cas où l'emploi des eaux minérales n'a plus aucuneefficacité ; il propose aussi de soumettre au même traitement les malades atteints de cirrhose hypertrophique du foie. Il donne, en même temps que du chlorate de potasse, 3 à 12 doses par jour de 0,05 de calomel, pendant quelques jours de suite ; puis il laisse reposer le malade pendant plusieurs jours; dans le cas où plusieurs doses ainsi administrées n'auraient provoqué aucune selle, il prescrit l'huile de ricin. Nos propres observations nous permettent de confirmer cette opinion de Sacharijin.
Le calomel, administré comme purgatif, à petites doses répétées, exerce une action très favorable dans les diarrhées avec vomissements, qui se présentent si fréquemment chez les petits enfants, ordinairement pendant l'été, le plus souvent à la suite d'indigestions. On a pu mettre en doute l'efficacité du calomel dans ces circonstances, mais on n'a jamais pu la nier absolument ; de trop nombreuses observations parlent en sa faveur, et, pour notre compte, nous en sommes convaincus. Nous ne voulons pas dire qu'il agisse autrement que comme purgatif ; mais il faut convenir qu'il n'est point de purgatif qui convienne mieux dans ces cas. Le calomel a été souvent employé contre le choléra, à des doses (jusqu'à 5 grammes par jour) et suivant des méthodes très diverses. On avait pour but, en l'administrant dans cette maladie, d'activer la sécrétion biliaire ; mais on ne voit pas trop quelle utilité on pourrait retirer de cette propriété du calomel, en admettant qulelle fût réelle. Le fait est que son emploi n'a pas plus fait diminuer le chiffre de la mortalité, que celui des autres médicaments en grand nombre qu'on a essayé d'opposer à cette maladie. —On a beaucoup discuté sur l'utilité du
MERCURE. —Emploi thérapeutique du protochlorure 201
calomel dans le typhus abdominal. Il était beaucoup recommandé autrefois dans le but de faire avorter la maladie ; on ne compte plus guère aujourd'hui sur son efficacité dans ce sens. Voici ce que nous apprend l'expérience : Donné tout à fait au début de la maladie, il en modère parfois la marche, en faisant un peu baisser les symptômes fébriles. Son emploi suppose les conditions suivantes : première période de la maladie (jusqu'au neuvième jour), individus vigoureux, altérations intestinales modérées, fièvre considérable. On le prescrit à la dose de 0,5, dose qu'on répète deux à quatre fois dans les vingt-quatre heures. Tout récemment Weil a déclaré qu'il n'avait jamais vu le calomel exercer une influence favorable sur la marche générale de cette maladie.
Jendrassik a, dans ces derniers temps, prétendu que le calomel était un excellent diurétique à employer dans les maladies du coeur s'accompagnant d'hydropisie. Quelque surprenante que paraisse cette manière de voir, nous devons la confirmer en nous basant sur nos observations personnelles; ce médicament provoque parfois une diurèse diffuse, là où la digitale est restée inefficace. On le donne à la dose de 0,2, 3 à 4 fois par jour, avec ou sans jalap, pendant trois ou quatre jours de suite, et on répète fréquemment cette administration.
A l'extérieur, le calomel est employé, comme irritant léger, dans des états morbides très divers. Ainsi, dans les opacités de la cornée, il mérite la préférence sur la plupart des autres moyens à action plus intense, dans les cas où les taches sont tout à fait récentes et où tous les phénomènes de sensibilité n'ont pas encore disparu.
Leber et Schloefke ont encore récemment appelé l'attention sur ce fait déjà connu, à savoir qu'on doit s'abstenir de ces insufflations de calomel quand on a en même temps ou depuis un à deux jours administré à l'intérieur de l'iodure de potassium. Le biiodure de mercure qui se forme alors dans le liquide des larmes peut, ainsi que le prouvent plusieurs observations, donner lieu à une ophtalmie intense. On emploie aussi le calomel localement dans le traitement de l'otorrhée, des ulcérations chroniques, des condylomes larges, etc. Il est certain que les condylomes, qui résistent longtemps à un traitement général, cèdent plus facilement quand on les saupoudre avec du calomel, après les avoir préalablement mouillés avec de l'eau salée. Les injections sous-cutanées de calomel, recommandées par quelques observateurs, dans les cas d'infection syphilitique, agissent, dit-on, plus lentement, il est vrai, mais aussi d'une manière plus persistante et plus étendue ; elles ont l'inconvénient de provoquer très facilement des abcès.
DOSES ET PRÉPARATIONS. — Protochlorure de mercure. — Pour en obtenir des effets généraux, on en prescrit 0,005-0,1, plusieurs fois par jour. Comme purgatif, 0,2-0,5-1. Chez les enfants, 0,01-0,1. En poudre ou en pilules. On lui associe souvent d'autres purgatifs, tels que le jalap, la rhubarbe. Quand il s'agit d'en continuer l'emploi pendant quelque temps, comme, par exemple, dans la syphilis, on lui associe ordinairement l'opium (0,05 calomel avec 0,015 opium, en poudre, trois fois par jour) *. En pommade, 1 partie de calomel sur 10 parties d'axonge. — Pour
1 [Il faut éviter avec grand soin, quand on prescrit le calomel à l'intérieur, surtout à doses élevées, purgatives, de l'associer avec certaines substances, qui peuvent, en le décomposant, donner naissance à des produits très toxiques. Parmi ces substances je citerai : 1° l'eau du laurier-
202 MERCURE. — Pommade mercurielle : Action physiologique
injections sous-cutanées, 0,05-0,1, en une fois, en suspension dans de la glycérine et de l'eau; l'injection est répétée tous les 5 à 6 jours.
3. POMMADE MERCURIELLE
Prenez 6 parties mercure purifié et 1 partie d'ancienne pommade mercurielle ; broyez-les ensemble jusqu'à ce qu'on n'aperçoive plus aucun globule de mercure ; mêlez ensuite avec 4 parties de suif et 8 parties de saindoux, préalablement fondus et refroidis. Cette pommade doit avoir une couleur gris bleuâtre K
Action physiologique. — Les recherches de Voit et Overbeck ont démontré que la pommade mercurielle récemment préparée était un simple mélange de graisse et de mercure métallique finement divisé ; dans la pommade ancienne, qui a ranci, il se trouve, en quantité variable, du protoxyde de mercure combiné avec les acides gras. Voit a calculé que, par la trituration avec la graisse, 1 gramme de mercure se divise en 152 millions environ de globules, et qu'il acquiert un volume 534 fois plus grand.
De quelle manière la pommade mercurielle, appliquée avec frictionnement sur la peau, pénètre-t-elle dans l'organisme? Cette question a été très débattue. Oesterlen, Voit, et surtout Overbeck, affirment avoir directement constaté, à la suite de frictions avec la pommade mercurielle, la présence de globules mercuriels excessivement ténus, dans le tissu de la peau, dans le tissu cellulaire sous-cutané, puis dans divers organes, et enfin dans l'urine et les matières fécales. Overbeck a vu ces globules parfaitement purs, Voit les a trouvés en partie oxydés. Ces expériences ont été faites sur les animaux et sur l'homme, et l'on avait pris grand soin que le mercure ne pût pas être introduit dans la bouche, soit par les animaux à l'aide de la langue, soit par l'homme à l'aide des mains enduites de la pommade mercurielle. Fiirbinger conclut de ses expériences que les frictions avec la pommade mercurielle font pénétrer des globules de mercure dans les follicules pileux et dans les conduits des glandes sébacées, où ils se transforment peu à peu en composés absorbables ; il pense aussi que le mercure porté sur les muqueuses respiratoires y subit d'abord un certain degré d'oxydation avant d'être absorbé. D'autres observateurs, au contraire (Donders, Bârensprung, Hoffmann, v. Recklingshausen, Rindfleisch), nient que le mercure métallique puisse pénétrer dans les tissus à travers la peau intacte. Bârensprung croit que le seul principe actif de la pommade mercurielle est le sel gras de protoxyde de mercure qui s'y développe ; Buchheim soutient que la pommade au protoxyde de mercure est plus active que la pommade au mercure métallique, tandis qu'Overbeck, se fondant sur des expériences directes, affirme que la dernière n'est pas moins active que la première.
Nous croyons, avec Kirchgâsser, que, dans le traitement ordinaire par la pommade mercurielle, la plus grande partie du mercure pénètre dans l'orcerise
l'orcerise l'émulsion d'amandes, qui peuvent donner lieu à la formation d'un cyanure de mercure; 2» les substances salées; 3» les liquides acides; 4° les liquides alcalins, qui peuvent le convertir partiellement en bichlorure.]
1 [La pharmacopée française distingue deux pommades mercurielles : 1» ]a pommade mercurielle double, ou onguent napolitain, composée de parties égales de mercure et d'axonge; 2° la pommade mercurielle simple ou onguent gris, préparée avec 1 partie de pommade mercureille double pour 3 parties d'axonge.]
MERCURE. — Pommade mercurielle : Action physiologique 203
ganisme avec l'air inspiré. Nous savons, en effet, que le mercure se vaporise facilement à la température ordinaire ; à plus forte raison quand il se trouve en contact avec la peau, que le frottement augmente encore la température, et que l'état de division extrême favorise cette vaporisation. Ces vapeurs mercurielles vont imprégner l'air que respire le malade, et pénètrent, avec cet air, dans les poumons où elles sont absorbées. Elles peuvent aussi pénétrer à travers la peau ; le fait n'a pas été directement démontré pour les vapeurs mercurielles, mais il l'a été pour un grand nombre d'autres vapeurs et gaz; peut-être aussi les globules mercuriels peuvent-ils réellement passer à travers l'épiderme, sous l'influence du frottement, qui a souvent pour résultat de faire enflammer la peau, de donner lieu à la formation de petites vésicules et de faire détacher l'épiderme sur divers points. Ces fines vapeurs mercurielles, arrivées dans le sang et les organes, et se trouvant en présence du chlorure de sodium, de l'albumine, de l'oxygène des globules sanguins, passent à l'état d'oxyde; peut-être aussi qu'une partie chemine dans les tissus sans avoir subi aucune modification et arrive ainsi, dans les produits de sécrétion et d'excrétion, à l'état de mercure métallique.
Quand on emploie la préparation mercurielle (Quecksilberpflastermulle), qu'on obtient au moyen d'une solution de gomme élastique contenant le mercure en fine émulsion, préparation qui, à cause de la commodité de son emploi et de sa propreté, mérite d'être recommandée à la place de l'onguent gris, on ne peut guère supposer que le métal puisse s'évaporer vers l'extérieur, et cependant Nega a trouvé, 24 heures après l'emploi de cette préparation, du mercure dans l'urine ; il faut donc que le métal ait très rapidement traversé la peau sous une forme quelconque.
Quoi qu'il en soit, il est certain que l'hydrargyrisme aigu ou chronique se produit chez les individus dont la peau a été mise en contact avec la pommade mercurielle, aussi bien que chez ceux qui respirent d'une manière continuelle dans une atmosphère qui contient des vapeurs de mercure. Le contact direct et continuel de ces vapeurs avec la muqueuse buccale nous permet de comprendre pourquoi les phénomènes inflammatoires du côté de la bouche se développent si vite chez les personnes soumises à ce mode d'administration des mercuriaux.
Ce mode d'administration des mercuriaux est-il vraiment rationnel?Non, évidemment. En effet, il ne permet pas de doser d'une manière exacte la quantité de mercure qu'on fait pénétrer dans l'organisme; et pourtant, quand il s'agit d'un poison, c'est là une condition qui a une importance capitale. On nous objectera que la quantité absorbée est très peu considérable relativement à la quantité de pommade employée ; mais est-il rationnel de prescrire un médicament, avec l'obligation d'en jeter 99 parties et de n'en utiliser qu'une ? Et d'ailleurs il faut convenir que ce traitement par la pom - made mercurielle nécessite un grand nombre de petits soins minutieux et est loin d'être exempt de malpropreté. Il présente encore l'inconvénient de donner lieu très facilement aux accidents inflammatoires du côté de la bouche. Malgré tout cela certains syphiligraphes expérimentés donnent encore la préférence à ce mode de traitement par les onctions mercurielles, et cela parce que sous son influence les récidives seraient plus rares. On ne peut pas contester d'une manière absolue la justesse de cette manière de
204 MERCURE. - Pommade mercurielle : Emploi thérapeutique ,
voir, d'autant moins que, comme nous l'avons déjà vu, l'organisme à la suite de ces onctions élimine le mercure plus lentement qu'à la suite des autres modes d'emploi de ce médicament.
Le sublimé en solution(0,1 pour 100), de même que les autres sels solubles de mercure dans un état de concentration correspondant, versés goutte à goutte sur un mésentère de grenouille enflammé, empêchent la suppuration. Il n'est pas physiologiquement inadmissible que, à la suite des frictions avec la pommade mercurielle, quelque chose de semblable puisse se passer, et il serait possible qu'à ce point de vue l'onguent gris parvint à être rehabilité comme antiphlogistique, d'autant plus qu'on doit tenir compte, dans son emploi, du massage et de la possibilité d'une action antiparasitaire (Binz).
Emploi thérapeutique. — La pommade mercurielle a toujours été une des préparations les plus en usage pour provoquer la mercurialisation, soit dans la syphilis, soit dans les affections inflammatoires aiguës. Nous venons de parler des inconvénients que présente son emploi.
Elle est encore fréquemment prescrite comme parasiticide. Elle ne peut pas tuer l'acarus de la gale, cela est certain ; aussi n'est-elle pas employée contre la gale. Mais elle tue très bien les poux de la tête et du pubis. Les frictions ne doivent pas être trop longtemps continuées, car elles pourraient donner lieu à l'eczéma mercuriel, ou même déterminer des symptômes généraux. — Blasius, Volkmann et autres observateurs recommandent aussi l'emploi de l'onguent gris comme médicament adjuvant dans le traitement du lupus; il produit même parfois des résultats curatifs remarquables. Dans le traitement des plaies diphthéritiques, Volkmann recommande aussi l'emploi de l'onguent gris comme pommade de pansement. Au sujet de l'usage local de l'onguent gris contre le chancre dur, voyez page 190.
DOSES ET PRÉPARATIONS. — 1. Pommade mercurielle. — Pour l'employer comme parasiticide, prenez-en gros comme un pois et frictionnez. Pour l'employer comme antiphlogistique, on en use ordinairement 2, 5, 10 grammes par jour, en plusieurs frictions. S'il s'agit d'instituer une cure mercurielle énergique, comme, par exemple, dans la fièvre puerpérale, on fait alterner heure par heure l'administration de 0,05 de calomel et une friction avec 1,5 de pommade mercurielle. Les frictions sont faites sur les endroits où la peau est mince et tendre, par exemple à la partie interne des cuisses, sous les aisselles, etc. On varie les points d'application pour éviter l'eczéma. Ces frictions se font lo plus commodément avec un morceau de cuir ou de toile. — On distingue, dans le traitement de la syphilis parla pommade mercurielle, la grande cure et la petite cure. La première (méthode de Rust et de Lo'uvrier) est aujourd'hui abandonnée, parce qu'elle déprime trop les malades. La seconde consiste en ceci : D'abord, période préparatoire de cinq à dix jours, pendant laquelle on met le malade au régime et on lui fait prendre des bains chauds. Puis, chaque soir, frictions avec 2-4 grammes de pommade; on recouvre les parties frictionnées et, le lendemain, on les lave. On restreint le régime, qui ne doit pas être irritant ; la chambre peut être aérée, le malade peut changer de linge. Les frictions sont continuées jusqu'à la disparition des symptômes. 11 est très fréquent de voir survenir la salivation. On tiendra les dents et la bouche propres, au moyen de lotions avec une solution de tannin ou de chlorate de potasse.
2. Emplâtre de mercure. — 1 partie mercure, 50 parties térébenthine, 300 parties emplâtre de plomb simple, 50 parties cire. D'après la pharmacopée
MERCURE. — Mercure métallique : Action physiologique 205
d'Autriche : mercure 130, térébenthine 70, emplâtre diachylon simple 500, Cet emplâtre a une couleur grise '.
4. MERCURE METALLIQUE
Le mercure est un métal d'un blanc d'argent, liquide à la température ordinaire, volatil, sans saveur et sans odeur, d'une densité considérable (13,598).
Action physiologique. — Les individus exposés pendant longtemps aux vapeurs mercurielles, par exemple dans les ateliers où l'on fabrique les miroirs, les thermomètres, etc., peuvent être pris des symptômes aigus ou chroniques de l'empoisonnement mercuriel.
Introduit dans l'estomac à dose massive, le mercure ne tarde pas à être rejeté parles selles ; l'action excercée par son poids sur l'intestin en accélère les mouvements péristaltiques, ce qui explique la rapidité avec laquelle il est rejeté (Traube). Il n'a donc pas le temps d'être absorbé ; mais s'il séjournait pendant un certain temps dans le tube intestinal, les vapeurs, ou les produits de son oxydation, pourraient pénétrer dans le sang et donner naissance aux phénomènes hydrargyriques.
Après avoir introduit dans le torrent circulatoire du mercure finement divisé, on trouve des produits d'oxydation dissous dans le sérum; après avoir introduit du mercure dans le tissu cellulaire sous-cutané, on en rencontre aussi dans l'urine ; le sang possède donc la propriété d'oxyder ce métal (Fùrbringer).
Emploi thérapeutique. — Le mercure métallique était prescrit autrefois contre les obstructions intestinales simples, opiniâtres. Aujourd'hui il n'est plus employé dans ce cas; mais il l'est encore contre l'iléus, quelle que soit l'altération anatomique qui occasionne cette maladie. On a en vue,. en l'employant, de mettre à profit son poids, pour redresser des anses intestinales repliées,étranglées, tordues sur elles-mêmes, etc. On n'y aura recours que dans des cas désespérés, alors que tous les autres moyens rationnels auront échoué, Bettelheim a récemment publié les résultats d'une statistique, d'après laquelle le mercure métallique aurait parfois sauvé la vie à des malades atteints d'occlusion intestinale et ne pouvant être guéris par d'autres moyens (occlusions déterminées par des matières fécales accumulées, par des ascarides, entortillement, torsion de l'intestin sur son axe, intususception); cet emploi du mercure métallique n'aurait jamais donné lieu à aucun accident grave, à aucune perforation intestinale. Nous ferons remarquer que, dans les cas où la mort est survenue après qu'on avait mis en usage ce mode de traitement, le métal a été souvent trouvé finement divisé au dessus de la sténose. Il ne peut donc être question ici d'une action due au poids du métal.
P. Fùrbringer a communiqué des observations sur la valeur des injections sous-cutanées de mercure métallique dans la syphilis. Il déclare que cette méthode ne peut être employée qu'exceptionnellement, dans les cas où les modes usuels d'administration du mercure sont mal supportés et : où une action mercurielle rapide n'est pas nécessaire.
1 [Notre emplâtre de Vigo, cum mercurio, renferme à peu prés 20 parties de mercure métallique pour 100 parties d'aulres substances très variées (styrax, térébenthine, emplâtre simple, cire, poix-résine, gomme ammoniaque, bdellium, myrrhe, safran, essence de lavande).]
206 MERCURE. — Supplément aux mercuriaux
DOSES. - Mercure métallique. — S'il s'agit de mettre à profit sa masse, son poids, on en fera avaler en une fois une quantité considérable, de 100 à 300 grammes. Pour injections sous-cutanées, 0,05-0,1 pro dosi, à répéter une fois par semaine.
SUPPLÉMENT AUX MERCURIAUX
Tous ies autres composés mercuriels agissent exactement comme l'une ou l'autre des préparations dont nous nous sommes occupés avec détail. Nous ne ferons donc que les mentionner.
Les composés suivants, insolubles dans l'eau, ont la même action que le calomel.
1. PROTOIODURE DE MERCURE, IODURE JAUNE. Hgl. — Recommandé par Ricord. dans le but de donner naissance en même temps aux effets du mercure et à ceux de l'iode, surtout chez les syphilitiques scrofuleux. Ce composé ne présente aucun avantage pratique {jusqu'à 0,05 pro dosi ! jusqu'à 0,2 pro die !) 4.
2. PROTOBROMURE DE MERCURE. — HgBr.
3. PROTOXYDE DE MERCURE. —Hg 20.
4. SELS DE PROTOXYDE DE MERCURE (acétate, phosphate, sulfaté, azotate).
5. SULFURE DE MERCURE, HgS, et leurs mélanges (sulfure noir de mercure ou éthiops minéral, et le sulfure rouge de mercure ou cinabre).
Composés agissant comme le sublimé :
1. BIIODURE DE MERCURE, IODURE ROUGE DE MERCURE. Hgl 2. — Solubledans l'alcool, mais non dans l'eau (jusqu'à 0,03 pro dosi ! 0,1 pro die !) 2.
2. BIBROMURE DE MERCURE. HgBr 2. — Difficilement soluble dans l'eau.
3. BIOXYDE DE MERCURE. HgO. — On distingue HgO précipité rouge (jusqu'à 0,03 pro dosil 0,1 pro die !) et HgO préparé par voie humide. Peu soluble dans l'eau, plus soluble dans les acides. Employé surtout dans la thérapeutique oculaire (blépharite ciliaire chronique, etc.), en pommade; une application avant le coucher.
Pommade mercurielle rouge : 1 partie HgO sur 9 parties de pommade à la paraffine 3.
4. SELS DE BIOXYDE DE MERCURE.
5. BICHLORURE DE MERCURE AMMONIACAL. HgCl + HgNHs. — Employé dans la thérapeutique oculaire, exactement comme le bioxyde de mercure. On s'en sert aussi dans le traitement des maladies de la peau déterminées par des champignons (pityriasis versicolor, herpès circinné, teigne, après épilation), et pour détruire les poux du pubis.
Pommade de bichlorure de mercure ammoniacal. — 1 partie sur 9 parties d'axonge.
Dans ces derniers temps on a recommandé, comme étant peu irritantes et comme pouvant par conséquent être employées en injections sous-cutanées les préparations suivantes :
1. Solution de sublimé (Lewin).
2. Sublimé chloruro-sodique (Stern-Anspitz).
3. Albuminate de mercure (Bamberger).
4. Peptonate de mercure (Martineau).
[Les pilules de protoiodure de mercure, du Codex français, contiennent chacune 0,05 de protoiodure e 0,02 d'extrait d'opium. 11 est inutile d'aller au delà de deux de ces pilules par jour c'est a dire de 0, 10 de Protoiodure. Ces pilules sont encore souvent prescrites.]
? [Si Ion voulait prescrire ce sel, il serait prudent de ne pas dépasser la dose de 0,025pro .aie: car il est très toxique.]
3[La pommade au bioxyde de mercure, du Codex français, contient 1 gramme de bioxyde sur 15 grammes de pommade rosat.] 6 boixyde
OR. — Action physiologique 207
5. Bicyanure de mercure (Martineau).
6. Calomel en suspension (Scarenzo):
7. Sérum sanguin mercuriel (Bockhardt).
8. Glywcoll-asparagine (Wolf et Nega).
Chacun de ces observateurs préconise sa préparation comme ne donnant lieu à aucune douleur, ni à aucun accident inflammatoire ; au point de vue des effets immédiats et des récidives, ces préparations présenteraient aussi des avantages. Mais, si l'on admet l'opinion de Bockhardt, qui croit que les préparations mercurielles qui séjournent le plus longtemps dans l'organisme sont aussi les meilleures, on devra n'accorder à ce traitement par les injections qu'une place secondaire. Kaposi considère encore comme devant être employés de préférence, le calomel en suspension, les solutions de sublimé et de peptonate de mercure. L'avenir décidera.
Traitement de Vempoisonnement par le mercure. — L'empoisonnement aigu est le plus souvent produit par le bichlorure, ou sublimé. Si l'individu n'a pas vomi, il faut d'abord songer à le faire vomir, le mieux en lui irritant mécaniquement le pharynx ou en lui injectant sous la peau de l'apomorphine. Comme contrepoison, on emploiera l'hydrate de sulfure de fer, qu'on aura préparé depuis très peu de temps, en traitant par un sulfure alcalin une solution de sulfate de fer ; ou bien encore on fera une pâte composée d'un mélange de fer en poudre et de fleur de soufre. — La gastro-entérite sera traitée par les moyens ordinaires.
BYASSON (H.), Recherches sur l'élimination des sels mercuriels ingérés par l'homme (Journal d'anatomie et de physiologie de Robin, septembre et octobre, 1872). — WIBOUCHIEWITCH, De l'influence des préparations mercurielles sur la richesse du sang en globules blancs et en globules rouges (Archives de physiologie, juillet et septembre, 1874). — Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, art. MERCURE par HÉRAUD et BARRAIXIER, t. XXII. Paris, 1876. — Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, art. MERCURE par GOBLEY et BEAUORAND, 2C série, t. Vil, — SCHLESINGER (H.), Experimentelle Untersuchungen ùber die Wirkung lange Zeit fortgezetzter Quecksilber gaben (Archiv fur experimentelle Pathologie und Pharmakologie, Band, XIII. ieipzig). — HALLOPEAU (H.), Du mercure, action physiologique et trhérapeutique, thèse de concours pour l'agrégation, indications bibliographiques. Paris, 1878. — WASSILIEFF, VVirkungen des Calomel auf Gàhrungsprocesse (Zeitschrift fur physiologische Chemie, Band VI, S. 112, 1882). — STERN, Berliner klinische Wocbenschrift, 1878,.n° 5. — FÙRBRINGER, Berliner kl. Woch., 1878, n° 22. — GUELER et LABBÉE, Commentaires thérapeutiques du Codex médicamentarius, 3c édition. Paris, 1885.
VIII. Or
Action physiologique. — Nous ne possédons sur ce sujet que les expériences peu approfondies de Aronowitscb ; ces expériences ont été faites avec le chlorure d'or et de sodium cristallisé, en solutions très étendues, non caustiques, et, en outre, avec un sel double d'or, l'hyposulfite de protoxyde d'or et de sodium.
Ces deux préparations provoquent également, la dernière avec une rapidité un peu plus grande, chez les animaux à sang froid, une paralysie du système nerveux central (impossibilité de sauter, disparition des mouvements réflexes, finalement perte du sentiment). La respiration se paralyse plutôt que l'activité cardiaque; cette dernière présente aussi un ralentissement.
Chez les animaux à sang chaud (lapins) -, des doses très petites administrées pendant longtemps ne produisaient aucun effet bien appréciable; les
208 OR — Emploi thérapeutique
animaux conservaient leur bonne humeur, avaient bon appétit et finissaient même à la longue par augmenter un peu de poids.
Si, au contraire, on élevait un peu la dose, on voyait l'appétit diminuer, la diarrhée et l'amaigrissement survenir, le pouls et la respiration s'accélérer, la température baisser.
Enfin, il se manifestait une paralysie des extrémités ; les animaux restaient sans mouvement couchés sur le ventre et finissaient par succomber en présentant un ralentissement de la respiration et des altérations catarrhales dans les poumons.
L'intoxication aiguë avec des doses élevées (0,3-0,5) d'hyposulfite d'or et de sodium, injectées sous la peau, chez des lapins, a donné lieu aux phénomènes suivants : inquiétude vive, anxiété, accélération du pouls, diarrhée; au bout de trois à quatre heures, aux phénomènes ci-dessus se joignait le trismus, et les animaux mouraient au bout d'une heure au milieu de convulsions et en présentant un abaissement progressif de la température et de la respiration. A l'autopsie, on trouvait, comme cause de la mort, de l'oedème pulmonaire.
Emploi thérapeutique. — Les préparations d'or, autrefois en usage contre diverses affections chroniques, notamment contre la syphilis invétérée et les affections scrofuleuses, sont aujourd'hui à peu près entièrement abandonnées, et avec raison. Il y a quelques années, Martini a de nouveau préconisé l'or dans le traitement des maladies utérines chroniques; parfois encore, on l'essaye contre les maladies chroniques de la moelle épinière (formes de myélite), où on l'emploie de la même manière que les sels d'argent; mais il ne faut en attendre aucun effet positif.
DOSES ET PRÉPARATIONS. — 1. Chlorure d'or et de sodium : Poudre d'un jaune d'or, entièrement soluble dans l'eau, partiellement soluble dans l'alcool 0,005 pro dosi plusieurs fois par jour, le mieux en solution dans l'eau (jusqu'à 0,05 pro dosil jusqu'à 0,2 pro die !)..
2. Chlorure d'or. Employé autrefois comme caustique, entièrement abandonné aujourd'hui.
3. Or en feuilles. On en recouvre les pilules ; on l'emploie aussi dans l'art dentaire.
IV
MÉTALLOÏDES
ARSENIC, PHOSPHORE, ANTIMOINE, BISMUTH ET AZOTE
Ce groupe, qui, avec le vanadium, non employé en -thérapeutique, forme au point de vue chimique une famille naturelle, dans laquelle l'antimoine et le bismuth représentent la transition des métaux aux métalloïdes, ce groupe d'éléments provoque aussi dans l'organisme animal des altérations organiques et fonctionnelles qui présentent entre elles des ressemblances remarquables et qui sont dues à une même action fondamentale. Cette action fondamentale consiste, d'après Binz, en ce que les oxydes de l'arsenic, de l'antimoine, du bismuth, du vanadium et de l'azote, ainsi que le phosphore jaune, provoquent une combustion extrêmement intense dans l'intérieur de ces cellules qui sont aptes à mettre en mouvement des atomes d'oxygène faiblement fixés. L'arsenic, l'antimoine, le bismuth, etc., n'ont donc aucune action directe et sont simplement les porteurs indifférents des atomes d'oxygène à propriétés extrêmement puissantes. Tandis que toutes les préparations solubles d'arsenic, d'antimoine, de bismuth et de vanadium, exercent sur l'organisme une influence toxique, les acides du phosphore, au contraire, ont une action beaucoup plus faible que le phospbore lui-même, parce que l'oxygène est en eux beaucoup plus fortement fixé que dans les acides de l'arsenic, etc.
Les composés de ces métalloïdes ne forment point d'albuminates avec les substances albumineuses, en quoi ils se distinguent déjà essentiellement des métaux. Ils exercent sur le système nerveux central une action paralysante.
Ils font naître dans la plupart des organes internes une dégénérescence graisseuse ; ils font disparaître le principe glycogène du foie.
Le phosphore et l'arsenic agissent de la même manière sur la formation du tissu ostéogène.
Les composés hydrogénés du phosphore, de l'arsenic et de l'antimoine * exercent sur le sang une action fortement réductrice, de même que l'hydrogène sulfuré.
NOTHNAQEL et ROSSBACH, Thérapeutique. .14
210 ARSENIC — Acide arsénieux : Action physiologique
I. Arsenic
Très proche du phosphore au point de vue chimique, de l'antimoine et du bismuth par ses propriétés physiques, ce corps (As) se rencontre dans la nature à l'état natif (cobalt) ou combiné, soit avec le soufre (orpiment, réalgar), soit avec des métaux (fer arsenical, nickel arsenical), soit avec l'oxygène (anhydride arsénieux), ou bien enfin à l'état d'arsénite (fleurs de cobalt).
De même que le phosphore, il est dimorphe : arsenic amorphe (masse noire à éclat vitreux), et arsenic cristallin (masse d'un gris d'acier, d'un brillant métallique). Exposés à l'air humide, l'arsenic amorphe et l'arsenic cristallin s'oxydent au niveau de leur surface, le premier plus difficilement que le second. Chauffés en présence de l'oxygène, ils brûlent en donnant naissance à de l'anhydride arsénieux.
L'arsenic pur et ses composés sulfurés à l'état de pureté parfaite sont exempts de toute propriété toxique. S'ils agissent ordinairement comme des poisons, ils le doivent à la présence de divers acides arsenicaux qui altèrent souvent leur pureté (C. Schmidt).
Nous n'étudierons ici que l'acide arsénieux et son sel potassique ; ce sont à peu près les seuls composés arsenicaux qu'utilise la thérapeutique. Le second, étant plus soluble que le premier, est aussi plus toxique. Quant à l'acide arsénique, il a absolument la même action que l'acide arsénieux, mais pourtant un peu plus faible (Marmé); nous pouvons en dire autant des acides organiques de l'arsenic, des combinaisons arsenicales des radicaux alcooliques : oxyde d'arsenic diméthylique (oxyde de kakodyle) As2(CH3)40, acide diméthyl-arsénique (acide kakodylique) As2(CH3)300H, acide diphényl-arsénique (acide phenylkakodylique) (C6H5)AsO0H (Lebahn, Schultz).
L'hydrogène arsénié donne lieu à des phénomènes en partie semblables (vives douleurs abdominales, vomissements, grande faiblesse musculaire) ; seulement comme il est facilement absorbable, ces phénomènes se produisent d'une manière plus intense et plus rapide ; il provoque en outre de l'hémoglobinurie.
1. Acide arsénieux
Vacide arsénieux, AsO3H 3, n'existe qu'en combinaison avec les métaux. Par contre l'anhydre arsénieux (As2O 3 =OAs — 0 — AsO) se trouve dans la nature (fleurs d'arsenic), et peut être obtenu artificiellement, en faisant brûler As dans de l'oxygène.
L anhydre arsénieux est dimorphe, comme l'arsenic. U anhydre arsénieux amorphe et l'anhydre arsénieux cristallin sont difficilement solubles dans l'eau.
L'acide arsénieux cristallin, opaque, se dissout dans 500 à 1000 parties d'eau froide, dans 400 parties d'eau bouillante ; l'acide arsénieux amorphe, transparent, en lequel le premier se transforme par une longue ébullition, est soluble dans 15 parties d'eau chaude. La solution a une réaction faiblement acide et une saveur métallique.
Action physiologique. — Ce poison, l'unique principe actif de la fameuse aqua toffana, est certainement celui qui a fait périr le plus grand nombre d'hommes. Il est mis en usage dans beaucoup d'industries; chaque année on en prépare des milliers de quintaux ; aussi est-il très facile de se le procurer. Et cependant ses effets sur l'organisme n'ont été que dans ces derniers temps l'objet de recherches approfondies, qui ont permis enfin
ARSENIC. — Empoisonnement par l'acide arsénieux 211
de donner une solution satisfaisante aux nombreuses contradictions" qui existaient sur ce sujet.
Ce que devient l'acide arsénieux dans l'organisme. — L'acide arsénieux pénètre dans la circulation à travers la peau privée de son épiderme, à travers les ulcérations cutanées, à travers toutes les muqueuses. L'absorption par la muqueuse stomacale se fait plus rapidement quand l'estomac est vide que lorsqu'il est plein d'aliments. L'acide arsénieux se retrouve ensuite dans les globules sanguins (non dans le sérum), dans tous les organes, même dans les os. Il s'élimine avec la bile, et principalement avec l'urine; on prétend aussi l'avoir trouvé dans la sueur. Cette élimination commence à se faire dans les cinq premières heures qui suivent l'empoisonnement ; elle est terminée généralement au bout de deux à trois jours; aussi arrive-t-il souvent que, en faisant l'autopsie d'une personne qui n'a succombé que plusieurs jours après un empoisonnement par l'acide arsénieux, on ne trouve plus ce poison dans le cadavre (Grohe). On cite pourtant des cas, mais ils sont rares, dans lesquels on a pu déceler quelques .traces d'acide arsénieux chez des individus qui n'étaient morts que dix à vingt jours après l'ingestion du poison.
Phénomènes généraux de l'empoisonnement par l'acide arsénieux. — A la suite de l'ingestion d'une petite dose ou de plusieurs petites doses (0,001-0,005), les symptômes qui se manifestent ne présentent rien de caractéristique, et diffèrent suivant les individus. Les principaux qui ont été notés sont les suivants : sensation de chaleur le long de l'oesophage et dans l'estomac; stimulation très marquée de l'appétit; augmentation d'énergie de toutes les fonctions organiques (cerveau, coeur, respiration, organes génitaux, excrétions). Si l'administration de ces petites doses est continuée un peu trop longtemps, apparition de phénomènes qui commencent à devenir sérieux : sensation de constriction au niveau du cou, sécheresse des muqueuses, soif, douleurs- épigastriques, nausées, vomissements, diarrhée; puis, fièvre avec céphalalgie, insomnie. Cesse-ton à temps l'usage du poison, tout rentre dans l'état normal.
• Des phénomènes toxiques aigus, avec danger pour la vie, peuvent être provoqués, chez l'homme adulte, par 0,01 d'acide arsénieux. Un décigramme peut faire mourir un adulte en quelques heures ou en quelques jours. Les accidents principaux s'observent soit du côté des voies digestives, soit du côté du système nerveux, suivant que la dose a été plus ou moins élevée. Peu de temps après avoir avalé le poison, le malade éprouve une sensation de constriction au niveau du cou ; quelques heures après se manifestent de terribles douleurs dans le ventre, des nausées, des vomissements violents, suivis de diarrhée. Ces derniers symptômes ressemblent beaucoup à ceux du choléra, en ce que les matières alvines ont l'aspect de l'eau de riz, sont parfois sanguinolentes, s'accompagnent de crampes des mollets et d'aphonie. La face devient très pâle, le pouls très faible, irrégulier, excessivement fréquent ; la dyspnée et l'angoisse sont extrêmes; puis survient de la cyanose; le malade perd connaissance, délire, est agité de convulsions et meurt.
Si la dose a été énorme, les phénomènes gastriques peuvent manquer; ils font souvent défaut d'une manière complète ; la mort arrive alors, précédée
212 ARSENIC. — Empoisonnement par l'acide arsénieux
d'accidents cérébraux, d'un collapsus subit, ou de convulsions épileptiformes, comme à la suite de l'empoisonnement par les narcotiques.
L'urine est moins abondante, est albumineuse et sanguinolente.
Dans les empoisonnements aigus ou subaigus qui n'ont pas la mort pour conséquence, on voit souvent persister pendant longtemps divers phénomènes morbides : anorexie, catarrhe gastro-intestinal et, conséquemment, amaigrissement considérable ; en outre, ulcérations cutanées, gangrène de la peau, douleurs névralgiques. On observe, surtout à la suite de l'administration d'une dose élevée, mais non mortelle, des paralysies dans certaines régions, variables suivant les individus. Les extenseurs sont plus fréquemment atteints que les fléchisseurs. Les muscles paralysés s'atrophient, mais peuvent, par un traitement rationnel (électricité), être remis en meilleur état.
Empoisonnement lent, chronique, par l'acide arsénieux. — Une assez forte dose de poison a été ingérée, mais sans être suivie de la mort; ou bien encore de petites doses ont été administrées, dans un but thérapeutique, pendant un temps trop long; ou bien enfin il s'agit d'ouvriers maniant, l'acide arsénieux ou d'individus vivant dans une atmosphère chargée de ce poison (couleurs arsenicales, tapisseries coloriées en vert ou en rouge par des composés arsenicaux). Les phénomènes sont ici très variables: éruptions cutanées eczémateuses, inflammations du côté des yeux, surtout si l'acide arsénieux a agi sous forme de poudre; troubles généraux de la nutrition, tenant, soit à un catarrhe gastro-intestinal, soit à une action toxique générale; pâleur de la peau; anémie profonde; très souvent, céphalalgie persistante, altération très marquée du caractère; chute des cheveux, des ongles; ulcérations à la peau, sur la muqueuse des fosses nasales, sur celle du conduit auditif externe ; inflammation intense de la muqueuse du larynx, avec toux très fatigante; on trouve souvent aussi, dans cette forme d'empoisonnement, des paralysies de la sensibilité et de la motilité. On a fréquemment signalé comme cause de la mort une phtisie pulmonaire (tabès arsenicalis) ou unehydropisie.
Influence de l'acide arsénieux sur les divers tissus et organes. — Voyant que l'acide arsénieux produisait sur la peau et sur les muqueuses, surtout dans le canal gastro-intestinal, des altérations tout à fait comparables à celles d'une cautérisation ; croyant de plus, ce qui est probablement une erreur (Binz), que les cadavres des individus empoisonnés par l'acide arsénieux ne se putréfiaient que difficilement, et subissaient plutôt une sorte de momification, on avait admis que l'acide arsénieux se combinait chimiquement avec les éléments organiques, surtout avec les substances albumi ■ neuses ; et c'est à cette modification de la molécule albumine par l'acide arsénieux qu'on, attribuait les effets destructifs caustiques et antiputrides de ce poison. Liebig avait même dit que la destruction de l'albumine s'accompagnait d'un développement de sulfure d'arsenic. (Malheureusement ila été impossible jusqu'à aujourd'hui de démontrer, par des expériences directes, que l'acide arsénieux soit capable d'exercer la moindre altération sur l'albumine et le sang (Kendall et Edwards, Herapath). De plus, l'acide arsénieux est absolument sans action sur la décomposition des substances albumineuses, par exemple par les ferments non figurés existant dans le suc gastrique; il
ARSENIC. — Influence de l'acide arsénieux sur les lissus 213
ne s'unit chimiquemment ni avec l'albumine, ni avec les peptones nouvellement formées ; il ne fait perdre à ces substances ni leur réaction, ni leurs propriétés spéciales (Schàffer et Böhm). Quant à son action sur le processus de la putréfaction et sur les ferments figurés, les opinions ne s'accordent pas complètement. L'influence de ces ferments sur le processus de la fermentation ne subirait de la part de l'acide arsénieux aucun empêchement immédiat (Buchheim et Sawitsch) ; l'acide arsénieux hâterait même la putréfaction de la levure, en favorisant le développement des bactéries ; il ferait végéter plus rapidement les moisissures, mais il mettrait obstacle au développement des ferments figurés de l'urine et du lait (Bôhm et Johannsohn). Tous les observateurs s'accordent à dire qu'il retarde la putréfaction des muscles, du sang, des nerfs.
Rien ne nous permet donc d'admettre que l'acide arsénieux se combine chimiquement avec les éléments organiques, bien que cette hypothèse nous permît de nous rendre compte bien simplement d'une foule de phénomènes.
Buchheim et Sawitsch croient donc que l'action toxique ne doit être attri. buée ni à l'acide arsénieux ni à l'acide arsénique, qui, d'après eux, devraient être comparés sous ce rapport à l'acide phosphorique inoffensif; mais ils ne sont pas en état de dire quelle est la nouvelle forme sous laquelle les préparations arsenicales exerceraient leurs effets toxiques ; ce qui d'ailleurs parle contre leur manière de voir, c'est que les acides de l'arsenic se retrouvent en nature dans les urines.
Les récentes expériences de Binz et de Schulz ont montré que, dans beaucoup de tissus morts ou vivants (intestin, foie, cerveau, etc.), le protoplasma est apte à imprimer des mouvements alternatifs aux atomes d'oxygène fixés dans l'arsenic, à transformer l'acide arsénieux en acide arsénique et réciproquement; ils concluent de ce fait que la transformation de ces deux acides l'un dans l'autre, cette oxydation et cette réduction incessantes dans l'intérieur des molécules albumineuses quiles accomplissent, déterminent un vif mouvement d'oscillation des atomes d'oxygène, et ce serait, d'après eux, la cause des effets toxiques et thérapeutiques de l'arsenic. D'après Binz, l'arsenic métalloïde n'est que le porteur des molécules actives d'oxygène; de même, dans le bioxyde d'azote (NO) et dans l'acide hypoazotique (NO2), substances à action causLique énergique, l'azote par lui-même ne produit aucune action directe. Toutes les cellules protoplasmatiques ne sont pas en état d'exercer sur l'arsenic ces actions réductrices et oxydantes; voilà pourquoi les parties du corps dont les cellules possèdent cette propriété (cellules de prédilection, de Binz) sont les seules qui puissent être atteintes par l'action de l'arsenic. Tous les effets autrefois mystérieux de l'arsenic peuvent s'expliquer par cette action fondamentale.
Peau. — La peau intacte n'est nullement attaquée, pas même excoriée, par l'application d'une pâte arsenicale. Au contraire, les parties de la peau qui sont le siège d'ulcérations, celles surtout où existe un lupus, éprouvent une destruction profonde; une surface cutanée atteinte de lupus, si on la couvre de pâte arsenicale, se montre au bout de trois à quatre jours, déchiquetée en maints endroits comme à l'emporte-pièce; mais ces pertes de substance n'ont qu'une étendue relativement petite, et dans les intervalles sont restés des îlots, de petits ponts de peau saine, d'où part un travail de
214 ARSENIC - Influence sur les muqueuses et les organes abdominaux .,
cicatrisation qui s'étend progressivement (Kaposi). C'est dans le protoplasma à végétation vive des tubercules lupeux qu'existent les conditions les plus favorables pour la mise en activité de l'oxygène; il n'en est pas de même dans le chorion, qui consiste essentiellement en un tissu conjonctif inerte (Binz). Chez les grenouilles, on peut, quelques heures après une injection sous-cutanée d'acide arsénieux, enlever facilement la peau de l'animal en un point quelconque de son corps (S. Ringer).
Muqueuses. —Delà même manière se comporte la muqueuse située à la partie antérieure des fosses nasales. Ayant appliqué dans cette région de lapâtedeHébra, nous avons constaté que la cautérisation n'attaquait que les endroits atteints de lupus, mais nullement les parties voisines, restées saines, de la muqueuse (Rossbach).
La muqueuse du canal digestif est, au contraire, attaquée d'une manière très intense. Dans les empoisonnements même légers on y trouve une forte hypérhémie, des ecchymoses, ça et là des érosions; mais point de cautérisation proprement dite, dans les empoisonnements même les plus graves, malgré l'application sur les muqueuses de quantités considérables d'arsenic. L'atteinte porte principalement sur les glandes de l'estomac et de l'intestin (adénite parenchymateuse, gastrite glandulaire, Virchow, Wyss), c'est-àdire sur cette partie des tissus dans laquelle les échanges organiques se font avec le plus d'activité, dans laquelle, par conséquent, s'effectuent le plus facilement les processus de la théorie de Binz. Filehne attribue les ulcérations de l'estomac à ce que les parois stomacales, ayant perdu leur force de résistance contre l'arsenic par suite de la désagrégation graisseuse des épi— théliums et dé la nutrition défectueuse qui en est la conséquence, sont exposées à l'action irritante des liquides digestifs.
Les mouvements péristaltiques de l'intestin, dans les empoisonnements par l'arsenic, sont d'abord plus énergiques ; après quoi tout le tube intestinal tombe dans un état de rigidité plus ou moins uniforme; les parties visibles de l'intestin deviennent pâles et paraissent presque entièrement blanches (Lesser).
Bans le tissu de la plupart des organes abdominaux ou autres, l'arsenic provoque, exactement comme le phosphore, une dégénérescence graisseuse, qui probablement est la conséquence de la désagrégation des substances albumineuses, se produisant avec plus d'activité sous l'influence de l'oxydation. Saikowski, après avoir fait prendre à des lapins 0,02 d'acide arsénieux pendant deux ou trois jours, observa les faits suivants : Le foie avait augmenté de volume; au milieu dé chaque acinus les cellules étaient pleines de gouttelettes de graisse ; le tissu graisseux hépatique était sans pigment,, contrairement à ce qui s'observe à l'état normal. Les reins étaient aussi augmentés fortement de volume; leurs canalicules étaient farcis de gouttelettes graisseuses, ainsi que les quelques cellules épithèliales qui existaient encore. L'épithélium des glandes stomacales était gonflé et plein de graisse. Les muscles coeur et diaphragme avaient subi la dégénérescence graisseuse. Les mêmes faits ont été-observés par Grohe sur un enfant de deux ans, après un empoisonnement qui avait duré deux jours.
Sous l'influence de l'acide arsénieux, la matière glycogène du foie diminue beaucoup, ou même disparait complètement; cette 'disparition précède très
ARSENIC. — Influence sur le système nerveux 215
souvent la dégénérescence graisseuse. Chez les animaux empoisonnés par l'acide arsénieux, la piqûre du quatrième ventricule du cerveau ne produit pas un diabète aussi marqué que chez les animaux sains ; mais l'urine réduit toujours facilement la solution de Trommer. Sur un animal qui se trouve sous l'influence de l'acide arsénieux, le curare ne fait plus naître absolument aucune manifestation diabétique (Saikowski). Si l'on injecte du sucre dans le sang, ce sucre reparaît en nature dans les urines ; mais le foie et les muscles ne renferment point de matière glycogène (Luchsinger).
Si l'empoisonnement a duré lontemps, le foie finit par s'atrophier.
Os. — Sous l'influence de très petites doses d'arsenic, les os, notamment ceux des animaux jeunes, non adultes, éprouvent des altérations essentielles ; leur accroissement, aussi bien èpiplrysaire que périostique, est extrêmement activé; les os deviennent plus longs et.plus épais; partout où il existe du tissu spongieux, ce tissu se transforme en une masse osseuse compacte ; les os du carpe et du tarse, par exemple, consistaient seulement en une masse osseuse solide. Les corpuscules osseux de la couche compacte deviennent plus petits, moins nombreux; les canalicules de Havers ont une étendue moindre et diminuent en nombre (Maas, Gies).
Système nerveux. — Chez les grenouilles on voit se produire très rapidement, à la suite d'un accroissement de courte durée de l'excitabilité(Lesser), une paralysie de la substance grise de la moelle, avec disparition de la sensibilité et de l'excitabilité réflexe; l'excitabilité des nerfs moteurs et des muscles se maintient, au contraire, plus longtemps, bien qu'elle éprouve elle aussi un affaiblissement notable (Sklarek, A. Lesser) ; ce sont les centres nerveux qui sont toujours atteints en premier lieu, puis les nerfs périphériques et enfin les muscles.
Chez les animaux à sang chaud et chez l'homme on voit aussi se manifester souvent des phénomènes de parabysie du côté du cerveau et de la moelle épinière (voy. p. 212). Scolosuboff a trouvé, en effet, à la suite d'empoisonnements chroniques ou aigus, trente fois plus d'arsenic dans le cerveau et la moelle allongée que dans le foie et dans les muscles. Popow a vu, dans des empoisonnements aigus ou chroniques, chez des chiens, se produire constamment de graves altérations de la moelle épinière, altérations pouvant être rapportées aune myélite centrale aiguë ou à une polyonryéliteaiguë. Mais Kreyssig avait trouvé, les mêmes altérations chez des chiens qui n'avaient pas été empoisonnés et qui servaient de mojren,de contrôle; ces altérations pouvaient donc avoir été produites d'une manière artificielle.
Respiration chez les animaux a sang chaud. — Les mouvements respiratoires deviennent d'abord plus fréquents, et, si la dose a été élevée, plus profonds, par suite d'une excitation directe du centre respiratoire et des terminaisons du pneumogastrique dans les poumons. Ensuite la respiration s'affaiblit et se ralentit de plus en plus par suite de la paralysie du centre respiratoire. Au moment où, à la fin, les muscles respiratoires de la poitrine et de l'abdomen ne. fonctionnent que d'une manière tout à fait faible, ceux de la face sont encore fortement excités, de sorte que les ailes du nez et la bouche s'ouvrent largement dans l'inspiration. Plus la dose d'arsenic a été élevée, plus cette seconde période de l'intoxication arrive rapidement. Les troubles de la respiration sont indépendants de ceux de la circulation (Lesser).
216 ARSENIC. - Influence sur la nutrition et les échanges organiques
Circulation. — Le coeur de la grenouille ne tarde pas à battre de plus en plus lentement et faiblement; plus tard les battements deviennent arythmiques; enfin le coeur s'arrête en diastole, mais durant une demi-heure encore 11 peut entrer en contraction sous l'influence d'excitations mécaniques et électriques (Less'er). Les grenouilles peuvent encore continuer à vivre dix minutes après la mort du coeur.
Chez les animaux à sang chaud (Lesser), on observe, si la dose (injectée dans le sang) a été petite, une accélération du pouls sans augmentation appréciable de la pression sanguine; si la dose a été moyenne, d'abord une augmentation puis une diminution du nombre des battements du coeur; si la dose a été élevée, une diminution immédiate du nombre de ces battements. L'accroissement du nombre des pulsations est déterminé par un affaiblissement de la tonicité du pneumogastrique et par une excitation des ganglions cardiaques ; la diminution du nombre des pulsations résulte d'un affaiblissement de ces ganglions. L'énergie des contractions cardiaques s'amoindrit toujours de plus en plus sans avoir éprouvé primitivement aucun accroissement. Le tissu musculaire du coeur n'éprouve de la part de l'arsenic aucune influence paralysante, mais conserve souvent pendant un temps très long son pouvoir de réaction; cela est surtout vrai pour le tissu musculaire des oreillettes, qui furent trouvées animées encore de contractions dix-sept jusqu'à vingt-six heures après la mort (Kunze, Lesser). Le centre nerveux vasculaire, les nerfs vasculaires et les muscles vasculaires ne sont pas attaqués par l'arsenic. Contrairement à l'opinion de Böhm, qui croyait avoir trouvé une paralysie des vaisseaux de l'abdomen, Lesser affirme que les vaisseaux du mésentère et de la séreuse intestinale deviennent plus étroits, contiennent moins de sang, et que leur état de réplétion continue à être en rapport avec le fonctionnement du coeur.
La température du corps baisse souvent d'une manière très notable, chez les animaux, sous l'influence de doses élevées de poison ; cet abaissement est de 1 à 6° ; il est plus considérable dans la première période que dans la seconde. La hauteur de la dose a une influence relativement faible sur la rapidité et le degré de cette chute de la température (Lesser).
Influence sur la nutrition et sur les échanges organiques. — Des doses excessivement petites semblent, d'après les recherches les plus récentes, favoriser l'accroissement et la nutrition générale (voyez page 218). Les animaux sur lesquels Giess expérimentait augmentaient de poids et devenaient plus gras ; il est vrai qu'il se manifestait en même temps une dégénérescence graisseuse du muscle cardiaque, du foie et des reins; il a déjà été question de l'influence favorable exercée sur l'accroissement des os. Ces doses petites et en somme inoffensives n'ont pas la moindre influence sur la décomposition de l'albumine et sur l'élimination de l'azote (v. Boeck). lien est tout autrement pour des doses élevées. Du reste les recherches de C. Schmidt et de Stiirzwage, de même que celles de Lolliot, recherches qui concluent à une diminution de la quantité d'azote excrétée consécutivement a l'empoisonnement par l'acide arsénieux, ne peuvent pas être utilisées pour résoudre la question qui nous occupe; car, dans celles de Schmidt et de bturzwage, les chiens empoisonnés, ou bien vomissaient leurs aliments, ou bien restaient sans manger, de sorte que la diminution de l'excrétion de
ARSENIC. — De l'accoutumance 217
l'azote doit être attribuée au défaut d'alimentation, plutôt qu'à un effet direct du poison ; dans celles de Lolliot, il n'est tenu compte ni de la quantité d'azote ingérée avec les aliments, ni de la quantité d'urine éliminée et de plus les conclusions sont tirées de la quantité d'urée renfermée pour 100 dans l'urine. Gâthgens, Kossel et Berg ont examiné avec la plus grande exactitude, sur un chien à jeun et sur un chien chez lequel l'élimination de l'azote avait été amenée à un état d'équilibre, les effets produits par des doses toxiques d'arséniate de soude, et ils ont toujours noté une augmentation de l'élimination azotée, par conséquent une augmentation de la désassimilation de l'albumine et des ■ phénomènes de décomposition dans les cellules des tissus. L'accroissement des échanges albumineux se produit, d'après Gâthgens, sans que la température du corps s'élève.
L'acide arsénieux et l'acide arsénique exercent, mais seulement en tant qu'acides, une action toxique sur les végétaux inférieurs; dans des solutions d'arsènite de potasse, à 1 pour 1000, continuent à vivre non seulement les algues, mais encore les larves d'insectes et les infusoires qui y adhèrent; mais il n'en est plus de même pour les escargots et les cloportes d'eau, etc. (Loew). Les propriétés toxiques des composés de l'arsenic ne se manifestent donc évidemment qu'en présence de certains protoplasmas ; c'est le même fait qui s'observe dans l'organisme des animaux supérieurs, tous les tissus n'étant pas également attaqués par ces composés.
De Vaccoutumance à l'arsenic. — En présence de ce fait nettement établi, que des doses d'acide arsénieux même extrêmement petites peuvent donner lieu à des accidents toxiques graves, à un état maladif persistant et à la mort, il était bien difficile d'ajouter foi aux observations sur les arséniçophages, publiées par Schallgruber et plus tard par ïschudi et autres ; on sait que, d'après ces observations, l'homme et les animaux pourraient s'habituer à l'action de l'acide arsénieux, pourraient non seulement finir par supporter des doses doubles et triples de celles qui, prises d'emblée, donneraient la mort, mais encore acquérir, sous leur influence, une santé plus robuste, plus florissante. Dans une de nos éditions antérieures nous avons présenté ce fait sous les plus expresses réserves ; aucune preuve certaine de la possibilité de cette accoutumance ne nous avait jamais été fournie, et d'un autre côté des intoxications chroniques par l'arsenic avaient été constatées d'une manière indubitable. Depuis lors Gies a fait, au sujet de cette question, des expériences sur les animaux, et voici les résultats qu'il a obtenus :
1° Des animaux (lapins) mal nourris, mal entretenus, ne tolèrent pas même des doses extrêmement petites d'acide arsénieux (0,0005-0,002) ; sous l'influence de ces doses, ils deviennent de jour en jour plus tristes, cessent de manger, sont pris de diarrhée, offrent un aspect de plus en plus misérable et meurent, maigres comme des squelettes, au bout de trois semaines et demi. A l'autopsie, on trouve toujours un catarrhe gastrique avec épaississement de la muqueuse, une dégénérescence graisseuse du foie et d'autres symptômes d'un empoisonnement chronique par l'arsenic. Gies considère comme probable que la mauvaise alimentation de ces animaux avait rendu trop faible leur puissance de résistance à l'action du poison.
2° Des animaux (lapins, porcs, coqs) jeunes, non adultes, mais vigoureux
218 ARSENIC — De l'accoutumance
et bien entretenus, tolèrent très bien de très petites doses d'acide arsénieux (0,0005-0,002) ; ils deviennent même, sous leur influence, beaucoup plus forts que des animaux semblables servant de contrôle, ils grandissent davantage, prennent un aspect plus brillant, augmentent d'embonpoint, en même temps que leurs, os acquièrent un plus grand accroissement (voy. page 215). Les petits nés de ces animaux traités par l'arsenic se distinguaient aussi par leur grandeur, par leurs os plus forts, par un développement plus considérable du thymus, mais ils venaient au monde tous miorts, sans doute, comme le pense Gies, par suite du retard que leur développement anormal apportait à la parturition.
Gies ajoute une autre observation assez singulière : des animaux auxquels on ne faisait point prendre d'arsenic, mais qui se trouvaient dans la même étable que ceux soumis au traitement arsenical ou dans une cage dont le fond, percé de trous, leur permettait de voir l'arsenic qui était déposé au dessous, sans qu'ils pussent y atteindre, présentèrent les mêmes modifications, mais un peu moins accentuées, que les animaux auxquels on faisait prendre de l'arsenic. Gies attribue ce fait à l'absorption des composés arsenicaux volatils qui se dégageaient à travers la peau et les poumons des animaux en expérience ou qui provenaient de l'arsenic déposé sous la cage.
3° Des lapins adultes qui, pendant quarante jours, recevaient chaque jour 0,0005 d'acide arsénieux, acquirent aussi un état plus florissant, engraissèrent ; le tissu osseux s'épaissit, non sous les épiphyses, parce que le développement épiphysaire avait cessé, mais au niveau du périoste de la diaphyse. Le foie, le muscle cardiaque, les reins étaient en même temps le siège d'une forte dégénérescence graisseuse, ce qui est difficile à concilier avec l'état florissant signalé par Gies.
4° Quand on élevait les doses d'arsenic, les animaux ne pouvaient plus s'y habituer; chez tous, principalement chez les coqs, les modifications du côtédu système osseux s'effaçaient alors, et l'on voyait apparaître les symptômes d'un empoisonnement chronique : amaigrissement, chute des poils, ou des plumes, hyperhémie énorme de l'estomac et de l'intestin avec diarrhée intense, dégénérescense graisseuse très accentuée du muscle cardiaque, du foie et (?) de la rate.
Si nous considérons les résultats des expériences faites sur les animaux (l°),les cas de mort observés fréquemment chez les arsénicophages(Schafer en a observé 13 en 2 ans à Graz seulement),et les symptômes toxiques qui se présentent parfois dans les empoisonnements fortuits par des doses tout à fait minimes d'arsenic, il nous sera permis de poser en principe qu'une accoutumance à l'usage de doses même tout à fait petites de ce poison ne peut pas être considérée comme une règle sans exception, et que par conséquent le médecin doit, dans chaque cas particulier, s'assurer avec le plus grand soin de la force derésistance de l'organisme. A plus forte raison devons-nous considérer comme douteuse l'accoutumance à des doses de plus en plus élevées d'arsenic. Dans ces derniers temps, quelques observations ont été publiées en faveur de ceux qui soutiennent la doctrine de l'accoutumance: à la Société des naturalistes de Graz, le docteur Kapp a présenté deux arsénicophages styriens, dont l'un, un jeune homme de vingt- cinq ans, avala, sans en éprouver aucune incommodité, sous les yeux de l'auditoire, 0gr, 4 d'acide arsénieux,
ARSENIC. — Usages thérapeutiques 219
Hébra a administré à des individus atteints de maladies cutanées, chaque jour, 0gr, 06 d'acide arsénieux, de manière à en faire absorber, dans l'espace de quelques mois, jusqu'à 10 grammes en tout; Kaposi a fait prendre à un malade, en douze mois, 22gr, 50 d'acide arsénieux.
En présence de ces faits nous ne pouvons nous refuser à admettre que des doses croissantes d'arsenic puissent être tolérées pendant un certain temps sans dommage immédiat; mais nous devons faire remarquer que rien ne montre, dans ces cas, combien de temps peut durer cette tolérance, et qu'on ne dit pas si les individus en question n'ont pas succombé à des maladies consécutives, par exemple à une dégénérescence des organes importants. Il manque toujours, pour résoudre la question, une longue série d'observations scientifiquement inattaquables ; les expériences faites par Gies sur les animaux (4°), les seules qu'on puisse utiliser à ce point de vue, sont contraires à la doctrine de l'accoutumance. Récemment Knapp et Buchner, dans le but de fixer exactement la quantité d'arsenic absorbée, ont analysé l'urine de quelques arsénicophages ; ils ont trouvé que la quantité d'arsenic éliminée oscillait entre 0,032 et 0,029; l'organisme de ces individus, jeunes ou vieux, était donc parcouru quotidiennement par une quantité d'arsenic triple de la dose maxima. Knapp n'observa point de phénomènes d'un empoisonnement chronique.
Usages thérapeutiques. — De toutes les substances médicamenteuses, il n'en est aucune qui ait eu autant de détracteurs et autant de proneurs enthousiastes que l'acide arsénieux. Dans ces derniers temps, on est un peu revenu, en Allemagne, des préjugés que l'on avait contre ce médicament, et son usage s'est un peu plus répandu. Voici ce que l'expérience nous apprend :
Fièvres intermittentes. — L'acide arsénieux a été beaucoup employé contre les fièvres intermittentes. Dès le dix-septième siècle on a discuté sur son utilité dans cette maladie (Wepfer, Helmont, etc.). Il est incontestable qu'il peut en amener la guérison ; des milliers d'observations le démontrent ; mais convenons aussi que nous possédons, dans la quinine, un agent plus sûr pour atteindre le même but, et beaucoup moins dangereux. Remarquons encore que la quinine réussit mieux dans les fièvres intermittentes d'origine récente, et de plus qu'elle peut seule être employée dans les fièvres intermittentes graves, pernicieuses, alors qu'il est urgent d'intervenir d'une manière très active. Il nous paraît donc irrationnel d'ériger l'emploi de l'acide arsénieux, contre la malaria, en une méthode complète de traitement, ainsi que quelques médecins ont prétendu le faire.
L'acide arsénieux ne doit pas pourtant être rejeté du traitement de ces fièvres. Il est certains cas, d'origine récente, dans lesquels, la quinine étant restée inefficace, l'acide arsénieux a déterminé la guérison. Cet avantage de l'acide arsénieux se manifeste encore plus souvent dans les fièvres intermittentes invétérées : et c'est surtout contre les fièvres quartes tenaces que les anciens auteurs le recommandaient. On prescrit, dans ces cas, six à dix gouttes de solution de Fowler, deux ou trois fois par jour. Dernièrement, l'acide arsénieux a été de nouveau préconisé contre la cachexie de la malaria (Isnard), cachexie qui est rare chez nous, mais qui s'observe fréquemment dans les pays marécageux. Rien de bien démontré là-dessus ; mais la ques-
220 ARSENIC. — Usages thérapeutiques
tion mérite d'être étudiée. Quant à l'utilité de l'acide arsénieux comme agent prophylactique, dans les pays où règne la malaria, elle aurait besoin d'être appuyée sur de nouveaux faits.
L'acide arsénieux a été très fréquemment prescrit dans le traitement des névroses. Isnard en recommande même l'emploi dans presque toutes les affections nerveuses sans altération anatomique. C'est surtout dans les cas de névralgies intermittentes qu'on pourra en retirer de bons avantages. Les névralgies intermittentes d'origine récente cèdent mieux à l'emploi de la quinine; mais celles qui sont anciennes, enracinées, peuvent être traitées avec plus de succès par l'acide arsénieux. Il est pourtant aussi certaines névralgies intermittentes récentes qui résistent à la quinine, et qui disparaissent sous l'influence de l'acide arsénieux. Les névralgies à forme ordinaire, n'affectant pas le caractère intermittent, peuvent aussi, dans quelques cas, être traitées avantageusement par l'acide arsénieux. D'après Romberg, celles dans lesquelles l'acide arsénieux se montre, en général, le plus utile, sont celles qui ont pour point de départ une lésion de l'utérus ou des ovaires, surtout si le sujet est en même temps anémique; car, s'il était, au contraire, pléthorique, non seulement l'acide arsénieux serait alors moins utile, mais il pourrait encore être nuisible. L'acide arsénieux a été essayé contre toutes les névroses, mais avec des résultats peu concluants. Il en est une pourtant dans laquelle l'acide arsénieux s'est montré réellement utile ; c'est la chorée. Tous les cas, il est vrai, n'en éprouvent pas la même influence favorable, et il est impossible de déterminer quels sont ceux qui s'y prêtent le mieux. Mais ce que nous pouvons dire, c'est que la cause de la maladie (rhumatisme, émotions, etc.) n'y est absolument pour rien. Remarquons encore que l'enfance n'est nullement une contre-indication pour l'emploi de l'acide arsénieux. Ce médicament mérite-t-il tous les éloges que lui donne Isnard, dans le traitement de l'état connu sous le nom de nervosisme? C'est ce que les observations, en se multipliant, pourront nous apprendre. A. Eulenberg dit avoir obtenu de bons résultats de l'emploi de l'acide arsénieux, en injection sous-cutanée, dans des cas de tremblement, ayant pour origine une altération des centres nerveux (par exemple une sclérose disséminée). Si le fait se vérifiait, ce serait un nouveau champ, bien vaste, ouvert à l'acide arsénieux. L'expérience prononcera et pourra nous dire si l'acide arsénieux influence favorablement la maladie occasionnelle, ou seulement les symptômes, s'il peut avoir la même utilité contre les tremblements alcooliques, saturnins, etc. Si nous nous en rapportons à quelques observations qui nous sont propres, nous devons reconnaître que jusqu'ici les résultats n'ont pas été bien brillants ; nous n'avons jamais obtenu la guérison, et nous nous demandons si l'amélioration observée est bien due à l'acide arsénieux, plutôt qu'aux conditions plus favorables dans lesquelles nos malades avaient été placés (séjour au lit, meilleure hygiène, etc.).
L'utilité de l'acide arsénieux dans quelques affections chroniques de la peau, notamment dans le psoriasis, l'eczéma et le lichen ruber universalis, est incontestable. C'est surtout contre le psoriasis idiopathique qu'il se montre efficace. Il ne suffit pas à lui seul, dans tous les cas, pour guérir cette affection ; il faut le plus souvent lui associer un traitement local. L'amélioration se manifeste, en général, dès le quatorzième jour qui suit le com-
ARSENIC. — Usages thérapeutiques 221
mencement du traitement, et la guérison demande encore plusieurs semaines. Hèbra reconnaît à l'arsenic une grande efficacité contre le psoriasis, en ce qu'il fait disparaître l'éruption ; mais il conteste sa puissance curative, car il n'empêche pas les récidives de se produire. Quant à l'eczéma, il n'est certainement pas aussi favorablement influencé que le psoriasis. On ne traitera pas par l'acide arsénieux les eczémas aigus, car ce traitement ne ferait qu'augmenter les accidents inflammatoires; on le réservera pour les cas chroniques, surtout si le mal est généralisé. Il nous est impossible de spécifier les conditions dans lesquelles ce traitement peut être plus particulièrement utile. Tout récemment, Koebner a préconisé l'acide arsénieux sous forme d'injections sous-cutanées dans le but de guérir le lichen ruber universalis.
Se fondant sur les résultats des expériences physiologiques de Saikowski, Leube a récemment essayé l'acide arsénieux dans le traitement du diabète sucré; il a vu, sous son influence, la quantité de sucre contenue dans les urines diminuer notablement, l'état général s'améliorer. Quelques auteurs confirment ces résultats; mais le plus grand nombre (parmi lesquels nous devons nous compter) n'ont obtenu de ce traitement aucun résultat favorable ; Kuelz et Furbringer, qui ont fait sur cette question des observations très rigoureuses, sont disposés à attribuer la diminution de l'élimination du sucre aux troubles digestifs et à l'absorption d'une moins grande quantité d'aliments.
Leared a récemment conseillé l'emploi de l'acide arsénieux dans certaines cardialgies, qui, ne s'accompagnant d'aucune altération palpable de l'estomac, surviennent ordinairement pendant la nuit, chez des personnes d'un âge moyen, à la suite d'excès de travail intellectuel. Nous avons plusieurs fois essayé ce médicament dans des cas de ce genre, et nous n'en avons jamais retiré que des avantages tout à fait passagers.
Dans ces dernières années on a beaucoup employé l'acide arsénieux dans le traitement de la tuberculose. Nous fondant sur nos observations personnelles, nous nous rangeons à l'opinion du plus grand nombre de cliniciens, qui considèrent aujourd'hui l'acide arsénieux comme absolument sans utilité dans le traitement de la tuberculose. Sans parler de son impuissance curative, il n'exerce pas même sur la marche , de la maladie une influence appréciable et ne modifie favorablement aucun symptôme.
Parmi la longue série d'états morbides dans lesquels l'acide arsénieux a été encore employé, nous signalerons les lymphomes malins (Billroth, Czerny). Dans plusieurs cas, ce médicament n'a produit aucun résultat; dans d'autres, son administration à l'intérieur ou son injection dans le tissu de la glande (une à six gouttes chaque jour) ont donné lieu à une régression manifeste du néoplasme, et parfois même la guérison en est résultée. Viniwarter, Israël, Karewski, Warfingh et autres, ont publié des observations qui confirment ces données; il est vrai que, dans ces cas de guérison, des récidives se sont produites ; mais un nouveau traitement a pu en avoir raison. Koebner a observé un cas de sarcomatose générale de la peau guérie par les injections arsenicales sous-cutanées.
Récemment on a publié quelques observations, d'après lesquelles la leucémie et l'anémie pernicieuse pourraient être guéries par l'emploi de l'arsenic (à l'intérieur ou en injections parenchymateuses dans la rate) ; il faut
222 ARSENIC. — Usages thérapeutiques
attendre de nouvelles expériences. Quant à l'emploi de l'arsenic dans le traitement de la chlorose simple, son efficacité est ici très douteuse. En tout cas, il faut bien se garder de prescrire ce médicament dans les cas où il existe un état dyspeptique.
Voici quelques remarques générales sur l'emploi de l'acide arsénieux. Les enfants le tolèrent très bien, contrairement à l'opinion générale; par contre, il donne lieu facilement, chez les vieillards, à des troubles de la digestion; aussi fera-t-on bien de s'en abtenir chez eux. On devra aussi s'en abstenir, d'une manière générale, chez les individus qui souffrent de troubles digestifs, de quelque nature qu'ils soient (catarrhe gastrique, etc.), de même que chez ceux qui ont de la. fièvre (à l'exception toutefois de la fièvre intermittente).
Le meilleur moment de la journée, pour ingérer l'acide arsénieux, est celui où l'estomac est plein d'aliments ; on devra donc conseiller aux malades de le prendre après les repas. Quand il s'agit d'en continuer l'usage pendant longtemps, faut-il débuter par de faibles doses, pour s'élever peu à peu à des doses plus fortes, ou bien aller en sens inverse? Là-dessus les opinions sont partagées 1. Aussitôt qu'on voit survenir des signes d'intolérance (pression épigastrique, troubles digestifs, sensation de constriction à la gorge, conjonctivite), on doit interrompre l'administration du médicament.
Extérieurement, l'acide arsénieux a été prescrit, et quelquefois avec succès, dans le traitement du psoriasis très invétéré. On en fait une pommade qu'on applique sur les parties malades. Mais c'est surtout comme caustique que l'acide arsénieux a été employé à l'extérieur : on s'en sert contre les affections cutanées à marche destructive, par exemple contre le cancer épithélial, les ulcères phagédéniques, mais surtout le lupus, et particulièrement le lupus scrofuleux. Cependant cette méthode de traitement perd tous les jours du terrain, et, dans le lupus en particulier, on lui préfère généralement le raclage; ce n'est que dans les ulcérations lupeuses superficielles qu'on la met encore en usage; on panse ces ulcérations, pendant quelques jours, avec des pommades arsenicales, 1 : 25 (Volkmann, Hébra). Les dentistes font aussi un fréquent usage de l'acide arsénieux, pour cautériser le nerf dentaire mis a nu dans les cas de carie.
DOSES ET PRÉPARATIONS. — 1. Acide arsénieux. — Intérieurement, 0,0010,005 pro dosi (jusqu'à 0,005 pro dosi! jusqu'à 0,02 pro die, d'après la pharmacopée allemande; jusqu'à 0.006 pro dosi, jusqu'à 0,012 pro die, d'après la pharmacopée d'Autriche), deux fois par jour, en poudre, en pilules ou en solution. On devra donner la préférence à la solution de Fowler (voyez plus bas) 2.
Extérieurement, comme caustique, on l'emploie en applications avec un pinceau, en lotions, fomentations (dans la proportion de 0,1 à 0,3 pour 100 de liquide dissolvant). Quand il s'agit de cautériser le nerf dentaire, ou lui associe la morphine et la créosote.
1 [On a coutume en France de débuter par de petites doses, qu'on élève ensuite peu à peu. 2 [Les granules d'acide arsénieux, exactement dosés à 1 milligramme de principe actif par granule, constituent aussi une préparation très commode. — la solution arsenicale de Boudin est simplement une solution de 1 gramme d'acide arsénieux dans 1000 grammes d'eau; 1 gramme de cette solution, autrement dit 20 gouttes, contient donc 0,00l d'acide arsénieux. - Les pilules de Dioscoride (Trousseau) contiennent chacune 0,002 d'acide arsénieux ]
ARSÈNIC. — Traitement de 1' empoisonnement aigu 223
2. Poudre arsenicale de Cosme. — Elle est composée de 120 parties de sulfure rouge de mercure, 8 parties de charbon animal, 12 parties de résine de sangdragon, 40 parties d'acide arsénieux. On en fait une pâte en la délayant avec de l'eau, on l'applique en une couche de 2 à 3 millimètres, qu'on recouvre de charpie. La cautérisation qui en résulte s'accompagne d'une vive douleur.
Pour préparer la solution d'arsènite de potasse ou liqueur de Fowler, on prend 1 partie d'acide arsénieux, de carbonate de potasse pur et d'eau distillée, on fait bouillir ce mélange jusqu'à ce que le liquide soit devenu limpide; puis on ajoute avec précaution de l'eau distillée en suffisante quantité, jusqu'à ce que 100 parties de la solution contiennent exactement 1 partie d'acide arsénieuxi. — Cette préparation, dans laquelle l'acide arsénieux est saturé par la potasse, est sans action locale sur la peau et les muqueuses. Elle a d'ailleurs toutes les propriétés générales de l'acide arsénieux.
Tout ce que nous avons dit à propos de l'emploi de l'acide arsénieux en thérapeutique s'applique particulièrement à la solution d'arsènite de potasse, car c'est cette solution qui est presque exclusivement employée.
DOSES. — Arsénite de potasse en solution. 2 à 5 gouttes, deux à trois fois par jour(jusqu'à 0,5 pro dosi! jusqu'à 2, 0 pro die, d'après la pharmacopée germaine; jusqu'à 0,5 pro dosi! jusqu'à 1,2 pro die, d'après la pharmacopée d'Autriche). Cette solution est prise pure ou mêlée avec de l'eau (1 : 3 d'eau distillée), le mieux un quart d'heure ou demi-heure après le repas. — Eulenburg injecte sous la peau, contre le-tremblement, un mélange de 1 de cette solution avec 2 d'eau distillée; il en injecte en moyenne la quantité correspondante à 20-30 divisions de la seringue de Pravaz. Comme on le voit, cette quantité est considérable; elle correspond à 0,15-0,2 de liqueur de Fowler; Eulenburg affirme pourtant n'avoir jamais observé d'accidents.
Traitement de l'empoisonnement aigu par l'acide arsénieux. — Il faut d'abord songer, s'il en est temps encore, à débarrasser l'estomac de l'acide arsénieux qu'il peut contenir, et cela au moyen d'un vomitif ou delà pompe stomacale. Pendant ce temps, on prépare l'antidote destiné à neutraliser le poison et à le rendre inoffensif; le plus rationnel est ce mélange d'hydrate de peroxyde de fer et de magnésie, dont il a été question à propos des ferrugineux (voyez, pour sa préparation et son mode d'emploi, page 136). Si l'on n'a immédiatement sous la main ni vomitif, ni pompe stomacale; ni contre-poison, on cherche à faire vomir le patient en irritant mécaniquement le pharynx ; puis, on lui fait avaler du lait, des boissons mucilagineuses. On devra aussi provoquer des évacuations alvines, au moyen de purgatifs drastiques ou de lavements, dans le but de faire sortir le poison qui pourrait se trouver contenu dans l'intestin.
Quant aux accidents généraux (collapsus, gastro-entérite, etc.), leur traitement est du ressort de la pathologie.
ISNARD (Ch.) de Marseille, De l'arsenic dans la pathologie du système nerveux. Paris, 1865. — MILLET (A.) dé Tours, De l'emploi thérapeutique des préparations arsenicales, 2e édit. Paris, 1865. — Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, art. ARSENIC par ROUSSIN et HIRTZ. Paris, 1865. — Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, art. ARSENIC par DELIOUX DE SAVIGNAC, 1rc série, t. VI. — GUBLER(Ad.) et LABBÉE, Commentaires thérapeutiques du Codex médicamentarius, 3e édition. Paris, 1885. — LOLLIOT (J.), Etude physiologique de l'arsenic. Paris, 1868. — SCOLOSÛBOFF, Sur la localisation de l'arsenic dans les tissus à la suite de l'usage des arsenicaux (Archives de physiologie, p. 653. Paris, 1875). — Annales d'hy1
d'hy1 liqueur de Fowler, telle qu'elle est prescrite par le Codex français, est préparée avec : acide arsénieux 1, carbonate de potasse pur 1, eau distillée 100 ; à quoi on ajoute, après dissolution complète par ébullition, 3 parties d'alcoolat de mélisse composé. 100 grammes de cette liqueur doivent représenter exactement 1 gramme d'acide arsénieux : 1 gramme, ou à peu près 20 gouttes, représente donc 0,01 d'acide arsénieux.]
224 PHOSPHORE. - Effets physiologiques
giène publique et de médecine légale, passim. - BOUCAUD, De l'action de l'arsenic sur la nutrition des tissus (Lyon médical, 22 avril 1877). - GARNIER (L.), Expériences sur la recherche toxicologique de l'arsenic, thèse de doctorat, Nancy, 1880. - CHAPUIS, Influence des corps gras sur l'absorption de l'arsenic, thèse de Lyon, 1880. - UNTERBERGER, Physiologiche Wirkungen der arsenigen Saure (Archiv fur experimentelle Pathologie und Pharmakologie, Band II, S 89. Leipzig, 1874. - TARDIEU et ROUSSIN, Etude médico-légale sur l'empoisonnement. Paris, 1875. BAECK (von), Zeitschrift fur Biologie, Band VII und XII, und Centralblatt, 1876.
II. Phosphore
On distingue : 1° le phosphore ordinaire, officinal, poison violent, et 2° le phosphore rouge ou amorphe, non toxique, qu'on obtient en faisant chauffer le précédent dans une atmosphère qui ne puisse pas l'altérer.
Le phosphore ordinaire est un corps blanc jaunâtre, demi-transparent, mou comme de la cire à la température ordinaire, devenant cassant à une basse température. Il laisse dégager à l'air des vapeurs blanches, d'une odeur alliacée, qui luisent dans l'obscurité. Il prend feu à 60°. Sa solubilité dans l'eau est très faible; il se dissout mieux dans l'alcool, l'éther, les huiles éthérées et grasses; le liquide qui le dissout le mieux est le sulfure de carbone.
Le phosphore amorphe est insoluble même dans le sulfure de carbone ; il ne prend feu qu'à 260°.
Effets physiologiques— Les effets du phosphore sur l'organisme diffèrent beaucoup suivant que cette substance est administrée à dose élevée ou àpetites doses longtemps répétées. Dans le premier cas, il exerce une action fortement irritante sur certains tissus, principalement sur les éléments parenchymateux spéciaux du foie, des reins, de l'estomac et des muscles, et cette action irritante a pour résultat de donner lieu, en peu de temps, à une dégénérescence graisseuse, à une nécrobiose des tissus affectés (Virchow). Dans le second cas, au contraire, les tissus dont il vient d'être question restent parfaitement sains, et l'action irritante du phosphore s'exerce sur des tissus tout différents, surtout sur les substances ostéogènes et sur le tissu interstitiel de l'estomac et du foie; et cette action irritante, au lieu de conduire, comme dans le premier cas, à une dégénérescence, a, au contraire, pour résultat une hypergenèse des tissus affectés. Dans le premier cas, il y a mort; dans le second, il y a, au contraire, suractivité des tissus irrités (Wegner). Aufrecht admet que, pour le foie, une même dose relativement très élevée de phosphore peut provoquer aussi bien une altération parenchymateuse qu'une altération interstitielle du tissu.
Il sera surtout question ici, à cause de leur importance pharmacologique, des effets d'hypergenèse produits par de très petites doses; ces effets ont été surtout mis en lumière par Wegner.
Ce que devient le phosphore dans l'organisme. — On croyait autrefois que le phosphore, étant à peine soluble dans l'eau, ne pouvait pas être absorbé en nature; on voulait donc voir la cause de l'empoisonnement, à la suite de l'ingestion du phosphore, dans l'hydrogène phosphore (HoppeSeyler et Dybkowsky) ou dans les acides phosphoreux et phosphorique (Leyden et Munk), se développant aux dépens du phosphore ingéré. Mais on sait aujourd'hui que 100 parties d'eau chaude peuvent dissoudre 0,000227 de phosphore, et que cette dissolution se fait encore mieux dans
PHOSPHORE. — Effets sur le système osseux 225
les graisses intestinales et dans la bile (dans la proportion de 0,01-0,026 sur 100). De plus, on a trouvé du phosphore en nature dans le sang, dans les tissus, dans les produits d'excrétion (Dybkowsky), et enfin on a constaté que l'injection directe du phosphore dans le sang donnait lieu aux symptômes toxiques qui caractérisent l'empoisonnement par le phosphore (Hermann). D'où l'on a conclu que le phosphore, introduit dans le tube intestinal, était absorbé en nature et que c'était à cette absorption qu'il fallait attribuer, pour la plus grande part, la production des phénomènes toxiques, une part tout à fait secondaire devant être faite aux acides phosphoreux, phosphorique et à l'hydrogène phosphore, qui peuvent se former, les premiers dans l'intestin et le sang, le second, dans l'intestin seulement.
Quant au mode d'action chimico-physiologique du phosphore, il est encore entièrement inconnu. Les phénomènes toxiques qui se produisent dans les tissus sous l'influence du phosphore (paralysie, dégénérescence graisseuse des cellules, augmentation de l'élimination de l'urée), et qui ressemblent beaucoup à ceux de l'empoisonnement par l'arsenic, devraient, d'après Binz, être interprétés de la même manière que ces derniers. « De même qu'au contact de l'eau et de l'air, le phosphore donnerait naissance, dans les cellules facilement oxydables de l'organisme, où il pénètre dissous dans les corps gras, à de l'oxygène actif, et c'est ce dernier, et non le phosphore, qui représenterait le principe véritablement agissant. Sa toxicité disparaît, quand on le fait passer à l'état de phosphore rouge, difficilement oxydable, ou quand on introduit après lui dans l'estomac de l'essence de térébenthine ozonisée, laquelle le transforme immédiatement en acides qui ne possèdent plus la propriété d'ozoniser l'oxygène. L'ozonisation de l'oxygène par le phosphore se fait très rapidement et développe par conséquent une action intense et rapidement destructive; avec l'arsenic, cette action demande plus de temps, est voins violente, mais en revanche elle dure plus longtemps et se reproduit ». En tout cas la consommation d'oxygène, la soustraction d'oxygène aux globules rouges du sang pour l'oxydation du phosphore, ne peut pas être considérée comme la cause de la toxicité de cette substance ; en effet, les calculs d'Hermann démontrent que 0,1 de phosphore, c'est-àdire une dose capable de donner la mort, ne consomme, pour se transformer en acide phosphorique, que 0,13 d'oxygène, ce qui évidemment est bien insuffisant pour expliquer la mort d'un homme adulte.
Le phosphore passe dans les urines en nature ou à l'état d'acide phosphorique. La présence de l'acide phosphoreux dans les urines n'a jamais été
constatée.
Effets produits par de petites quantités de phosphore administrées pendant longtemps
Sur le système osseux. — Les expériences de Wegner ont été faites sur des lapins, des chiens, des chats et des poules. Les doses quotidiennes de phosphore étaient assez petites pour ne produire aucun trouble du côté de l'estomac et du foie; elles étaient de 0,0015 pour les lapins arrivés à la moitié de leur développement; de 0,003 pour les lapins adultes et pour les poules jeunes. Les poules adultes supportaient avec facilité des doses encore plus considérables; les chiens et les chats, au contraire, étaient très sensibles à l'action du phosphore. Dans le cours de ses expériences, Wegner
NOTHNAGEL et ROSSBACH, Thérapeutique. 15
226 PHOSPHORE. — Effets sur le système osseux
put doubler la dose initiale, car les animaux s'habituaient au poison avec
assez de facilité.
Les modifications produites par le phosphore pouvaient être constatées le plus facilement chez les animaux qui étaient encore dans leur période de croissance, et chez lesquels, comme on sait, les os sont un peu différents de ceux des adultes.
Voici les faits : Dans tous les points où le cartilage donne naissance à de la substance osseuse spongieuse, il se produisait, au lieu de cette substance osseuse à mailles rouges, contenant beaucoup de tissu médullaire rouge, un tissu dur, compact, entièrement pareil à celui de la masse osseuse qui forme la partie corticale des os longs. Ce tissu montrait tous les caractères microscopiques du tissu osseux parfaitement développé ; les grands espaces médullaires s'étaient rétrécis jusqu'à avoir la largeur ordinaire des canalicules de Havers de la substance compacte des os, la plus grande partie des cellules cartilagineuses proliférées ne s'étant pas transformées en cellules médullaires, mais en corpuscules osseux. Quant à la substance osseuse spongieuse déjà formée avant le commencement du traitement, elle n'avait subi absolument aucune modification.
L'usage du phosphore étant continué, le cartilage intermédiaire des os longs continuait à donner naissance à du tissu osseux condensé, tandis que la substance spongieuse, déjà formée avant le début de l'empoisonnement, se fondait de plus en plus, suivant la loi physiologique, et se consumait pour former la cavité médullaire. Au bout d'un certain temps, toute la substance spongieuse normale, au niveau des extrémités de la diaphyse, était remplacée par du tissu osseux compact, solide.
Si l'usage du phosphore était encore continué, la substance osseuse formée d'une manière anormale obéissait à son tour à la loi physiologique de la fonte ; les couches les plus anciennes, le plus repoussées vers le centre, se raréfiaient et finissaient par se transformer en tissu médullaire rouge.
Le tissu osseux formé par le périoste et présidant à l'accroissement de l'os en' épaisseur éprouvait des modifications semblables ; seulement ces modifications n'étaient appréciables qu'au microscope et consistaient en un rétrécissement considérable des canalicules de Havers.
En même temps les animaux ainsi traités par le phosphore paraissaient se développer plus fortement : leur système osseux, ainsi que leurs muscles, offraient un accroissement plus considérable; l'écorce osseuse était, en tous cas, devenue plus épaisse, aux dépens de la largeur de la cavité médullaire.
Chez les animaux adultes, le phosphore déterminait aussi une condensation de la substance spongieuse; chez les poules particulièrement, la cavité médullaire finissait par être entièrement oblitérée par de la substance osseuse véritable, de sorte qu'on avait alors un os parfaitement solide, au lieu d'un os muni d'un canal central.
Lorsque, chez les animaux en voie d'accroissement, on interrompait de temps en temps l'administration du phosphore, on trouvait, à partir du cartilage intermédiaire, des couches alternantes de tissu condensé, compact, et de tissu ordinaire à mailles larges.
Les os, chez les animaux ainsi traités par le phosphore, n'avaient pas une composition différente de celle des os normaux. Les proportions de la.
PHOSPHORE. — Effets sur le système osseux 227
substance inorganique et de la substance organique n'avaient pas changé, les phosphates n'étaient pas en plus grande quantité.
Wegner a trouvé encore que cette influence sur le système osseux était due au phosphore même, au phosphore seul, et nullement à ses produits de transformation, et que cette influence était la conséquence d'une irritation (?) formative spécifique exercée sur les tissus ostéogènes. Ce n'est pas à un excès de phosphates dans le sang qu'est due cette formation exagérée de tissu osseux ; Wegner, en effet, ayant soustrait les sels nutritifs, par conséquent aussi les phosphates, à l'alimentation des animaux soumis au traitement par le phosphore, a constaté que, chez ces animaux, la même substance osseuse compacte, anormale, se développait au niveau des épiphyses, avec cette différence pourtant que ce n'était pas un véritable tissu osseux dur, mais seulement un tissu ostéoïde extrêmement compact, tel que celui qu'on trouve dans les os des individus rachitiques.
Jusqu'ici une seule expérience a été faite sur l'homme, par Wegner même ; le résultat a été que les os humains subissaient de la part du phos - phore la même influence que ceux des animaux.
Kassowitz a confirmé dans ce qu'elles ont d'essentiel les données de Wegner; se fondant sur de nombreuses expériences, il conclut que la couche compacte dans les os des animaux empoisonnés par le phosphore résulte de ce que le phosphore entrave le développement des vaisseaux dans la moelle en même temps que la formation de la cavité médullaire. Quant à un accroissement du développement des cartilages ou à une accélération de la néogénèse osseuse, ils n'ont absolument jamais lieu.
A la suite de l'administration de doses élevées, on voit se manifester nettement des phénomènes inflammatoires; le développement de l'espace médullaire dans la zone de condensation est très intense; la moelle ne possède qu'un petit nombre de cellules graisseuses et est traversée par des cordons remplis de vaisseaux sanguins; dans un cas, il s'est formé à l'extrémité du tibia de larges cavités sanguines, entre lesquelles persistaient seulement quelques minces cloisons médullaires; le périoste fortement hypérhémié laisse déposer des végétations ostéoïdes sur la substance compacte. Chez les poules, on peut même observer, sur tous les os longs, une dissolution complète des épiphyses, consécutive à une fonte rapide. L'oblitération de la cavité médullaire est toujours le produit d'une ostéomyélite ossifiante; cette ostéomyélyte est toujours en connexion avec les autres phénomènes inflammatoires et n'a par conséquent rien de commun, au point de vue génétique, avec la couche de condensation subépiphysaire.
D'après Kassowitz, le phosphore (de même que l'arsenic) aurait pour action fondamentale, à petites doses, de restreindre la prolifération vascuculaire et de maintenir à l'état de contraction les vaisseaux nouvellement formés; à hautes doses, de déterminer une dilatation des vaisseaux et une prolifération vive, et de faire naître ainsi dans les os les phénomènes ci-dessus décrits. Ces effets sont indépendants du système nerveux, parce qu'ils se manifestent même après sa section.
Les vapeurs de phosphore, agissant directement sur le périoste, donnent lieu, si elles sont modérément concentrées, à une périostite ossifiante; si elles sont très concentrées, elles déterminent aussi de la suppu-
228 PHOSPHORE. — Empoisonnement aigu et subaigu
ration et, notamment chez les ouvriers des fabriques d'allumettes, la nécrose des os maxillaires, surtout du maxillaire inférieur. Ce processus, chez ces ouvriers, a toujours son point de départ au niveau des dents cariees et doit donc être considéré comme le résultat d'une action directe, locale, du
phosphore.
Les embryons des femelles d'animaux empoisonnées par le phosphore présentent les mêmes altérations anatomo-pathologiques que leurs mères; la dégénérescence graisseuse du foie et les ecchymoses de l'estomac, en particulier, ne font jamais défaut. Le phosphore doit donc traverser dans un état actif le placenta (Miura).
Effets produits par le phosphore, à doses moyennes, longtemps continuées, sur le canal digestif, sur le foie et sur les organes respiratoires
Les petites doses, qui exercent sur le développement du tissu osseux l'influence ci-dessus décrite, ne produisent pas d'autres troubles : point de troubles nutritifs, point d'altérations fonctionnelles ni anatomiques. Elevez lentement ces doses, sans toutefois, les élever au point de provoquer une intoxication aiguë ou chronique, et vous donnerez lieu à une irritation du tissu conjonctif interstitiel du foie et de l'estomac, et cet effet se produira, soit que vous ayez introduit le phosphore dans les voies digestives, soit, que vous en ayez fait inspirer les vapeurs. Vous verrez se produire une gastrite indurative chronique (hyperhémie, infarctus hémorragiques, épaississement extraordinaire de la muqueuse de l'estomac, par suite d'un énorme développement du tissu conjonctif interstitiel, à peine marqué à l'état sain) et une hépatite interstitielle chronique, avec ictère et disparition de la substance hépatique (atrophie lobulaire ou granuleuse, cirrhose). Ces effets, observés par Wegner sur les animaux, concordent avec ceux observés chez les ouvriers des fabriques d'allumettes.
L'inhalation des vapeurs de phosphore détermine souvent de la bronchite, chez les animaux ainsi que chez l'homme; on a encore vu se produire, chez l'homme, des inflammations pleuro-pulmonaires.
Empoisonnement aigu et subaigu produit par des doses élevées de phosphore. — Cet empoisonnement s'observe habituellement chez des personnes qui se sont suicidées à l'aide du phosphore des allumettes.
La dose la plus petite qui puisse déterminer la mort, chez l'adulte, est celle de 5 centigrammes ; chez les enfants, il suffit de quelques milligrammes. L'action toxique se produit surtout facilement quand le phosphore est réduit en poudre très fine ; lorsque, au contraire, c'est un morceau compact, même volumineux, qui a été ingéré, ce morceau de phosphore peut parfaitement traverser les voies digestives sans être absorbé et sans donner lieu à aucun accident.
Les accidents ne se produisent que plusieurs heures après l'ingestion du poison. La mort n'arrive qu'au bout de quelques jours, même au bout de plusieurs semaines.
Phénomènes locaux. — Ils sont peu marqués. Ils consistent eu des inflammations de l'estomac, et en des ulcérations superficielles existant au niveau des points où de petits morceaux de phosphore ont séjourné pendant quelque temps. Comment se produisent ces altérations? Il ne faut pas les
PHOSPHORE. — Effets sur le foie 229
attribuer à une action caustique du phosphore lui-même (Schultzen, Riess, Hermann) ; car le phosphore, introduit sous la peau, ne détermine aucune lésion, et une solution d'albumine n'en est nullement altérée. D'après Munk et Leyden, ce sont les produits d'oxydation du phosphore qui, se trouvant à l'état naissant, attirent à eux l'eau des tissus et détruisent ainsi ces tissus. Nous avons donné plus haut l'explication deBinz. Des altérations ci-dessus mentionnées résultent les phénomènes suivants : douleurs d'estomac, nausées, vomissements de matières qui luisent dans l'obscurité, qui ont une odeur alliacée, et qui parfois sont sanguinolentes.
Phénomènes généraux. — Ils sont en majeure partie le résultat de métamorphoses graisseuses dans la plupart des organes.
Cette dégénérescence graisseuse ne débute que quelque temps après la disparition des phénomènes locaux dont il a été question ci-dessus, c'est-àdire à un moment où les animaux se sont remis dans un état relativement satisfaisant.
Début du côté des fonctions digestives : douleur dans le creux épigastrique, nausées, vomissemeets, diarrhée. Les altérations, constatées à l'autopsie, sont en ce moment les suivantes : gonflement de là muqueuse gastro-intestinale, surtout marqué au niveau du duodénum (Munk et Leyden) ; dégénérescence graisseuse des cellules des glandes (Virchow), ainsi que des fibres musculaires du canal digestif.
Ensuite se manifestent, du côté du foie, les altérations suivantes : foie gras, dégénérescence graisseuse et gonflement des cellules épithéliales des conduits biliaires, et compression de ces conduits ; de là résultent la tuméfaction du foie et l'ictère.
D'après Aufrecht, le phosphore provoque tout d'abord dans les cellules du foie une série de processus chimiques, qui donnent lieu à la formation de granulations albuminoïdes et de gouttelettes graisseuses dans l'intérieur du protoplasma des cellules hépatiques, mais sans en déterminer la mort, car, si la dose n'a pas été trop élevée et si la vie s'est maintenue, on voit se produire un complet rétablissement des cellules du foie. Mais si l'on réitère l'administration dés doses de phosphore, les cellules hépatiques ne peuvent plus donner naissance à des granulations albuminoïdes ni à des gouttelettes graisseuses; elles restent à l'état de cellules brillantes, pâles, pourvues d'un noyau distinct. Des déterminations directes de la quantité de graisse et d'eau contenue dans les foies des animaux empoisonnés par le phosphore (v. Stark) et la comparaison de la quantité de graisse contenue dans les foies et de celle contenue dans tous les autres organes, chez des animaux empoisonnés ou non empoisonnés, permettent d'admettre que de la graisse nouvelle ne se forme pas seulement dans le foie, mais qu'il s'y fait un transport considérable venant des autres organes (Léo). D'ailleurs, si toute la graisse du foie, dans l'empoisonnement par le phosphore, provenait des substances albumineuses, les échanges azotés devraient être encore plus actifs qu'ils ne le sont réellement. En outre, l'emploi fréquent de quantités égales de phosphore détermine une altération morbide du tissu interstitiel.
Il a été constaté, chez de jeunes lapins, que la matière glycogène avait déjà entièrement disparu du foie, un jour ou un jour et demi après que ces animaux avaient pris 0,02 à 0,03 de phosphore.
230 PHOSPHORE. — Influence sur les échanges nutritifs
Chez les grenouilles, les lapins ainsi que chez d'autres animaux, le coeur a présenté les symptômes d'une atteinte profonde ; ses battements deviennent de plus en plus faibles, la pression sanguine baisse de plus en plus, et enfin survient une paralysie cardiaque complète et la mort ; le centre vaso-moteur n'y participe nullement ; la dégénérescence graisseuse du tissu musculaire cardiaque n'est pas la seule cause de cet affaiblissement du coeur (H. Meyer).
Les muscles des membres subissent aussi une dégénérescence graisseuse; il se manifeste des douleurs musculaires, un état de faiblesse extrême et même de la paralysie.
En même temps, hémorragies se produisant au niveau des muqueuses (nasale, gastro-intestinale, utérine); l'hémorragie menstruelle peut devenir très abondante et continue. On observe même des épanchements sanguins dans le tissu cellulaire sous-cutané. Ces effets sont dus à la dégénérescence graisseuse qui envahit les parois vasculaires, même les plus fines (Wegner), ainsi qu'à la très difficile coagulabilité du sang. Ce dernier fait était déjà connu depuis longtemps (Schuchart). Même vingt heures après la mort, on trouve encore le sang non coagulé.
Mêmes altérations du côté des reins : dégénérescence graisseuse des cellules éphithéliales ; d'où rareté des urines, dans lesquelles existent de l'albumine et du sang. On trouve aussi dans ce liquide, consécutivement à l'ictère existant, de là matière colorante biliaire et des acides biliaires.
La température reste souvent normale jusqu'à la fin; à ce moment elle tombe subitement. Parfois, au début, elle subit une élévation marquée (39°,6 C, Mannkopf).
Quant au système nerveux, il ne présente rien de particulier. Les individus empoisonnés conservent en général leur connaissance jusqu'à la fin ; à ce moment il peut survenir du délire, du coma; mais ces phénomènes ne proviennent pas directement de l'action du poison ; ils ne sont que secondaires, et sont le résultat de l'état de faiblesse du coeur, de l'ictère, etc. On a encore noté, chez les personnes empoisonnées par le phosphore, des douleurs intenses dans la tête et le long de la colonne vertébrale, de l'anesthésie cutanée, de la dilatation des pupilles, des troubles de la vue et de l'ouïe.
Influence du phosphore sur les échanges nutritifs. — Sous l'influence du phosphore, la désassimilation de l'albumine s'accroît et les processus d'oxydation décroissent.
A un chien à jeun depuis plusieurs jours, et chez lequel la quantité d'azote excrétée était devenue uniforme, Bauer et Voit administrèrent de petites doses de phosphore ; il en résulta une augmentation considérable de la quantité d'urée excrétée (jusqu'au triple de la quantité normale). Même résultat obtenu par Lebert et Wyss, Panum et Storch. Mais, d'un autre côté, l'élimination de l'acide carbonique offrit une diminution de 47 pour 100; l'absorption de l'oxygène, une diminution de 45 pour 100. Bauer conclut de là que c'est la graisse, produite en grande quantité par la forte désassimilation de l'albumine, qui, ne pouvant pas être brûlée, vu l'insuffisance de l'oxygène, donne lieu à la dégénérescence graisseuse des organes ; la source de la graisse, chez les chiens soumis à un jeûne de douze jours, ne pouvait être que dans l'albumine des organes. Les produits
PHOSPHORE. — Emploi thérapeutique 231
de désassimilation azotés eux-mêmes ne se transformeraient pas complètement en urée, mais s'arrêteraient à un certain degré de leur métamorphose ; c'est ce que ferait penser la présence de la leucine et de la tyrosine dans les organes et dans le sang des chiens soumis à l'action du phosphore.
Chez des hommes empoisonnés par le phosphore, et chez lesquels commençaient à apparaître des phénomènes généraux très graves, Schultzen et Riess constatèrent une diminution considérable de l'urée, à la place de laquelle existaient d'autres matières azotées anormales qui, à une observation superficielle, pouvaient facilement faire croire à l'existence d'une grande quantité d'urée ; dans des cas qui se terminèrent par la mort, ils trouvèrent toujours, comme Kohts, de l'acide lactique. Ils ne déterminèrent pas la quantité générale d'azote (urée + produits de division plus élevés) ; ils paraissent pourtant admettre que le phosphore n'exerce aucune influence sur la quantité d'azote excrétée ; opinion qui, ce nous semble, a été réfutée complètement par Bauer.
De même que Voit, Schultzen et Riess ont constaté que l'albumine de l'organisme se décomposait bien en éléments azotés et en éléments non azotés, mais qu'elle n'arrivait pas à former par sa combustion les produits terminaux normaux ; les produits de décomposition diffusibles, tels que les substances du genre des peptones et l'acide lactique, s'élimineraient, tandis que les produits colloïdes, tels que les graisses, s'amasseraient dans les endroits où ils prennent naissance.
D'autres théories ont été émises sur le mode d'action du phosphore ; ce sont de pures hypothèses dont nous ne parlerons pas.
Emploi thérapeutique. — A diverses époques le phosphore a été employé par les médecins-; on a toujours fini par l'abandonner, à cause des résultats peu encourageants qu'on en obtenait. On l'a recommandé pour combattre l'état typhique ; il a été souvent prescrit contre diverses affections du système nerveux, dans les simples névroses, aussi bien que dans les altérations anatomiques du tissu nerveux. Dernièrement il a été préconisé contre les névralgies. Nous n'avons jamais eu recours au phosphore dans aucune de ces affections; nous n'insisterons donc pas là-dessus.
Les récentes expériences de Wegner semblent nous offrir une base physiologique sur laquelle on pourrait établir l'emploi du phosphore dans diverses affections des os, notamment dans le rachitisme, dans les cas de lenteur dans la formation du cal, dans la carie, l'ostéomalacie ; c'est à l'observation clinique à décider. W. Busch a constaté que, dans des cas de carie qui semblaient marcher naturellement vers la guérison, l'administration du phosphore ne hâtait nullement le processus curatif ; il en a été de même dans le rachitisme. Mais il a vu, d'un autre côté, le phosphore exercer une influence favorable très nette dans l'ostéomalacie, maladie considérée jusqu'ici comme incurable ; dans deux cas de cette affection les os acquirent de la solidité à la suite de l'usage du phosphore. Nous avons vu nous-mêmes, dans un cas très accentué de cette maladie, l'endolorissement disparaître et les os devenir solides ; mais nous devons réserver notre jugement à ce sujet, la malade en observation ayant été soumise, en même temps qu'à l'usage du phosphore, à un genre de vie plus tranquille et à un régime alimentaire meilleur.
232 PHOSPHORE. — Emploi thérapeutique
Kassowitz a, dans ces dernières années, fait de nombreuses expériences sur le traitement du rachitisme par le phosphore ; il prenait pour base ses vues théoriques sur l'essence du processus rachitique, d'après lesquelles les troubles morbides locaux dans les os ont une bien plus grande importance que l'état morbide général. Les résultats pratiques qu'il a obtenus ont été extrêmement favorables ; le phosphore, d'après lui, agirait directement sur le siège de la maladie, et devrait par conséquent être considéré comme un agent curatif direct, spécifique, du rachitisme : tous les symptômes de cette affection, principalement ceux qui ont pour siège la charpente osseuse, éprouvaient, sous l'influence du traitement par le phosphore, des modifications remarquablement avantageuses ; Kassowitz fait ressortir notamment l'influence curative du phosphore sur les accès de spasme laryngien. Il fait observer que, pour obtenir cette action curative, il suffit d'employer de petites doses (un demi milligramme par jour pour les enfants de n'importe quel âge), que des doses plus élevées ne feraient qu'entraver la guérison et que ce traitement doit être continué pendant plusieurs mois.
Ces résultats favorables ont été pleinement confirmés par quelques observateurs ; d'autres ne les ont confirmés qu'en partie ; quelques-uns enfin ont mis en doute cette influence du phosphore sur la guérison du rachitisme. Et si celte question ne peut pas encore être considérée comme définitivement résolue, si notamment il est encore très douteux que le phosphore puisse être regardé comme un spécifique contre le processus rachitique, il n'en est pas moins vrai qu'en présence d'un cas de cette affection, surtout si le cas est grave, non seulement on peut, mais encore peut-être on doit, avoir recours à l'emploi du phosphore.
Quant a son emploi à l'extérieur, il est entièrement inutile.
DOSES ET PRÉPARATIONS. — 1. Phosphore. — 0,0005-0,001 pro dosi (jusqu'à 0,001 pro dosi! jusqu'à 0,005 pro die!). On le prescrit dans de l'alcool, de l'éther, une huile grasse, de l'huile de morue et dans des véhicules mucilagineux (verres noirs) ; encore mieux sous la forme pilulaire (avec gomme arabique et poudre de gomme adragante.
2. Huile phosphorèe. — 1 de phosphore sur S0 d'huile d'amandes. Préparation tout à fait superflue.
Traitement de l'empoisonnement par le phosphore. — Si l'on peut agir dans les premiers moments qui suivent l'ingestion du poison, et même pendant les premières vingt-quatre heures, on cherchera à débarrasser le tube digestif du poison qu'il contient, au moyen de la pompe stomacale, de l'émétique et des purgatifs, auxquels on préférera pourtant les lavements. Mais il faudra avoir grand soin d'éviter l'emploi des purgatifs huileux, ainsi que des substances grasses, telles que le lait, le jaune d'oeuf. Bamberger a recommandé l'usage du sulfate de cuivre. Il veut qu'on l'emploie, non seulement comme vomitif, mais enore, à petites doses, comme antidote direct. En effet, le sulfate de cuivre est facilement réduit par le phosphore, même par le phosphore à l'état de vapeur ; il se forme un phosphure de cuivre qui est peu soluble et par conséquent peu actif. On a encore recommandé l'essence de térébenthine, contenant de l'oxygène. L'efficacité de cette substance a ete tout récemment l'objet des recherches de Wohler ; il en sera question à l'article Terebentine. On en fera prendre 1 à 2 grammes tous les quarts d'heure ou toutes les demi-heures, jusqu'à ce qu'on ait employé en tout 5 à 10 grammes. Les autres antidotes recommandés contre l'empoisonnement par le phosphore, tels que
ANTIMOINE. — Tartrate d'antimoine et de p o t asse : Action p h y s i olgique 233
la magnésie, l'eau chlorée, etc., sont aujourd'hui peu en usage ; on a reconnu qu'ils n'avaient pas autant d'efficacité que le sulfate de cuivre et l'essence de térébenthine.
Si le poison a eu le temps d'être absorbé, et qu'on se trouve en présence des phénomènes toxiques, on cherchera à les combattre par les moyens appropriés. L'efficacité de la transfusion n'a pas été suffisamment démontrée.
LÉCORCHÉ, Étude physiologique clinique et thérapeutique du phosphore (Archives de physiologie normale et pathologique. Paris, 1868, p. 571 et 1869, p. 97 et 488). — MEHU (C.). Sur les différents modes d'administrer le phosphore en nature (Bulletin de thérapeutique, 1875, 1. LXXXVIII, p. 356 et 408). — TARDIEU et ROUSSIN, Etude médico-légale et clinique sur l'empoisonnement, 2e édition. Paris 1875. — LEMAIRE (Eugène). De l'emploi thérapeutique du phosphore dans quelques affections du système nerveux, thèse de doctorat. Paris 1875, 4 mai. — PROUST. Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, art. PROFESSIONS. Paris, 1880. — WEYL, Archiv der Heilkunde, 1848, S. 163. — SOTXITSCHEWSKY, Zeitschrift fur physiologische Chemie, Band III, S. 391, 1879.
III. Antimoine
Tous les composés d'antimoine, solubles et absorbables présentent, dans leurs effets physiologiques généraux, de grandes ressemblances entre eux ainsi qu'avec les composés de phosphore et d'arsenic. Parmi les nombreuses préparations antimoniales autrefois recommandées, il n'en est guère aujourd'hui que trois qui soient encore en usage.
1. Tartrate d'antimoine et do potasse, tartre stibié
Le tartrate d'antimoine et de potasse, ou tartre stibié, ou èmètique, 2(C4H4K(SbO)06) + H 20, se présente sous forme de cristaux qui s'effleurissent et perdent leur transparence à l'air sec. Ils se dissolvent facilement dans l'eau, dans 17 parties d'eau froide, dans 3 parties d'eau bouillante ; ils sont insolubles dans l'alcool. Les alcalis et l'acide tannique en décomposent facilement les solutions aqueuses, en déterminant la production, d'un précipité d'oxyde d'antimoine ou de tannate d'antimoine.
Action physiologique. — Nobiling avait prétendu démontrer, par des expériences directes, que la partie vraiment active, dans le tartrate de potasse et d'antimoine, celle qui donnait lieu aux effets sur le système nerveux et sur le coeur, c'était le potassium ; l'antimoine, d'après cette opinion, ne produirait que les effets qui se manifestent sur le tube gastro-intestinal. Les expériences de Buchheim, de Radziejewski et d'autres, ont entièrement réfuté cette opinion, en démontrant que les autres sels antimoniaux solubles, dans la composition desquels n'entre pas l'élément potassium, tels que le. tartrate d'antimoine, le tartrate d'antimoine et de soude, divers composés chlorés de l'antimoine, etc., produisent exactement les mêmes effets que le tartre stibié sur le coeur et le système nerveux. Et, d'ailleurs, il est facile de voir que la quantité tout à fait minime de potassium, qui existe dans une dose vomitive détartre stibié, serait entièrement impuissante par elle-même à provoquer des phénomènes appréciables sur le coeur et le système nerveux,. et pourtant ces phénomènes se manifestent même avec une dose d'émétique, bien inférieure à la dose vomitive, avec une dose de 0,001-0,01. C'est ce qui résulte des expériences faites par Nobiling lui-même sur sa propre personne.
Ce que devient le tartre stibié dans l'organisme. — Le tartre stibié
234 ANTIMOINE. —Effets généraux du tartre stihié
peut pénétrer dans le sang à travers la peau privée de son épiderme et à travers toutes les muqueuses. Il est très probablement absorbé en nature ; on sait, en effet, que les liquides acides de l'estomac ne le décomposent que difficilement et que les liquides alcalins de l'intestin ne le décomposent qu'avec une grande lenteur. Il faut remarquer que tout le tartre stibié, introduit dans l'estomac, est loin d'être absorbé; une grande partie est rejetée parles vomissements, et une partie plus petite, décomposée et rendue insoluble, est rejetée avec les selles
Injecté directement sous la peau ou dans le sang, le tartre stibié, en s'éliminant, arrive sur la muqueuse stomacale; la bile en verse aussi dans l'intestin ; de sorte qu'il produit alors les mêmes effets que s'il avait été administré parles voies digestives, c'est-à-dire qu'il est évacué par les vomissements et par les selles. L'élimination finale se fait par les urines, ainsi que par la sueur. On a trouvé, dit-on, de l'antimoine dans divers organes, par exemple dans le foie et les os, plusieurs semaines et même plusieurs mois après l'ingestion du tartre stibié (Taylor, Millon et Laveran).
Effets généraux produits par le tartre stibié. — Voici le tableau des symptômes notés sur eux-mêmes par Meierhofer et Nobiling, qui prirent tous les jours, pendant un certain temps, de petites doses de tartre stibié. Ils commencèrent par 0,001 et s'élevèrent progressivement à 0,01; humeur difficile, pesanteur de tête, abattement dans les membres, sensations de tiraillement et de déchirure dans les articulations, frissons, sécrétion d'une plus grande quantité de salive, langue pâteuse, soif avec sentiment intérieur de chaleur, afflux du sang vers la tête, somnolence, sommeil avec rêves pénibles; pouls fréquent, irrégulier; vertiges, éblouissements ; face pâle, abattue ; yeux enfoncés, entourés d'un cercle bleu ; accumulation de mucus dans le pharynx, difficulté à avaler.
L'usage du tartre stibié étant continué, voici ce qui fut observé ; diminution de l'appétit, sensation de pression à l'épigastre, douleurs intestinales vives, se renouvelant fréquemment, nausées, anxiété, bâillements fréquents, dyspnée, sentiment d'angoisse extrêmement pénible dans la poitrine et au coeur ; abdomen tendu, douloureux à la pression ; selles plus fréquentes, demi-liquides, ou, au contraire, constipation; sensation de froid sur toute •la surface de la peau ; augmentation de l'excrétion urinaire, non dépendante du tartre stibié, mais simplement due à la plus grande quantité d'eau ingérée, battements du coeur de plus en plus faibles et lents; soulèvement thoracique, répondant à la pointe du coeur, plus étendu, mais moins intense qu'à l'état normal; visage défait; prostration générale ; amaigrissement.
La dose de 0,01 ayant été atteinte, les observateurs continuèrent leur expérience avec cette dose, et virent alors les phénomènes s'aggraver; éructations, efforts de vomissement, selles fréquentes, liquides, muqueuses, bilieuses ; étendue plus grande de la matité hépatique, douleur dans la région du foie ; coliques ; tranchées persistantes ; démangeaisons à la peau; augmentation de l'excrétion du mucus ; sensation de stase dans la petite circulation.
Voyant de l'albumine apparaître dans ses urines, Nobiling interrompit l'expérience ; Meierhofer constata aussi le même fait. L'expérience avait duré quatorze jours, et, pendant ce temps, le poids du corps avait diminué
ANTIMOINE. — Effets du tartre stibié sur les tissus 235
de 3 kilogrammes 1/2. L'appétit ne commença à revenir que trois jours après l'interruption de l'usage du poison ; mais ce ne fut qu'au bout de deux mois que les phénomènes toxiques disparurent totalement.
Si la dose est élevée (à partir de 0,1), il se produit des symptômes d'inflammation gastro-intestinale qui présentent une grande ressemblance avec ceux que détermine l'ingestion de l'acide arsénieux. C'est une douleur. vive le long de l'oesophage et dans l'abdomen, des vomissements violents et, un peu plus tard, de la diarrhée. En même temps, la prostration est extrême et peut même aller jusqu'à la syncope et la mort ; le pouls devient filiforme, fréquent, irrégulier ; la respiration est superficielle ; le malade ne peut pas se tenir debout : il a la peau couverte d'une sueur froide ; il est cyanose.
On a observé des cas dans lesquels les phénomènes de collapsus existaient seuls, sans symptômes de gastro-entérite.
Un homme adulte peut être tué par une dose de 0,5. Il peut même suffire, comme nous venons de le voir, d'une dose encore plus petite pour déterminer la mort, et cela surtout si l'activité cardiaque est affaiblie par une cause quelconque chez la personne qui ingère le tartre stibié. Aussi est-on étonné quand on lit que d'anciens médecins ont prescrit à leurs malades, atteints d'affections fébriles, des doses de 15 grammes et au-dessus, et cela sans déterminer d'accidents. Nous voulons bien croire à la possibilité de ces faits, bien qu'ils ne soient pas entourés de garanties complètes ; il est possible que, sous l'influence d'une fièvre vive, la muqueuse digestive n'ait absorbé le poison qu'en petite quantité, ou encore que le système nerveux ait réagi alors autrement qu'à l'état normal, ou enfin que le poison ait été en grande partie rejeté par les vomissements. Quoi qu'il en soit, c'était une grande imprudence d'administrer de pareilles doses; il faut en convenir, surtout aujourd'hui, que l'on connait mieux l'action du tartre stibié et qu'on sait qu'il peut déterminer des altérations organiques très graves.
Effets du tartre stibié sur les éléments des tissus et sur les divers organes. — De même que le phosphore et l'arsenic, le tartre stibié n'a aucune affinité chimique pour l'albumine ; il ne précipite pas les substances albumineuses de leurs solutions (à moins qu'on n'ait ajouté préalablement un acide libre), il ne soustrait point l'eau aux tissus. Et d'ailleurs, son action inflammatoire se produit trop lentement pour qu'on puisse l'assimiler à une action caustique. Hermann fait remarquer, à ce sujet, que les effets phlogogènes du tartre stibié ne se produisent pas seulement sur le point d'application, mais encore sur des points éloignés; ainsi une friction faite avec du tartre stibié sur là peau détermine l'apparition d'ulcérations sur la muqueuse Stomacale, de même que l'ingestion de tartre stibié dans l'estomac fait naître des ulcérations sur la peau; et pourtant, dans les deux cas, le poison ayant traversé la circulation, ses affinités auraient bien eu le temps de se saturer.
Peau. — Appliqué directement sur la peau, le tartre stibié y détermine l'apparition d'une éruption pustuleuse. Ces pustules peuvent donner lieu à des ulcérations profondes ; elles laissent après elles des cicatrices bien marquées. D'après Falck, cette production de pustules par le tartre stibié n'au-
236 ANTIMOINE. - Effets du tartre stibié
rait pas lieu, ou n'aurait lieu qu'avec une très grande lenteur, lorsque les nerfs qui se rendent aux points de la peau où se fait l'application sont paralysés. Ces pustules paraissent avoir leur point de départ dans les glandes cutanées, et l'acidité du produit de ces glandes semble en hâter l'apparition. Appliqué sur une plaie profonde, ou mêlé avec une substance alcaline, le tartre stibié ne donnnerait pas lieu à cette formation de pustules, qui, au contraire, serait favorisée par l'addition d'une substance acide 1.
Muqueuses. — L'ingestion d'une solution de tartre stibié peut donner lieu à une éruption pustuleuse sur la muqueuse qui s'étend de la bouche à l'estomac, après avoir d'abord provoqué sur cette muqueuse une inflammation de forme catarrhale. C'est surtout après l'ingestion, continuée pendant un certain temps, de petites doses, que se produisent, d'après Nobiling, ces éruptions ulcéreuses ; une dose vomitive unique ne donne lieu, le plus souvent, qu'à un léger ramollissement épithélial, avec desquamation, sans état inflammatoire proprement dit. C'est ce qui résulte d'observations faites, chez les animaux, par Handfield Jones.
Comment le tartre stibié fait-il vomir— Hermann et Grimm ont fait remarquer que le tartre stibié, injecté directement sous la peau ou dans le sang, ne pouvait provoquer le vomissement qu'à la condition d'être injecté à doses plus élevées que celles qui, administrées par l'estomac, sont nécessaires pour faire vomir. Or, il serait sans exemple qu'une substance, agissant sur le système nerveux, produisît des effets plus rapides et plus intenses, quand elle est administrée par l'estomac, que quand elle est injectée directement dans la circulation. Cette remarque faisait déjà douter que l'action vomitive du tartre stibié dépendît réellement d'une action exercée sur le système nerveux central. Elle faisait croire, au contraire, que les effets vomitifs dépendaient plutôt d'une action spéciale s'exerçant sur les parois stomacales et sur les terminaisons nerveuses qui se répandent dans la muqueuse de l'estomac. Cette présomption devient presque une certitude depuis que les observateurs ci-dessus nommés, ainsi que Radziejewski, ont trouvé dans les matières vomies, à la suite de l'injection intraveineuse du tartre stibié, la plus grande partie du sel qui avait été injecté dans le sang. L'expérience de Magendie, d'après laquelle le tartre stibié peut même provoquer des efforts de vomissement chez un animal auquel on a préalablement extirpé l'estomac, n'infirme en rien l'opinion que nous soutenons; elle prouve simplement que ce n'est pas seulement en excitant les terminaisons nerveuses dans l'estomac que le tartre stibié provoque le vomissement, mais que l'excitation des terminaisons nerveuses d'autres parties, par exemple du pharynx, de l'oesophage, peut suffire à produire les mêmes effets. Quant a l'expérience de Gianucci, d'après laquelle le tartre stibié ne provoque plus de vomissements chez un animal auquel on a sectionné préalablement la moelle allongée, elle ne prouve pas que l'action vomitive du tartre stibié soit bien due réellement à une excitation centrale; en effet, dans ces expériences, l'animal est garrotté, couché sur le dos, et on le fait respirer artificiellement ; or, il est démontré qu'aucun moyen ne peut le faire vomir quand il est dans cette situation, tandis qu'il vomit quand on le délie et qu'on le met sur ses pieds.
1 (Gela se comprend, puisque les alcalis précipitent le lartre stibié de ses solutions.]
ANTIMOINE. — Effets du tartre stibié sur le système nerveux 237
L'antimoine donne lieu, de même que le phosphore et l'arsenic, à une dégénérescence graisseuse de plusieurs organes ; du foie, du muscle cardiaque, etc. (Saikowski). Dans les expériences faites par Nobiling, à l'aide de petites doses longtemps continuées, on trouve signalée une augmentation de volume du foie, avec endolorissement de cet organe. On a encore observé de l'hyperhémie veineuse dans le foie, la rate, etc. Ackermann l'attribue à la diminution de l'activité du coeur, laquelle doit naturellement avoir pour résultat une stase dans le système nerveux. Peut-être est-ce à cette stase, se produisant dans les reins, qu'il faut attribuer la présence de l'albumine dans les urines.
Circulation et température. — Le tartre stibié affaiblit l'activité cardiaque, surtout par une action directe du poison sur le coeur, et non pas seulement d'une manière indirecte, à la suite de l'action exercée sur les terminaisons du pneumogastrique dans la muqueuse stomacale.
Chez les animaux à sang froid, on voit se produire, sous l'influence d'une dose de 0,05 de tartre stibié, une augmentation passagère (durant quinze minutes) de la force et du nombre des mouvements cardiaques ; à cette augmentation succède une diminution.
Chez les animaux à sang chaud, l'énergie des contractions du coeur subit, dès le début, une diminution. Le nombre des pulsations augmente d'une manière très passagère, puis se met à diminuer continuellement. Enfin, les contractions cardiaques deviennent irrégulières, et le coeur finit par s'arrêter à l'état de diastole, pourvu que la dose ait été suffisante.
Chez l'homme, la fréquence du pouls augmente pendant la période des vomissements', après quoi elle diminue. L'énergie et le nombre des contractions cardiaques se relèvent pendant la période de réaction, alors que les vomissements ont entièrement cessé. On voit donc qu'une partie des phénomènes cardiaques doit être mise sur le compte d'une action réflexe.
Chez les animaux, ainsi que chez l'homme, la diminution considérable de l'énergie du coeur a pour conséquence, comme nous l'avons déjà dit, une forte hyperhémie veineuse de tous les organes.
A mesure que le coeur perd de sa force, la température s'abaisse ; cet abaissement a été, dans quelques cas, de 6°,6 C. (Ackermann, Radziejewski)
Système nerveux et muscles striés. — Il est dificile de décider quelle est, dans les troubles, graves qu'éprouvent les centres nerveux, chez les animaux à sang chaud, sous l'influence du tartre stibié, la part qui revient aux troubles circulatoires et celle qui doit être mise sur le compte d'une action directe du poison. La part la plus grande doit être attribuée à l'action des troubles circulatoires ; mais le second effet ne doit pas pourtant être nié, car chez les animaux à sang froid, dont le système nerveux dépend beaucoup moins de là circulation, on a vu se produire, sous l'influence du tartre stibié, la paralysie des centres cérébro-spinaux, la disparition complète de l'activité réflexe; ces mêmes effets ont été observés par Radziejewski chez les lapins, qui, comme on le sait, ne peuvent pas vomir. On peut donc bien admettre aussi, chez les animaux à sang chaud, une atteinte directe portée par le poison sur le cerveau et la moelle épinière. Peut-être même serait-il permis d'invoquer cette paralysie finale de la moelle, pour expliquer pour-
238 ANTIMOINE. — Usages thérapeutiques
quoi des doses élevées de tartre stibié, administrées pendant un certain temps, ne provoquent plus de vomissements.
Le tartre stibié donne lieu rapidement, chez l'homme aussi bien que chez les animaux, à une diminution considérable de la force musculaire; on voit des animaux vigoureux et féroces perdre rapidement, sous son influence, toute leur énergie; ils font quelques pas en chancelant, puis tombent sur le côté. Les forces leur reviennent un peu quand ils ont vomi, mais ne tardent pas à éprouver un nouvel épuisement. Il n'est pas douteux que ces effets ne soient dus en grande partie à une modification directe de la substance musculaire et nerveuse; des expériences faites sur les muscles des grenouilles n'ont, il est vrai, permis de constater aucune modification de forme de là courbe de contraction, mais cette courbe présentait un abaissement considérable (Buchheim)
Respiration. —Chez les animaux à sang chaud et chez l'homme, la respiration est d'abord accélérée, superficielle, irrégulière; puis elle se ralentit, et, à ce moment, l'inspiration est rapide, comme convulsive, ou extrêmement pénible, tandis que l'expiration est très lente et plaintive. Ces phénomènes doivent être considérés comme produits, en grande partie, par voie réflexe, avec point de départ dans les nerfs de l'estomac. Ils se manifestent toujours, en effet, pendant les vomissements, quelle qu'en soit la cause; d'ailleurs, les mouvements vomitifs ne sont pas autre chose, en réalité, que des mouvements respiratoires anormaux.
Certains auteurs anciens avaient admis que l'usage du tartre stibié pouvait donner lieu à des altérations très marquées des poumons, à leur hépatisation. Ackermann, ayant fait l'autopsie de vingt chiens, qu'il avait fait périr par l'administration du tartre stibié, n'a jamais observé ces altérations. L'augmentation de la sécrétion du mucus dans les bronches est-elle due à une action directe du poison ou à la stase veineuse dans la petite circulation? Nous ne saurions le décider.
Le collapsus, qui est un des effets les plus saillants du tartre stibié, est dû, en grande partie, à la diminution de la pression sanguine et à l'affaiblissement du coeur ; mais il résulte aussi de l'état de faiblesse du système musculaire. Ackermann fait remarquer que ce phénomène n'est pas particulier au tartre stibié, qu'il se manifeste toujours sous l'influence de l'état nauséeux, quelle qu'en soit la cause, par exemple dans le mal de mer, ou à la suite d'un balancement prolongé, etc.
Quant à l'action du tartre stibié sur les diverses sécrétions, on ne sait là-dessus rien de positif.
Les échanges nutritifs éprouvent, de la part du tartre stibié, les mêmes effets que de la part du phosphore et de l'arsenic. Chez les animaux à jeun, chez lesquels on a amené l'élimination de l'azote à un chiffre constant, on voit, sous l'influence du tartre stibié, la quantité d'azote éliminée subir une augmentation (Gathgens).
La cause de la mort est toujours, ou presque toujours, la paralysie cardiaque.
Usages thérapeutiques. — Le beau temps du tartre stibié est aujourd'hui passé ; il est peu de médicaments desquels on puisse dire cela avec autant de vérité. Autrefois employé dans un grand nombre d'affections, en dehors
ANTIMOINE. — Usages thérapeutiques 239
de son indication comme vomitif, le tartre stibié a perdu peu à peu de son ancien prestige, et ce n'est guère que comme vomitif qu'il peut être aujourd'hui rationnellement prescrit.
Nous n'avons pas à insister ici sur ses indications générales dans ce sens. Son action est assez certaine ; mais il a l'inconvénient de donner lieu à quelques phénomènes fâcheux du côté de l'intestin et du coeur. Le collapsus qui suit le vomissement est souvent assez considérable ; aussi ne doit-on l'employer qu'avec la plus grande prudence chez les enfants, chez les veillards, et en général chez les personnes affaiblies.
Parmi les nombreuses affections aiguës inflammatoires contre lesquelles, il était autrefois employé, il en est encore une dans laquelle son usage s'est conservé. C'est la bronchite aiguë, qu'il s'agisse d'une affection d'origine récente ou d'une exacerbation d'un catarrhe chronique ancien, alors qu'il existe de la cyanose, de la fièvre et que l'examen stéthoscopique fait percevoir des râles ronflants et sibilants, presque plus de râles sous-crépitants. Le tartre stibié est alors administré, d'abord à dose vomitive, puis à doses réfractées. Il faut, pour qu'il puisse être toléré, qu'on ait affaire à un individu vigoureux et ne présentant aucune complication du côté de l'appareil digestif. Si la bronchite est secondaire, c'est-à-dire si elle est sous la dépendance d'une autre maladie (exemple, celle qui accompagne la fièvre typhoïde), on devra éviter, en général, l'emploi du tartre stibié, pour des raisons qu'il est facile de déduire de ce que nous avons dit plus haut.
Si nous avons cherché à formuler avec précision ces indications du tartre stibié dans la bronchite, c'est surtout pour mettre en garde contre l'abus qu'on pourrait en faire dans d'autres formes de cette maladie. Et même nous devons convenir que plus nous allons, plus l'efficacité du tartre .stibié nous semble douteuse, même quand la bronchite présente les caractères spécifiés plus haut. On est en présence d'un malade atteint de bronchite aiguë ; on le fait mettre au lit, on entretient autour de lui une température uniforme ; on lui applique, au besoin, quelques ventouses scarifiées, des cataplasmes, des vésicatoires et autres moyens de ce genre. Les phénomènes s'amendent peu à peu. Il s'agit de savoir si, avec le tartre stibié, on peut obtenir une amélioration plus rapide et bien positive. Or, le fait n'est nullement démontré.
Parmi les nombreuses maladies contre lesquels le tartre stibié a encore été recommandé, nous citerons les suivantes :
Dans la pneumonie, il a été souvent mis en usage depuis Rasori. Des observations très nombreuses démontrent que son administration a pour résultat, dans ce cas, de faire diminuer la température et la fréquence du pouls. Les meilleurs observateurs s'accordent à dire que les pneumoniques en supportent sans inconvénients des doses élevées, jusqu'à 0,50 et même
1 gramme par jour. Le premier jour ces doses énormes peuvent faire vomir, peuvent purger, fatiguer l'intestin ; mais la tolérance s'établit rapidement.
Il est rare de trouver des malades qui ne puissent pas les supporter. On sait que la pneumonie sans complications suit, en général, une marche favorable, sans qu'on prescrive aucun médicament. Il s'agirait donc de savoir de quelle utilité est contre elle le tartre stibié. Abrège-t-il la durée de la maladie? Modifie-t-il favorablement le processus local? Rien de bien prouvé là-dessus. Aussi faut-il reconnaître que l'usage du tartre stibié dans la
240 ANTIMOINE. — Usages thérapeutiques
pneumonie se restreint de plus en plus. Il doit être absolument rejeté du traitement de la pneumonie bilieuse.
Il a encore été recommandé dans un grand nombre d'autres états inflammatoires, par exemple dans la pleurésie, la péricardite, le rhumatisme articulaire aigu. Mais il est reconnu aujourd'hui qu'il ne présente, contre ces maladies, aucune utilité réelle. Quant aux fièvres gastrique, rhumatismale, catarrhale simple, contre lesquelles on a prétendu que le tartre stibié exerçait une action spéciale, on reconnaît aujourd'hui que ce médicament ne peut être utile, dans ces cas, qu'à titre de vomitif.
Nous ne citons que comme purement historique son emploi dans les affections mentales.
Extérieurement il a été souvent employé, dans le but de provoquer une irritation cutanée, dans les inflammations des organes internes, surtout dans la méningite, la laryngite, la trachéite.
L'application d'une pommade au tartre stibié sur la tête préalablement rasée des individus atteints d'affections mentales était autrefois d'un usage très étendu (Jacobi et autres) ; ce mode de traitement était entièrement abandonné, lorsque, clans ces derniers temps, L. Meyer a voulu le réhabiliter; il a même prétendu avoir guéri par ce moyen des malades atteints de démence paralytique.
DOSES ET PRÉPARATIONS. — 1. Tartre stibié. — A l'intérieur. Doses réfractées : 0,005-0,03, toutes les deux heures, en solution (0,05-0,3 : 150 200) ; en potion, en poudre (jusqu'à 0,2 pro dosi, jusqu'à 0,50 pro die, d'après la pharmacopée germaine ; jusqu'à 0,3 pro dosi! jusqu'à 1,0 pro die! d'après la pharmacopée d'Autriche) 1. Le tartre stibié se décomposant facilement, on devra éviter de lui adjoindre des substances à action chimique puissante. — Dose vomitive : 0,03-0,1, par intervalles de 10-15 minutes. On l'associe alors le plus souvent avec l'ipéca ; en poudre ou en potion, à agiter 2. 2. Si l'on veut le prescrire comme vomitif chez les enfants, ce sera aux doses de 0,005-0,02.
A l'extérieur. Rarement sous forme de solution aqueuse (0,25 -1,0 : 30,0); le plus souvent, sous forme de pommade (pour donner lieu à une irritation légère, 1-3 sur 30; pour faire naître une éruption pustuleuse, 1 : 4-8) ; ou encore sous forme d'emplâtre, 1 : 5 de masse emplastique. On l'a aussi employé en lavements, dans le but de faire vomir (0,3-1,0 :150-200), ou en injections dans les veines, dans le même but (0,05-0,25 sur 30-120).
2. Vin stibié ou émétique. — 1 partie tartre stibié sur 250 parties de vin de Xérès. Liquide clair, d'un jaune foncé. Employé rarement chez l'adulte, le plus souvent chez l'enfant. Comme vomitif, par cuillerées à café, chaque quart d'heure. On lui associe fréquemment l'oxymel scillitique 3.
1 [Les doses de tartre stibié prescrites par les formulaires sont; en général, exagérées. 0,100,15 par jour, en solution dans un véhicule aqueux abondant, par exemple un litre de tisane de chiendent (émétique en lavage), à prendre.par demi-verrées d'heure en heure, sont habituellement suffisants pour produire l'action contre-stimulante. Gûbler conseille même de ne pas dépasser 0,10 chez les sujets à la diète, auxquels on n'administre en même temps ni opium, ni substances antagonistes, telles que le tannin. 1] donne la préférence à la solution de 5 à 10 centigrammes dé tartre stibié dans un litre de limonade tartrique (un demi-verre d'heure en heure ou de demi-heure en demi-heure), avec recommandation de suspendre l'administration du remède dès qu'apparaissent des vomissements répétés ou des selles diarrhéiques abondantes.]
2 [On formule habituellement : tartre stibié, 0,05-0,10, poudre d'ipéca 1-1,5; en trois prises, une chaque quart d'heure, dans un verre d'eau tiède.)
3 [Le vin émétique du Codex français contient 1 de tartre stibié sur 300 de vin de Malaga. Il est donc un peu moins actif que celui de la pharmacopée allemande. Tandis que 5 grammes,
ANTIMOINE. — Pentasulfure : Emploi thérapeutique 241
3. Pommade au tartre stibié.-— 1 partie de tartre stibié sur, 4 parties d'axonge. Très blanche. On en prend gros comme un pois ou une fève, et l'on fait deux frictions par jour 1.
Traitement de l'empoisonnement par le tartre stibié- — Les vomissements, la diarrhée, qui se produisent presque toujours, rendent inutile l'intervention clans le but d'expulser le poison. En attendant qu'on se soit procuré un antidote, on prescrira des boissons mucilagineuses (peut-être aussi du café ou du thé). Le meilleur antidote est le tannin, qui forme avec l'oxyde d'antimoine un composé a peu près insoluble. On fera donc prendre au malade, soit du tannin, soit une substance qui en contienne, par exemple, une forte décoction de noix de galle ou de quinquina. Si les vomissements persistent trop longtemps, on les modérera à l'aide d'un mélange effervescent contenant de l'opium. La gastro-entérite et le collapsus seront combattus par les moyens ordinaires, sur lesquels nous n'avons pas à insister ici.
2. Pentasulfure d'antimoine, soufre doré d'antimoine
Le pentasulfure d'antimoine, Sb2S 5, s'obtient le plus facilement en décomposant le sulfo-antimoniate de sodium (sel de Schlippe) par l'acide sulfurique. C'est une poudre fine, d'un jaune orangé, insoluble dans l'eau et l'alcool. La chaleur le décompose en soufre et en trisulfure d'antimoine.
Action physiologique. — Le soufre doré d'antimoine ne peut exercer des effets physiologiques qu'après s'être transformé dans l'organisme en un composé soluble. Il traverse la bouche sans se décomposer : voilà pourquoi il est insipide, à moins qu'il ne renferme du sulfure d'hydrogène. La transformation qu'il subit dans l'estomac n'est pas exactement connue; mais nous devons admettre qu'il donne naissance à des composés solubles, car il proproduit les mêmes effets physiologiques que le tartre stibié. Seulement ces effets sont plus faibles et, en somme, assez incertains. Aussi est-il préférable de le remplacer, dans la pratique, par de petites doses de tartre stibié,
Emploi thérapeutique. — Le soufre doré d'antimoine peut être considéré comme entièrement superflu. On l'emploie encore assez souvent comme expectorant ; mais son efficacité est loin d'être aussi marquée que celle qu'on lui a attribuée généralement. Il ne faut le prescrire que dans les cas où l'appétit est conservé. On l'a surtout recommandé dans le catarrhe bronchique et laryngo-trachèal, chronique ou subaigu, dans la seconde période de cette maladie ayant débuté d'une manière aiguë, dans la pneumonie croupale après la crise, alors que, dans tous ces cas, la sécrétion est visqueuse, tenace et que l'expectoration est par suite difficile. Mais il ne faudra pas trop compter sur l'efficacité de ce moyen. Parmi les nombreuses maladies contre lesquelles il a encore été employé depuis Glauber et Fr. Hoffmann, je ne citerai que la scrofulose; il a été surtout recommandé dans les cas où il existait des exanthèmes et de la tuméfaction des glandes.
DOSES ET PRÉPARATIONS. — Soufre doré d'antimoine. — 0,02-0,10 pro dosi, toutes les deux à quatre heures, en poudre, en pilules, en pastilles, en potions à agiter. Le soufre doré d'antimoine se décomposant facilement, on fera bien de ne le
ou une cuillerée à café, de ce dernier contiennent 0,02 de tartre stibié, 5 grammes du premier en contiennent un peu moins de 0,017-]
1 [La pommade stibiée du Codex français contient 1 de tartre stibié pour 3 d'axonge beuzoïnéeElle est donc plus active.]
NOTHNAGEL et ROSSBACII, Thérapeutique. 16
242 BISMUTH. — Sous-nitrate et valérianate
prescrire que dans des formules simples ; on évitera surtout de le mélanger avec les acides, les alcalis, les sels haloïdes, les sels métalliques.
Remarque. — L'oxyde d'antimoine (anhydride acide antimonieux, Sb2O3), le kermès minéral (mélange de trisulfure d'antimoine, SbS 3, et d'oxyde d'antimoine), sont des préparations aussi superflues que le soufre doré d'antimoine 1.
Quant au protosulfure d'antimoine ou antimoine cru, il ne se dissout pas dans les voies digestives, et ne peut donc avoir aucune action physiologique, à moins qu'il ne contienne de l'arsenic, du plomb ou du cuivre. On ne conçoit pas que la pharmacopée ne se soit pas depuis longtemps débarrassée de ces préparations inutiles.
3. Trichlorure d'antimoine liquide
Nommé à tort beurre d'antimoine, car il ressemble plutôt à de l'huile qu'à du beurre. On l'obtient en faisant dissoudre de l'oxyde d'antimoine ou du trisulfure d'antimoine dans de l'acide chlorhydrique concentré. Il se forme du trichlorure d'antimoine, SbCl3. Liquide jaune semblable à de l'huile. Son action caustique est due en grande partie à l'acide chlorhydrique qui entre dans sa composition. Peu employé ; on lui préfère les alcalis caustiques.
Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, art. ANTIMOINE par ROUSSIN et HIRTZ. Paris 1865. — BUCHHEIM UND EISENMENGER, Eckhards Beitràge zur Anatomieund Physiologie, Band V.— KLEINMANN und SIMONOWITSCH, Archivfûr die gesammté Physiologie, Bonn, Band V. — NOBILING, Zeitschrift fur Biologie, Band IV. — KADZIEJEWSKI, Archiv fur Anatomie und Physiologie, 1871.
IV. Bismuth
Les composés solubles du bismuth (par exemple l'acétate, le citrate d'ammoniaque et de bismuth) possèdent, d'après plusieurs observateurs (Lebedeff, Stefanowitsch), des propriétés toxiques comparables à celles des composés solubles de l'arsenic et de l'antimoine ; ainsi ils déterminent une dégénérescence graisseuse des organes internes, la disparition de la matière glycogène du foie. Mais la pharmacopée allemande ne les admet pas et la thérapeutique ne les a jamais utilisés.
Il n'y a que deux composés de bismuth qui aient été employés en médecine. Ce sont le sous-nitrate de bismuth, N03(BiO) + BiO—OH, et le valérianate de bismuth).
1. Sous-nitrate et valérianate de bismuth
Action physiologique. — Ces deux composés sont tout à fait insolubles dans l'eau. Nous ne possédons aucune recherche sur l'action physiologique du valérianate. Quant au sous-nitrate, nous savons qu'il abandonne l'intestin sans avoir été absorbé; les seuls effets qu'il produit sont :1a coloration noire des matières fécales par le sulfure de bismuth qui se forme dans le canal intestinal, et une constipation légère résultant de l'absorption des liquides intestinaux par la poudre sèche de sous-nitrate de bismuth (Monneret, Trousseau). On prétendait autrefois qu'il pouvait provoquer des accidents toxiques graves ; cette opinion venait de ce que le produit employé était impur, était mêlé avec de l'arsenic ou du plomb.
1 [Le kermès minéral, poudré rougeâtre, légère, veloutée, insoluble dans l'eau, est souvent prescrit en France, comme expectorant. On en fait des pastilles, en contenant chacune 0,01; on le prescrit dans une potion gommeuse ou un looch blanc, aux doses de 0,05-0,50-1 gramme, suivant les effets que l'on veut obtenir. Il a la mème action, en somme,que le soufre doré d'antimoine et l'on peut lui appliquer tout ce qui a été dit ci-dessus de ce dernier composé.)
BISMUTH. — Sous-nitrate ; Emploi thérapeutique 243
Emploi thérapeutique. — L'emploi du sous-nitrate de bismuth, fondé sur la possibilité de son absorption, est entièrement abandonné, depuis que l'on sait que cette absorption ne se fait pas. Ainsi on ne le prescrit plus contre l'épilepsie, la chorée, la coqueluche, etc. ; mais son usage dans le traitement de certaines affections du tube digestif se maintient encore. Dans les éditions précédentes de ce livre, nous formulions nous-mêmes certaines indications pour l'emploi de ce médicament; Depuis plusieurs années nous ne nous en servons plus, ni dans l'ulcère de l'estomac; ni dans le catarrhe gastrique, et les résultats obtenus dans le traitement de ces maladies n'en sont pas plus mauvais. D'autres observateurs partagent notre manière de voir (Leube, etc.).
Nous ne parlons pas de l'impossibilité de donner une explication satisfaisante de l'action du sous-nitrate de bismuth dans la cardialgie; il est, en effet, bien d'autres médicaments dont les effets, quoique bien constatés ne peuvent pas être expliqués. Mais peut-on mettre sur la même ligne le composé en question ? On l'administre presque toujours associé à d'autres médicaments actifs, tels que la morphine, la belladone ; on prescrit en même temps un régime approprié ; de sorte qu'on ne sait trop alors quelle est la part qui doit être faite au bismuth; d'ailleurs, il a été constaté que, dans ces cas, les effets sont les mêmes, que ce médicament ait été administré ou non. Enfin l'ancienne réputation de ce remède n'est pas une circonstance qui doive être invoquée en sa faveur ; tant d'autres médicaments sont tombés, qui avaient pourtant joui d'une réputation aussi étendue que la sienne.
L'action physiologique du bismuth (sans arsenic, etc.) pouvant être considérée comme nulle, ses effets thérapeutiques n'étant rien moins que démontrés, du moins d'après notre manière de voir, nous ne jugeons pas nécessaire de nous arrêter davantage sur l'étude de ce. médicament.
Nous dirons pourtant, pour satisfaire aux exigences de l'habitude, que le bismuth a surtout été recommandé contre les gastralgies purement nerveuses des hystériques, contre les gastralgies qui existent chez les personnes soumises à des travaux excessifs, mal nourries, épuisées, chez lesquelles l'ingestion des aliments provoque des douleurs et des vomissements, sans qu'il existe d'ailleurs d'autres signes de catarrhe gastrique. On dit encore en avoir retiré de bons effets dans les cas de gastralgies par irradiation, dépendant de lésions anatomiques d'autres organes ; dans les gastralgies des femmes enceintes ; enfin dans l'ulcère et le carcinome de l'estomac.
Le bismuth a encore été vivement recommandé dans le traitement des diarrhées. surtout de celles déterminées par un processus ulcératif de l'intestin. Il agirait, dans ce cas, d'après Traube, en formant, à la surface des ulcérations, une couche protectrice qui mettrait les terminaisons des nerfs sensibles à l'abri des irritations et s'opposerait ainsi aux contractions péristaltiques réflexes de l'intestin. Nous n'avions pu autrefois nous convaincre de l'efficacité du sous-nitrate de bismuth, parce que nous ne l'administrions qu'à petites doses. Depuis que nous nous sommes mis à le prescrire à doses élevées (3 à 5 grammes au moins par jour), nous sommes arrivés à cette conviction que, dans des circonstances déterminées, le sous-nitrate de bismuth est un excellent médicament ; et nous n'hésitons pas à rétracter notre ancienne manière de voir. Le sous-nitrate de bismuth agit réellement avec plus d'efficacité que tout autre remède dans ces diarrhées qui dépendent d'ulcérations catarrhales ou folliculaires, ou même d'un processus dysentérique chronique; mais il faut l'administrer à doses élevées, débuter par 1 gramme au moins plusieurs fois dans la journée. Dans les catarrhes intestinaux simples et dans les ulcérations tuberculeuses il s'est montré inefficace, même employé à hautes
Gomme antiseptique, le sous-nitrate de bismuth est mis en usage dans le trai-
244 AZOTE. — Effets physiologiques
tément des plaies (Kocher). Son action est analogue à celle de l'iodoforme ; mais il ne faut l'appliquer qu'en petite quantité; Kocher a vu, à la suite de l'application sur les plaies de quantités considérables de sous-nitrate de bismuth, se produire de la stomatite, du catarrhe intestinal, de la néphrite.
DOSES. — Sous-nitrate de bismuth, valérianate de bismuth. — 0,5-1,0, jusqu'à 3 grammes pro dosi, en poudre. Les auteurs français prescrivent jusqu'à 15 grammes pro die.
[Ils ont même été jusqu'à 40 grammes et au delà. Ils ne lui reconnaissent généralement d'autre propriété que celle d'être un absorbant mécanique très utile dans certaines affections du tube digestif.]
Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, t. V, art. BISMUTH par BUIGNET et H. GINTRAC. Paris, 1866. — Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, t. IX, art. BISMUTH par FONSSAGRIVES. Paris, 1868. — BRASSAC, DU sous-nitrate de bismuth, pharmacologie, toxicologie, physiologie, thérapeutique (Archives de médecine navale, 1866, t. V.)
V. Azote
L'azote, N, mêlé avec l'oxygène et avec un peu d'acide carbonique, représente l'élément principal de l'air atmosphérique (79 volumes pour 100 d'azote sur 20 volumes d'oxygène et 0,04 d'acide carbonique).
C'est un gaz incolore, inodore, insipide, non condensable, non combustible, et n'entretenant pas la combustion.
Importance et effets physiologiques. — L'azote pénètre dans l'organisme avec l'air inspiré et avalé, et il n'y en a qu'une petite quantité qui soit absorbée par le sang (environ 2 volumes pour 100).
Inspiré avec l'oxygène, il n'a pas d'autre rôle que d'atténuer l'action de ce dernier gaz.
L'azote inhalé à l'état de pureté ne produit aucun trouble par lui-même; mais la privation d'oxygène donne lieu alors, comme toujours, chez les animaux à sang chaud, à certains phénomènes (paralysie du sentiment, anesthésie, cessation de toutes les fonctions, mort). Ici, l'empoisonnement par l'acide carbonique n'intervient pas, parce que, tant que l'animal respire, naturellement ou artificiellement, l'acide carbonique, qui se forme, se dégage à mesure du sang.
Les animaux à sang froid peuvent vivre très longtemps dans une atmosphère composée uniquement d'azote; on sait, en effet, qu'ils supportent très longtemps la privation d'oxygène.
Treutler, qui emploie les inhalations d'azote contre les affections pulmonaires, notamment contre la phtisie, obtient le gaz azote en faisant passer lentement de l'air atmosphérique à travers de la limaille de fer humectée avec du sulfate ferpeux; l'air abandonne assez complètement son oxygène en oxydant la solution saline, en la transformant en sulfate ferrique; celui-ci cède alors immédiatement presque tout cet oxygène au fer, et se maintient ainsi à un degré inférieur d'oxydation, tant qu'il existe du fer métallique. De cette façon on parvient très simplement et à très bon. marché à se procurer de l'azote. Treutler fait inhaler ce gaz dans le double appareil pneumatique, qui permet d'obtenir un mélange en proportions variées d'air atmosphérique et d'azote ; ordinairement la diminution de la quantité d'oxygène est de 5 à 10 pour 100. — Théoriquement cette méthode de traitement de la phtisie ne parait pas très riche en promesses ; l'expérienee pratique n'a pas encore prononcé.
AZOTE. — Protoxyde : Action physiologique 245
1. Bioxyde d'azote
Le gaz bioxyde d'azote, NO, mis en contact avec l'air atmosphérique, se combine immédiatement avec l'oxygène et donne naissance à de l'anhydride azoteux N 203 et à de l'acide hypoazotique NO 2. Ce dégagement et cette absorption de l'atome d'oxygène par l'azote donnent lieu, en présence des tissus animaux, à des destructions violentes de ces tissus. A la suite de l'inhalation de ce gaz on voit donc se manifester, aux endroits mêmes par lesquels il pénètre dans les voies respiratoires, des effets intenses ; on voit se produire immédiatement un spasme réflexe de la glotte et consécutivement l'asphyxie. Ce gaz n'est donc pas respirable et, pour cette raison seule, il ne peut donner naissance à aucun phénomène général direct. Nous pouvons cependant étudier les effets produits dans l'intérieur des tissus par les composés oxygénés caustiques de l'azote, en administrant de l'azotite de sodium, lequel produit dans l'organisme des effets analogues à ceux de l'arsenic : paralysie du système nerveux, congestion du canal intestinal, etc. (Binz).
Si l'on fait passer du bioxyde d'azote à travers du sang ou à travers une solution d'hémoglobine oxygénée ou d'hémoglobine-oxyde de carbone, l'oxygène ou l'oxyde de carbone sont déplacés par NO, et il se forme ainsi de l'hémoglobinebioxyde d'azoté, combinaison qui, à son tour, peut être détruite par l'intervention de l'hydrogène.
Le bioxyde d'azote n'est pas employé en médecine.
2. Protoxyde d'azote
Le protoxyde d'azote, N 20 (gaz hilarant), est un gaz incolore, d'une odeur faible, d'un goût douceâtre. Il entretient la combustion presque aussi bien que l'oxygène. Il est condensable et peu soluble dans l'eau.
Action physiologique. — L'inhalation pendant quelques minutes d'un mélange de protoxyde d'azote et d'oxygène, dans les proportions de 80 volumes N 20 et 20 volumes 0, produit une sorte d'ivresse, signalée par Humphry Davy,et que Hermann décrit de là manière suivante:Il se produit des bourdonments et des sifflements d'oreille, la vue devient indistincte, la sensation de chaleur subjective augmente, les membres paraissent plus légers à mouvoir qu'à l'état normal; veut-on faire un mouvement, on en exagère considérablement l'étendue ; est-on assis, le corps est animé de vives oscillations; marchet-on,le pied frappe vivement le sol ; le sens du toucher est conservé, mais les douleurs sont perçues avec moins d'intensité; la pensée est vive, enjouée; on est porté à rire, à plaisanter. La connaissance ne disparaît jamais com plètement; pendant toute la durée de l'expérience, le visage est animé, les conjonctives rouges, les battements du coeur sont un peu accélérés.
Chez les mammifères, cette action narcotique s'exprime par une diminution de l'excitation tonique du pneumogastrique [fréquence de la respiration diminuée, fréquence du pouls augmentée! (Zuntz-Goltstein).
A la suite de l'inspiration d'un mélange de protoxyde d'azote et d'oxygène, .sous une pression élevée, il se manifeste en très peu de temps, d'après Pàul Bert, non seulement de l'ivresse, mais encore une anesthésie complète. Au moyen de ce mélange on pourrait entretenir aussi longtemps que l'on voudrait, même sans augmentation. de la pression, une narcose déjà obtenue au moyen du protoxyde d'azote pur.
Très peu de temps après qu'on a cessé de respirer ce mélange gazeux, tout rentre dans l'état normal.
246 AZOTE. — Protoxyde : Action physiologique
Les vomissements consécutifs à l'action de l'apomorphine peuvent être supprimés au moyen de l'inhalation de ce mélange; la toux des malades atteints d'affections de poitrine peut en être notablement amoindrie, sans qu'on observe en même temps une influence défavorable sur l'activité du coeur (Klikowitsch).
Le protoxyde d'azote pur, sans oxygène, donne lieu, chez l'homme, d'après Hermann, à des phénomènes d'ivresse qui se produisent très rapidement; mais en même temps la respiration devient gênée, la connaissance se perd complètement, l'asplryxie se prononce de plus en plus et le coeur cesse de battre ; le visage est d'une pâleur cadavérique, les muqueuses sont cyanosées. On voit ordinairement la suppression des sensations douloureuses coïncider avec le commencement des phénomènes de cyanose, de telle sorte que le premier phénomène paraît être l'effet du second. Si l'on a soin de ne pas pousser trop loin l'expérience, la connaissance revient en moins d'une minute, et tout rentre dans l'ordre. Mais si la respiration et les battements du coeur sont arrêtés, la vie ne peut plus être rappelée qu'à l'aide de la respiration artificielle, pourvu qu'on s'y prenne à temps. Les animaux qu'on soumet à des inhalations prolongées de ce gaz presentent une forte dyspnée, des convulsions, et succombent à la paralysie de la respiration ; le sang offre alors une coloration fortement veineuse. Les animaux à sang froid résistent très longtemps. Consécutivement à l'inhalation de ce gaz à l'état de pureté, la température subit constamment une élévation assez considérable (Klikowitsch)
Aux données d'Hermann ajoutons ce qui suit, qui résulte de nos expériences sur des lapins. Pendant la dyspnée, la pression sanguine s'élève notablement, les battements du coeur se ralentissent tout en augmentant d'énergie. Trois minutes après le début de l'expérience, les mouvements respiratoires s'arrêtent complètement (asphyxie) ; le pouls se ralentit de plus en plus, devient arythmique, s'affaiblit progressivement et disparaît enfin deux minutes après la production de l'asphyxie.Nous avons laissé les animaux dans cet état de mort apparente, pendant deux à cinq minutes, et, au bout de ce temps, nous avons pu, au moyen de la respiration artificielle, les ramener à la vie et à l'état normal; ce qui vient à l'appui de l'opinion de Hermann, d'après laquelle le protoxyde d'azote serait un gaz tout à fait indifférent vis-à-vis de la plupart des fonctions de l'organisme, notamment à l'égard de la respiration et de la circulation.
Mais ses effets enivrants montrent bien qu'il exerce une action spéciale directe sur les ganglions de la substance grise du cerveau ; car l'azote et l'hydrogène ne produisent nullement ces effets. Quant à son mode d'action intime sur la substance cérébrale, elle nous est aussi inconnue que celle de tous les autres narcotiques.
L'anesthésie complète résultant de l'inhalation du gaz protoxyde d'azote pur est donc le produit à la fois de la narcose et de l'asphyxie. Ce qui prouve bien que l'asphyxie n'agit pas seule dans ce cas, c'est que, ainsi que le font remarquer Zuntz et Goltstein, des grenouilles placées dans du protoxyde d'azote pur perdent l'excitabilité réflexe en quelques minutes, tandis qu'elles ne la perdent qu'au bout de quelques heures quand elles sont placées dans de l hydrogène. Dans l'asphyxie.des mammifères par le gaz protoxyde
AZOTE. — Protoxy de U sages thérapeutiques 247
d'azote, la dyspnée est beaucoup moindre que dans l'asphyxie produite par un gaz indifférent ; dans le premier cas, les convulsions font entièrement défaut ou sont seulement extrêmement faibles. Au moment du début de l'anesthésie, l'asphyxie, chez l'homme, est moins avancée que chez les chiens ou les lapins (Goltstein).
De même que dans l'asphyxie ordinaire, on peut noter dans la dyspnée produite par le protoxyde d'azote trois périodes distinctes : une première période, caractérisée surtout par des efforts inspiratoires ; une deuxième période, caractérisée par des mouvements expir.atoires actifs, intenses; une troisième période, dans laquelle les inspirations deviennent rares, de plus en plus superficielles, jusqu'à l'arrivée de la paralysie finale du centre respiratoire. L'anesthésie due au protoxyde d'azote se produisant régulièrement dans la seconde période, dans la période des expirations actives, et cette anesthésie pouvant, si l'on rend à ce moment possible la respiration de l'air, durer pendant une à deux minutes, on comprend qu'un danger du côté du centre respiratoire n'est point à craindre, pourvu que l'anesthésie soit conduite rationnellement (Zuntz)
L'élévation de la pression sanguine, phénomène qui, comme on sait, accompagne toute asphyxie, se manifeste aussi à la suite de l'inhalation du protoxyde d'azote, mais n'atteint pas en général une hauteur très considérable. Au moment où la narcose finit, il se produit une seconde élévation- de la pression, qui atteint souvent un degré plus élevé que la première. Dans les cas où les vaisseaux sanguins sont dans un état de fragilité qui rend leur rupture facile, la narcose par le protoxyde d'azote pourrait donc devenir très dangereuse; il faut encore ici tenir compte naturellement de l'élévation de là pression sanguine, qui est le fait de la douleur résultant de l'opération
(Zuntz). Le protoxyde d'azote est simplement absorbé par le sang ; il ne contracte avec lui aucune combinaison chimique ; le sérum sanguin n'en absorbe pas plus que ne fatt l'eau simple. Le sang, agité avec du protoxyde d'azote, prend rapidement un aspect veineux (Hermann).
Emploi thérapeutique. — L'usage du protoxyde d'azote, comme anesthésique, s'est beaucoup répandu, depuis quelques années, dans la pratique de l'art dentaire. L'anesthésie provoquée par ce gaz passe très vite, ainsi que j'ai déjà dit; aussi ne peut-elle être utilisée que pour les opérations rapides.
Le protoxyde d'azote doit être inhalé pur, sans mélange d'air atmosphérique. Pour commencer l'opération, on n'a pas le temps, évidemment, de consulter l'état de l'excitabilité réflexe; il faut saisir le moment où la respiration commence à être pénible, où la face et les ongles prennent une teinte cyanosée.
La cyanose commençante a, pour le spectateur, quelque chose d'émouvant; des milliers de cas permettent pourtant de considérer l'anesthésie par le protoxyde d'azote comme à peu près exempte de danger. On cite, il est vrai, quelques cas de mort; mais il n'est pas prouvé que les accidents doivent être mis sur le compte du protoxyde d'azote et ne soient pas dus à quelque circonstance étrangère. Il est une raison majeure qui s'oppose à la généralisation dans la pratique de ce mode d'anesthésie : c'est la difficulté
248 BROME. IODE. CHLORE
que présente l'installation de l'appareil de préparation du gaz ; aussi n'est-ce guère que chez les dentistes spécialistes que ce moyen d'anesthésie peut être mis en usage.
La donnée de Paul Bert, d'après laquelle on pourrait, au moyen d'un mélange de protoxyde d'azote et d'air atmosphérique, avec élévation (de 1/5) de la pression atmosphérique, donner lieu à une anesthésie prolongée (jusqu'à trente minutes), exempte de phénomènes d'excitation et d'asphyxie, et par conséquent sans danger, cette donnée se confirmera-t-elle et pourra-t-e]le acquérir de l'importance dans la pratique chirurgicale? C'est-ce que l'avenir nous apprendra. J'en dirai autant des observations cliniques de Klikowitsch, qui concluent à laisser à la disposition du malade un coussin rempli de mélange anesthésique. Quant à la nouvelle méthode de Paul Bert, qui consiste à produire la narcose au moyen du protoxyde d'azote pur et à la continuer au moyen d'un mélange de N 20 et de 0, elle semble donner des espérances pour l'avenir.
Si l'on voyait des accidents d'empoisonnement survenir, si l'asphyxie commençait à devenir menaçante, on pratiquerait la respiration artificielle, on aurait recours immédiatement à la compression méthodique et énergique de la poitrine et de l'abdomen, dans le but d'exciter en même temps la circulation du sang et les échanges gazeux respiratoires. Le malade serait placé dans la situation horizontale.
DEMARQUAY, Essai de pneumatologie médicale. Paris, 1866. — Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, lre série, t. V11, art. AZOTE par DECHAMBRE ; art. AZOTIQUE (acide) par GUBLER; art. AZOTE (protoxyde) par MAGITOT-TARDIEU et ROUSSIN. Étude médico-légale et clinique de l'empoisonnement. Paris, l866 ; 2e édit., 1875, p. 223. — MEYER (L.) Zeitschr. fur rationnelle Medicin, neue Folge, 1867, Band VIII, p. 3256, Heidelberg und Leipzig.
PODOLINSKY, Archiv fur gesammte Physiologie, 1872. Band VI.
PRÉTERRE, Nouvelles recherches sur les propriétés physiologiques et anesthésiques du protoxyde d'azote. Paris, 1866. — Le protoxyde d'azote, applications à l'extraction des dents, 7e édit. Paris, 1873. — BLANCIIS (Tony), Recherches expérimentales sur le protoxyde d'azote, thèse de doctorat. Paris, 1874. — DARIN sur les anesthésiques (Archives générales de médecine, 1875, t. XXV, p. 466 et suiv. — Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, t. XXIX, art. PROTOXYDE D'AZOTE par PRUNIER et ORY, Paris, 1880.
BROME,IODE, CHLORE ET LEURS COMPOSÉS ALCALINS
Le chlore, l'iode, le brome et le fluor se ressemblent extrêmement au point de vue chimique. En effet, ces quatre éléments ont une affinité beaucoup plus grande pour l'hydrogène que pour l'oxygène; leurs composés hydrogénés présentent les caractères des acides; les composés résultant de leur combinaison avec les métaux sont des sels (sels haloïdes), d'où le nom d'éléments halogènes, c'est à-dire générateurs de sels, qui leur a été donné.
Le fluor est de ces quatre éléments le plus énergique au point de vue chimique; puis viennent, en série décroissante, le chlore, le brome et enfin l'iode; chacun de ces éléments peut donc être déplacé de ses combinaisons métalliques par celui qui le précède immédiatement.
Ces trois éléments (j'excepte le fluor, parce qu'il n'a aucun rôle, ni physiologique, ni thérapeutique), ces trois éléments présentent aussi entre eux de grandes ressemblances dans leur action physiologique ; c'est pourquoi nous les réunirons dans une même classe.
BROME. — Action physiologique 249
Leur action locale sur les tissus est la même; seulement, l'action du chlore est la plus énergique, de même que son action chimique; et celle de l'iode est la plus faible.
Leurs composés alcalins, au contraire, présentent, au point de vue de l'énergie de leur action sur l'organisme, tout à fait l'inverse des effets des éléments libres : ainsi, l'action des chlorures alcalins est la plus faible, celle des iodures alcalins est la plus forte. Ce fait paraît provenir de ce que le chlore, étant intimement uni au métal, ne peut pas s'en dégager, tandis que le brome et surtout l'iode, étant moins intimement combinés au métal, peuvent devenir libres dans le sang et agir là, en tant que corps simples, sur les substances albumineuses. L'iode et le brome imprimant donc à leurs combinaisons salines une partie de leur puissance physiologique propre, nous réunissons l'étude de ces composés salins à celle de leurs éléments brome et iode, tandis que les chlorures alcalins ont trouvé plus rationnellement leur place dans l'étude des composés alcalins.
Le pouvoir de diffusion des chlorures, bromures et iodures alcalins, tient le milieu, à peu près, entre celui des azotates alcalins, qui ont le pouvoir de diffusion le plus prononcé, et celui des carbonates, des sulfates et des phosphates alcalins. Les chlorures alcalins ont un pouvoir de diffusion plus énergique que celui des bromures et iodures correspondants. On peut donc, vu le pouvoir de diffusion plus prononcé du potassium, établir la série descendante suivante : chlorure, bromure et iodure de potassium ; chlorure, bromure et iodure de sodium ; ces derniers seraient donc ceux qui se diffuseraient le plus lentement à travers les tissus animaux (Graham, Buchheim). En général pourtant tous ces composés se retrouvent assez rapidement dans toutes les sécrétions.
I. Brome et ses composés
1. Brome
Le brome, Br, se trouve, combiné avec des métaux, notamment le sodium, clans l'eau de mer, les salines, etc.
C'est un liquide d'un rouge noirâtre. Il s'évapore à la température ordinaire. Il bout à 50°. Il se dissout dans 30 parties d'eau; l'éther le dissout encore mieux.
Au point de vue chimique, il se comporte à peu près comme le chlore, qui le déplace d'ailleurs de ses combinaisons métalliques.
Action physiologique. — Ce corps, d'une odeur très désagréable, d'une saveur repoussante, doit ses effets sur les tissus animaux à l'affinité considérable qu'il possède, comme le chlore, pour l'hydrogène : il enlève l'hydrogène aux molécules organiques pour former de l'acide bromhydrique, et il détruit ainsi la texture de la molécule normale. Une observation de Glover permettrait de penser que le brome peut aussi entrer en combinaison chimique avec les substances albuminoïdes.
D'après les expériences faites au Conseil d'hygiène de Berlin, c'est au moyen des vapeurs de brome que les espaces infectés peuvent être le plus sûrement désinfectés.
C'est de cette avidité du brome pour l'hydrogène que dépendent les effets irritants et caustiques que produit le brome sur la peau et les muqueuses ; ces effets (phénomènes inflammatoires du côté de l'estomac et de l'intestin, spasmes glottiques, bronchite) ont déjà été mentionnés à propos du chlore.
Si l'on administre le brome dans un état de dilution tel que les phénomènes
250 BROMURE DE POTASSIUM. —Action physiologique
locaux, notamment ceux du côté des organes respiratoires et digestifs, ne puissent pas se'produire, on constate que, pendant qu'il circule dans le sang, soit chez l'homme, soit chez un animal, il exerce une action spéciale sur le cerveau et la moelle épinière. Cette action consiste dans une diminution de l'activité intellectuelle, une diminution de l'excitabilité réflexe et de la sensibilité, une propension au sommeil. La respiration et la circulation n'éprouvent aucune altération appréciable.
Le brome, injecté directement dans le sang, à doses petites et dans un grand état de dilution, détermine une forte irritation des muqueuses, notamment de la muqueuse nasale, une accélération, puis un ralentissement, de la respiration et de l'activité cardiaque, des vomissements et de la diarrhée. Si la quantité injectée a été plus considérable, on voit se produire des convulsions intenses qui souvent se terminent rapidement par la mort.
Emploi thérapeutique. — Médicament entièrement superflu. Il a été conseillé pour l'usage externe, comme désinfectant, comme topique dans la diphthérite, etc., mais il peut toujours être remplacé par des préparations plus avantageuses.
2. Bromure de potassium
Le bromure de potassium, KBr, se trouve, en petite quantité, dans l'eau de mer, dans les eaux de Kreuznach, etc. Il représente des cristaux cubiques, brillants, incolores et inodores, d'un goût salin très prononcé, solubles dans 2 parties d'eau et dans 200 parties d'alcool. 100 parties de bromure de potassium contiennent 67 de brome et 33 de potassium. Au chas du fil de platine ce sel doit dès l'abord colorer la flamme en violet..
Action physiologique. — Elle a été, dans ces derniers temps, l'objet de recherches nombreuses, dont nous allons présenter, aussi fidèlement que possible, les résultats essentiels, sans nous préoccuper des divergences d'opinion de leurs auteurs. D'ailleurs, nous ferons remarquer que ce qui cause en grande partie ces divergences, c'est que l'on n'a pas suffisament distingué les résultats des observations faites chez les hommes sains ou malades de ceux des expériences faites sur les animaux.
Plusieurs observateurs ont mis les effets du bromure de potassium entièrement sur le compte de l'élément potassium. Cette manière de voir ne peut plus aujourd'hui être soutenue. Il est évident que les effets produits sur le cerveau et la moelle épinière, sur l'excitabilité réflexe, ainsi que les éruptions cutanées, appartiennent en propre à l'élément brome. Quant aux phénomènes qui s'observent du côté de la circulation, de la respiration, de la température, ils doivent être mis en grande partie, si ce n'est entièrement, sur le compte de l'élément potassium. Ces derniers phénomènes se manifestent principalement dans les expériences faites sur les animaux, avec des doses considérables de KBr, et c'est ce qui explique pourquoi les observa leurs qui ont expérimenté sur les animaux ont attribué l'action de KBr à l'élément potassium, tandis que ceux, au contraire, qui ont fait leurs observations sur l'homme, avec des doses thérapeutiques longtemps continuées, ont vu surtout, dans les effets de KBr, l'action de l'élément brome. Les récentes observations de Krosz mettent entièrement hors de doute cette dernière opinion. D'ailleurs on ne comprendrait pas comment il se ferait que la grande quantité de brome qui existe dans KBr (67 pour 100 Br pour 33 pour 100 K) pût traverser l'organisme sans y produire aucun effet.
BROMURE DE POTASSIUM3. — Effets sur la peau et les muqueuses 251
Ce que devient le bromure de potassium dans l'organisme. — Le bromure de potassium est entièrement privé des effets irritants qu'exerce le brome libre sur les tissus animaux. Une solution de ce sel est rapidement absorbée par les muqueuses, et cela probablement sans que KBr subisse aucune décomposition : du moins on ne perçoit rien, au niveau des muqueuses de la bouche, du pharynx et de l'estomac, qui puisse faire penser à la mise en liberté de l'atome Br; d'ailleurs, d'après Binz, le bromure de potassium se décompose, sous l'influence des acides, beaucoup plus difficilement que, par exemple, le composé iodique correspondant. D'après Bill, KBr, au contact de NaCl de l'organisme, donne lieu à la formation de KCl, qui apparaît alors dans les urines en plus grande quantité, et de NaBr, qui est retenu plus longtemps dans le corps. On ne peut pas affirmer que l'atome Br devienne momentanément libre dans l'intérieur du sang et des tissus, mais on peut considérer la chose comme vraisemblable. Le fait est que le brome se retrouve, combiné avec un métal alcalin, principalement dans les mines et dans la salive. D'après Voisin, Bowditsch et autres, les sels du brome s'éliminent aussi par la glande mammaire, par presque toutes les muqueuses, ainsi que par la peau, et c'est seulement au moment de leur élimination qu'ils se décomposeraient (de là la toux, la conjonctivite, les éruptions cutanées). L'élimination commence déjà un quart d'heure après l'ingestion du médicament et se continue pendant plusieurs jours. L'administration quotidienne de ce médicament donne donc lieu à une accumulation de ses effets. On a prétendu avoir perçu, dans l'air expiré, l'odeur spéciale du brome; nous n'avons jamais pu observer ce fait.
Effets locaux de KBr sur la peau et les muqueuses. — Appliqué sur la peau intacte, KBr ne donne lieu à aucune sensation et ne s'absorbe pas. Injecté, en solution concentrée, sous la peau ou dans le canal de l'urètre, il détermine une douleur intense et de l'inflammation.
Le bromure de potassium, en s'éliminant avec la sueur, et en laissant peut-être dégager en ce moment un peu de brome libre, donne lieu à diverses éruptions cutanées : tantôt c'est une éruption acnéiforme sur toute la surface de la peau, surtout au visage et à la poitrine; tantôt c'est une sorte d'érythème noueux qui, en se désagrégeant, donne lieu à des ulcérations tenaces, souvent fétides; d'autres fois, ce sont des éruptions semblables à l'urticaire, à l'eczéma.
Introduit dans l'estomac, à faibles doses très diluées, comme on le fait dans un but thérapeutique, il ne donne lieu à aucune autre espèce de sensation qu'à une saveur fortement salée; ce n'est que très rarement, même à la suite d'un usage prolongé, qu'il détermine du catarrhe de l'estomac et qu'il trouble l'appétit. Si la solution ingérée est fortement concentrée, on voit se produire une sensation de cuisson intense dans la bouche et dans l'épigastre, des renvois, même des vomissements et de la diarrhée. Ces effets sont plus accentués quand l'estomac est vide que lorsqu'il est plein ; il sont l'expression, de même que ceux produits par NaCl dans la même circonstance, d'une irritation locale des muqueuses.
Au début, la sécrétion salivaire est augmentée, ce qui est un résultat réflexe, comme pour toutes les substances fortement sapides, de l'irritation de la muqueuse buccale. Plus tard, au contraire, la sécrétion salivaire
252 BROMURE DE POTASSIUM. - Effets généraux. Cerveau
diminue. Les muqueuses buccale, pharyngienne, laryngienne ont été trouvées tantôt pâles, tantôt rougies, dans quelques cas même oedémateuses (enrouement).
Effets généraux. — Cerveau. — Peu de temps après l'ingestion de doses moyennes (5 à 10 grammes), il se manifeste, mais pas d'une manière constante, de la céphalalgie frontale, une sensation vague de pression dans la tète, comme si le cerveau était comprimé; en même temps les impressions deviennent plus obtuses, les idées moins nettes, comme il arrive d'ailleurs dans un grand nombre de céphalalgies.
La céphalalgie ne tarde pas à disparaître, mais l'atteinte portée au sensorium persiste, en général, toutle jour. Autres symptômes cérébraux: diminution de la mémoire, impossibilité de former des conceptions claires et logiques, difficulté de trouver les mots propres, parole difficile, traînante.
Cette dose est encore suffisante pour donner lieu à un sentiment de fatigue et de prostration. C'est surtout à la suite de la surexcitation nerveuse produite par un travail intellectuel trop prolongé, que l'on éprouve, de la part de KBr (3 grammes), un sentiment de repos et de bien-être très agréable.
Le bromure de potassium est-il hypnotique ? Les uns disent oui, les autres, non. Nos observations, faites sur des malades, concordent parfaitement avec celles de Krosz. Voici comment s'exprime cet auteur : « Ce n'est nullement, dit-il, de la sommolence, un sommeil irrésistible, comme sous l'influence des narcotiques, de la morphine par exemple; c'est plutôt un sentiment de repos qui invite au sommeil, une diminution de l'impressionnabilité réflexe du cerveau, de sorte que des impressions qui, à l'état normal, provoqueraient une réaction vive, passent alors presque entièrement inaperçues. »
L'exercice actif, les bains, le boire et le manger, sont à même d'annuler l'action de KBr sur le coeur et la température, mais ne peuvent rien sur cet état de fatigue cérébrale.
Les objections qu'on a opposées aux données que nous venons de développer proviennent de ce que les observateurs qui les ont faites ne se sont pas servis de doses assez élevées.
Tous les phénomènes cérébraux que je viens de décrire sont bien le fait de l'élément brome ; car ils sont aussi produits par le bromure de sodium, tandis qu'il ne le sont pas par le chlorure de potassium.
C'est ce que démontrent aussi les expériences d'Albertoni, faites sur des chiens, dont il avait trépané le crâne, dans le but d'examiner l'excitabilité de la régio cruciata et de voir si l'intervention d'un courant électrique modéré ferait naître un accès épileptique. Il constata ainsi, à n'en pas douter, que le bromure de potassium fait diminuer considérablement l'excitabilité réflexe du cerveau d'une manière d'autant plus manifeste que l'administration de celte substance a été continuée pendant plus longtemps, et surtout quand l'animal a déjà laissé percevoir des signes de saturation; il constata en outre que le bromure de potassium supprime^ la possibilité de provoquer des accès èpileptiques par l'irritation électrique de l'ècorce cérébrale. Ces expériences montrèrent principalement que l'usage du bromure de potassium, en mettant obstacle à la
BROMURE DE POTASSIUM. — Effets généraux. Nerfs. Muscles 253
propagation des excitations dans les éléments nerveux, supprimait la tendance qu'ont les décharges électriques à s'étendre du point irrité sur tous les centres nerveux et à donner ainsi naissance à un accès épileptique. Après l'interruption de l'usage de KBr, l'excitabilité du cerveau revient peu à peu à son état primitif, mais d'autant plus lentement que l'administration de cette substance a été de plus longue durée. Il suffit d'une seule dose de bromure de potassium pour faire diminuer l'excitabilité.
Les vaisseaux du cerveau et de la pie-mère ont été souvent trouvés rétrécis (Sokolowsky, Semmola, Lewitzky, Albertoni) ; cette anémie n'est pas certainement la cause fondamentale des effets ci-dessus décrits, mais elle peut avoir quelque part à leur production.
Moelle épinière, excitabilité réflexe, sensibilité. — Voici les phénomènes que l'on observe, chez les hommes adultes, sous l'influence de doses moyennes de KBr (5 à 10 grammes) : 1° L'excitabilité de la base de la langue, du voile du palais, du pharynx et de l'épiglotte est diminuée et même entièrement supprimée ; de sorte qu'on peut chatouiller la muqueuse de ces parties sans donner lieu à aucun mouvement de déglutition, ni à des nausées, ni à la toux. Depuis que nous administrons du bromure de potassium aux individus que nous devons opérer de polypes du larynx, nous n'avons plus que rarement besoin de faire subir au malade des exercices préparatoires pour l'habituer au contact des instruments. 2° Si la dose de KBr est portée jusqu'à 15 grammes, non seulement les muqueuses que je viens de nommer, mais toutes les autres, par exemple celle du canal de l'urètre, du vagin, et même la cornée et la conjonctive, perdent entièrement leur sensibilité. 3° Si la dose est très élevée, la peau tout entière devient insensible au chatouillement et même aux atteintes douloureuses (piqûre, brûlure).
Des expériences sur les animaux permettent d'interpréter de la façon suivante ces effets de KBr sur le sensorium et l'action réflexe : Le bromure de potassium altère les relations des nerfs sensibles du cerveau (optique, acoustique) et de la moelle allongée avec les éléments moteurs et les centres psychiques des hémisphères cérébraux (Krosz, Eulenburg et Guttmann). En effet, on voit les réflexes et la sensibilité disparaître, chez une grenouille, même dans les membres dans lesquels on a intercepté l'afflux sanguin et qui, par conséquent, ne peuvent pas recevoir du bromure de potassium; de plus, l'action tétanisante de la strychine peut être supprimée, ou rendue entièrement impossible, par l'action de KBr (Schroff jeune). D'un autre côté, d'après Krosz, les grenouilles chez lesquelles l'action réflexe est complètement paralysée peuvent encore développer des mouvements volontaires; ainsi, on les voit retirer leurs jambes artificiellement étendues, alors même que les irritations les plus intenses ne peuvent plus faire naître des réflexes.
Les nerfs périphériques, sensibles et moteurs ne se paralysent que plus faiblement et beaucoup plus tard que les centres nerveux. La paralysie du système nerveux, sous l'influence de KBr, marche donc peu à peu des centres vers la périphérie.
Les muscles striés se paralysent, il est vrai, de bonne heure, quand on les place directement dans une solution de KBr ; mais quand ils font partie de l'organisme intact, il faut des doses énormes de KBr pour arrivera ce
254 BROMURE DÉ POTASSIUM. — Effets sur la circulation, la température
résultat. Sous l'influence des doses médicamenteuses ordinaires, cet effet est tout à fait insignifiant.
La respiration est toujours ralentie, sous l'influence de KBr, chez l'homme et les animaux à sang chaud; si la dose a été toxique, la respiration finit par s'arrêter. Les phénomènes dyspnéiques (difficulté respiratoire, cyanose, saillie des globes oculaires), qui se manifestent, chez les animaux à sang chaud, dans les empoisonnements par de fortes doses de KBr, coïncident avec l'adynamie du coeur, avec des troubles circulatoires et l'empoisonnement consécutif par l'acide carbonique.
Circulation et température. — Chez l'homme et les animaux supérieurs, des doses élevées de KBr. donnent lieu à un ralentissement des contractions du coeur, à un affaiblissement de l'activité cardiaque et à un abaissement de la pression sanguine. Krosz a vu la fréquence du pouls diminuer de plus de la moitié, sous l'influence d'une dose de 15 grammes de KBr; il a vu fréquemment aussi les battements devenir irréguliers et finir par s'interrompre. Nous-même avons eu plusieurs fois l'occasion, à la suite d'un usage prolongé de doses modérées (5 grammes) telles qu'on a l'habitude de les prescrire dansl'épilepsie, d'observer un affaiblissement tel de l'activité cardiaque, que nous étions obligé d'interrompre l'administration du médicament.
Le maximum de ces altérations de la circulation, ainsi que de l'abaissement concomitant de la température, se manifeste deux à six heures après l'ingestion de KBr. Des doses élevées font toujours baisser la température, chez l'homme ainsi que chez les animaux : avec une dose de 10 grammes, cet abaissement est de 0°,5 à 0°,8 ; avec une dose de 15 grammes, il est de 1°,2 C. (Krosz). Quand on a affaire à une affection fébrile, accompagnée d'insomnie, d'inquiétude, cette propriété du bromure de potassium, jointe aux autres, dont nous avons parlé, peut être utilisée avec avantage (Senator).
Les expériences sur les animaux permettent d'affirmer que ces effets de KBr sur le coeur ne doivent pas être mis sur le compte d'une excitation des nerfs modérateurs cardiaques ; il s'agit ici d'une action paralysante exercée sur les nerfs "et les muscles du coeur. Le coeur s'arrête à l'état de diastole, et les excitations directes les plus intenses-sont alors impuissantes à le faire entrer de nouveau en contraction. Quant à l'abaissement de la pression sanguine, il doit être attribué à l'affaiblissement du coeur, ainsi qu'à la paralysie du centre vaso-moteur et des muscles vasculaires ; mais on ne sait pas quelle part exacte doit être faite à ces deux ordres de causes.
Organes sexuels. — La diminution ou la disparition de l'activité sexuelle, constatées par divers observateurs (Voisin), peuvent être attribuées à la diminution de la sensibilité et à la tendance au sommeil. —La menstruation, faible auparavant, devient plus abondante et se prolonge plus longtemps (M. Rosenthal) ; les dysménorrhées disparaissent, par suite peutêtre des modifications éprouvées par la pression sanguine et de l'affaiblissement des réflexes utérins et ovariques.
Les effets observés sur l'excrétion urinaire n'ont rien de constant. Quelques observateurs ont signalé la production d'une douleur dans la région rénale, avec augmentation de la quantité d'urine; d'autres, au contraire, ont observé une diminution de l'excrétion urinaire. On a dit que l'urine
BROMURE DE POTASSIUM. — Empoisonnement : Usages thérapeutiques 255
conservait sa composition normale ; on a dit aussi qu'elle devenait plus fortement acide. Aux doses quotidiennes de 2 fois 5 grammes, le bromure de sodium ferait diminuer la quantité d'acide phosphorique éliminée ; mais la quantité d'azote éliminée serait tantôt augmentée, tantôt diminuée. Schultze conclut de là que le bromure de sodium n'exerce pas la même influence sur les échanges des substances phosphorées et sur les échanges des substances azotées, et il croit trouver en cela une explication des effets produits par les sels bromiques.
Empoisonnement chronique par'.KBr. —Tous les effets que je viens de décrire (altérations du cerveau et de la moelle, des organes circulatoires et respiratoires, ainsi que de la peau) appartiennent naturellement aussi à l'empoisonnement chronique. Ici nous observons de plus : catarrhe bronchique intense, avec accès de toux, semblables à ceux de la coqueluche, dyspnée, troubles de la nutrition (perte d'appétit, soif vive, diarrhée), anémie, amaigrissement.
Mort par le bromure de potassium. — Si le bromure de potassium est injecté directement dans le sang, c'est le coeur qui se paralyse d'abord ; s'il est introduit dans l'estomac, son absorption est alors plus lente, et c'est le système nerveux central qui subit le premier l'atteinte de la paralysie ; la paralysie du coeur ne vient qu'ensuite. En tout cas, c'est la mort du coeur qui entraîne toujours la mort générale.
Dans les cas d'empoisonnement chronique, la mort peut être la conséquence d'une pneumonie ou d'un catarrhe intestinal, avec symptômes typhiques ou cholériques très intenses.
Usages thérapeutiques. — Le bromure de potassium est aujourd'hui très employé en thérapeutique, principalement dans plusieurs affections du système nerveux.
C'est surtout contre Yépilepsie que le bromure de potassium a été employé; il n'y a guère aujourd'hui d'épileptiques chez lesquels il n'ait été essayé. Nos propres observations, et celles que nous trouvons dans la littérature médicale, nous permettent de formuler notre opinion, comme nous l'avons déjà fait dans notre traité « sur l'épilepsie », de la manière suivante : Le bromure de potassium n'est nullement un anti-épileptique souverain, bien que ses effets dans cette maladie soient plus avantageux que ceux de tout autre médicament. Il a guéri dans une petite série de cas ; dans une autre, le mal lui a opposé une résistance complète; dans une autre enfin, et c'est la plus nombreuse, il a donné lieu à une amélioration plus ou moins accentuée.
Plusieurs observateurs refusent à KBr des effets réellement curatifs sur l'épilepsie; on ne peut pourtant mettre en doute les assertions de plusieurs médecins très attentifs, qui affirment avoir obtenu des guérisons. Mais, d'un autre côté, il faut avouer qu'on s'est souvent trop empressé de déclarer que le mal était guéri, alors que trop peu de temps s'était écoulé depuis la disparition des accès. Ce qu'on peut dire de certain, et en cela tous les médecins sont d'accord, c'est que le bromure de potassium a pour effet de rendre les accès plus rares; sous son influence, des attaques, d'abord fréquentes, ne se reproduisent plus qu'à des intervalles de plusieurs mois. Ce résultat a déjà une bien grande valeur, surtout en présence de l'incertitude
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et de l'infidélité des autres moyens qui ont été employés contre l'épilepsie, et' ce seul fait assure à KBr une place toute particulière dans le traitement de cette affection.
Il arrive parfois que les accès disparaissent dès le début du traitement par. KBr ; il est vrai qu'ils ne tardent pas à revenir, si l'on interrompt l'usage du médicament. Un fait constaté par un grand nombre d'observateurs, c'est que le bromure de potassium exerce une influence très avantageuse sur les troublés intellectuels, chez les épileptiques ; et l'on a vu des malades, qui commençaient à tomber dans un état d'imbécillité, recouvrer assez rapidement leurs facultés intellectuelles normales sous l'influence de KBr.
Mais n'oublions pas que l'action du bromure de potassium, dans l'épilepsie, peut aussi être complètement nulle; il nous serait facile d'en citer de nombreux exemples tirés de notre pratique.
On croyait autrefois que le bromure de potassium exerçait surtout une action favorable sur les formes bien caractérisées de l'épilepsie. Il n'en est rien, croyons-nous : la cause, la durée de la maladie (jusqu'à une certaine limite pourtant), la fréquence, la forme, le nombre antérieur des accès, ne paraissent exercer aucune influence sur l'efficacité de KBr, pourvu, bien entendu, qu'on ait affaire à l'épilepsie vraie, et non à des accès épileptiformes symptomatiques.
Le mode d'administration de KBr dans l'épilepsie doit nous arrêter un moment. Il est deux points sur lesquels tous les observateurs sont d'accord ; c'est que ce remède doit être administré le plus longtemps possible, et à closes élevées. Chez les adultes, on commence par 2 grammes pro die et l'on s'élève à 6, à 10 grammes; on est revenu aujourd'hui des doses plus élevées, qu'on croyait autrefois utiles. Il va sans dire qu'on en suspendra l'administration lorsqu'apparaîtron t des troubles pathologiques dus à l'action de KBr (troubles digestifs, diarrhée, acné et furoncles, faiblesse musculaire générale, altération de l'activité cardiaque, apathie, hébétude intellectuelle). Parfois même ces accidents atteignent une telle intensité qu'il est indispensable de renoncer complètement au médicament. Il va sans dire aussi qu'on n'oubliera pas les prescriptions diététiques ordinaires (abstinence des spiritueux, du café, etc.).
Quelques observateurs, voyant le bromure de potassium seul ne pas produire des résultats assez satifaisants, lui ont adjoint d'autres substances, telles que l'oxyde de zinc, la ciguë, etc. Nous avons essayé de lui associer le chanvre indien, sans obtenir de cette association aucun avantage particulier.
Le bromure de potassium a encore été recommandé dans le traitement d'un grand nombre d'affections nerveuses, notamment des névroses. Il a paru n'être pas sans efficacité contre les accès éclampliques des petits enfants, bien qu'ici on puisse objecter que ces accès auraient pu tout aussi bien disparaître sans l'intervention de KBr. Ses effets dans le traitement de la chorée n'ont pas encore été constatés d'une manière assez précise pour qu'il soit permis de formuler un jugement. — On prescrit 'souvent le bromure de potassium dans le but de combattre certains symptômes de l'hystérie (insomnie, hyperesthésies et névralgies, convulsions hystéroépileptiques). Nous n'hésitons pas à soutenir que le traitement de l'hystérie
BROMURE DE POTASSIUM. - Usages thérapeutiques 257
■en général, ou de quelques-uns de ses symptômes'les plus accentués, doit être essentiellement diététique et psychique, et qu'il faut éviter, autant que possible, de prescrire des médicaments dans cette maladie. A ce point de vue nous considérons donc le bromure de potassium comme superflu et même, eu égard au principe du traitement, comme nuisible; on ne peut cependant' pas nier qu'il ne puisse calmer d'une manière passagère les sj'mptômes cidessus mentionnés. — Dans le tétanos, le bromure de potassium peut agir, dit-on, favorablement ; nous n'avons jamais pu jusqu'ici nous convaincre de son efficacité ; cependant il sera bon, le cas échéant, de l'essayer, à hautes doses, contre cette triste maladie. Mais il sera difficile de réunir un nombre suffisant d'observations bien convaincantes, parce que l'on aurait de la peine aujourd'hui à se résoudre à traiter le tétanos par le bromure de potassium seul, sans le chloral ou le curare.
Le bromure de potassium a encore été prescrit avec avantage, et parfois même avec un succès complet, pour combattre cet état d'exagération de l'impressionnabilitè, de convulsibilitè, de nervosime et d'insomnie, qui se développe chez les personnes anémiques et affaiblies, quelquefois aussi à la suite d'affections ou de traumatismes douloureux ; mais c'est surtout quand cet état a succédé à des souffrances morales et à des excitations psychiques, que le bromure de potassium produit de bons effets ; il donne lieu à un certain repos d'esprit, à un' sommeil réparateur et bienfaisant. Est-ce un hypnotique direct, comme la morphine ou le chloral? Les opinions sont là-dessus partagées ; nos observations ne nous permettent pas de lui reconnaître sûrement cette propriété. Mais nous devons mettre en garde contre l'habitude assez répandue actuellement d'administrer sans choix le bromure de potassium partout où se présente l'apparence d'un symptôme nerveux. — Dans les psychoses, on le prescrit comme lrypnotique, et on le voit parfois amener le sommeil dans des cas où le chloral et la morphine s'étaient montrés impuissants. — Dans le delirium tremens, il faut lui préférer le chloral.
KBr a été recommandé dans un grand nombre d'autres affections, dans lesquelles son efficacité n'est établie que sur des données encore trop vagues. Aussi n'en parlerons-nous pas. Le bromure de potassium était autrefois employé dans le but de produire l'anesthésie du voile du palais ; du pharynx et du larynx, son emploi est actuellement remplacé par celui de la cocaïne. — Friedreich a trouvé ce médicament très utile dans le traitement de l'hyperhémésie des femmes enceintes. — Divers observateurs ont préconisé les inhalations de solutions de KBr, à 2-5 pour 100, contre les accès de toux de la coqueluche; son emploi à l'intérieur, au contraire, ne présente aucune utilité. — Joffroy le recommande contre le spasme de la glotte, survenant parfois chez les enfants trachéotomisés, quand on veut .retirerla canule après l'opération; on évite cet accident en faisant prendre, .pendant quelques jours, du bromure de potassium à l'enfant (2 grammes par jour à un enfant de 4 ans).
DOSES. — Le bromure de potassium, pour produire des effets suffisants, doit être administré à doses élevées : 1-2 pro dosi, trois fois par jour, jusqu'à 5 pro dosi, de sorte qu'on arrive à 15 grammes par jour; en solution ou en pouNOTIINAOKL et ROSSBACH, Thérapeutique. *7
258 BROMURE DE SODIUM. — Effets thérapeutiques
dre * ; chez les enfants, 0,1-0,5. Le mieux est de l'administrer pendant ou après le repas; on modère ainsi son action locale sur l'estomac et l'on favorise en même temps la production des effets généraux désirés; on peut aussi, dans l'intervalle deg doses, faire prendre du lait au malade. Solutions pour badigeonnages pharyn■ giens : 1 Kbr sur 1 eau, ou 1 sur 2.
3. Bromure de sodium Le bromure de sodium a un goût beaucoup moins désagréable que le bromure de potassium; il est déliquescent, soluble dans 1,8 d'eau et 5 d'alcool. Chauffé au chas du fil de platine, il donne une flamme jaune, qui, regardée à travers un verre bleu, ne doit pas paraître rouge carmin.
Effets thérapeutiques. — Les observateurs qui ne voient, dans les effets dubromure de potassium, queceux qui appartiennent à l'élément potassium, considèrent le bromure de sodium comme n'ayant pas plus d'action que le chlorure de sodium. Mais il n'en est pas ainsi. Plusieurs médecins avaient déjà vu NaBr produire des phénomènes toxiques semblables à ceux de KBr (éruptions cutanées, dépression du sensorium, difficulté de la parole) ; ils l'avaient vu exercer sur l'épilepsie la même action avantageuse que KBr. Des expériences comparatives sur les effets de KG et de NaBr, chez les épileptiques ont fait voir l'efficacité de NaBr et l'inefficacité de KG ; ces .mêmes expériences sur l'homme sain ont démontré aussi que NaBr donnait lieu à des phénomènes cérébraux (fatigue, affaiblissement), et faisait disparaître l'excitabilité réflexe, tout comme le bromure de potassium (Krosz). Du reste NaBr contient plus de brome (80 p. 100) que KBr (68 p. 100). . Nous-même (Rossbach) avons pu constater, dans plusieurs circonstances, que le bromure de sodium supprimait, aussi bien que KBr, l'excitabilité réflexe de la muqueuse du pharynx et du larynx ; ce qui nous permettait d'y avoir recours avec le même avantage dans les cas où il s'agissait de faire une opération sur ces parties. Nous avons vu aussi, sous l'influence du bromure de sodium, l'état des épileptiques s'améliorer notablement. Dans plusieurs cas, l'usage prolongé de KBr déterminait un affaiblissement du coeur tel, que nous étions obligé de suspendre le médicament; nous avions recours alors, avec le même avantage, au bromure de sodium; nous avons même aujourd'hui l'habitude de prescrire, dès le début, NaBr au lieu de KBr, et nous en obtenons des résultats aussi avantageux. Actuellement beaucoup de médecins prescrivent le bromure de sodium de préférence au bromure de potassium. Chez les enfants, cette préférence est très justifiée.
Les dosés et le mode d'administration sont les mêmes que pour le bromure de potassium. A cause de sa déliquescence, il vaut mieux le prescrire ; en solution. ■
Bromure d'ammonium. — Action, emploi et doses, les mêmes que pour . les précédents. Les préparations suivantes peuvent être considérées comme superflues : Bromure de zinc, recommandé par Hammond, 0,1-0,4 pro dosi, contre l'hystérie. Bromhydrale de quinine, facilement soluble dans
| [On n'a pus l'habitude, en France, d'atteindre à ces doses excessives de KBr; il est rare qu on dépasse 10 grammes pro die, et Gubler conseille même de ne pas aller au delà de 5 à fa grammes par jour. En tout cas, si l'on voulait imiter la pratique allemande, on ne devrait le ■' faire qu avec circonspection et en surveillant soigneusement l'état du malade.l
BROMURE. — Camphre monobromé 259
l'eau, dans la glycérine ; il a été recommandé, aux doses de 0,1 jusqu'à cinq fois par jour, contre les vomissements incoercibles des hystériques ou des femmes enceintes, dans diverses névroses de l'estomac. Camphre monobromé, C10H15BrO, c'est-à-dire camphre dans lequel un atome d'hydrogène a été remplacé par un atome de brome; il représente une masse cristalline blanche, facilement soluble dans l'alcool et l'éther, difficilement soluble dans l'eau; d'après Bourneville et Lawson, il jouit de la propriété défaire baisser l'activité cardiaque, la respiration et la température chez les animaux et chez l'homme, et de provoquer des spasmes cloniques des pieds, une dilatation maxima de la pupille pendant les spasmes, des hallucinations, du coma, et, . à la suite d'un usage prolongé, un amaigrissement général. Il a été recommandé, de même que le bromure de potassium, comme hynoptique et contre toutes les névroses et névralgies possibles ; Berger ne l'a vu agir efficacement que dans les palpitations nerveuses du coeur et dans les états d'excitation des organes gènito-urinaires ; M. Rosenthal a constaté son utilité dans ces mêmes cas, ainsi que chez les hystériques et dans les céphalalgies nerveuses. Le bromure de camphre ne s'est pas jusqu'ici beaucoup répandu dans la pratique. On le prescrit aux doses de 0,1-0,5 pro dosi, jusqu'à 4,0 pro die, en poudre ou en capsules gélatineuses ; mais on doit en interrompre l'administration, quand la température commence à baisser au-dessous de la normale.
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260 IODE ET SES COMPOSÉS. - Action sur les tissus
II. Iode et ses composés
1. Iode
L'iode, de même que le brome, se trouve dans l'eau de mer, dans les plantes marines et les sources salines, à l'état de combinaison métallique, et presque toujours à côté du chlore. ,
Il représente de gros cristaux mous, rhomboïdaux, d'un gris noirâtre, d un éclat métallique. Ses vapeurs, qui se développent même à la température ordinaire, sont d'un violet intense, et deviennent d'un bleu très prononcé sous l'influence d'une température élevée. Il est peu soluble dans l'eau; il se dissout, plus facilement dans l'alcool, très facilement dans l'éther (solution à coloration brune), dans le chloroforme et le sulfure de carbone (solution à coloration rosée). Les solutions aqueuses d'iodure de potassium et d'iodure de sodium peuvent aussi en dissoudre de grandes quantités (solutions de Lugol).
Les propriétés chi